Permalink : https://doi.org/1866/20107
Le rire blanc face à l’humour noir dans la littérature de la Shoah : le rire traumatique chez Tillion, Wiesel et Gary
Thesis or Dissertation
Abstract(s)
Le rire associé à la tragédie est un sujet délicat, car il peut facilement basculer dans l’obscène ou le scandaleux. Cela est particulièrement vrai lorsque l’événement en question constitue ce qui est souvent considéré comme l’une des plus grandes catastrophes qu’ait connue l’humanité moderne : la Shoah. La violence inouïe des atrocités perpétrées n’a toutefois pas empêché certaines manifestations du rire dans la représentation du génocide juif. On retrouve notamment en littérature quelques exemples de manifestation d’un rire particulier, qualifié de « blanc » par Michel Tournier, qui accompagne la constatation lucide des illusions qui régissent un monde désormais perçu comme dérisoire. Mais à la vue du néant, celui qui rit de ce rire blanc s’oppose au désespoir et pose la première pierre d’un monde nouveau. Le but du présent travail est de relire trois textes issus de la littérature de la Shoah en les abordant sous l’angle de ce rire iconoclaste et profond, afin d’en évaluer les bienfaits, aussi bien pour les auteurs que pour les lecteurs. Nous retraçons ainsi des incarnations de ce rire blanc chez Germaine Tillion, Elie Wiesel et Romain Gary. Bien que les parcours de ces trois auteurs soient très différents, un même rire lucide et salvateur accompagne leur vision de la Shoah et constitue un vecteur important dans la conservation de la mémoire des victimes. Leurs textes deviennent ainsi des symboles de résilience et d’audace, et leur approche singulière favorise la réactualisation de plusieurs questionnements non résolus entourant la déroute humaine qui a rendu possible l’existence de l’univers concentrationnaire. Comedy too closely associated to tragedy is a sensitive subject matter, as it can
quickly veer towards the obscene or the scandalous. Nowhere is this more evident than with
events surrounding the Shoah, one of the worst calamity known to modern mankind. Despite
the monstrous atrocities of the slaughter, humour has somehow emerged in certain depictions
of the Holocaust. Literature, for instance, offers up examples of what Michel Tournier terms
“white laughter”, the sort of laughter arising from a clear-eyed awareness of the illusions
which rule the absurd world one will henceforth inhabit. In the face of nothingness, white
laughter rises up in protest against despair and thus begins laying the foundation for a new
world. This thesis aims to revisit three works from the literature of the Shoah in terms of their
representation of this deep, sacrilegious laughter in order to assess what good may have come
from it, for its authors as well as for its readers. In the writings of Germaine Tillion, Elie
Wiesel and Romain Gary, this type of gallows humour simultaneously allows a clear-eyed
look at the reality of the Shoah and, ultimately, proves to be one of its saving graces by
preserving the memory of its victims. These authors’ very divergent paths meet at the
crossroads of remembrance and their writings become symbols of resiliency and bravery, as
they facilitate a renewed consideration of the unresolved questions stemming from the human
moral collapse which enabled the very existence of the prison camps.