Le problème de la spécificité méthodologique de la phénoménologie critique : réflexions autour de l'esquisse d'une phénoménologie critique de la normativité perceptuelle
Thesis or Dissertation
Abstract(s)
Ce mémoire traite du problème de la spécificité méthodologique de la phénoménologie critique. Cette dernière, depuis que Guenther en a forgé l’expression, a connu une effervescence remarquable qui est marquée par l’unité de sa visée : extirper la phénoménologie de sa posture contemplative pour en faire un instrument de critique sociale. Or en dépit du caractère distinctif de ce but, déterminer précisément ce qui distingue la phénoménologie critique de sa contrepartie classique demeure un problème d’envergure. En effet, la réponse d’abord formulée par Guenther, selon laquelle la phénoménologie critique procèderait à une subversion radicale de la méthode classique, s’est attirée plusieurs critiques. Contre une telle solution qui considère la méthode comme le critère fondamental de la distinction entre les approches phénoménologiques classique et critique, nous défendons dans le présent mémoire la thèse de l’unité méthodologique des deux approches par-delà leurs visées respectives. Plus précisément, nous reprenons à notre propre compte la position d’Oksala selon laquelle c’est le rejet de la réduction eidétique – soit la visée d’identification de structures universelles au sein de l’expérience consciente – qui constitue le critère fondamental de distinction de la phénoménologie critique vis-à-vis de l’approche classique. Cependant, contrairement à Oksala, nous soutenons que l’abandon d’une telle visée au sein de l’approche critique ne constitue pas une subversion de la méthode classique. Nous argumentons, d’une part, que la réduction eidétique demeure effectivement possible au sein de la phénoménologie classique et, d’autre part, que la poursuite d’une telle fin ne mine pas sa complémentarité avec la phénoménologie critique. Pour ce faire, nous déployons deux stratégies argumentatives. La première, plus succincte, consiste à répondre directement aux objections formulées par Oksala en ce qui a trait à l’insuffisance de la variation imaginative comme mode d’accomplissement de la réduction eidétique. La seconde, plus extensive, consiste à appliquer une analyse, en phénoménologie critique, d’un champ émergent de la phénoménologie contemporaine, soit la phénoménologie des normes perceptuelles. L’argument permet de démontrer qu’une analyse critique du rôle transcendantal des structures sociales relativement à l’expérience vécue des normes perceptuelles est parfaitement compatible avec l’identification de la forme eidétique de ces normes. This master’s thesis addresses the problem of the methodological specificity of critical phenomenology. Since Guenther coined the term, critical phenomenology has experienced a remarkable effervescence marked by the unity of its aim: to extricate phenomenology from its contemplative posture and turn it into an instrument of social critique. But despite the distinctiveness of this aim, determining precisely what distinguishes critical phenomenology from its classical counterpart remains a major problem. Indeed, the answer formulated by Guenther, according to which critical phenomenology proceeds to a radical subversion of classical method, has attracted several criticisms. Against such a solution, which regards method as the fundamental criterion for distinguishing between classical and critical phenomenological approaches, this thesis recognizes a methodological unity between the two approaches which supercedes their respective aims. Specifically, I adopt Oksala's position: it is the rejection of eidetic reduction - the aim of identifying universal structures within conscious experience - that constitutes the fundamental criterion for distinguishing critical phenomenology from the classical approach. However, unlike Oksala, I argue that the rejection of such an aim within the critical approach does not constitute a subversion of the classical method. On the one hand, eidetic reduction remains effectively possible within classical phenomenology. On the other hand, the pursuit of such a goal does not undermine its complementarity with critical phenomenology. To demonstrate this, I employ two argumentative strategies. First, I respond directly to Oksala's objections regarding the inadequacy of imaginative variation as a mode of accomplishing the eidetic reduction. Secondly, I apply a critical-phenomenological analysis to an emerging field of contemporary phenomenology, namely the phenomenology of perceptual norms. The aim of this approach is to show that a critical analysis of the transcendental role of social structures in shaping the lived experience of perceptual norms is perfectly compatible with the identification of the eidetic form of these norms.
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