Abstract(s)
Les médiévistes savent bien qu'avec la Dame des troubadours, librement redessinée par les premiers romanciers du Nord de la France, l'écriture médiévale a réinventé la femme en élaborant une figure de mots capable de rivaliser dans l'imaginaire érotique avec la place occupée ailleurs par Dieu lui-même. Pour autant, dans la perception commune, les pouvoirs prêtés à la femme médiévale pencheraient plutôt du côté du diable et de la magie noire, les «siècles obscurs» constituant aux yeux de plusieurs de nos contemporains, un temps béni (si l'on peut dire) pour les sorcières de tout acabit, si ce n'était qu'il fut quelque peu troublé par les flammes des bûchers. Si les historiens ont établi, depuis longtemps déjà, que la chasse aux sorcières touche bien moins le Moyen Âge que la Renaissance, la vision d'un Âge d'Or de la sorcellerie avant le XVe siècle persiste, alimentée il est vrai par l'apologie romantique de la sorcière médiévale, figure de liberté opposée au pouvoir grandissant de l'Église. Héraut de cette histoire romantique de la sorcière, Michelet a rendu célèbre l'expression d'un démonologue du XVIIe siècle qui affirmait pouvoir trouver: «pour un sorcier, dix mille sorcières» inscrivant dès lors la féminité au rang des conditions nécessaires, sinon essentielles, à la sorcellerie.