Un modèle sociocognitif des trajectoires d'adaptation à la rupture amoureuse chez les jeunes avec et sans trouble mental grave

Abstract

Certains jeunes font face plus facilement à une rupture amoureuse que d'autres. Plusieurs études ont tenté de comprendre l'adaptation à la rupture à l'aide de modèles explicatifs. Néanmoins, ces modèles ne considèrent pas les prédispositions individuelles ou ne se concentrent que sur des aspects interpersonnels. Le modèle diathèse-stress suggère que certains jeunes sont plus vulnérables aux évènements de vie stressants. Selon ce modèle, certaines prédispositions environnementales, en interaction avec des facteurs de risque et de protection peuvent influencer l'adaptation à la rupture. Parmi les potentielles prédispositions, on retrouve la maltraitance durant l'enfance (abus physiques, sexuels, psychologiques et/ou autres traumatismes infantiles). Parmi les facteurs de protection (mécanismes explicatifs), on retrouve la cognition sociale, c'est-à-dire les processus cognitifs qui permettent de naviguer dans le monde social, tels que le style d'attribution causale, la mentalisation et la régulation émotionnelle. La résilience, soit les aptitudes à négocier ses ressources pour faire face à un évènement stressant, est également un facteur de protection. Les travaux s'entendent sur l'influence de ces variables sur l'adaptation à un évènement de vie stressant. La présente thèse cherche à mieux comprendre l'adaptation à la rupture chez de jeunes adultes de la population générale et chez des jeunes plus vulnérables aux évènements de vie stressants, soit ceux ayant un trouble mental grave (dépression majeure, troubles bipolaires et psychotiques). Le premier article scientifique propose une étude prospective visant d'abord à tester un modèle sociocognitif (médiation séquentielle) où la cognition sociale (style d'attribution causale, mentalisation, régulation émotionnelle) et la résilience agissent comme variables médiatrices dans la relation entre la maltraitance durant l'enfance et l'adaptation à la rupture (détresse, symptômes psychologiques), et ensuite, à examiner si ces mêmes variables sont liées aux trajectoires d'adaptation sur six mois (modélisations linéaires mixtes). L'échantillon est de 177 adultes, âgés de 18 à 25 ans, ayant vécu une rupture durant la collecte de données. Le deuxième article scientifique propose une étude mixte rétrospective ayant pour but de mieux comprendre qualitativement (méthode phénoménologique) l'expérience de la rupture chez de jeunes adultes ayant un trouble mental grave, tout en documentant quantitativement (fréquences et scores moyens) la cognition sociale, la maltraitance, l'attachement et la résilience, tout en les comparant aux travaux réalisés auprès des jeunes sans trouble mental grave. L'échantillon est composé de sept adultes, âgés de 21 à 25 ans, ayant vécu une rupture significative. Puisque qu'aucune étude n'existe sur le sujet, le volet qualitatif vise à mettre en lumière des thèmes qui, avec le volet quantitatif, est complémentaire et permettront de guider de futures études. Les résultats du premier article permettent de montrer : 1) le rôle médiateur de la régulation émotionnelle dans la relation entre la maltraitance et les symptômes psychologiques; 2) le rôle de la maltraitance, du style d'attribution causale stable, de la mentalisation et de la régulation émotionnelle sur les trajectoires sur six mois de symptômes psychologiques. Le deuxième article permet de : 1) faire émerger quatre principaux thèmes du discours des sept jeunes, soit : les difficultés psychologiques, les causes des difficultés post-rupture, la résilience et stratégies positives d'adaptation, et les stratégies négatives d'adaptation; 2) révéler que les jeunes adultes de notre échantillon présentent des vulnérabilités concernant la régulation émotionnelle, le style d'attribution causale, l'attachement et la maltraitance durant l'enfance. La thèse contribue à améliorer la compréhension des prédispositions et facteurs de protection en lien avec l'adaptation à la rupture chez les jeunes adultes. Elle contribue aussi à briser le tabou en recherche sur les relations amoureuses chez les personnes ayant un trouble mental grave en leur donnant une voix et offre des fondements pour de futures études auprès de cette population.

Some young people deal more easily with a romantic breakup than others. Several studies have attempted to understand romantic breakup adjustment using explanatory models. Nevertheless, these models do not consider individual predispositions or focus only on relational aspects. The diathesis-stress model suggests that some young people are more vulnerable than others to stressful life events. According to this model, certain environmental predispositions, in interaction with risks and protective factors, can influence romantic breakup adjustment. Among potential predispositions, we find childhood maltreatment (physical, sexual, psychological abuse and/or other childhood trauma). Among protective factors (explanatory mechanisms), we propose social cognition, that is, the cognitive processes that allow navigation in the social world, such as causal attribution style, mentalization and emotional regulation. As well, resilience, or the ability to negotiate one's resources to deal with a stressful event, is also a protective factor. Studies agree on the fact that these variables can influence adjustment to a stressful life event. This thesis seeks to better understand romantic breakup adjustment in young adults from the general population and in young adults more vulnerable to stressful life events, namely those living with a severe mental disorder (major depression, bipolar and psychotic disorders). The first scientific article proposes a prospective study aiming first to test a sociocognitive model (sequential mediation) in which social cognition (causal attribution style, mentalization, emotional regulation) and resilience act as mediating variables in the relationship between childhood maltreatment and romantic breakup adjustment (distress, psychological symptoms), and to further examine whether these same variables are related to romantic breakup adjustment trajectories over six months (linear mixed modeling). The sample consists of 177 adults, aged between 18 and 25, who experienced a breakup during the data collection. The second scientific article proposes a mixed retrospective study aiming at better qualitatively understanding the experience of romantic breakup in young adults with a severe mental disorder, while quantitatively documenting social cognition, childhood maltreatment, attachment and resilience and comparing them to the scientific literature on young adults without severe mental disorders. The sample included seven young adults, aged between 21 and 25, who had experienced a significant romantic breakup. Since no prior study existed on the topic, the qualitative and quantitative components will guide future studies. The results of the first article show: 1) the mediating role of emotional regulation in the relationship between maltreatment and psychological symptoms; 2) the role of maltreatment, stable causal attribution style, mentalizing, and emotional regulation on six-month trajectories of psychological symptoms. The second article made it possible to: 1) bring out four main themes from the seven youth's discourse, namely psychological difficulties, the causes of post-breakup difficulties, resilience and positive coping strategies, and negative coping strategies; 2) reveal that the young adults in our sample exhibited vulnerabilities regarding emotional regulation, causal attribution style, attachment, and childhood maltreatment. The thesis contributes to improving the understanding of predispositions and protective factors related to romantic breakup adjustment in young adults. It also contributes to breaking the taboo in research on romantic relationships among people with a severe mental disorder by giving them a voice and provides the foundations for future studies with this population.