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L’esthétique de l’engagement écologique : l’impensé des politiques environnementales
Thesis or Dissertation
Abstract(s)
Depuis près de 40 ans, les designers n’échappent pas à la tournure politique de la crise écologique et aux outils normatifs qu’elle engendre pour concevoir notre rapport au monde. Dans ce champ professionnel, le concept de durabilité a été appliqué particulièrement au choix des matériaux et les normes qui en ont découlé ont tendu à consolider les propriétés esthétiques promulguées par le Mouvement moderne. Cette esthétique endémique, fortement uniformisante, anthropocentrée et anhistorique est à l’encontre du programme de changement promis par les politiques environnementales qui enjoint l’engagement citoyen, la construction du commun entre les individus, et aussi avec les autres, les non-humains. Les critiques exprimées contre le Mouvement moderne et l’environnementalisme ont pourtant montré que l’engagement écologique peut prendre forme dans une autre esthétique, une esthétique qui, en outre, défait la distinction entre nature et culture et conserve aux personnes une capacité d’agir nécessaire à la durabilité du monde.
En posant un regard anthropologique sur l’esthétique, dans une perspective pragmatique et réaliste, cette thèse avance que l’engagement envers la cause écologique dépend de cette esthétique particulière. L’hypothèse est que l’engagement écologique est étroitement lié à la possibilité d’une esthétique de l’usure — capacité de la matérialité à se transformer, à porter l’usage et le temps. Afin de vérifier cette hypothèse, diverses formes d’engagement écologique ont été identifiées, et leurs propriétés esthétiques visuelles documentées. Une enquête photoethnographique a été réalisée entre 2014 et 2016 auprès de six individus, deux couples et quatre communautés engagés envers la cause écologique dans des milieux de vie urbanisés. Les terrains d’enquêtes comptent un squat activiste autogéré à Istanbul, un centre culturel et social habité autogéré à Berlin, un quartier autogéré à Copenhague, une habitation communautaire, des simplistes volontaires à Montréal et une autoethnographie performative effectuée à la lumière des pratiques observées sur le terrain. Une documentation photographique contextualisée par le biais d’un carnet de terrain a permis de décrire les propriétés esthétiques des lieux habités et des gestes posés au nom du souci écologique.
Les résultats montrent que l’esthétique de l’usure est une qualité transversale de ces milieux de vie. Elle s’atteste dans la matérialité artificielle et naturelle, mais aussi gestuelle. Les résultats révèlent aussi douze autres propriétés esthétiques déterminantes de l’engagement écologique. Cette recherche permet de poser un regard critique sur les pratiques des designers adoptées au nom de la durabilité. Elle contribue à une compréhension plus riche des propriétés esthétiques oppressives, liberticides, écologiques et engageantes. L’une des particularités du design est sa capacité à agir sur l’esthétique du quotidien. Ces connaissances permettent aux designers et autres producteurs de l’environnement artificiel de considérer l’esthétique comme un levier d’action pour l’engagement et la transition écologique. Particulièrement, elles démontrent que l’esthétique est un élément clé des transformations sociales et culturelles, mais sa dimension anthropologique reste à explorer, à expérimenter et à légitimer. Enfin, ce travail aspire à éclairer, sur un plan théorique, le rapport entre l’esthétique et l’engagement, puis à sonder la possibilité d’une (contre)politique de l’artificiel pour améliorer les modes de production de demain. In the last forty years, designers have not been immune to the political turn of the ecological crisis and the normative tools that it generated to design our relationship to the world. In this professional field, the sustainability has been applied particularly to the choice of materials and the standards created have tended to consolidate the aesthetic properties of the Modern Movement. This endemic aesthetic, highly standardizing, anthropocentric and ahistorical is opposite to the change promised by environmental policies which require citizen commitment, building a community between human beings, and also with others, non-humans. Criticisms against the Modern Movement and environmentalism showed that the ecological commitment can take shape in another aesthetic, an aesthetic which also defeats the distinction between nature and culture and preserves the agency of people for sustainability.
Looking at aesthetic through an anthropological approach, from a pragmatist and realistic perspective, this thesis argues that the ecological commitment depends on this particular aesthetic. The hypothesis is that the ecological commitment is closely linked to aesthetics of wear - the ability of materiality (bodies and things) to transform, to show mark of uses and time. To verify this hypothesis, various forms of ecological commitment have been identified, and their visual aesthetic properties documented. A photo ethnographic survey was conducted between 2014-2016 with six individuals, two couples and four ecological communities, all settled in urban areas. The fieldwork includes a self-managed activist squat in Istanbul, a self-managed cultural and social center in Berlin, a self-managed neighborhood in Copenhagen, a communitarian house in Montreal, persons following the principles of simple living in Montreal and a self-ethnography performed in the light of ecological practices observed in these fieldworks. A photographic data collection contextualized through a field notebook allows to describe the aesthetic properties of those ecological places and the actions undertaken.
The results show that the aesthetics of wear is a transversal quality of these environments. It was identified in artificial and natural materiality, but also in gestures. The analysis also reveals twelve other aesthetic properties crucial to ecological commitment. This research allows us to take a critical look at sustainable practices. It contributes to a richer understanding of oppressive and engaging aesthetic properties. Designers shapes the everyday aesthetics. The knowledge produced allows designers and the other producers of the artificial environment to consider aesthetics as a lever of action for commitment and ecological transition. In particular, it demonstrates that aesthetics is a key element of social and cultural transformations, but its anthropological dimension remains to be explored, tested and legitimized. Finally, this work aspires to contribute, on a theoretical level, to the relationship between aesthetics and commitment, and explore the possibility of a policy (or not) for artificial to improve our future production patterns.
Related research dataset(s)
https://doi.org/10.5683/SP2/IS0SWHCollections
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