Résumé·s
La conception de la vérité développée par Habermas en 1972 reposait sur une procédure de justification qui ne laisse place à aucune confrontation directe avec la chose (adaequatio). K.-O. Apel s’est très tôt opposé à cette approche étroitement épistémique de la vérité en faisant valoir la dimension de « correspondance » qui est essentielle à ce concept. Le différend entre les deux auteurs ressort du reste clairement de leur interprétation respective de la théorie de l’évidence de Husserl. Dans son ouvrage Vérité et justification paru en1999, Habermas présente une version modifiée de sa théorie de la vérité. Il reconnaît désormais que la vérité implique une composante réaliste, du moins dans le contexte pragmatique du monde vécu. Nous examinons ici le rôle joué par Rorty dans cette évolution de la pensée de Habermas vers une théorie pragmatiste de la vérité.
The conception of truth advocated by Habermas in 1972 involved a procedure of justification that did not leave any room for a direct confrontation with the thing (adaequatio). K.-O. Apel immediately criticized this narrow epistemic conception of truth, pointing out the “correspondence” that is an essential part of the idea of truth. The clash between the two authors on this matter comes to the fore in their respective interpretation of Husserl’s theory of evidence. In his book Truth and Justification published in 1999, Habermas introduces a modified version of his theory. He is from now on ready to acknowledge the fact that truth implies a certain form of realism, at least in the pragmatic context of the lifeworld. It is important to examine the role played by Rorty in this evolution of Habermas’s thought toward a pragmatist conception of truth.