Le proxénétisme et la police : trajectoires, efficacité et logiques de décision policières
Thesis or Dissertation
Abstract(s)
La présente thèse vise à analyser et à explorer la gestion du proxénétisme par les forces de l’ordre suivant les trajectoires criminelles et policières de personnes éventuellement enquêtées pour du proxénétisme, les logiques de décisions policières et l’efficacité des interventions policières dont ces proxénètes font l’objet. Elle étudie les interventions policières dont les proxénètes font l’objet par l’analyse quantitative de données policières d’une grande ville canadienne entre 2001 et 2014 (n=589) en trois analyses.
D’abord, l’approche typologique privilégiée consiste à partitionner les trajectoires des proxénètes enquêtés en différentes classes. Elle rend compte de la diversité des proxénètes contemporains, diversité perceptible dans les caractéristiques mises en lumière par la construction de trois groupes de trajectoires : les gestionnaires discrets, les polymorphes peu violents et les suractifs querelleurs. Nos résultats indiquent qu’une minorité de proxénètes se démarquent par leur polymorphisme criminel.
Ensuite, l’étude des logiques de décisions policières comprend l’examen de trois principaux registres : le premier s’opère dans une logique policière de résolution d’un crime où le policier priorise les crimes graves et ceux qui s’inscrivent dans une série, le deuxième découle d’un profilage basé sur l’apparence ethnique cumulée du sexe et de l’âge et le troisième registre
reprend un discours moralisateur en matière de prostitution. Les séries chronologiques indiquent qu’au fil des années le proxénétisme principalement coercitif gagne en importance par rapport au proxénétisme non coercitif. Les analyses de survie montrent que la fréquence de la criminalité n’influence pas les risques de surveillance proactive, mais que le score moyen de gravité influence les probabilités d’être visé par un contrôle d’identité pour un mois donné. Ce résultat est logique : la gravité d’un crime joue plus sur la surveillance que sa fréquence. Ces résultats cumulés à l’effet important de trois caractéristiques sociodémographiques nous conduisent à rejeter l’hypothèse selon laquelle les policiers sévissent uniformément sans tenir compte du fait que les proxénètes sont criminalisés à des degrés très divers. Or, même si les décisions policières ciblant les proxénètes obéissent à une logique pragmatique qui les conduit à contrôler plus souvent les suspects ayant des antécédents les plus graves, il n’en reste pas moins que, à criminalité comparable, la distribution des interventions policières s’apparente à des pratiques qui ne sont pas limitées à des considérations pragmatiques.
Enfin, en ce qui a trait à l’efficacité des interventions policières à dissuader la récidive des proxénètes enquêtés, d’autres analyses de survie indiquent qu’une criminalité fréquente précipite la récidive, peu importe le type de proxénétisme. De plus, la surveillance policière n'a pas d’effet sur les probabilités de récidive. Les proxénètes enquêtés semblent insensibles à ces mesures, donc si l’arrestation est dissuasive, elle ne l’est pas suffisamment pour montrer un effet sur la trajectoire. De plus, l’influence de la gravité moyenne sur les risques de récidive porte à croire à la présence d’un délai de l’effet de dissuasion où les proxénètes en viennent à commettre plusieurs délits, donc leur trajectoire accumule les interventions policières, par exemple pour des crimes contre la personne ou encore pour des bris de conditions.
Sans prostitution, il n’y a pas de proxénétisme. C’est pourquoi afin de comprendre la place du proxénétisme dans l'industrie de la prostitution, il est essentiel de tenir compte des deux principales approches d’études de la prostitution : d'une part la perspective réglementariste, qui cadre la prostitution comme un travail non reconnu, d'autre part la position abolitionniste,
qui suggère que la prostitution est une forme de violence faite aux femmes dans le cadre d'une situation à laquelle elles n'ont jamais consenti. Bien que les deux postures puissent être défendues, la présente thèse offre un point de vue nuancé où des questions relatives à la criminalité des proxénètes et à l’influence du discours dominant sur les pratiques policières
et à leur efficacité sont soulevées.
La thèse conclut par une discussion sur l’allocation de ressources policières spécialisées dans la lutte au proxénétisme, à la traite de personne et à l’exploitation sexuelle et sur leur apport pour réunir des conditions de prostitution plus sécuritaires. The present thesis aims to analyze and explore the management of procuring by the police according to the criminal and police trajectories of people eventually investigated for procuring crimes, the logics of police decisions and the effectiveness of police interventions aiming these people. The thesis analyzes police interventions of which pimps are the object during their trajectory by the quantitative analysis of police data reconstituting the criminal and police trajectories of people eventually targeted in a pimping investigation of a large Canadian city between 2001 and 2014 (n=589).
First, the preferred typological approach consists in dividing trajectories into different classes. It accounts for the diversity of contemporary pimps, a perceptible diversity in the characteristics brought to light by the construction of three groups of trajectories: discrete managers, low-violent polymorphs and quarrelsome overactives. Our results indicate that a minority of pimps stand out for their criminal polymorphism. Second, the study of the logics of police decisions includes the examination of three main registers: the first takes place in a police logic of resolution of a crime where the police officer prioritizes the serious crimes and those which are part of a series, the second arises from profiling based on the cumulative of ethnic appearance, sex and age and the third register takes up a moralizing discourse on prostitution. Time series indicate that, over the years, coercive pimping has gained in importance in investigations over non-coercive pimping. However, survival analyzes show the frequency of crime does not influence the risks of proactive surveillance, but that the average severity score does influence the odds of being targeted for an identity check in a given month. This result is logical: the seriousness of a crime affects surveillance more than its frequency. These results, combined with the important
effect of the three socio-demographic characteristics leads us to reject the hypothesis according to which the police force uniformly target their suspects without considering the fact that alleged pimps are criminalized to varying degrees. However, even if police decisions targeting pimps obey a pragmatic logic which leads them to more often check suspects with
the most serious criminal records, the fact remains that, for comparable criminality, the distribution of police interventions regarding street checks are not limited to pragmatic considerations.
Third, with regard to the effectiveness of police interventions in deterring the recidivism of alleged pimps, survival analyzes indicate that frequent crime precipitates recidivism, regardless of the type of pimping. In addition, police surveillance has no effect on the likelihood of recidivism. The pimps investigated seem unresponsive to these measures, so while the arrest might be a deterrent, it is not enough to show an effect on the trajectory. In addition, the influence of average severity on the risk of recidivism suggests the presence of a delay in the deterrent effect where pimps come to commit several offenses, so their trajectory accumulates police interventions, for example for violent crimes or for breach of conditions.
Without prostitution, there is no third parties or pimps. This is why in order to understand the place of pimps and third parties in the sex industry, it is essential to address the two main approaches and their vision of prostitution: one perspective frames prostitution as a unrecognized work, and the other one suggests that prostitution is a form of violence against
women in a situation to which they have never consented. Although both positions can be defended, this thesis offers a nuanced point of view where questions relating to the criminality of pimps and the influence of the dominant discourse on police practices and their effectiveness are raised.
The thesis concludes with a discussion on the allocation of police resources specializing in the fight against human trafficking and sexual exploitation and their contribution to bringing together safer prostitution conditions.
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