Dialectique de l'intimité dans l'espace carcéral : l'expérience des personnes incarcérées
Thesis or Dissertation
2018-08 (degree granted: 2019-05-08)
Author(s)
Advisor(s)
Level
DoctoralDiscipline
CriminologieKeywords
- prison
- intimité
- expérience carcérale
- tactique
- intrusion
- capacité d'action
- géographie carcérale
- méthodologie qualitative
- phénoménologie
- privacy
- carceral experience
- tactics
- agency
- carceral geography
- qualitative methodology
- phenomenology
- Sociology - Criminology and Penology / Sociologie - Criminologie et établissements pénitentiaires (UMI : 0627)
Abstract(s)
Au sein d’un milieu carcéral se caractérisant par une vie en communauté permanente et faisant face à la surpopulation carcérale et à la double occupation cellulaire, l’intimité des personnes incarcérées s’avère être une problématique importante, mais trop souvent négligée. Par conséquent, cette étude a pour objectif de combler une lacune de la littérature en proposant de comprendre comment l’intimité est vécue dans un environnement qui lui semble à priori hostile. Pour se faire, notre recherche s’émancipe d’une lecture réductrice de ce phénomène complexe, qui a tendance, dans la plupart des travaux empiriques sur le milieu carcéral, à être exploré sous l’angle de la sexualité ou étudié comme une problématique parmi d’autres.
S’inscrivant dans une approche interdisciplinaire, cette étude s’inspire de la sociologie de l’expérience de Dubet et puise dans la richesse conceptuelle de de Certeau pour proposer une nouvelle compréhension de l’intimité des personnes incarcérées, qui les replace dans une position active. Cette recherche s’appuie sur une méthodologie qualitative, qui a mené à la construction d’un corpus de 44 entrevues semi-dirigées, réalisées auprès de détenus, hommes et femmes, incarcérés dans cinq prisons provinciales du Québec. L’analyse phénoménologique employée a permis d’accéder au sens que les détenus donnent à leur propre intimité et par conséquent de comprendre leur vécu, en se plaçant de leur point de vue.
Nos résultats révèlent la complexité de l’intimité, particulièrement lorsqu’elle est vécue dans un contexte carcéral. Tout d’abord, cette étude revient sur la perception qu’ont les détenus de leur intimité et souligne les multiples dimensions et acceptions de ce phénomène. Ensuite, elle dévoile en trois temps, à partir d’une approche spatiale du milieu carcéral, l’environnement dans lequel les détenus tentent de reconstruire des moments intimes. Dans un premier temps, elle explore les espaces collectifs du secteur de détention et y interroge la possibilité d’y retrouver une intimité, malgré la vie en communauté qu’ils imposent. Dans un second temps, elle s’intéresse à un espace en particulier de la détention : la cellule. Souvent considérée comme le lieu par excellence de l’intime en prison, notre étude questionne sa qualité de refuge, alors que les intrusions y sont constantes. Dans un troisième temps, elle propose de s’émanciper des murs de la prison afin de s’intéresser à une intimité qui les dépasse parfois, que ce soit dans les relations avec les proches ou lorsque les détenus sont amenés à sortir de l’enceinte carcérale.
À travers ces développements, nos analyses mettent en lumière la capacité d’action et les marges de manœuvre que déploient les détenus pour (re) construire leur intimité, par la négociation quotidienne de l’espace carcéral et des objets qui le composent. Cependant, elles révèlent également les entraves incessantes à l’intimité, qui se retrouve au cœur d’un jeu constant entre intrusions et tactiques, qui se répondent les unes aux autres.
En dévoilant cette dialectique au centre de laquelle les personnes incarcérées tentent de préserver leur bulle intime, cette thèse envisage la prison comme un environnement flexible, mais qui reste avant tout contraignant. De plus, elle nuance la portée des tactiques mises en œuvre, qui, tout en témoignant de la capacité d’action des détenus, permettent de renforcer l’institution sur certains de ces aspects. Cette approche nous permet, en définitive, d’apporter une réflexion sur l’intimité des personnes incarcérées, sur leur expérience, sur la prison contemporaine ainsi que de proposer une réflexion sur la notion de « carcéral ». In Canada, where prisons are characterized by permanent community life and confronted with overcrowding and double-bunking, prisoner privacy has become a central problem, but is often overlooked. Therefore, this study aims to contribute to widening the scope of the prison literature by examining how privacy is experienced in an environment which is a priori hostile to it. To do so, our study moves away from a reductive view of this complex phenomenon which has a tendency, in most empirical work about prison, to be explored through the angle of sexuality, or studied as an issue among others.
Embedded within a cross-disciplinary approach, this study draws from Dubet’s sociology of experience and de Certeau’s rich conceptualization, to offer a new understanding of what privacy means to prisoners by giving them back an active role. Rooted within a qualitative methodology, this study comprises 44 semi-directive interviews with male and female prisoners incarcerated in five provincial prisons in Québec. The use of a phenomenological analysis approach allowed us to access the meaning given by prisoners to their own privacy and, consequently, to understand their experience by adopting their point of view.
Our results reveal the complexity of privacy, particularly when experienced in a carceral environment. This study firstly assessed how prisoners perceived their privacy and underlines the multiple dimensions and meanings of this phenomenon. It then unveils in three steps, drawing from a spatial approach of prison, the environment in which prisoners try to recreate intimate moments. First, it explores the collective spaces of the detention ward and questions the possibility of privacy being recreated within them, despite the community life that is enforced. Second, it focuses on a space within prison: the cell. Often considered as the most private space in prison, our study questions its nature as a refuge, considering the constant intrusions that occur within this environment. Finally, our study aims to look beyond prison walls to focus on aspects of privacy that extends farther than the institution, through relationships with love ones or travelling outside of prison.
Through these developments, our analysis brings into light the agency and strategies that prisoners employ to (re)build their privacy, through daily negotiation of the carceral space and the objects embedded within this space. They also reveal constant obstacles to privacy, which becomes the stake of a permanent battle between intrusions and strategies, which balance each other out.
By unveiling the dialectic at the centre of which prisoners try to maintain their private space, this thesis presents prison as a flexible environment, which remains restrictive. Moreover, it circumscribes the scope of the tactics deployed, which, despite demonstrating the agency of prisoners, induce the strengthening of certain aspects of the institution. In conclusion, this approach enables us to reflect upon the privacy of prisoners, their experience, the contemporary prison, as well as the notion of “carceral.”
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