Note(s)

[1]  Les oeuvres romanesques de Giraudoux sont citées dans l'édition des Oeuvres romanesques complètes, Gallimard, «Bibl. de la Pléiade», 2 vol., 1990 et 1994. Toutes les références paginées entre parenthèses renvoient au tome I ou II de cette édition.

[2]  À ce sujet, voir la déclaration de Giraudoux dans l'entrevue qu'il donne à Frédéric Lefèvre, Une heure avec..., le 2 juin 1923, c'est-à-dire trois mois avant la parution de La Prière sur la tour Eiffel, chez Emile-Paul, à la fin de l'été 1923 : «Votre art poétique? -- Pas absolument; toutefois, un paragraphe précisera peut-être un peu ce que j'ai scrupule et peine à expliquer à l'impromptu», Cahiers Jean Giraudoux, 14, 1985, p.47.Voir aussi la notice de Michel Potet pour Juliette au pays des hommes (I, p. 1720).

[3]  «Prière sur la Tour Eiffel», chapitre 6 de Juliette au pays des hommes, in Oeuvres romanesques complètes, p.844-853. Ici, p. 853.

[4]  « La tentation du scepticisme et de la religion » (conférence faite à l'Université des Annales le 19 février 1936, publiée en volume chez Grasset, 1938), in Oeuvres littéraires diverses, Grasset, 1958, p.446. Toutes les oeuvres non publiées dans la Bibliothèque de la Pléiade sont citées dans cette édition.

[5]  Voir la notice de Jacques Body pour Siegfried et le Limousin, et les « Plans et versions primitives », Oeuvres romanesques complètes I, p. 1647

[6]  Simon s'adresse à un chat qui le suit le long des grilles du Luxembourg : «Chat, lui disais-je, je suis comme toi libre, comme toi sauvage!» dans Simon le Pathétique (I, p. 333).

[7]  Cette «Lettre de Suzanne» (Oeuvres romanesques complètes I, p. 1592) fut reprise et développée par Giraudoux sous le titre «Dieu et la littérature», dans Littérature, en 1941, p. 133-138 . Elle contient d'autres développements intéressants, notamment concernant l'idylle.

[8]  Oeuvres romanesques complètes I, p. 851.

[9]  Oeuvres romanesques complètes I, p.850.

[10]  Combat avec l'ange, in Oeuvres romanesques complètes, II, p.319-320.

[11]  La plus connue a été récemment rééditée : Agathon (Henri Massis et Alfred de Tarde), Les jeunes gens d'aujourd'hui (1913), présenté par Jean-Jacques Becker, Imprimerie nationale, 1995.

[12]  Voir le catalogue extrêmement éloquent à cet égard de l'exposition Paradis perdus, l'Europe symboliste, Musée des beaux-arts de Montréal - Flammarion, 1995, en particulier le chapitre VI «Vers un honne nouveau», dû à C. Naubert-Riser, p. 457 ss.

[13]  Théocrite, idylle XI.

[14]  Les cinq tentations de La Fontaine, Oeuvres littéraires diverses, op. cit., p. 326.

[15]  William Blake, qui voyait, lui aussi, ce qui liait l'homme au Cosmos et dont la conception messianique de la poésie n'est pas sans rappeler celle de Giraudoux, dut faire face lui aussi à l'incompréhension. On n'aime guère les grands inspirés, sauf quand on est certain qu'ils sont fous. Dans un même ordre d'idées, un journaliste du Monde des Livres (11 août 1995, p.15), Eric Fassin, soulignait à propos des Chroniques de San Francisco d'Armistead Maupin : « la perversité fait totalement défaut chez Maupin, les plus débauchés restent toujours fleur bleue, et la fièvre sexuelle est un avatar du romantisme. Mais n'est-ce pas justement cette innocence préservée qui scandalise, et l'oeuvre n'est-elle pas d'autant plus subversive qu'elle est moins perverse... » C'est cette même innocence narrative que nous trouvons difficile de pardonner à Giraudoux. Nous nous trouvons jaloux d'un secret auquel nous n'avons pas accès, secret qui nous paraît illusoire et improbable.

[16]  Voir la préface de Boileau à sa traduction du Traité du sublime (1674), dans les Oeuvres complètes, éd. de Françoise Escal, Gallimard, «Bibl. de la Pléiade», 1966, p. 338.

[17]  «Nous ne revenons pas au sublime, nous en provenons plutôt», écrit Jean-Luc Nancy, «Préface», Du Sublime, Belin, 1988, p.7. Le sublime est l'objet d'un nouvel intérêt, comme en fait foi la parution récente d'ouvrages importants et remarquables : citons, entre autres, de Baldine Saint Girons, le remarquable Fiat lux, une philosophie du sublime, Quai Voltaire, 1993. L'auteur, traductrice de Burke, offre dans cet ouvrage une discussion très intéressante et une impressionnante bibliographie; citons aussi J.-F. Lyotard, L'inhumain, causeries sur le temps, Galilée, 1988, et Leçons sur l'Analytique du sublime, Galilée, 1991; Dominique Peyrache-Leborgne, La poétique du sublime, de la fin des Lumières au romantisme (Diderot, Schiller, Wordsworth, Shelley, Hugo, Michelet), Champion, 1997, principalement centrée autour de Victor Hugo.

[18]  Jacques Robichez, Précis de littérature française du XXe siècle, P.U.F., 1985, p. 224.

[19]  Jean Giraudoux, «Racine», N.R.F., nº 195, 1er décembre 1929; repris dans Littérature, Grasset, 1941; ce passage, Folio-essais, p. 29.

[20]  Ibid., Folio-essais, p. 48-49.

[21]  Ibid., Folio-essais, p. 48.

[22]  Ibid., Folio-essais, p. 49.

[23]  Ces remarques sur le temps giralducien ont été faites naguère, parmi d'autres, dans un contexte bien différent, par Alain Duneau, dans son article si pénétrant, «Giraudoux précurseur du nouveau roman», R.H.L.F., nº 1, Janvier-février 1975, p. 67-93.

[24]  Natacha Michel, Giraudoux, le roman essentiel, Hachette Littératures, 1998, p. 131. Ce livre inspiré est paru trop tard pour que nous puissions en tirer tout le bénéfice.

[25]  Dictionnaire des mythes littéraires, Pierre Brunel dir., éditions du Rocher, 1988, p. 542 (article Éden). Le dictionnaire fait la liste des divers traitements « naturistes » de Genèse II. Remarquons que l'édénisme de Giraudoux est la marque spécifique de son oeuvre plus encore que son originalité. Robert Couffignal a retracé l'extraordinaire fortune littéraire du récit de la Genèse (Le Drame de l'Éden, Publications de l'Université de Toulouse-Le Mirail, 1980, et surtout La paraphrase poétique de la Genèse de Hugo à Supervielle, Lettres modernes - Minard, 1970).

[26]  C'est-à-dire ceux qui n'ont rien à voir avec le mal ou la laideur.

[27]  Alors que le Théâtre naît, rappelons-le, d'une collaboration, particulièrement efficace, et d'une rencontre, particulièrement réussie, entre Giraudoux et Louis Jouvet.

[28]  «Le petit duc», Oeuvres romanesques complètes I, p.73

[29]  «Le printemps», Oeuvres romanesques complètes I, p. 86

[30]  René-Marill Albérès, Esthétique et morale dans l'oeuvre de Jean Giraudoux, Nizet, 1957. Il s'agit de la première thèse française sur Giraudoux.

[31]  Op. cit., chapitres viii et ix. Albérès écrivait dans les années 50. On est tenté aujourd'hui d'introduire une distinction entre morale et éthique: définissons la morale comme recherche du bien par l'obéissance au devoir, et définissons l'éthique comme organisation réflexive de la vie et de l'action en les subordonnant toutes deux à la recherche de la joie (Voir l'introduction générale de Robert Misrahi à sa traduction de l'Éthique de Spinoza (PUF, 1990) et du même auteur, L'être et la joie, perspectives synthétiques sur le spinozisme, Encre marine, 1997)

[32]  Le glissement graduel du stade esthétique vers le stade éthique dans l'oeuvre giralducienne n'est pas sans rappeler un texte fameux de Kierkegaard, L'Équilibre entre l'esthétique et l'éthique dans l'élaboration de la personnalité. Soeren Kierkegaard, Ou bien... Ou bien (1842), trad. Prior et Guignot, Gallimard, 1943.

[33]  «Un passage», Entracte, journal de la compagnie Louis Jouvet, Comédie des Champs-Élysées, mai 1928; publié dans Or dans la nuit, op. cit., p. 92-96; ces passages, p. 94

[34]  Voir ses Écrits de jeunesse, Gallimard, 1990, p.453.

[35]  Paul Nizan, «Giraudoux, artiste», Les Faisceaux, 1er avril 1924, p. 6-9.

[36]  Chris Marker, Giraudoux par lui-même, Seuil, «Écrivains de toujours - 8», 1952, p. 30 : « C'est parce qu'il ne croit pas que l'écrivain dispose d'un refuge dans les idées, qu'il est le premier écrivain engagé. »

[37]  Paul Guimard, Giraudoux? Tiens!, Grasset, 1988, p. 115-124; p. 121: « Giraudoux voulait en tout n'être qu'écrivain, il ne s'est jamais mis en congé d'engagement. »

[38]  Entretien accordé à Simonne Ratel, Ciné-Comoedia, 18 juillet 1928; voir Cahiers Jean Giraudoux, 14, 1985, p. 96

[39]  Jean Giraudoux, « L'écrivain journaliste », Marianne, 14 février 1934. Repris dans Or dans la nuit, 1969.

[40]  À Normale, en 1904, Giraudoux avait consacré son mémoire de Licence à une Étude de l'Ode Pindarique chez Ronsard. Voir Albérès, Esthétique et morale chez Jean Giraudoux, Nizet, 1957, p. 492-493.

[41]  Chris Marker, op. cit., p. 34

[42]  Dans l'Entre deux guerres, un homme de théâtre était un personnage public. Lors du Colloque «Giraudoux en son temps» organisé pour le centenaire de la naissance de l'écrivain le 11 décembre 1982, au Collège de France, René Pomeau le soulignait : «Le prestige du théâtre en France, il y a un demi-siècle, serait aujourd'hui difficile à concevoir. Son influence débordait largement la pure littérature. On se rappellera que parmi les causes, ou les prétextes, des manifestations insurectionnelles, le 6 février 1934, il y eut deux spectacles de la Comédie française : une création du Coriolan de Shakespeare, où une droite en ébullition voulut reconnaître une inspiration anti-parlementaire; et simultanément une reprise, de pure routine, du Ruy Blas : en pleine affaire Stavisky, la tirade « Bon appétit, Messieurs » faillit déchaîner l'émeute dans la salle. Un peu plus tard, ce fut une adaptation d'Aristophane qui procura au public de l'autre bord l'occasion de conspuer le ministère Laval.», RHLF, nº 5-6, sept.-déc. 1983, p. 707-708.

[43]  Instrument rhétorique qui ne cessait pas un instant d'être aussi rythme poétique. Louis Jouvet a commenté l'attitude de Giraudoux pendant les répétitions: «Détaché en apparence, et tendu à la fois, dès qu'un comédien commençait à répéter sur scène, une sorte d'effort respiratoire l'étreignait et, dans cette attitude distraite et contenue où il écoutait, je l'observais. Les bras croisés, presque souriant sans que son visage s'altérât sensiblement, sa respiration suivait le texte dans un rythme égal ou contraire, aisé ou malaisé, dans une cadence juste ou boitante par rapport à la diction des comédiens, et moi je surveillais cette respiration qui s'ajustait à la longueur d'onde de la phrase et son amplitude, égale ou dissemblable de celle des comédiens, témoignait pour moi de la justesse de leur débit et de leur jeu.», Les lettres françaises, 51, samedi 14 avril 1945, p. 1.

[44]  «Le monde de Giraudoux est l'exemple le plus parfait peut-être d'un univers entièrement créé par le langage : ce qui explique que sa route triomphale ait été le théâtre, seul endroit où le Mot puisse prendre toute sa force et son éclat.» Claude-Edmonde Magny, Précieux Giraudoux, 1945, p.75.

[45]  Jacques Body, Oeuvres romanesques complètes I, p. lxxxii.

[46]  Voir Chris Marker, op.cit., p. 29

[47]  Pour les seize oeuvres inscrites dans la base de l'American Research Treasury of the French Language (ARTFL) à l'Université de Chicago, les rapports d'occurence sont éloquents : heureux, bonheur et leurs dérivés et composés : 343 fois; jeune : 491 fois; printemps, 58 fois; matin : 272 fois; aurore : 37 fois; premier : 463 fois; paradis : 25 fois; parfait : 130 fois; beau, belle : 844 fois; tendre : 176 fois; souffrir : 125 fois; , etc., tandis que le mot Éden lui-même ne revient que quelques fois. La prédominance des synonymes ou des attributs édéniques montrent bien que c'est sa recherche et sa description qui priment. La relative absence d'antonymes montre que ce n'est pas la fonction critique qui domine, mais la fonction lyrique.

[48]  Siegfried et le Limousin, dans Oeuvres romanesques complètes I , p.769.

[49]  Nous soulignons. Cette nature apprêtée rappelle une nouvelle fois la tradition pastorale, dont l'écho est l'un des topoi. Cette réminisence montre quel lecteur attentif de la pastorale baroque française fut Giraudoux, sa bibliothèque personnelle le prouve amplement. Écho est le titre de la première idylle giralducienne, au sens classique, nous le verrons; et le thème revient également dans Intermezzo en 1934.

[50]  De ma fenêtre, I, p. 21 ss.; Simon le Pathétique, I, p.357

[51]  Ces titres disparaissent dans l'édition définitive de 1926. Voir la notice de Guy Teissier dans l'édition de la Pléiade, p. 1386-1402, et la note sur le texte, p.1402-1409.

[52]  Jacques Body, Jean Giraudoux, la légende et le secret, PUF, 1986, p. 118.

[53]  Jacques Body, op. cit., p. 119

[54]  C'était également le cas dans la pastourelle médiévale. Voir Helen Cooper, Pastoral, Mediaeval into Renaissance, Ipswich et Totowa, N.J.: D.S. Brewer et Rowman & Littlefield, 1977, p.1 : « [Mediaeval pastoral] is very seldom escapist -- it is an art that is deeply concerned with social, moral or religious matters; but above all it is an art, so that its serious concerns are offset by the artist's imagination and by the quality of his poetry. »

[55]  Le terme prélapsaire désigne le monde de Genèse II, le monde d'avant la Chute, et post-lapsaire, tout ce qui suit Genèse III.

[56]  C'est le premier sens de l'adjectif paqhtikoV en grec.

[57]  Jacques Body, op. cit., p. 119

[58]  L'éthos, c'est le monde moral personnel de l'individu : ensemble de règles, de croyances, de convictions, etc. qui forment un ordre normatif intériorisé. L'éthos d'un individu commande sa ligne d'action, ses attitudes vis-à-vis d'autrui, du travail, de la vie, des grandes questions humaines. L'éthos c'est la mentalité de l'individu, ses qualités morales telles qu'elles s'extériorisent dans l'action, dans les relations avec autrui. L'éthos, c'est le tempérament en tant qu'il est source du comportement. Ce sont ses préférences, ses élections, ses choix, ce qu'il rejette, évite, ses goûts, son goût, sa manière d'être, son caractère.

[59]  «Mon Art poétique, en ce moment, y lutte avec une autre possibilité qui est, je le distingue mal, mon Vicaire savoyard ou mon J'accuse.», fait-il dire à Jules Descoutures-Mazet, «Prière sur la tour Eiffel», I, p. 848. Les oeuvres de jeunesse ont presque toutes ainsi un «art poétique» : ainsi telle page célèbre de «Jacques l'Égoïste», dans L'École des indifférents, où, entre autres, le narrateur s'affirme poète, mais ne veut pas écrire de vers (I, p.154); ou telle page de Suzanne et le Pacifique, où l'auteur justifie sa préciosité, son alexandrinisme, son romantisme (I, p.556).

[60]  Giraudoux a 41 ans.

[61]  Voir René-Marill Albérès, Esthétique et Morale chez Jean Giraudoux, Nizet, 1957, p. 195, 252-255. Voir aussi Lothar Knapp, «Le mythe de la province, première forme du messianisme dans l'oeuvre de Giraudoux», Humanisme contemporain, III, 1968, p.23-38, ici p. 23.

[62]  Albérès l'avait noté : « « Pathétique » signifie pour lui détachement sublime de l'âme, sérénité supérieure», op. cit., p. 263.

[63]  Albérès, op. cit., p.199.

[64]  Jean Giraudoux, Le Sport, Hachette, 1928 (Grasset, 1977, p. 24).

[65]  Judith, Acte II, sc. iv, Théâtre complet, p. 245. Cette tirade d'Holopherne est sans doute le manifeste anti-judaïque le plus éclatant de Giraudoux; c'est en même temps un manifeste spinoziste, car la joie est le but. Albérès l'avait bien compris (Albérès, p. 201).

[66]  Joe Bousquet, «Jean Giraudoux», dans Problèmes du roman, Confluences 21-24, Lyon, 1943, p.144.

[67]  «Le livre est fait de repos», écrivait Jean-Paul Sartre en 1940, «M. Giraudoux et la philosophie d'Aristote. À propos de Choix des élues», NRF, mars 1940, repris dans Situations I, Gallimard, 1947, p. 101. Nous dirions plutôt : le livre est faite de stations, au sens biblique. Nous reviendrons longuement sur cet article rageur d'un ancien admirateur de l'archi-cube Giraudoux.

[68]  Joe Bousquet, ibid.

[69]  «J'ai ma jeunesse à moi, une vraie jeunesse, puisée à la campagne et aux vieux livres...», Simon le Pathétique, Oeuvres romanesques complètes I, p. 330.

[70]  «De fait, écrit Jean Starobinski, -- Schiller l'a bien vu -- le genre traditionnel de l'idylle offrait la forme dans laquelle le rêve de la grande unité pouvait d'abord tenter de s'incarner. Entourés par un paysage riant ou altier, enveloppés par la sollicitude « maternelle » de la nature, des hommes célèbrent leur alliance avec la terre, tantôt par un travail qui ressemble à la fête, tantôt par des jeux où la poésie et la musique sont le partage commun. Le chant qui jaillit à cet instant est à la fois l'hymne de l'homme et l'hymne du monde; il dit l'harmonie de l'homme et du monde.» Jean Starobinski, L'Invention de la liberté, Skira, 1987, p.159.

[71]  Lothar Knapp, Der messianische Gedanke im Werk Jean Giraudoux', s.d. Nous remercions Jacques Body de nous avoir fourni une photocopie de ce travail. Il n'est pas indifférent que la seule étude consacrée entièrement au messianisme de Giraudoux soit allemande. Il est intéressant de noter que le rapporteur principal de la thèse fut le romaniste et médiéviste Eric Köhler, auteur de L'aventure chevaleresque. Idéal et réalité dans le roman courtois, trad. fr., Gallimard, 1970. I l y a dans ce grand livre de quoi reprendre et renouveler l'étude de Sertelon sur Giraudoux et le Moyen Âge (La Pensée universelle, 1974).

[72]  Comme s'écria Eugène Morand, le père de Paul, à la lecture des Provinciales.

[73]  Lucien Dubech, Les chefs de file de la jeune génération, Paris, 1925, p.155-164; Marcel Azaïs, Le chemin des Gardies, essais critiques, Paris, 1926, p. 230-242.

[74]  «Le roman n'a pas de règles. Tout lui est permis. Aucun art poétique ne le mentionne et ne lui dicte de lois. Il croît comme une herbe folle dans un terrain vague» écrivait Roger Caillois dans Puissances du roman en 1941 (rééd. dans Approches de l'imaginaire, Paris, 1974). Mais le roman giralducien est-il vraiment un roman ? L'appellation « roman » n'était-elle pas plutôt le fait des éditeurs, conscients du succès du genre et de la séduction que cette mention risquait d'exercer ? Voir à ce sujet : Jean Bothorel, Bernard Grasset. Vie et passions d'un éditeur, Grasset, 1989.

[75]  Yves Bonnefoy, «L'Histoire et l'invention littéraire», R.H.L.F., suppl. Colloque du Centenaire, ? 6, 1995, p.17.

[76]  Interview parue dans Les Nouvelles littéraires, nº 33, 2 juin 1923; in Cahiers Jean Giraudoux, 14 (1985), p.47. Le verbe entendre évoque aussi une très intéressante déclaration, en 1934, de Giraudoux : «à mon sens, un roman doit pouvoir être lu tout haut, procurer une satisfaction littéraire ou morale contrôlable pour le meilleur critérium qui soit, celui de la voix humaine. C'est la seule lecture qui soit complète et riche de son plein sens.» (Cahiers Jean Giraudoux, nº 19, Grasset, 1990, p. 138).

[77]  Ibid., p. 50.

[78]  Guillaume de Lorris rêve «un grand verger clos de murs crénelés et richement décorés au dehors d'images et de peintures» représentant les vices à qui est refusée l'entrée : Haine, Félonie, Convoitise, Avarice et tristesse, puis Vieillesse et Hypocrisie. il s'agit là non plus seulement d'un locus amoenus, mais d'un hortus conclusus. (Le Roman de la Rose, mis en fr. mod. par André Mary, Paris, 1949, folio 1984, p.21 . Mentionnons qu'à l'époque des études de Giraudoux, l'interprétation courante du Roman de la Rose était celle de Gaston Paris qui opposait à un Guillaume de Lorris représentant l'idéal aristocratique et courtois, un Jean de Meun représentant l'état d'esprit bourgeois; à un Guillaume de Lorris poète et élégant, un Jean de Meun érudit d'une violence brouillonne. Voir la postface de Jean Dufournet, dans l'édition folio, 1984, p. 381-404, et Daniel Poirion, Le Roman de la Rose, Hatier, 1973.

[79]  L'expression est d'Albert Thibaudet, qui l'emploie dans son article sur Suzanne et le Pacifique, et qui en fait l'une des «inventions» du symbolisme : «Mot aussi consubstantiel à la littérature de cette époque que les mots de « méditation » ou d' « élévation » à la poésie romantique. «Réfléxions sur la littérature : Le voyage intérieur», N.R.F., 1er septembre 1921, p.331.

[80]  Louis Chaigne, Les lettres contemporaines, 1964, p.477.

[81]  Xavier Tillette, «Testament de Giraudoux», dans Existence et littérature, Paris : DDB, 1961, p. 166

[82]  Voir Jacques Body, Giraudoux et l'Allemagne, Paris, 1975, deuxième partie, livre I : L'aube d'une oeuvre.

[83]  Jean Rohou, «Pour une histoire fonctionnelle de la pratique littéraire », dans Henri Béar et Roger Fayolle, L'Histoire littéraire aujourd'hui, Armand Colin, 1990. Jean Rohou a repris et développé son approche « fonctionnelle » de la littérature dans Les études littéraires. Méthodes et perspectives, Nathan, 1993. Rohou propose de classer les oeuvres selon le rapport, dans l'oeuvre même, entre désir et réalité : trois fonctions émergent ainsi : lyrique (domination du désir), dramatique (affrontement entre désir et réalité), critique (domination du réel), dont elles relèvent à des degrés variables.

[84]  Une "ravissante utopie", lit-on même dans le dictionnaire Robert des noms propres.

[85]  Alain Duneau, « Les tentations philosophiques de Jean Giraudoux », dans Cahiers Jean Giraudoux, 8, 1979, p.93.

[86]  Jacques Body, «Introduction générale», in : Jean Giraudoux, Oeuvres romanesques complètes (I, p.xxvii). Mais notons que lors du Colloque de Poitiers de 1977, comparant la pensée de Giraudoux à de la musique, il s'écriait : «si nous parlions de la pensée de Giraudoux, nous serions à peu près aussi ridicules que ceux qui disent qu'ils comprennent Debussy ou qu'ils ne comprennent pas Satie.» (Jacques Body, « Giraudoux contre Fichte et Nietzsche », dans Cahiers Jean Giraudoux 8, 1979, pp. 114-128.)

[87]  Jacques Body, « Réception du Moyen Âge et pastiche moyenâgeux dans l'oeuvre de Giraudoux », in : La Licorne, publication de la Faculté des lettres et des langues de l'Université de Poitiers, 1982/6, tome 2, pp. 265-283. Ce passage : p. 277. Rappelons que le philosophe et germaniste Charles Andler fut le professeur de Giraudoux à Normale. Jacques Body a eu le privilège de pouvoir de recueillir les souvenirs de Geneviève Bianquis, germaniste elle-même qui fut elle aussi élève de Charles Andler à Normale pendant les mêmes années que Giraudoux, et de consulter ses notes de cours. Voir Jacques Body, Giraudoux et l'Allemagne, Publications de la Sorbonne, Littératures 7, «Études de littérature étrangère et comparée», nº 70, Didier, 1975, livre I, chapitre III, p. 41-46.

[88]  Roland Quilliot, «Prose et poésie dans le théâtre de Giraudoux», Les métaphores de l'inquiétude. Giraudoux, Hesse, Buzzati, P.U.F., «Littératures européennes», 1997, p. 13.

[89]  Nous pensons ici de nouveau à l'article déjà cité de Jacques Body : «Giraudoux contre Fichte et Nietzsche», dans Cahiers Jean Giraudoux, No. 8, 1979,p. 127.

[90]  Mot conté par Maurice Donnay devant Jean Giraudoux et Maurice Martin du Gard, et rapporté par ce dernier dans Les Mémorables 2 (1924-1930), Flammarion, 1960, p. 344.

[91]  Claude-Edmonde Magny le rappelle dans son Précieux Giraudoux, Paris, 1945, p.105.

[92]  Particulièrement dans « Bernard, le faible Bernard » de L'École des Indifférents, le « Prologue » d'Amica America, et Juliette au pays des hommes. Et ce en dépit d'excellents travaux d'étudiant au lycée de Châteauroux, comme nous avons pu le constater dans les archives de sa famille. Voir annexes.

[93]  Il semble que ce soit ainsi que les jeunes des années 30 et 40 aient perçu l'homme et l'oeuvre de Giraudoux, si l'on en croit le cinéaste Chris Marker, qui avait "20 ans en 40". Voir le début de son essai sur Giraudoux dans Giraudoux par lui-même, Paris, 1952.

[94]  Roland Quilliot, op. cit., p. 14.

[95]  Voir à ce sujet les 'confidences' du narrateur dans les premiers chapitres de Simon le Pathétique.

[96]  Entrevue avec L. Bourguès, dans Entr'acte, No.3, saison 1928-1929 (cité dans Cahiers Jean Giraudoux 14, 1985, p.113). Déclaration très « normalienne », mais tout à fait fantaisiste. Nous savons que Giraudoux a lu au moins Balzac, Stendhal, Vigny, Nerval, et connaît très bien le XIXe siècle, qu'il n'aime guère.

[97]  Et sans doute un peu plus, si l'on en croit par exemple l'abbé Mugnier, qui note dans son journal, en date du 20 avril 1916 : «Giraudoux me disait l'autre jour la saveur qu'avaient pour lui et ses camarades de lycée, des poètes comme Stace, Ausone... Ce sont ceux qu'on n'impose pas, ne prône pas.» (Journal de l'Abbé Mugnier, Mercure de France, 1985, p.299).

[98]  André Beucler, Les Instants de Giraudoux, Genève : Milieu du Monde, 1948, p.187; nouvelle édition, Le Castor astral, 1995, p.160.

[99]  Textes choisis de Jean Giraudoux, réunis et présentés par René Lalou, Paris : Grasset, 1932.

[100]  Voir Cahiers Jean Giraudoux 14, 1985, p. 46.

[101]  Cahiers Jean Giraudoux 14, 1985, p. 49-50, n. 18.

[102]  C'est le titre d'un ouvrage lumineux de Pierre Hadot consacré aux Pensées de Marc-Aurèle (Fayard, 1992). Il résume au mieux la conception centrale des Stoïciens -- «Qu'est-ce donc qui peut te faire escorte pour te protéger en cette vie? Une seule et unique chose, la philosophie. Elle consiste à garder le dieu intérieur exempt de souillure et de dommage.» (Marc-Aurèle, II,17,3, trad. P. Hadot).

[103]  Cité d'après la photocopie du manuscrit déposé à la maison natale de Jean Giraudoux, à Bellac. Sur le stoïcisme de Giraudoux, voir les chapitres VIII et IX de la thèse de René-Marill Albérès, Esthétique et morale chez Jean Giraudoux, Paris, Nizet, 1957.

[104]  Si l'on se souvient de l'hésitation, qui est plutôt alternance ou besoin de complémentarité, exprimé dans la Prière sur la tour Eiffel : «Et te rappelles-tu ce jour où tu me donnas l'ordre de choisir entre le stoïcien et l'épicurien, et où je ne pus t'obéir, aimant les deux.» (I, p. 851) Cet éclectisme se rencontre dès l'Antiquité : Sénèque cite constamment Épicure -- en soulignant la chose -- dans les Lettres à Lucilius. P. Hadot, dans Qu'est-ce que la philosophie antique?(Folio-Essais, 1995), étend cet éclectisme à toutes les écoles.

[105]  L'épistémologie dont il est question ici est une épistémologie littéraire. (Et le terme d'épistémologie est peut-être abusif.) Elle se distingue de l'épistémologie de la littérature, et de l'épistémocritique (Pierssens). La première s'efforce de découvrir des lois générales au mode de connaître de la littérature (que sait, comment sait la littérature?), la seconde s'efforce de montrer les ponts, passages et aiguillages empruntés réciproquement par la science, les savoirs et la littérature d'une époque donnée, en particulier lors d'un changement de paradigme scientifique. Par épistémologie littéraire, nous entendons la tentative de dégager des choix formels, génériques, stylistiques et thématiques d'un auteur, en s'appuyant sur les éléments biographiques et sociographiques nécessaires, les éléments d'un regard particulier sur le monde, vision structurante, organisatrice du réel, qui en fait un réel plus ou moins défini, plus ou moins hiérarchisé par des valeurs, des symboles, une réflexion (sur l'histoire par exemple), des mythes, des savoirs de toutes origines plus ou moins articulés entre eux, des désirs, des préférences, de l'inconscient, du Sur-moi social, des opinions qui font partie de la gnoséologie (Angenot) d'une époque, adoptées par raison de préférence, de contiguïté, de hasard, par intérêt. Notre épistémologie littéraire est donc à la croisée entre socio-histoire de la littérature, anthropologie littéraire et herméneutique littéraire.

[106]  Idée d'allure assez barrèsienne et bergsonienne, au demeurant. Le programme d'Un homme libre n'est-il pas de «redevenir un dieu» (Voir l'introduction d'Ida-Marie Frandon à son édition de ce roman, Imprimerie nationale, 1988, p.18). Et Bergson ne termine-t-il pas Les deux sources de la Morale et de la Religion, paru en 1932, mais fruit de 25 ans de travail, par ces mots : «[la fonction essentielle de] l'univers, qui est une machine à faire des dieux»? Nous aurons à y revenir. Rappelons que Bergson est longuement -- et poétiquement -- évoqué dans Amica America, p.16-26.

[107]  Christian Marker, Giraudoux par lui-même, Paris, 1952, p.10. p.10.(Teatro / [por] Jean Giraudoux, Selección y prólogo de José Triana, La Habana : Editora del Consejo nacional de cultura, 1965, 518 p.)

[108]  Ce point a été traité en partie par Cécile Chombard-Gaudin : De l'Hygiénisme à la défense du patrimoine (1920-1960), la ligue urbaine et rurale pour l'aménagement du cadre de la vie française, Thèse de doctorat, Université de Paris I / UER de Géographie, 1988. Nous disons "en partie" parce qu'il nous paraît clair que l'hygiénisme de Giraudoux ne se limite pas au maintien de la netteté extérieure, mais s'étend à la pureté mentale, jusqu'à un hygiène des pensées.

[109]  Laurent Lesage et Lucie Heyman, « Les dernières années de Jean Giraudoux », dans Cahiers jean Giraudoux 8, 1979, p. 47. Mais comment ne l'aurait-on pas été en ce sombre hiver 1943!

[110]  La NRF, mai 1945, p.995-960 (texte présenté par René Gillouin).

[111]  Alain Duneau a publié les allocutions radiodiffusées prononcées par Giraudoux en tant que Commissaire général à l'Information sous le titre de «Messages du Continental», Cahiers Jean Giraudoux, No 16, 1987.

[112]  Bien qu'il soit impossible de dater avec précision ce bout de phrase, il nous paraît clair qu'il date des années de Khâgne au lycée Lakanal (1900-1902). Giraudoux avait conservés et reliés ces textes sous le titre choisi par lui de Premiers écrits.

[113]  Le Théâtre de Giraudoux est cité dans l'édition du Théâtre complet, Gallimard, «Bibl. de la Pléiade», 1 vol., 1982. Toutes les références paginées entre parenthèses renvoient à cette édition.

[114]  D'ailleurs ambigüe. Voir Anne Struve-Debeaux, «Jean Giraudoux et les jeux du paradis terrestre», Europe, nº 806-807, «Sport et littérature», juin-juillet 1996, p. 151-156.

[115]  Ses conférences de 1934-1935 («La femme 1934», «La relève de la femme», «La femme devant l'univers») ont été rassemblées dans : La Française et la France, Gallimard, 1951. Le «féminisme» de Giraudoux est d'ailleurs fort paternaliste, comme l'a montré Victoria Korzeniowska dans sa thèse, The role of Women in the novels and Plays of Jean Giraudoux : the notion of La relève de la femme, thèse de doctorat, The University of Hull, 1993. Il n'y a, à vrai dire, pas de féminisme de Giraudoux, mais plutôt un antimasculinisme, qui culmine dans La Folle de Chaillot, où les plus méprisés d'entre eux sont nommés «les mecs».

[116]  Voir Raoul Dautry, Métier d'homme, Plon, 1937, et Rémi Baudouï, Raoul Dautry, 1880-1951, le technocrate de la république, Balland, 1992, p. 50-51.

[117]  Aujourd'hui rassemblés dans les Cahiers Jean Giraudoux, nº 22, «Jean Giraudoux et le débat sur la ville, 1928-1944», Grasset, 1993. Les rapports de Giraudoux avec l'urbanisme ont été étudiés par Cécile Chombard-Gaudin : De l'Hygiénisme à la défense du patrimoine (1920-1960), la ligue urbaine et rurale pour l'aménagement du cadre de la vie française, Thèse citée, 1988.

[118]  La Cité, c'est-à-dire l'humanité entière. Sur ce point, voir le chapitre intitulé "La communauté humaine universelle", dans le livre de Roger Mucchielli, Le mythe de la Cité idéale, Paris, 1960, 195-208

[119]  Ou plutôt néo-kantienne. Voir par exemple les ouvrages de Jules Barni, élève de Victor Cousin, traducteur de Kant, collaborateur direct des fondateurs de la IIIe république (Léon Gambetta, en particulier), auteur d'un Manuel républicain [1872], et d'une Morale dans la démocratie [1868] réédités en 1992 (Éditions Kimé, Paris). Sur le combat et le programme républicain concernant l'éducation au temps de la jeunesse de Giraudoux, voir Jacques Ozouf et Mona Ozouf, La République des instituteurs, Paris : Gallimard/Le Seuil, «Hautes études», 1992.

[120]  Louis Dumont, à propos de l'Allemagne : (interview par François Ewald dans Magazine littéraire, No 292, octobre 1991) : « La Bildung allemande, c'est la paideia grecque. Comme elle, elle suppose que l'homme, tel qu'il est donné dans la nature, n'est pas complet, qu'il faut donc le perfectionner, l'achever. Pour cela, l'homme doit faire un effort sur soi, et c'est ce qui définit la tâche de la philosophie : non pas élaborer des systèmes comme les modernes, mais se rendre soi-même capable du vrai. Le vrai est là, il existe, il est donné, mais il convient de se transformer pour en devenir capable. Wilhelm von Humboldt définit la Bildung dans les mêmes termes : travail sur soi plutôt que contemplation d'un système.» Voir aussi le livre de Louis Dumont, L'idéologie allemande. France-Allemagne et retour (Homo Aequalis, II), Gallimard, 1991, chap. 5 à 7: «Aux sources de la Bildung».

[121]  C'était l'exercice principal proposé à ses élèves de Rhétorique par le Professeur Gain au lycée de Chateauroux. Voir quelques exemples en annexe. Cette pratique de l'art épistolaire était une pratique de la prose artistique depuis le XIe siècle. Voir E.R. Curtius, La littérature européenne et le Moyen-Âge latin, chap. 4 § 8.

[122]  Voir E.B.O. Borgerhoff, The Freedom of French Classicism, Princeton U. P., 1950.

[123]  Entrevue de Giraudoux par Simonne Ratel (Ciné-comoedia, 18 juillet 1928), dans Cahiers Jean Giraudoux, 14 «Enquêtes et interviews I (1919-1931)», 1985, p. 95.

[124]  Sur les rapports de Giraudoux avec l'utopie, nous n'avons découvert jusqu'à présent qu'un seul article portant spécifiquement sur ce point : Marie-Claude Rousseau, "More et Giraudoux", Moreana, No 71-72, nov. 1981, p.146. L'article, extrêmement court, se contente de souligner un vague utopisme chez Giraudoux.

[125]  Parmi les textes qui accompagnaient l'édition de Bâle de 1518, la plus complète puisqu'elle contient toute la correspondance entre Thomas More et ses amis à propos de son «libellus aureus» paru à Louvain en 1516, se trouve un sixain signé par un certain Anémolius, qui est probablement More Lui-même: Utopie, pour mon isolement par les anciens nommée, / Émule à présent de la platonicienne Cité / Sur elle, peut-être l'emportant -- car, ce qu'avec des lettres / Elle dessina, moi seule je l'ai montré / Avec des hommes, des ressources et d'excellentes lois -- / Eutopie, à bon droit, c'est le nom qu'on me doit . Voir l'édition d'André Prévost : L'«Utopie» de Thomas More; présentation, texte original, apparat critique, exégèse, traduction et notes , Paris, 1978, p.330. Cette édition remarquable contient, entre autres richesses, la lettre que Guillaume Budé écrit à "son ami anglais" Thomas Lupset, le 31 juillet 1517, pour le remercier de l'envoi de l'Utopie de Thomas More. Cette lettre mérite mention parce qu'elle concentre en quelques paragraphes les principaux caractères de la tradition utopique et allaient assurer son succès dans les siècles à venir (dans l'édition de Paris [1517], p.314-329).

[126]  Henri Bénac, Dictionnaire des synonymes, Paris, 1956 : "La justice sociale est un idéal; la suppression radicale de la douleur est une utopie", p.463.

[127]  Ce n'est pas ici une variante de la vieille théorie du "reflet". Les oeuvres ne reflètent pas la société, mais celle-ci s'y réfléchit, s'y transpose et s'y transforme.

[128]  Voir les pages finales du livre de Louis van Delft, Littérature et anthropologie, P.U.F., «perspectives littéraires», 1993.

[129]  René Schérer, "La formulation actuelle de l'utopie", dans : Chimères, 2, 1990, p. 113-136.

[130]  L'utopie-fiction : les voyages imaginaires de Thomas More à la fin du XVIIIe siècle; l'utopie-projection : les idéologies du Temps des prophètes (P. Bénichou, 1977), La conscience révolutionnaire. Les idéologues (G. Gusdorf, 1978); l'utopie-aspiration : le romantisme.

[131]  C'est la méthode adoptée par Jean-Michel Racault, dans sa thèse, L'utopie narrative en France et en Angleterre 1675-1761, Studies on Voltaire and the eighteenth century No.280, The Voltaire Foundation, University of Oxford, 1991. Ce travail est désormais la meilleure étude sur l'utopie classique, et l'une des rares approches littéraires du sujet.

[132]  Réunies dans Pleins Pouvoirs, Gallimard, 1939, et dans De Pleins Pouvoirs à Sans Pouvoirs, Gallimard, 1950, et Julliard, 1994.

[133]  «Messages du Continental», Cahiers Jean Giraudoux, No 16, 1987.

[134]  Définition de Trousson : « nous proposons de parler d'utopie lorsque, dans le cadre d'un récit (ce qui exclut les traités politiques), se trouve décrite une communauté (ce qui exclut la robinsonnade), organisée selon certains principes politiques, économiques, moraux, restituant la complexité de l'existence sociale (ce qui exclut l'âge d'or et l'arcadie), qu'elle soit présentée comme idéal à réaliser (utopie constructive) ou comme la prévision d'un enfer (l'anti-utopie moderne), qu'elle soit située dans un espace réel, imaginaire, ou encore dans le temps, qu'elle soit enfin décrite au terme d'un voyage imaginaire vraisemblable ou non.» Raymond Trousson, Voyages au pays de nulle part, Histoire littéraire de la pensée utopique, Editions de l'Université de Bruxelles, 1979, p.28. Trousson emprunte les distinctions majeures de son analyse à Raymond Ruyer, L'utopie et les utopies, Paris, 1950. Pour la commodité d'un corpus bien défini il sacrifie le fondement épistémologique commun à toute inspiration utopique, ce qu'a bien vu Schérer.

[135]  I, p. 1559. Lise Gauvin n'a pas hésité par ailleurs à qualifier ce roman de « véritable roman utopique ». Voir sa notice dans l'édition de la Pléiade, p.1562; voir aussi ses « Variations sur une variante : les trois incipit de Suzanne et le Pacifique de Giraudoux », dans Jean Giraudoux : quarante-sept hommages offerts à Jacques Body, réunis par Pierre Citti, Muriel Détrie, Guy Teissier, Publications de l'Université de Tours, 1990, p. 231-236; et surtout « Suzanne et le Pacifique : un roman utopique moderne », article à paraître communiqué par l'auteur. Elle en fait cependant un «roman d'apprentissage» dans «Portrait de Suzanne en écrivain», dans Des provinciales au Pacifique, les premières oeuvres de Giraudoux, études rassemblées par Sylviane Coyault et Michel Lioure, Université Blaise Pascal, Association des publications de la Faculté des Lettres et Sciences humaines, Clermont-Ferrand, 1994, p. 163-171.

[136]  Dans sa notice de l'édition de la Pléiade (I, p.1549-1569, surtout p.1560).

[137]  C'est un aspect de son pélagianisme. Et de son eutychianisme, comme disait cette mondaine que Giraudoux envoya paître, mais qui n'avait peut-être pas si tort. «On sait que Pélage, en niant les effets de la Chute, enlevait à la prévarication d'Adam tout pouvoir d'affecter la postérité. Notre premier ancêtre vécut un drame strictement personnel, encourut une disgrâce qui le regardait seul, sans connaître en aucune façon le plaisir de nous léguer ses tares et ses malheurs. Nés bons et libres, il n'est en nous nulle trace d'une corruption originelle» (E. M. Cioran, Histoire et Utopie, Paris, 1960, 134-135). Quant à l'eutychianisme, le mot désigne la doctrine d'Eutychès, abbé des environs de Constantinople, qui enseignait que la nature humaine et la nature divine s'étaient confondues dans le Christ, et qu'après l'incarnation elles ne formaient plus qu'une seule nature, la nature divine ayant absorbé la nature humaine comme la goutte d'eau qui, tombée dans la mer, se confond avec l'eau de la mer (Émile Littré).

[138]  Patrick Dandrey, «La Fontaine, poète arcadien», dans Et in Arcadia Ego, Actes du XXVIIe congrès annuel de la NASSCFL, Université de Montréal / Université McGill, édités par Antoine Soare, Biblio 17 - 100, PFSCL, 1997, p. 94.

[139]  Suhrkamp, 1970.

[140]  Sur ce point, voir Ernst Bloch, The Utopian Function of Art and Literature, selected essays, Cambridge, 1988; et Gert Ueding [Hrsg], Literatur ist Utopie, Suhrkamp, 1978.

[141]  Claude-Gilbert Dubois, « Une architecture fixionnelle », in : Revue des Sciences humaines, No 155, tome 39, Juillet-Septembre, 1974-3, pp. 449-471.

[142]  Nous simplifions évidemment, mais sans caricature. Un exemple contraire serait par exemple la Basiliade de Morelly (1753), avec son culte du pur amour et sa frénésie de négation, qui, loin d'être rebutante, est une lecture passionnante; mais cette oeuvre est complexe et contient d'ailleurs des séquences pastorales. Voir Nicolas Wagner, Morelly, le méconnu des lumières, Paris, 1978, 172-212. Dans l'ensemble, comme l'a noté avec amertume Alexandre Cioranescu, L'avenir du passé. Utopie et littérature, Paris, 1972, surtout dans le dernier chapitre : « Procès de l'utopisme », l'affabulation est invariante, le scénario rigidement stéréotypé, les personnages réduits à des rôles fonctionnels.

[143]  Voir Henri Desroches, Encyclopédia Universalis, article «Utopie».

[144]  Pour s'en tenir aux formes proprement littéraires, car l'opéra est lui aussi l'héritier, depuis l'époque classique, de la pastorale dramatique. Nietzsche le rappelle pour le XIXe siècle et l'explicite dans La naissance de la tragédie, § 19 (Édition Colli-Montinari).

[145]  Ce n'est pas le sens que lui donne Jacques Body lorsqu'il parle de l'utopie limousine, expression qu'il utilise comme titre du deuxième chapitre de son livre, Jean Giraudoux, La légende et le secret, PUF, 1986, et qui n'est pas sans rappeler la "ravissante utopie" du Robert II.

[146]  On pense à cette histoire (tale) de Nathaniel Hawthorne intitulée Earth's holocaust (1846), l'holocauste de la Terre, qui a inspiré à Jorge Luis Borges un extraordinaire essai : «Nathaniel Hawthorne», où selon son habitude il récrit presque complètement la scène de l'holocauste, en particulier l'extraordinaire liste des objets livrés aux flammes (Les Lettres Nouvelles, septembre-octobre 1970, p.69-90); Oeuvres complètes, éd. J.-P. Bernès, Bibl. de la Pléiade, 1993, t. I, p. 709-727.

[147]  Notons que le mot églogue dérive du verbe grec eklegein qui veut dire choisir. Au départ, l'églogue était une sélection, un passage dans une oeuvre.

[148]  Il s'agit du chapitre ix de Suzanne et le Pacifique, Oeuvres romanesques complètes I , p. 578 ss. La critique de Robinson se trouve p. 582-583.

[149]  « ...ou qu'il est possible de faire passer dans la vie, après rupture, les révélations du poème », Daniel Oster, L'individu littéraire, 1997, p. 17.

[150]  Au sens de l'exemplum de la tradition médiévale. Nous avons déjà relevé la lecture « maïeutique » qu'on peut faire de Giraudoux.

[151]  Voir Raymond Ruyer, L'utopie et les utopies, PUF, 1950. À ce titre il a fait l'objet des valorisations les plus opposées. Signalons en passant que cet ouvrage fondateur a marqué durablement l'utopologie et que Raymond Trousson s'appuye sur ses analyses dans ses Voyages au pays de nulle part, Bruxelles, 1975, rééd. 1979.

[152]  La préférence marquée de la critique universitaire des 30 à 40 dernières années pour les avant-gardes est liée à des options politiques qu'il n'y a pas lieu de discuter ici.

[153]  Au sens philosophique d'un discours sur l'homme. Voir par exemple : Louis van Delft, Littérature et anthropologie, Paris : PUF, 1993. Cet ouvrage porte surtout sur l'Âge classique. Le modèle de toute anthropologie littéraire pourrait être l'Anthropologie philosophique de Bernard Groethuysen : ce grand livre aujourd'hui un peu oublié s'intéressait non à la philosophie, mais à l'exercice de la philosophie.

[154]  Ce depuis sa projection dans l'avenir au XVIIIe siècle, siècle qui voit le début de la foi en le progrès ! Voir Catherine Larrère, L'invention de l'économie au XVIIIe siècle, P.U.F., «Léviathan», 1992.

[155]  C'est la même intuition qui fit consacrer à Gaston Bachelard deux livres aux images de la Terre : La terre et les rêveries de la volonté; La terre et les rêveries du repos.

[156]  «Auch schwach und sanft läßt sich wünschen. Wünschen und Wollen aber sind voneinander gerade im Einsatz verschieden» (l'espérance peut aussi s'exprimer sous une forme faible et tendre. Mais souhaiter et vouloir diffèrent entièrement dans leur mise en oeuvre ) : Ernst Bloch, «Arkadien und Utopien», dans Gesellschaft, Recht und Politik, hrgg von Heinz Maus in Zusammenarbeit mit H. Düker, K. Lenk u. H.-G. Schumann, Neuwied und Berlin : Luchterhand, 1968 (Soziologische Texte Bd. 35), pp. 39-44. Cet article a été publié plusieurs fois en allemand, on en trouve une traduction française dans Ernst Bloch, L'athéisme dans le christianisme, p.245-252.

[157]  Voir K. Mannheim, Idéologie et utopie, trad. fr. (partielle) par J. Vaché, Aubier, 1956.

[158]  Sur les différences radicales qui opposent l'arcadien et l'utopien, nul n'a fourni d'exposé plus clair et plus brillant que le poète britannique Wystan H. Auden. Voir par exemple son poème Vespers (1954) où le poète met en scène une rencontre entre lui-même et son type opposé : « I am an Arcadian, he is a Utopian ». Les réactions de l'arcadien au monde sont esthétiques, celles de l'utopien sont politiques. L'un des versets se lit comme suit :

« In my Eden each observes his compulsive rituals and superstitious tabus but we have no morals : In his New Jerusalem the temples will be empty but all will practise the rational virtues ». (W.H. Auden, Collected Poems [1971] 1991, p. 637-639)

Voir aussi son Arcadia and Utopia (1848), publié dans un Text book consacré justement au mode pastoral : Bryan Loughrey ed., The Pastoral Mode, MacMillan, [1984] 1993. p. 90-92. Voir également dans cet ouvrage les commentaires de Laurence Lerner sur Vespers, p. 148.

[159]  La théorie giralducienne de la légèreté se trouve dans Choix des élues : «ils étaient légers. Il ne s'agissait pas seulement d'une légèreté de langage, de conduite. Il s'agissait de leur poids, de leur densité. Ils ne pesaient pas sur la vie. [...] certains avaient une occupation, un métier, une foi, mais ils n'en étaient pas moins légers, à cause de cette moindre densité qui les douait d'aisance, de gaieté, d'humour», Oeuvres romanesques complètes, op. cit., I, p. 496.

[160]  Voir le dossier du Magazine Littéraire, nº 33, octobre 1969, consacré à Giraudoux : «Que reste-t-il de Giraudoux?», p. 9-23.

[161]  Voir Gil Delannoi, les années utopiques (1968-1978), dans la série L'aventure intellectuelle de la France au XXe siècle, Paris, 1990. Giraudoux, quant à lui, a ses racines dans la période 1880-1910, qui a fait l'objet, dans la même série, d'un ouvrage de Christophe Prochasson, Les années électriques, 1991.

[162]  Pour construire les remparts de Thèbes, où il régnait avec son frère Zéthos, Amphion attirait à lui les pierres grâce à sa lyre, tandis que Zéthos les transportait sur son dos... Étant enfants, Amphion et Zéthos étaient aussi différents qu'Abel et Caïn : Zéthos s'adonnait aux arts violents et manuels : lutte, agriculture, élevage, tandis que son frère, qui avait reçu d'Hermès une lyre en cadeau, s'adonnait à la musique. Les deux frères se querellaient souvent sur les mérites respectifs de leurs arts. Amphion, qui était doux de nature, cédait et même renonçait souvent à son art (Voir Pierre Grimal, Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine, p.33).

[163]  «The lament for a Golden Age is only a lament for Golden Men», s'exclame Henry David Thoreau! Sur Boccace et Rabelais, voir Paul Renucci, «Deux étapes de l'utopisme humaniste : le château du Décaméron et l'abbaye de Thélème», dans Bulletin of the John Ryland Library, XXX (1947), p. 330-346.

[164]  L'opposition n'est pas si nette dans la lettre de Guillaume Budé à Thomas Lupset concernant l'Utopia, mentionnée précédemment; on y observe l'ambivalence moeurs-institutions à la base de l'imaginaire utopique. Après avoir affirmé que le livre de Thomas More l'avait à ce point passionné qu'il en négligeait presque ses affaires au moment où il le lisait, Budé, qui a commencé sur le mode humoristique en surnommant l'Utopie « Udépotie », c'est-à-dire non plus l'île-de-nulle-part, mais, jouant à son tour avec les racines grecques, l'île-de-jamais, place d'emblée l'Utopie sur le plan moral d'une critique des moeurs et se livre à un réquisitoire en règle contre « la science et la Pratique du Droit civil » qui n'ont qu'un seul but, écrit-il, « exciter l'un contre l'autre, avec une habileté aiguisée par l'envie », et « faire en sorte que sans arrêt l'un emporte, soutire, ronge, usurpe, pressure, tonde, extraie, extorque, ravisse, pille, escamote, escroque, subtilise, dérobe et, en partie avec la connivence des lois, en partie avec celle des juristes, vole et s'approprie quelque chose qui appartient à l'autre ». Mais Budé fait encore preuve de perspicacité lorsqu'il rattache l'Utopie aux mythes antiques de l'Âge d'Or et des Îles Fortunées. « Ah! si les habitants du ciel, écrit-il, avaient fait en sorte que les trois principes de la législation utopienne fussent fixés dans l'esprit de tous les mortels par les fers de charpente d'une conviction solide et forte, l'on verrait immédiatement s'écrouler impuissants : l'orgueil, la cupidité, l'envie insensée et à peu près toutes les autres flèches meurtrières de l'adversaire infernal »; « il est certain, écrit Budé, que [...] l'Âge d'Or, l'Âge de Saturne, reviendrait ». Pour caractériser l'île d'Utopie sur lequel il ne se fait guère d'illusions, l'érudit forge un mot, Hagnopolis, c'est-à-dire cité de l'innocence, « se reposant sur ses coutumes et ses biens, heureuse dans l'innocence », non pas encore la cité sainte de l'apocalypse, Hagiopolis, mais menant « d'une certaine façon une vie céleste », « au-dessus des turpitudes du monde connu où les entreprises humaines aussi fiévreuses et violentes que vaines et inutiles accumulent les désordres qui les précipitent dans l'abîme. » (L'utopie de Thomas More, éd. J. Prévost, p. 329).

[165]  Et tout le XVIIIe siècle ! Voir de nouveau Catherine Larrère, L'invention de l'économie au XVIIIe siècle, PUF, 1992. Le bonheur pour tous est sans doute une utopie, mais c'est seulement parce que les Physiocrates du XVIIIe siècle ont cru pouvoir l'atteindre par l'économique, en procurant le bien-être matériel à tous. Or l'économique ne peut viser qu'à produire un pays de cocagne de la consommation, et nous savons aujourd'hui que même ce pays de cocagne n'est pas sans problèmes.

[166]  Ce en quoi il est bien un homme de son temps -- 20 ans en 1902 -- qui réagit contre le positivisme et le scientisme de l'époque précédente et, comme Barrès, répondra à sa plus haute figure, Renan (Maurice Barrès, Huit jours chez M. Renan, 1888). En 1904, Barrès, alors au fait de sa gloire, en publia une troisième édition.

[167]  Jacques Body, «Réception du Moyen Age et pastiche moyenâgeux dans l'oeuvre de Giraudoux», La licorne, 1982/6, tome 2, p. 277.

[168]  «... à l'origine de notre oeuvre, il n'y a pas influence, mais antipathie : nous avons pensé par opposition, nous avons écrit par réaction», déclare Giraudoux à Simonne Ratel en juillet 1928 (Ciné-comoedia, 18 juillet 1928; dans Cahiers Jean Giraudoux, 14, p. 95). Déclaration qui démontre cet héritage et cette dépendance.

[169]  Paul Souday, «Suzanne et le Pacifique», Le Temps, 21 juillet 1921 (article cité par Lise Gauvin dans sa notice pour ce roman dans l'édition de la Pléiade, p. 1565).

[170]  Lawrence Buell, « American pastoral Ideology Reappraised », American Literary History, I, 1 (1989), p.10.

[171]  Alain Niderst le soulignait en avant-propos au recueil collectif qu'il a édité sur La pastorale française, de Rémi Belleau à Victor Hugo, Biblio 17 - Paris - Seattle - Tübingen : PFSCL, 1991, p.7.

[172]  Alastair Fowler, « The Life and Death of Literary Forms » dans New Literary History, 2 (1970/71), p.214

[173]  Maurice Barthélémy, Bibliothèque de Jean Giraudoux conservée à Bellac, relevé des dédicaces, Université François Rabelais : équipe de recherche Jean Giraudoux, 1989, p. 87.

[174]  Paul Morand, Journal d'un attaché d'ambassade (1946), nouvelle édition, Gallimard, 1996.

[175]  Comme Patrick Dandrey le remarque à propos de l'Arcadien, Et in Arcadia Ego, op. cit., p. 87.

[176]  Cantique des cantiques, Théâtre complet, p. 727-728.

[177]  Maurice Baumont, La faillite de la paix, 2 vol. Paris : PUF, 1945.

[178]  Voir Edmond Jaloux, Les saisons littéraires 1896-1903, LUF, 1942; Suzanne Bernard, Le poème en prose de Baudelaire à nos jours, Nizet, 1959, notamment les pages 530-535 sur la réaction contre le Symbolisme, les pages 537-554 sur le naturisme et Les nourritures terrestres, les pages 577-591 sur la crise poétique du début du siècle; voir encore Michel Raimond, La crise du roman, des lendemains du Naturalisme aux années vingt, Corti, 1966, les chapitres II, III et surtout IV (« L'âge du roman poétique » partiellement consacré à Giraudoux) de la 3e partie; et bien entendu Jean Yves Tadié, Le Récit poétique, PUF, 1978, largement consacré à Giraudoux. Sylviane Coyault, dans sa thèse, Le personnage dans l'oeuvre romanesque de Giraudoux (Peter Lang, 1992) y fait aussi allusion au début de son chapitre sur l'édification du personnage mythique, p.180ss.

[179]  Voir Virginia Woolf, Lettre à un jeune poète, (Arléa, «L'Étrangère», 1996) où l'écrivain confie au poète John Lehmann que la nouvelle génération, à l'inverse, introduit le prosaïque dans la poésie. Elle trouve que le procédé «casse la machine», et n'est pas convaincue non plus par l'autre tendance «inintelligible», où l'introspection exclut le monde extérieur. Voir plus loin la solution préconisée dans L'art du roman.

[180]  «Jean Giraudoux et la problématique des genres», Actes du colloque de Tours 1990, Cahiers Jean Giraudoux, nº 20, Grasset, 1991.

[181]  Paul Vernois, Le Roman rustique de George Sand à Ramuz, ses tendances et son évolution 1860-1925, Nizet, 1962; et Le style rustique dans les romans champètres après George Sand, P.U.F., 1963.

[182]  Paul Vernois, «Jean Giraudoux et le « roman de village »», dans «Jean Giraudoux et la problématique des genres», Actes du colloque de Tours 1990, Cahiers Jean Giraudoux, nº 20, Grasset, 1991, p. 223-237; citation, p. 227.

[183]  La bibliographie de L'Astrée est imposante. À témoin la bibliographie d'une étude récente : Eglal Henein, Protée romancier, les déguisements dans L'Astrée d'Honoré d'Urfé, Schena-Nizet, «Biblioteca della ricerca», 1996. Lue de notre point de vue, cette étude passionnante montre qu'un roman pastoral n'est jamais seulement un divertissement pastoral dans la tradition pastorale française. L'Astrée est aussi un roman historique.

[184]  Depuis Mallarmé, la poésie s'investit d'une réflexion métaphysique. En comparaison, la poésie descriptive, narrative des siècles précédents fait figure de poésie mineure.

[185]  Marie-France Hilgar, «Portraits féminins dans les pastorales dramatiques de Nicolas de Montreux», ds C.A.I.E.F., 39, mai 1987 (1ère journée : Le genre pastoral jusqu'à la Révolution), rappelle et commente (et cite incorrectement) p. 46, les propos de Dalla Valle se plaignant de l'indifférence des historiens et des critiques envers la pastorale dramatique : «si l'on soumettait ce genre [la pastorale dramatique] à une analyse plus attentive, il finirait par « se révéler beaucoup moins gratuit et évasif qu'on ne le croit communément, jusqu'à s'imposer comme un élément remarquable, je dirais même irremplaçable, dans le cadre d'ensemble du baroque français.» (Dalla Valle tient ce propos non pas dans un article de 1971: «L'eroe pastorale barocco (propos a per un comparatismo strutturale)», dans Studi Francesi, 43, janvier-avril 1971, pp. 36-56, mais dans sa thèse, Thèmes et formes de la pastorale baroque, 1970).

[186]  Henri Bénac, «Humanité de la pastorale», in Lettres d'humanité, Bulletin de l'Association Guillaume Budé, tome V, 1946, pp. 235-247.

[187]  Jacqueline Duchemin, La houlette et la lyre. Recherches sur les origines pastorales de la poésie, I. Hermès et Apollon, Paris, 1960.

[188]  Léon Levrault, Le genre pastoral (son évolution), Paris, 1914. Levrault, très sarcastique, fait terminer le genre avec Chénier.

[189]  Mia Irene Gerhart, Essai d'analyse littéraire de la pastorale, Assen, 1950, rééd. H&S Publishers, Utrecht, Pays Bas, 1975.

[190]  Alice Hulubei, L'églogue en France au XVIe siècle. Époque des Valois (1515-1589), Paris, 1938; et du même auteur, Répertoire des églogues en France au XVIe siècle, Paris, 1939.

[191]  Joël Blanchard, La pastorale en France aux XIVe et Xve siècles. Recherches sur les structures de l'imaginaire médiéval, Paris, 1983. Cet ouvrage est tiré de la thèse de doctorat d'État de l'auteur, Univ. de Paris III, 1980.

[192]  Daniella Dalla Valle, Thèmes et formes de la pastorale baroque. Du 'Pastor Fido' à la pastorale dramatique française, Sorbonne, 1970.

[193]  Édouard Guitton, Jacques Delille (1738-1813) et le poème de la nature en France de 1750 à 1820, Paris : Klincksieck, 1974. On doit à É. Guitton une édition revue et augmentée de l'édition Trahard de Paul et Virginie, de Bernardin de Saint-Pierre, Classiques Garnier, Bordas, 1989.

[194]  Sylvain Menant, La Chute d'Icare. La Crise de la Poésie française 1700-1750, Genève-Paris : Droz, 1981, surtout le chapitre III.

[195]  Mentionnons les travaux limitrophes dûs à des chercheurs comme Jean-Michel Racault sur l'utopie narrative (L'utopie narrative en France et en Angleterre 1675-1761, Oxford : The Voltaire Foundation, 1991); Racault a aussi publié une série de recherches sur Paul et Virginie de Bernardin de Saint-Pierre. De cette «humble pastorale», comme la nomme Bernardin, le XIXe siècle a connu presque une édition par année! Voir l'article de Jean Fabre, «Paul et Virginie, pastorale», dans Lumières et Romantisme, nouv. éd., Klincksieck, 1980.

[196]  Menant, op. cit., p.150-151.

[197]  Sur ce point, voir par exemple, pour ce qui concerne la littérature, le livre de Paul Bénichou, L'École du désenchantement, Paris, 1992.

[198]  «Je veux, pour composer chastement mes églogues...», vers 1 de Paysage, dans les «Tableaux parisiens», Oeuvres complètes, I, Gallimard, «Bibl. de la Pléiade», 1975, p.82.

[199]  Il s'agit du Cours complet de langue française (8ème édition), paru chez Delagrave en 1877, comportant un « cours de composition française suivi de notions de littérature ». Cité par Yvan leclerc, « L'idylle -- Hugo. Le Groupe des idylles dans la Légende des siècles », in Alain Niderst éd., La Pastorale française de Rémi Belleau à Victor Hugo, Paris - Seattle - Tübingen : PFSCL Biblio17, 1991, p. 149.

[200]  Martha Hale Shackford, « A Definition of the Pastoral Idyll », P.M.L.A., XIX (1904), pp. 583-592.

[201]  À l'exception, remarquable, du bel article de Gérard Genette sur L'Astrée, «Le serpent dans la bergerie», dans Figures I, Seuil, 1966, où celui-ci donne «la vraie formule de L'Astrée : la vertu au service du plaisir» (p. 118), formule qui peut s'appliquer, d'ailleurs, à Giraudoux.

[202]  Dans les années 60 et 70, ce mot était un sésame. Paul Ricoeur raconte que lors de son premier voyage aux États-Unis, un bon mot circulait sous forme de définition : « Praxis », mot allemand qui signifie « Révolution ». Voir Christian Bouchindhomme et Rainer Rochlitz, « Temps et Récit » de Paul Ricoeur en débat, Paris, 1990, p.18. De même Roland Barthes, dans son cours du Collège de France sur le neutre en 1980, obligé de nommer le champ général de ses réflexions, désigne l'éthique, et se croit obligé d'ajouter : « Au reste, si le mot «éthique» vous effrayait, comme ayant encore une sorte de relent idéaliste, vous pourriez le remplacer par le mot «praxis» (Roland Barthes, « Le désir de neutre » (cours au Collège de France du 18 févr. 1978) in: La règle du jeu, No.5, Août 1991, p.46).

[203]  En 1982, Wilhelm Vobkamp, de l'université de Bielefeld en Allemagne, tentait de faire le point de la recherche sur l'utopie dans les domaines philosophique, historique, sociologique et littéraire en Allemagne, en France et en Angleterre. Les résultats de cette monumentale récapitulation furent publiés en trois volumes totalisant 55 contributions (Wilhem Vokßamp [hrsg], Utopieforschung: interdisziplinäre Studien zur neuzeitlichen Utopie, 3 Bd., Stuttgart: Metzler, 1982). On notera en particulier l'article de Hans-Günter Funke, «Aspekte und Probleme der neueren Utopiediskussion in der französischen Literaturwissenshaft», Bd.1, p.192-220, ainsi que la bibliographie due à Jürgen Fohrmann (Bielefeld): «Zusammenfassende Bibliographie», p.232-253.). Si un bilan aussi englobant n'a pas été refait au début des années 90, Hinrich Hudde et Peter Kuon publiaient en 1988 les actes du colloque «De l'utopie à l'uchronie: formes, significations, fonctions» (Actes du colloque d'Erlangen 16-18 octobre 1986, Tübingen: Gunter Narr, 1988) qui contenait une bibliographie de 306 titres d'articles et de livres récents consacrés à la seule étude de l'utopie littéraire entre 1982 et 1987. Après l'étude inaugurale de Trousson en 1975, il s'agissait là des premiers travaux portant sur l'utopie vue d'un point de vue littéraire. Jean-Michel Racault s'inscrivait dans cette nouvelle tendance avec L'Utopie narrative en France et en Angleterre 1675-1761, déjà cité, et il publiait en 1990 un recueil d'études intitulé Ailleurs imaginés ( Jean-Michel Racault, éd., Ailleurs imaginés. Littérature, Histoire, civilisations, Cahiers CRLH-CIRAOI No.6, Université de La Réunion, Didier-Erudition, 1990). Comme le rappelle l'éditeur, la publication de ce volume coïncidait «avec le bi-centenaire de la monumentale collection des Voyages imaginaires (Amsterdam et Paris, 1787-1789, 36 volumes) où, à l'aube de la Révolution, l'éditeur Charles-Georges-Thomas Garnier consigna l'essentiel de ce que le thème avait inspiré à la littérature occidentale» (introduction, p.6). Notons que les 36 volumes de l'édition Garnier se trouvent dans la bibliothèque de livres anciens de Giraudoux, dans la section de la bibliothèque conservée par son fils à Versailles.

[204]  C'est déjà ce que Jean Deprun montrait en publiant, en 1979, son livre sur La philosophie de l'inquiétude en France au XVIIIe siècle (Paris : Vrin, 1979) et en le présentant, dans la première note de son ouvrage p. 217, comme le «très modeste complément» de celui de Robert Mauzi sur L'idée du bonheur dans la littérature et la pensée françaises au XVIIIe siècle (Paris : A. Colin, 1960; rééd.: Genève-Paris : Slatkine, 1979; Paris : Albin-Michel, Bibl. de «l'évolution de l'humanité», 1994). On a plusieurs fois comparé Giraudoux aux hommes de lettres du XVIIIe siècle. Jacques Body en fait un «petit-maître», ce qui est une erreur sur la définition de ce qu'est un petit-maître au XVIIIe siècle, mais «quand M. Morand père [Eugène Morand, le père de Paul] écoutait parler Giraudoux, il croyait entendre Le Neveu de Rameau» (Marcel Schneider, Morand, Gallimard, 1971, p. 209)

[205]  Bénac, art. cit., p.250.

[206]  Alain Niderst, op. cit., p.7.

[207]  Daniella Dalla Valle, c.r. de La pastorale française de Rémi Belleau à Victor Hugo, Alain Niderst, éd., Paris-Seattle-Tübingen, Biblio 17 -- PFSCL, 1991, dans Revue d'Histoire littéraire de la France, No.5, sept.-oct. 1993, p.730.

[208]  Il est significatif que nous n'ayons cité jusqu'ici, en rapport avec la tradition pastorale, que des chercheurs spécialistes des siècles antérieurs au XXe siècle? Seule une spécialiste du XVIIe siècle pouvait proférer cette remarque, tant les spécialistes du XXe siècle depuis une quarantaine d'années sont aveugles et indifférents aux différentes manières qu'a notre siècle d'hériter de manière féconde du passé, obsédés qu'ils sont par la modernité, les tendances nouvelles, les avant-gardes, conséquence sans doute de l'autre aspect important du XXe siècle littéraire: la littérature engagée. À n'étudier que les avant-gardes et les auteurs qui innovent, on finit par ignorer le fond contre quoi les novateurs se détachent, et ce que fut la littérature et les idées de l'époque qui les précéda et de celle dans laquelle ils vécurent. Dans une époque donnée, les oeuvres moins remarquables, comme aussi les critiques moins importants renseignent toujours beaucoup mieux sur l'époque.

[209]  Sylvain Menant, La Chute D'Icare. La crise de la Poésie française 1700-1750, Geneve -- Paris, 1981, p. 151.

[210]  Johan Huizinga, L'Automne du Moyen Âge (1919), Payot, 1975.

[211]  E. R. Curtius, La littérature européenne et le Moyen âge latin (1953), Trad. de Jean Bréjoux, Paris : 1956. Chapitre dix : Le paysage idéal. Wolfgang Iser, dans son récent livre, The Fictive and the Imaginary. Charting Literary Anthropology (Baltimore and London : 1993), cite en note, p. 313, une thèse allemande à laquelle nous n'avons pu avoir accès où l'auteur réfute l'idée des topoi de Curtius, et argumente en faveur de l'âge d'or comme « mode de pensée » (pp. 14 ss.) qui s'actualise continuellement en des formes de réception constamment renouvelées (Karl Veit, Studien zur Geschichte des Topos der Goldenen Zeit von der Antike bis zum 18. Jahrhundert, Cologne, 1961). C'est à peu de choses près ce que nous entendons ici.

[212]  Voir: André Motte, Prairies et jardins de la grèce Antique. De la Religion à la Philosophie, Bruxelles, 1971.

[213]  Ce chapitre est une version modifiée et complétée de notre communication au colloque de la S.I.E.G. : Giraudoux et l'écriture palimpseste, Montréal, 26-29 septembre 1995, actes réunis par Lise Gauvin, Département d'études françaises, «Paragraphes», 1997, p. 107-125.

[214]  Suzanne et le Pacifique (ch. VII), in Oeuvres romanesques complètes, p. 556.

[215]  Jusqu'au programme d'Ondine (mars 1939), que Giraudoux dédie à la mémoire de Charles Andler.

[216]  Gérard Genette, Palimpsestes. La littérature au second degré, Seuil, 1982. Giraudoux est mentionné vingt-six fois dans cet ouvrage.

[217]  Publié dans le Mercure de France le 1er février 1911, puis en volume chez Grasset à la fin du même mois.

[218]  Paru avec le chapitre IV dans la N.R.F. le 1er novembre 1925, puis avec le reste du roman chez Grasset en janvier 1926.

[219]  Publié dans la Revue européenne avec la livraison du 15 juillet 1927. Le texte repris dans Littérature en 1941 présente des corrections et une variante significative sur laquelle on reviendra.

[220]  Jean Giraudoux, «Racine», N.R.F., nº 195, 1er décembre 1929; repris dans Littérature, Grasset, 1941; ce passage, Folio-essais, p. 32.

[221]  Publié par Brett Dawson dans Oeuvres romanesques complètes, op. cit., tome II, p. 1138-1141. Ce texte, qui appartient au même fonds que La Grande Bourgeoise, a probablement été écrit vers 1928; La France sentimentale a été publiée en octobre 1932. Nous remercions Brett Dawson d'avoir attiré notre attention sur ce texte.

[222]  Jacques Robichez a signalé dans sa notice des Contes d'un matin, l'emprunt du cyclope amoureux consolé par la poésie que Giraudoux a fait, après tant d'autres poètes, à l'Idylle XI de Théocrite, pour le conte signé Jean-Emmanuel Manière, intitulé « Le Cyclope », paru dans Le Matin le 27 septembre 1908. Jean-Yves Tadié l'a de nouveau noté dans sa notice d'Elpénor (notice de l'édition de la Pléiade, p. 1507).

[223]  Pierre Brunel, « Le cyclope de Giraudoux et le genre de l'idylle », dans Des Provinciales au Pacifique : les premières oeuvres de Giraudoux, études rassemblées par Sylviane Coyault et Michel Lioure, Association des Publications de la faculté des Lettres et Sciences Humaines de Clermont-Ferrand, 1994, p.101-110. Pierre Brunel a repris cette étude, jointe à plusieurs autres sur le thème de l'idylle, dans L'Arcadie blessée, le monde de l'idylle dans la littérature et les arts de 1870 à nos jours, éditions InterUniversitaires, 1996. Nous nous autorisons des conclusions de cet article. Mais nous nous inspirons ici d'une phrase tirée d'une autre communication de Pierre Brunel et qui est l'une des plus belles méditations qui aient été écrites sur Littérature, ce recueil qui, par poètes interposés -- poètes au sens large -- contient presque tout l'art poétique de Giraudoux, fait le «portrait de Giraudoux en écrivain idéal» et à beaucoup d'égards constitue son testament poétique. La phrase à laquelle nous pensons vient après le portrait bien connu de Charles-Louis Philippe en innocent : «cette innocence-là, elle est chère à Giraudoux.» (P. Brunel, «Le portrait de l'écrivain dans Littérature», in La Guerre de Troie a-t-elle eu lieu?, Actes du colloque de Bursa, Isis, Istanbul, et Littérature & Nation, Tours, 1992, p. 145-151).

[224]  Paru dans La Grande Revue, le 25 octobre 1910, puis en volume, chez Grasset en février 1911.

[225]  Nous remercions les héritiers de Jean Giraudoux de nous avoir si aimablement reçu et d'avoir mis si généreusement leurs archives à notre disposition. Nous publions deux de ces travaux en annexe, ainsi que quelques intitulés de composition française.

[226]  Les autres auteurs sont Démosthène (2e philippique), Aristophane (Strepsiade, Les Nuées, L'Assemblée des femmes, Plutus) et Thucydide.

[227]  Nous n'avons pas trouvé de renseignements sur l'édition dans laquelle Giraudoux a étudié Théocrite, les archives du lycée de Châteauroux n'en possèdent plus d'exemplaire. Il s'agit vraisemblablement d'un recueil de morceaux choisis, semblable à ces «Extraits d'Aristophane» dont Giraudoux s'est servi et dont on peut voir encore aujourd'hui l'exemplaire annoté de sa main au musée du Lycée. Nous remercions M. le Proviseur Gervais Rutard pour son très chaleureux accueil au lycée. En 1931, Émile Chambry mentionne comme éditions récentes précédant celle de Legrand aux Belles Lettres : Lecomte de Lisle, J. Girard, Barbier, Paul Desjardins, « la plus originale de toutes », et Pessonneaux. Les éditions critiques à l'époque étaient celles d'Ahrens (Leipzig, 1855), de Ziegler (Tübingen, 1879), de Fritsche-Hiller (1881). La première édition moderne était celle d'Henri Estienne (1566 et 1579). En khâgne au lycée Lakanal (1900-1902), Giraudoux utilisa sans doute l'une de ces éditions, probablement celle de la collection Teubner, qu'il mentionne dans ses premiers écrits. Ajoutons pour mémoire qu'en 1905, Ulrich von Wilamowitz-Möllendorf publia sa Textgeschichte der griechischen Bukoliker et Bucolici graeci (Oxford, 1905, 2ème édition, 1910). Legrand (1898) utilisera cette édition mais se servira aussi des apparats de Ziegler et d'Ahrens. Enfin signalons que l'écrivain acquerra une belle édition du texte grec seul de Théocrite qui se trouve aujourd'hui dans la bibliothèque conservée à la Maison natale à Bellac : TEOKRITOU EIPGRAMMATA, Oxford, 1676. Rien n'indique à quelle date ce volume est devenu la propriété de Giraudoux. (Je remercie le Pr. Jacques Body d'avoir déchiffré la date d'édition de ce volume).

[228]  Voir la notice d'Elpénor, de Jean-Yves Tadié, dans Oeuvres romanesques complètes, op. cit., t.I, p. 1507-1514.

[229]  Une autre remarque s'impose à l'examen de cette bibliothèque : Giraudoux y montre un goût certain pour la tradition pastorale : la pastorale dramatique baroque, tout particulièrement, est très bien représentée, d'Ollénix du Mont Sacré [Nicolas de Montreux](Les deux livres des Bergeries de Iuliette, 1592 et 1593) à Alexandre Hardy (une édition en trois volumes du théâtre d'Alexandre Hardy parisien, de 1625 et 1626), en passant par l'Aminta du Tasse, Le berger fidelle de Guarini, 1598 et un certain nombre d'autres fables bocagères moins connues du baroque français. On sait l'importance des deux oeuvres italiennes pour l'histoire de la pastorale dramatique française. On y trouve aussi l'édition originale, de 1773, des nouvelles idylles de Salomon Gessner qui contient des Contes moraux de Denis Diderot. Ceci montre que Giraudoux n'a pas cessé de s'intéresser à la tradition pastorale. Ces remarques complètent celles faites par Maurice Barthélémy dans son article, « Giraudoux bibliophile », in RHLF, 5-6 (1983) 764-772.

[230]  Liste publiée par Jacques Body dans Giraudoux et l'Allemagne, Publications de la Sorbonne, Littératures 7, «Études de littérature étrangère et comparée», nº 70, Didier, 1975, p. 470-482.

[231]  Émile Chambry, Les Bucoliques grecs, Garnier, 1931, Notice sur Théocrite, p.10.

[232]  Le premier emprunt, le 4, est une pièce en allemand de Hermann Sudermann (18571928) : Johannisfeuer; s'y ajoutent, le 6 novembre, le t. 8 d'une édition de Flaubert, les deux éditions d'Hérondas, les thèses de Legrand (Théocrite, La divination en Grèce), une thèse sur Bossuet directeur de conscience, une thèse sur François Ponsard, Plaute et Térence, un essai bibliographique sur Cicéron, et L'amant rendu cordelier a l'observance d'amours, poème de Martial d'Auvergne; le 9 novembre, l'Histoire amoureuse des Gaules de Bussy-Rabutin, l'Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, prototype de Rabelais, de Théophile Folengo (14961544), le t.4 de l'Ancien théâtre français dans la Bibliothèque elzévirienne; et le 11 novembre, un volume de la série de Barbey d'Aurevilly, 18081889 Dixneuvième siècle. Les oeuvres et les hommes, un numéro du Mercure de France (1896, I), une thèse sur Jean Nicot, une thèse sur Aristophane et une autre sur Pellisson, les Mémoires de Restif de la Bretonne, le premier volume de la correspondance de Voltaire, ainsi que des Mélanges de cet auteur. Nous restituons ici les titres exacts des ouvrages empruntés; dans sa thèse (p. 470-482), Jacques Body avait publié telles quelles, sans vérification, les fiches de la bibliothèque (voir note 14). Nous remercions Daniel Béguin, de l'ENS, de s'être chargé de quelques unes de ces vérifications.

[233]  J. Body, Giraudoux et l'Allemagne, op. cit., p.34

[234]  Voir Albérès, Esthétique et morale, op. cit., p. 40, note 55.

[235]  Voir R.-M. Albérès, Esthétique et Morale chez Jean Giraudoux, Nizet, 1957, Appendice C, p. 491-192.

[236]  Il y a un contexte culturel qui peut avoir favorisé l'attention portée par Giraudoux à un poète comme Théocrite. Toute l'atmosphère du symbolisme finissant, tant en peinture (Puvis de Chavannes, Maurice Denis, Franz von Stuck, que Giraudoux a connu à Munich) qu'en musique, en danse, en photographie, en littérature et en philosophie, est primitiviste et préoccupée d'Arcadie, de paradis terrestre, d'androgynie, de cosmos, de vie (Bergson), et se tourne vers la Grèce. On sait les distances qu'a pris Giraudoux avec les différentes écoles de son temps. Mais la ferveur et la tendresse rêveuse de Giraudoux n'est sûrement pas étrangère à ce virage épistémique.

[237]  Auguste Couat, La poésie alexandrine, 1882, p. 391-444.

[238]  Alfred et Maurice Croiset, Histoire de la littérature grecque, 1899, tome 5, chapitre IV, iii, p. 180-210.

[239]  Philippe-Ernest Legrand, Étude sur Théocrite (1898), Éditions de Boccard, Bibl. des Écoles françaises d'Athènes et de Rome, 1968.

[240]  Ibid., p. 196 ss.

[241]  Son mémoire de licence s'intitulait « Étude de l'Ode Pindarique chez Ronsard ». Giraudoux est licencié ès lettres avec la mention «bien» le 28 juillet 1904. Tant pour le mémoire de licence que pour le mémoire présenté pour le Diplôme d'Études Supérieures (DES), j'ai consulté les copies conservées à la Maison natale à Bellac.

[242]  Nous soulignons.

[243]  Correction de Giraudoux.

[244]  « De ma fenêtre » paraît dans l'Ermitage à quelques mois de là le 15 décembre 1906.

[245]  Il est intéressant de noter que quelques paragraphes avant le passage où Giraudoux-Bernard mentionne Théocrite, il s'invente une « arrière-grand-tante Céline, qui avait connu André Chénier» (p.198).

[246]  La définition de l'églogue dans l'Encyclopédie occupe rien moins que onze colonnes, dues à Jaucourt, qui cite l'abbé Fraguier, et à Marmontel. À quoi il faut ajouter les cinq colonnes consacrées par le premier à la poésie pastorale, un peu plus d'une colonne sur la bucolique par l'abbé Mallet, et une colonne sur l'idylle.

[247]  Charles Batteux, Principes de la littérature, 1774.

[248]  Chénier écrivait : «Viens voir aussi comment aux bords de notre Seine /La Muse de Sicile et chante et se promène» (André Chénier, Oeuvres complètes, Bibl. de la Pléiade, p.613).

[249]  Voir Erwin Panofsky, « Et in Arcadia Ego », in L' oeuvre d'art et ses significations, Paris, 1969, p.278-302. Voir aussi Bruno Snell, La découverte de l'esprit, la genèse de la pensée européenne chez les Grecs (1946), ch. XVI : L'Arcadie, la découverte d'une terre spirituelle, L'Éclat, 1994. La thèse de Snell est combattue par Ernst A. Schmidt, « Arkadien : Abendland und Antike », in Antike und Abendland, 21 (1975) : 36-57. Sur l'Arcadie, voir aussi les actes du XVIIe congrès annuel de la NASSCFL, Et in Arcadia Ego (Montréal 1995), édités par Antoine Soare, Biblio 17 -- 100, PFSCL, 1997.

[250]  Wolfgang Iser, The Fictive and the Imaginary, Charting Literary Anthropology, ch. II : Renaissance Pastoralism as a Paradigm of Literary Fictionnality, Baltimore : John Hopkins U.P., 1993, p.28.

[251]  Ibid., p.32, 33-34.

[252]  Réalité trop simple et trop grossière aux yeux des mondains amateurs de pastorales du XVIIe siècle et du XVIIIe siècle, ce qui explique le peu de faveur de Théocrite par rapport à Virgile à ces époques. C'est ce que Fontenelle théorisera dans son Discours sur la nature de l'églogue de 1688 et qui fera Jean-Paul Richter comparer l'églogue selon Fontenelle à du sucre superfin.

[253]  Charles Segal, Poetry and Myth in Ancient pastoral, Essays on Theocritus and Virgil, Princeton : Princeton UP, 1981, p.7.

[254]  Voir Ulrich Ott, Die Kunst des Gegensatzes in Theocrits Hirtengedichten, Hildesheim, New York : Georg Olms Verlag (Spudasmata, Bd XXII), 1969.

[255]  E. Panofsky, op. cit. p. 284-285.

[256]  Voir Gary B. Miles, «Characterization and the Ideal of Innocence in Theocritus' Idylls», in Ramus 6 (1977), 139-164. Sur Théocrite en général, nous renvoyons aux livres de Thomas G. Rosenmeyer, The Green Cabinet, Theocritus and the European Pastoral Lyric, 1969; Charles Segal, Poetry and Myth in Ancient Pastoral, 1981; et au chapitre sur Théocrite dans G.O. Hutchinson, Hellenistic Poetry, Oxford U.P., 1988, p. 143-213. Nous avons aussi puisé quelques aperçus, renseignements ou confirmations dans Frederic T. Griffiths, Theocritus at court, Mnemosyne, Suppl. 55, 1979; David M. Halperin, Before pastoral, Theocritus and the Ancient Tradition of Bucolic Poetry, 1983; Simon Goldhill, The Poet's Voice, Essays on poetics and Greek Literature, Cambridge University Press, 1991, chapter 4 : «Framing, polyphony and desire : Theocritus and Hellenistic poetics», p. 223-283 ; Kathryn J. Gutzwiller, Theocritus Pastoral Analogies, The Formation of a genre, The University of Wisconsin Press, 1991; Richard L. Hunter, Theocritus and the Archaeology of Greek Poetry, Cambridge U.P., 1996.

[257]  Pour une discussion complète du mot naïf et de la notion de naïveté en France et en Allemagne à la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle (époque qui représente pour Giraudoux le romantisme proprement dit, aussi bien en France qu'en Allemagne), voir l'article de Markus Winkler, «Quelques remarques de Mme de Staël et de Benjamin Constant sur le 'genre naïf' dans la littérature allemande», Cahiers staëliens, 37 (1985-1986) 23-44.

[258]  Pour la genèse et l'interprétation de cet essai si important dans l'histoire de l'idéalisme allemand, voir le livre capital de Peter Szondi, Poésie et poétique de l'idéalisme allemand, Minuit, 1975; ici, p. 91. Voir aussi la grande étude de Victor Basch, La poétique de Schiller, essai d'esthétique littéraire, 2e éd. revue, Paris, 1911.

[259]  Schiller, Oeuvres, trad. Adolphe Regnier, Paris, 1873, tome VIII, Esthétique de Schiller, De la Poésie naïve et poésie sentimentale, p.339-440. Il existe une édition bilingue du traité Poésie naïve et poésie sentimentale, trad. Robert Leroux, Aubier, 1947. La traduction Leroux paraît serrer le texte original d'un peu plus près, mais elle est sèche et pressée tandis que la traduction d'Adolphe Regnier est souple et généreuse.

[260]  Ibid., p.339-340.

[261]  Ibid., p. 340.

[262]  Ibid., p.341.

[263]  Jean Giraudoux, Intermezzo, in Théâtre complet, Bibl. de la Pléiade, p.340. Le texte dit, et ce n'est pas indifférent : «décevant Helvète, mais à moi tu souris».

[264]  Comme le dit de manière si amusante Peter Szondi, «on dirait que Schiller veut glisser dans la main du lecteur sensible du non moins sensible Promeneur solitaire la Critique de la raison pratique en lieu et place d'un mouchoir mouillé de larmes». Peter Szondi, op. cit. p. 63.

[265]  Schiller, op. cit., p.341

[266]  Ibid., p.351.

[267]  Ibid., p.346.

[268]  Ibid., p.360.

[269]  Ibid., p.401. L'idylle est «une exposition épique de la félicité dans la limitation», écrira Jean-Paul, l'admirateur de Jean-Jacques, dans l'édition de 1812 de sa Vorschule zur Ästhetik. Jean-Paul Richter, Cours préparatoire d'esthétique, §73 l'idylle (1812), Éd. d'Anne-Marie Lang et Jean-Luc Nancy, L'Âge d'Homme, 1979, p.244. Définition plus limitée et qui réintroduit le critère formel complètement absent chez Schiller. Giraudoux possédait la traduction d'Alexandre Büchner et de Léon Dumont de la Poétique ou introduction à l'esthétique, Paris, Durand, 1862. Elle est aujourd'hui à Bellac.

[270]  Ibid., p.401.

[271]  Voir, à propos des Thalysies, la lumineuse démonstration par Laurence Plazenet de l'art poétique chez Théocrite : L. Plazenet, «Théocrite, idylle 7», L'Antiquité classique, LXIII, 1994, p. 77-108.

[272]  Peter Szondi, op. cit., p. 81. Adorno, nous le verrons, exprime la même idée dans ses Noten zur literatur.

[273]  Goethe-Schiller, Correspondance 1794-1805, tome 1 : 1794-1797, trad. de Lucien Herr, nouv. éd. rev., augm. et prés. par Cl. Roels, Gallimard, 1994, p. 43-47.

[274]  paqhtikoV, le pathétique, mais aussi le sensible : le premier sens en grec est non pas ce qui provoque une émotion, mais ce qui est capable de la ressentir, de l'éprouver. C'est dans ce sens, croyons-nous, qu'il faut prendre l'usage du mot par Giraudoux lorsqu'il désigne Simon le Pathétique.

[275]  Jean Giraudoux, « Sur Gérard de Nerval », dans La Revue universelle, 15 juillet 1927, p.3. Ce texte a été repris dans Littérature (1941), mais il a fait disparaître l'épithète dans le texte de Littérature, jugeant sans doute que, dans le contexte de sa phrase, «vrai poète» constitue un pléonasme, et que «poète» suffit. Giraudoux utilise la même épithète en page 10 du même essai, cette fois pour dire qu' « il n'y a de vrai poète que celui qu'anime un sentiment de justice et de pardon vis-à-vis de Dieu ».

[276]  Les Cinq tentations de La Fontaine, in Oeuvres littéraires diverses, p. 446 (« La tentation du scepticisme et de la religion », conférence faite à l'Université des Annales le 19 février 1936, publiée dans Conférencia, t.II, nº 17, 15 août 1936, p.231-248). Répétons que « le sourcier de l'Éden » donne ici lui-même la clef de cette expression si souvent citée, treize ans après la première édition de La Prière sur la Tour Eiffel (Paris, 1923) où elle apparaît pour la première fois (I, p.853).

[277]  Rappelons que Valéry considérait ce poème comme l'un des plus beaux de la langue française, Oeuvres, t. I, Gallimard, Bibl. de la Pléiade, 1957, p. 474-495.

[278]  Georges Lukacs, L'âme et les formes [1911], trad. fr., Gallimard, 1974.

[279]  Georges Lukacs, La théorie du roman [1920], trad. fr., Gonthier, 1963, «Médiations», p. 45

[280]  «Il y a dans notre littérature des considérations sur la misère, pas une seule expression de la misère». Peut-être n'est-il pas inutile de rappeler que cette phrase est de 1910! Jean Giraudoux, « Charles-Louis Philippe », La grande Revue, 14ème année, t.LIX, No.1, 10 janvier 1910, p.188-191. texte repris dans Littérature en 1941.

[281]  Schiller, op. cit., tome VIII, p.352.

[282]  Jean Giraudoux , «Sur Gérard de Nerval», La Revue européenne, nouv. série, nº 7, 15 juillet 1927, p.1-10; «Gérard de Nerval», Littérature in Oeuvres littéraires diverses, Grasset, 1958, p.498; Gallimard, Folio-essais, p. 81.

[283]  Jacques Body, Introduction générale, in Oeuvres romanesques complètes, p. xviii. Rappelons ici l'argumentation fort habile d'Edmond Jaloux : «Si quelqu'un lui disait qu'il se trompe et que les gens qui connaissent la réalité et qui l'ont peinte sont Zola ou Maupassant, Jean Giraudoux répondrait avec sa parfaite politesse et son sourire réservé que cela est impossible, car il n'a jamais vu lui-même ce qu'on trouve dans Nana ou dans Bel-Ami, alors qu'il a connu personnellement des jeunes filles comme Anne, Suzanne et Juliette; des jeunes femmes comme Edmée; des enfants comme Claudie; des diplomates comme Dubardeau; des jeunes gens comme Jacques ou don Manuel et que tous les paysages qu'il a peints sont des paysages qu'il a admirés et devant lesquels il a vécu.», Visite à Giraudoux, dans D'Eschyle à Giraudoux, Egloff, 1946, p. 312.

[284]  Il y aurait lieu de rapprocher ce «poétiquement réel» de la définition que Giraudoux donne du théâtre dans L'Impromptu de Paris, sc. I (Théâtre, p. 692): «Le théâtre, c'est d'être réel dans l'irréel».

[285]  Jean Mistler, Conférencia, 20 mars 1929.

[286]  Celles qui étaient au programme de la licence d'allemand, comme on peut le lire dans l'édition de la Pléiade (n. 2, p. .200), la mise au point de Jacques Body (Giraudoux et l'Allemagne, op. cit., p. 35, note 36) ne concernant que les épreuves spéciales à la licence d'allemand.

[287]  «J'ai vingt-trois ans, Dolorès. Et pas un roman, pas un article à mon actif. Pas un crime!» s'écrie Bernard quelques pages avant notre passage («Bernard, le faible Bernard», dans L'École des indifférents, p. 196).

[288]  Alain Michel, In hymnis et canticis, culture et beauté dans l'hymnique chrétienne latine, Louvain et Paris, Vander-Oyez, 1976, p. 147.

[289]  La maladie de l'enfant regardeur dans De ma fenêtre, est justement qu'il ne cligne pas : «Pourquoi il est malade ? expliquait-elle [Urbaine], parce qu'il ne cligne jamais des yeux. Il vous regarde des heures entières, les yeux toujours ouverts, comme un aveugle.» (I, p. 22).

[290]  Sublime conquis (sublimé?) sur ou résultat de formidables tensions et contradictions lorsqu'on songe à la genèse de cet écrit. Voir le dossier du Régicide réuni par Guy Teissier dans les Cahiers Jean Giraudoux, nº 18, 1989, p. 21-83 et l'étude d'Antoinette Weber-Caflisch, «La fabrique de l'espace dans les premiers écrits de Giraudoux», dans Des Provinciales au Pacifique, op. cit., p.145-161.

[291]  Sur le lyrisme giralducien voir l'article éclairant d'Alain Duneau, «Les marques du lyrisme dans les premières oeuvres de Giraudoux», Des Provinciales au Pacifique, les premières oeuvres de Giraudoux, op.cit., p. 33-42.

[292]  Sur la question du modèle en littérature, nous avons consulté Gisèle Mathieu-Castellani, «Statut et fonction du modèle», Cahiers de l'UER Froissart, nº 2, 1977, p. 5-20; Marie-Christine Gomez-Géraud et Henriette Levillain (dir.), «Les modèles de la création littéraire», Littérales, nº 5, 1988.

[293]  Schiller, op. cit., p. 346.

[294]  «Marche vers Clermont», Les Amitiés (Saint-Étienne), 6e année, No spécial consacré à Émile Clermont, sept. 1927, p.101-114; repris sous le titre «Tombeau de Émile Clermont», dans Littérature en 1941. Ce texte est contemporain de l'essai sur Gérard de Nerval, publié deux mois auparavant.

[295]  Sur cet aspect de Théocrite, voir Charles Segal, «Landscape into myth : Theocritus' bucolic poetry», in Ramus, nº 4, 1975, p. 115-139, spécialement p.122-123 (repris dans Poetry and Myth in Ancient Pastoral. Essays on Theocritus and Virgil, op. cit.).

[296]  Jean Giraudoux, Oeuvres romanesques complètes, t. II, p.1138-1139.

[297]  Une telle transparence entre l'homme et l'oeuvre laisse sceptique aujourd'hui, mais à l'époque de Giraudoux, elle n'était pas mise en doute. On étudiait le caractère des poètes pour pénétrer dans leur oeuvre.

[298]  Alain Niderst l'a rappelé récemment dans son Giraudoux ou l'impossible éternité, Paris, 1994. Mais d'autre part Ernst Robert Curtius a montré naguère quelle avait été l'importance des loci amoeni homériques dans la topique épidictique que nous a transmise le Moyen Âge..

[299]  Paul Alpers, « What is Pastoral? », Critical Inquiry 8, 1982, p. 442.

[300]  Gérard Genette, Palimpsestes, Seuil, 1982, p.88.

[301]  «Une heure avec Jean Giraudoux», Les Nouvelles littéraires, 2 juin 1923. Texte repris dans Fr. Lefèvre, Une heure avec..., 1ère série, Gallimard, 1924; cité d'après Cahiers Jean Giraudoux, 14, 1985, p. 46

[302]  Benjamin Péret, «Jean Giraudoux m'a dit...», Oeuvres complètes, t. 7, Corti, 1994, p. 79. Rappelons tout le bien qu'un autre surréaliste, Philippe Soupault, pensait du Giraudoux de L'École des indifférents et de Suzanne et le Pacifique. Voir Les Feuilles libres, nº 30, déc. 1922 - jan. 1923. D'autre part, «Suzanne seule à l'île de Pâques» fut publié dans Littérature, nº 16, sept. 1920, p. 6-8.

[303]  Sur la question du travail sur ses propres textes, voir les nombreuses allusions de Giraudoux dans ses entrevues avec des journalistes, «Enquêtes et interviews II», Cahiers Jean Giraudoux, 19, 1990. Ici, p. 174.

[304]  Ibid., p. 203-204.

[305]  Michel Potet et Pierre d'Almeida en ont apporté dans leur commentaire à une entrevue de Giraudoux avec François de Roux, en date du 4 juin 1934, à propos de Combat avec l'ange. Voir Cahiers Jean Giraudoux, nº 19, 1990, p. 136, note 1.

[306]  Alexandre Astruc, «Jean Giraudoux, ou des bonheurs du langage au langage du bonheur», dans Hommage à Giraudoux, Confluences, 4e année, nº 35, septembre-octobre 1944, p. 94-104

[307]  Voir l'éclairante notice de Guy Teissier, dans l'édition de la Pléiade (p. 1386-1402), et surtout la note sur le texte (p. 1402-1409)

[308]  Voir la notice de Jacques Body, dans l'édition de la Pléiade (p. 1625) et la note sur le texte (p. 1636-1645). Voir aussi du même auteur, Jean Giraudoux, La légende et le secret, PUF, 1986, p. 13-22.

[309]  Le monde idéal n'est-il pas l'univers de la sublimation? Il semble que chez Giraudoux la sublimation est le chemin qui mène au sublime. Nous reviendrons sur la question du sublime. Il est connu que la sublimation est un processus particulièrement problématique en psychanalyse. Voir Antoine Vergote, La psychanalyse à l'épreuve de la sublimation, Cerf, 1997. Pour une approche psychanalytique de l'oeuvre giralducienne voir la première thèse de ce type sur l'oeuvre de Giraudoux : André Job, Création romanesque et narcissisme : le cas Giraudoux, Université François-Rabelais, Tours, 1994 (désormais publiée: Giraudoux Narcisse, Genèse d'une écriture romanesque, Presses universitaires du Mirail, 1998). Pierre d'Almeida, dans le premier chapitre de sa propre thèse, avait abordé rapidement le roman familial giralducien : Pierre d'Almeida, L'image de la littérature dans l'oeuvre de Jean Giraudoux, Université François-Rabelais, Tours, 1987 (Cahiers Jean Giraudoux, 17, 1988).

[310]  Démontrer comment la première hérite de la seconde est une entreprise aussi délicate qu'intéressante. Giraudoux s'inspire, mais n'imite jamais : il suit le principe d'originalité qui est au coeur aussi bien de l'esthétique des Lumières que de l'esthétique romantique. En ce qui concerne la vieille question des rapports de Giraudoux avec le romantisme allemand et la question de l'influence de cette école littéraire sur son oeuvre, il n'est nul besoin de trancher pour, comme le firent jadis LeSage et Anstett, contre, comme le fit récemment d'Almeida, ou avec nuances comme le fit Body. Notre méthode dans ce chapitre consistera plutôt à faire se côtoyer la philosophie esthétique allemande et l'oeuvre de Giraudoux, les laisser se contaminer l'une l'autre, sans essayer de prouver trop. Cette fréquentation est souvent éclairante, car l'âme franco-allemande de Giraudoux est toujours là, active, prête à écouter le bruissement langagier des notions familières, autour de l'éthos commun. Le souvenir des cours de Charles Andler (et de Camille Mélinand, le disciple d'Émile Boutroux, à Lakanal) et des découvertes philosophico-poétiques n'est pas loin. Plutôt que des preuves, observons ce qu'il en tire, par «osmose», comme il le dira en parlant de Bergson.

[311]  Notons que l'émotion dont nous parlons ici n'est pas le privilège de la « belle âme » cher à une certaine critique essentialiste, mais l' aisthesis qui se manifeste dans le rapport entre le psychisme et le monde, l'énergétique de la rencontre entre la sensibilité et l'événementialité -- aisthesis qui fut le point de départ de l'esthétique chez son inventeur, A. G. Baumgarten (Aestethica, 1750-1758, inachevé). Nous rompons, comme on voit, avec le carcan de la clôture structuraliste du texte, entité supposée auto-suffisante. Prenant nos distances par rapport à une esthétique qui puisait beaucoup dans l'oeuvre de Paul Valéry, nous préférons nous inspirer de René Char. À ce titre nous nous sentons proche de recherches comme celles de Michel Collot, La matière-émotion, PUF, 1997, paru trop tard hélas dans notre recherche pour que nous en tirions un véritable profit.

[312]  Theodor Adorno, Théorie esthétique, trad, fr. de Marc Jimenez, nouv. éd. rev. et corr., Klincksieck, 1995. On note un regain d'intérêt des deux côtés de l'Atlantique pour l'esthétique adornienne. En Amérique du Nord, il est encore relancé par la parution d'une nouvelle traduction de cet ouvrage qui a fait l'unanimité de la critique : Aesthetic Theory, Gretel Adorno & Rolf Tiedemann, Editors, newly translated, edited, and with a translator's introduction by Robert Hullot-Kentor, Minneapolis : University of Minnesota Press, 1997.

[313]  Voir les chapitres consacrés à Bloch dans Notes sur la littérature, «L'anse, le pichet et la première rencontre», et «Traces de Bloch».

[314]  Voir l'introduction de Rainer Rochlitz à son Théories esthétiques après Adorno, Actes Sud, 1990, p.12.

[315]  Chris Marker, Giraudoux par lui-même, Seuil, «Écrivains de toujours», 1970 [1952].

[316]  Chris Marker, op. cit., p. 12.

[317]  Adorno fait ici référence à la poésie sentimentale telle que Schiller l'oppose à la poésie naïve (une note à cet effet existe aussi dans la traduction).

[318]  Theodor Adorno, Théorie esthétique, op. cit., p. 87.

[319]  Marc Jimenez, Qu'est-ce que l'esthétique?, Gallimard, «Folio-essais», 1997, p. 333-395. Jimenez montre que ce tournant politique de l'esthétique est pris au lendemain du traumatisme de la première guerre mondiale et se développe dans les oeuvres de penseurs tels que Lukács, Heidegger, Bloch, Benjamin, Marcuse et Adorno. Mais notons tout ce qu'un Marcuse a puisé dans les Lettres sur l'éducation esthétique de l'homme de Schiller, au chapitre IX de Eros et civilisation (tr. fr. J.-G. Nény et B. Fraenkel, Minuit, 1963). Notons aussi que les auteurs en question n'étaient pas nécessairement en harmonie. Jargon de l'authenticité (tr. fr. Éliane Escoubas, Payot, 1989), d'Adorno, a été écrit contre Heidegger.

[320]  Marc Jimenez, Qu'est-ce que l'esthétique, op. cit., p. 383, 386.

[321]  Jean Giraudoux. «Charles-Louis Philippe», dans Littérature, Grasset, 1941; Oeuvres littéraires diverses, p. 510; folio-essais, p. 102.

[322]  Hans Robert Jauss, Pour une herméneutique littéraire, tr. fr. Maurice Jacob, Gallimard, 1988, p. 266.

[323]  Theodor Adorno, Notes sur la littérature, trad. Sibylle Muller, Flammarion, 1984, p. 38 et 40 respectivement : «La situation du narrateur dans le roman contemporain».

[324]  Ou peut-être de morceaux de choix, sinon de « morceaux choisis » : «Je n'ose médire des Morceaux choisis. Je me rappelle mon éblouissement au lycée, quand je pus un jour en ravir le recueil à l'élève d'une classe aînée.», écrit Giraudoux en mars 1941. Littérature, Grasset, 1941, p.12.

[325]  P. 1134. Sur l'histoire de ce projet, voir la notice de Brett Dawson, Oeuvres romanesques complètes II, p. 1075 ss. et du même auteur, «L'Europe sentimentale», Roman 20/50, nº 14, 1992, p. 17-28.

[326]  «Dieu et la littérature», dans Littérature, Grasset, 1941, p.135.

[327]  Voir la notice de Bella, p. 1786-1790.

[328]  Benjamin Péret, «Giraudoux m'a dit...», Le Journal littéraire, 27 septembre 1924, dans Oeuvres complètes, t. 7, Corti, 1995, p. 79.

[329]  Oeuvres romanesques complètes II, p. 187-206, et ses avant-textes, p. 1126-1138.

[330]  Oeuvres romanesques complètes II, p. 137-165, et ses avant-textes, p. 1138-1145. C'est dans ces pages que Giraudoux-Gilbertain avoue «qu'il avait à lire avant d'arriver à sa propre pensée une idylle de Théocrite », p. 1138-1139.

[331]  Messages du Continental. Allocutions radiodiffusées du Commissaire général à l'Information (1939-1940) Cahiers Jean Giraudoux, nº 16, 1987, p. 149.

[332]  Edmond Jaloux, Les saisons littéraires 1904-1914, Plon, 1945, p. 298.

[333]  Le Déjeuner de Solignac, dans Oeuvres romanesques complètes I, p. 1647-1662. Jacques Body propose l'hiver 1919-1920 pour la date de rédaction, p. 1629.

[334]  Palais de Glace, dans Oeuvres romanesques complètes II, p.236-245. Voir la note sur le texte, p. 1628-1629.

[335]  Variante : comme Citroën contemple (...) son nom en fumée. Le texte comportant cette variante fut publié en 1926 dans Le Navire d'argent.

[336]  Pierre d'Almeida, L'image de la littérature dans l'oeuvre de Jean Giraudoux , Cahiers Jean Giraudoux, nº 17, 1988, p. 89. Ce critique confie comment il lui fut impossible d'appliquer au roman giralducien la méthode proposée par Gérard Genette dans Discours du récit, «l'une de nos tentatives les plus décevantes (mais aussi les plus instructives)», écrit-il. Tentative utopique! Là même où Giraudoux se propose de donner à lire un roman, il ne sait écrire qu'un poème.

[337]  Cette formule est de Dominique Noguez, «La dernière couche du palimpseste : le style de Giraudoux», Jean Giraudoux et l'écriture palimpseste, Actes du colloque de la SIEG, réunis par Lise Gauvin, Montréal, Paragraphes, 1997, p. 53-70.

[338]  Ou le pathos au sens d'Aristote, par exemple Rhétorique II 12-14.

[339]  Au premier rang desquels il faut placer, à côté de Rilke, Joe Bousquet, «Jean Giraudoux», dans Problèmes du roman, Confluences, nº 21-24, Lyon, 1943, p. 141-146, ici p. 144. Cet article, dû à un grand poète, est l'un des plus pénétrants jamais écrits sur Giraudoux, ce qui tend à confirmer, tant il s'avère clairement que seul un lecteur au tempérament poétique est en mesure de comprendre Giraudoux, que cet auteur est le type même du writers' writer, ou du poète pour poètes.

[340]  Le narrateur giralducien est le type même du narrateur « omniscient ». Mais cela ne renseigne guère sur la genèse du texte giralducien.

[341]  Dans l'Hyperion d'Hölderlin, le personnage d'Alabanda ne pèse guère lui non plus. Ni le personnage de Chloé, dans L'arrache-coeur de Boris Vian. Deux romans poétiques.

[342]  L'expression est de René Char, Sur la poésie, GLM, 1967, p. 3

[343]  Sur la question de l'ironie, voir le livre de Ernst Behler, Ironie et Modernité, trad. Olivier Mannoni, PUF, 1997, en particulier p. 203-238; et Jean-Paul, Cours préparatoire d'esthétique, trad. Anne-Marie Lang et Jean-Luc Nancy, L'Âge d'homme, 1979, p. 129.

[344]  Nous préfèrons utiliser la notion d'ethos, terme qui vient de la rhétorique aristotélicienne (le caractère d'un homme -- son daimon --, source de son comportement), et de la sociologie weberienne où il désigne un ordre normatif intériorisé (ensemble de maximes éthiques qui règlent la conduite de la vie), à celle de mode, terme qui hésite entre la poétique, la narratologie et la grammaire. Chez Gérard Genette, dans Discours du récit de Figures III (Seuil, «Poétique», 1972, p. 183-224), la notion de mode traite des «modalités de régulation de l'information narrative» et mène aux questions de distance (degré d'affirmation) et de perspective (points de vue : différence entre « qui voit? »et « qui parle? ») tandis que dans Introduction à l'architexte, la notion de mode concerne plutôt les types d'énonciation platonicien et aristotélicien : dramatique (imitation), narration pure, narration mixte (in Théorie des genres, p.147). Genette a discuté de ces différences dans Nouveau discours du récit (Seuil, «Poétique», 1983, p. 28-29), il n'y a pas contradiction, mais plutôt englobement. Nous entendons bien que le récit, par exemple, est un mode, tandis que le roman, autre exemple, est un genre. Mais nous avons besoin d'un terme pour décrire une certaine modalité du récit (en temps que mode, en temps que choix parmi les types d'énonciation) qui résulte de son exercice dans un contexte social, politique, historique et culturel donné et qu'il y prend place et position. [La question n'est pas sans lien avec ce que nous entendons par épistémologie littéraire, et avec l'appel que Genette a lancé naguère d'un certain apport d'une «autre psychologie, collective cette fois» (Figures I, p. 163)]. Le flottement théorique autour du mot mode rend malaisé son maniement. Sur la question des genres et des modes en littérature, la littérature est immense. Voir Alastair Fowler, Kinds of literature: an introduction to the theory of genres and modes, Cambridge, Mass.: Harvard UP, 1982. Voir aussi Paul Alpers, What is Pastoral, Chicago: The U. of Chicago Press, 1996, p. 42-78, plus proches de notre méthode. Voir aussi Jean-Marie Schaeffer, Qu'est-ce qu'un genre littéraire?, Seuil, «Poétique», 1989. Il faut bien voir que dans des pratiques discursives comme l'utopie ou l'idylle, caractérisées par un fort élément gnoséologique, axiologique et éthique, par des sélections, des choix et des rejets, par une intentionnalité marquée de l'auteur, il est préférable de se placer du point de vue d'une anthropologie philosophique. C'était, à peu près, le point de Genette. D'où le choix du terme ethos.

[345]  Mikhaïl Bakhtine, Esthétique et création verbale, trad. Daria Olivier, Gallimard, 1978, p. 367-377.

[346]  Marie-Claire Bancquart, Littérature du XXe siècle, PUF, «Collection premier cycle», 1992, p. 268-269.

[347]  L'engagement de Giraudoux, par ses articles et ses pièces, à partir des années 30, dans la vie politique de la France, en témoignera d'une autre façon.

[348]  Jean-Philippe Grosperrin, «Héros avec petit troupeau. La fiction pastorale dans le Télémaque de Fénelon, Littératures, 31, automne 1994, p. 45-58.

[349]  Cahiers Jean Giraudoux, nº 14, 1985, p. 96 . «Aujourd'hui nous sommes tous des journalistes» ajoute-t-il.

[350]  Jean Giraudoux, «L'écrivain journaliste», Marianne, 14 février 1934; Or dans la nuit, Gasset, 1969, p.190.

[351]  Le début de cette période (1919-1924) a été admirablement décrite par Éliane Tonnet-Lacroix dans Après-guerre et sensibilités littéraires (1919-1924), Publications de la Sorbonne, 1991 [c.r. très élogieux par André Guyon in RHLF, nº 5, sept.-oct. 1994, p. 889-890].

[352]  Pour ce qui précède, nous nous inspirons de l'introduction de Joël Blanchard à sa thèse, La pastorale en France au XIVe et XVe siècle, Champion, 1983. Le modèle théorique que présente Joël Blanchard du fonctionnement de la pastorale au Moyen Âge montre que ce fonctionnement est le même à toutes les époques.

[353]  L'épyllion, dans la tradition antique, est un poème narratif court, qui raconte un incident peu connu ou inventé dans la vie d'un héros ou d'une héroïne humains et non divins. Les Alexandrins préféraient les histoires d'amour et choisissaient souvent des héroïnes plutôt que des héros. L'épyllion se caractérise par le souci de la forme, la familiarité du ton et l'usage gracieux du réalisme. Le style est très orné, allusif, érudit -- il fait souvent appel à la poésie des noms de lieux --, il est narratif avec des passages dramatiques, et il contient au moins un discours d'une bonne longueur. Une de ses caractéristiques importantes est la digression, souvent très longue, qui se présente comme une seconde histoire souvent sans lien avec l'histoire principale. Elle est racontée par un personnage et décrit souvent une oeuvre d'art. Les maîtres du genre sont Théocrite (Id. xiii Hylas; xxiv Héraclès enfant; xxv Héraclès tueur de lion), Moschus, Bion, Callimaque (Hécalé), chez les Romains Catulle et surtout Ovide. Voir Marjorie Crump, The epyllion from Théocritus to Ovid, Oxford : Basil Blackwell, 1931, p. 22-24. Sur la prédominance de héros féminins dans l'épyllion, voir Carol Una Merriam, The Feminine World of the Epyllion, thèse de doctorat, The Ohio State University, 1993.

[354]  Jean Giraudoux, «Sur la nouvelle», dans Or dans la nuit, Grasset, 1969, p. 191-198.

[355]  Jean-Emmanuel Manière, «Trois fragments», Athéna, Revue des lettres et des arts, 10e année, nº 71, janvier 1906. Ce numéro contient aussi «De mon banc», qui deviendra «Le Printemps» dans Provinciales, et Les rides. Voir la note sur le texte de l'édition de la Pléiade, p.1230-1231.

[356]  C'est la version originale publiée par Emile-Paul, en 1927, qui contient aussi «premier rêve signé». Cette publication montre que pour Giraudoux il existe une unité entre tous ses premiers écrits.

[357]  Dans l'édition de 1812 de sa Vorschule zur Ästhetik. Jean-Paul Richter, Cours préparatoire d'esthétique, §73 l'idylle (1812), trad. d'Anne-Marie Lang et Jean-Luc Nancy, L'Âge d'Homme, 1979, p.244.

[358]  Jean-Paul Fr. Richter, Poétique ou Introduction à l'esthétique, trad. Alexandre Büchner et Léon Dumont, Auguste Durand, 1862, t. 2, p. 135.

[359]  La version publiée dans Athéna en 1906 a été publiée de nouveau par Laurent Lesage sous le titre «Fragments, by Jean Giraudoux», Modern Language Notes, vol. lxx, April 1955, p. 289-292.

[360]  Goethe, Die Metamorphose der Pflanzen (1790), trad. fr. La métamorphose des plantes, Triades, 1975. Voir René Michéa, Les travaux scientifiques de Goethe, Aubier, 1943. Cette théorie de la métamorphose en botanique avait de quoi séduire un Giraudoux. Goethe était aussi l'auteur d'une théorie des couleurs (Zur Farbenlehre, 1810-1823, tr. fr. Henriette Bideau : Le traité des couleurs, Triades, 1973), autre expression de ce génie multiforme qu'est Goethe et qu'admirait tant Giraudoux.

[361]  Dans Elpénor, en revanche, les Idées platoniciennes jouent en revanche un rôle capital, puisqu'elles servent à berner le cyclope.

[362]  Toute la passionnante science romantique allemande alliait recherche scientifique et recherche poétique. Qu'on en juge par un exemple. Le 23 mars 1829, Goethe confie à Eckermann qu'il vient de découvrir dans ses papiers une note dans laquelle «je définis l'architecture comme une musique figée » (Conversations de Goethe avec Eckermann, trad. fr. Jean Chuzeville, Gallimard, 1949, p. 232). Les fragments ou Encyclopédie de Novalis sont bourrés d'aperçus de ce genre. Sur ces questions la référence est la somme de Roger Ayrault, La genèse du romantisme allemand, Aubier, 4 v., 1961-1976.

[363]  On sait que Giraudoux considérait la défaite de 1870 comme un grand malheur. Voir les pages de Simon le Pathétique, où l'élève Simon déplore en pleine classe, lors d'une interrogation orale, la perte de l'Alsace (I, p. 287-288).

[364]  Voir Françoise Duvignaud, Terre mythique, terre fantasmée, l'Arcadie, L'Harmattan, 1994, troisième partie, p. 113-168.

[365]  On songe à Fontenelle et à son Discours sur la nature de l'églogue (Janvier 1688), que Giraudoux aura lu en Khâgne, sous la férule de Francisque Vial. Il n'y a guère, aux siècles classiques, que Baptiste Mantouan pour mettre en scène dans ses églogues des porchers, la vie rustique et tous les besoins et servitudes du corps humain. Guillaume Colletet y consacre tout un article dans son Art poétique. Guillaume Colletet, L'art poëtique où il est traité de l'épigramme, du sonnet, du poème bucolique, de l'églogue, de la pastorale, et de l'idylle, de la poésie morale et sententieuse (1658), Genève : Slatkine, 1970, section 6, p.15-18.

[366]  La connotation morale ou politique attachée à la province viendra dans les oeuvres ultérieures, mais toujours très discrètement. Giraudoux n'a non seulement jamais renié ses origines, mais en a fait un titre de gloire.

[367]  À l'imitation, semble-t-il, de Sophron, l'inventeur du genre, dont Diogène Laerce (III, 18) dit que Platon aimait à lire les mimes, les fit connaître à Athènes et les prit comme modèles de ses dialogues (Hérondas, Mimes, trad. Louis laloy, Les Belles lettres, 1991[1928], Introduction, p. 13 et note 2).

[368]  Callimaque, Épigrammes, hymnes, trad. Émile Cahen, 5e ed., Les Belles Lettres, 1961, introduction, p. 185-186.

[369]  Sur Callimaque et les principaux poètes alexandrins (Apollonius, Théocrite, Hérondas, Aratos, Lycophron, Asclépiade), voir G.O. Hutchinson, Hellenistic Poetry, Oxford UP, 1988. Sur l'Hécalé, p. 56-63.

[370]  «Un long poème est un long fléau», dit à peu près Boileau.

[371]  Callimaque, Épigrammes, hymnes, op. cit., p.86.

[372]  Je remercie Robert Melançon pour son commentaire d'Écho que nous résumons ici.

[373]  «Présentation de la province française à l'Amérique», Cahiers Jean Giraudoux, 15, 1986, p.113-118. Nous soulignons.

[374]  Hölderlin, «En bleu adorable...», tr. fr. d'André du Bouchet, Oeuvres, Gallimard, Bibl. de la Pléiade, 1967, p. 939-941.

[375]  Sur ces deux vers tirés d'un poème tardif de Hölderlin, «Dichterisch wohnt der Mensch...», Martin Heidegger a écrit un important commentaire : «...l'homme habite en poète...», dans Essais et conférences, trad. fr. par André Préau, Gallimard, 1958. On sait que Heidegger a vu dans l'écriture poétique une issue au drame -- la Geworfenheit -- de l'existence humaine.

[376]  «Discours sur le Berry», Or dans la nuit. Grasset, 1969, p.114.

[377]  Il l'a expliqué dans une entrevue accordée à Yves Gandon pour L'intransigeant, le 12 août 1935, sur «l'influence du terroir», Cahiers Jean Giraudoux, nº 19, 1990, p. 171-172 : «Quand j'arrive dans le Berry, dit-il, ce pays plat où s'étendent à perte de vue les mêmes champs de blé, de pommes de terre et de topinambours, je me sens chez moi. Je sais où gîtent la caille et le lièvre, le nom de chaque plante, l'endroit où passent les bestiaux pour se rendre à la mare. Pourtant je ne songerais jamais à utiliser dans un livre tous ces éléments que je possède à fond. Car si les qualités que donne le terroir sont immenses, l'écrivain qui cherche à les exprimer joue un jeu très dangereux. Je préciserai ma pensée en vous disant qu'en fait les études de moeurs, régionales ou autres, ne m'amusent pas.»

[378]  Giraudoux appréciait Henri Pourrat, comme en fait foi une déclaration de 1926. Voir Cahiers Jean Giraudoux, nº 14, 1985, p. 52.

[379]  Louis Lavelle, «Philosophie et poésie», Le Temps, 26 juillet 1936, in Chroniques philosophiques : science, esthétique, métaphysique, Albin Michel, 1967, p. 167.

[380]  Joseph Delteil, c.r. de Juliette aux pays des hommes, dans Les Feuilles libres, novembre-décembre 1924, p. 69.

[381]  Giraudoux aura étudié le style sublime au lycée. Voir Simon le Pathétique, p. 291-292. Mais le sublime est autre chose, comme on sait, et il l'aura approfondi en Khâgne à Lakanal, par le Traité du sublime de Longin, dans la traduction de Boileau, dont Francisque Vial, le professeur de français, donne des extraits des Réflexions sur Longin, dans ses Idées et doctrines du XVIIe siècle, Delagrave, 1906, p. 284-285.

[382]  J'emprunte cette expression à Theodor Adorno, dans un essai qui porte ce nom, auquel ce qui suit renvoie. Theodor W. Adorno, «La naïveté épique», Notes sur la Littérature, trad. Sibylle Muller, Flammarion, 1984, p. 31-36.

[383]  Ibid., p. 34

[384]  André Job, «Les enjeux de la lisibilité dans les romans de Jean Giraudoux», Rivista di letterature moderne e comparate, vol. xlii, fasc. 4, ottobre-dicembre 1989, p. 400.

[385]  Jean Giraudoux, «Gérard de Nerval», Littérature, Gallimard, «Folio», 1994 [1941], p. 81

[386]  Jean Giraudoux, «Prière sur la tour Eiffel», Juliette au pays des hommes, Oeuvres romanesques complètes I, Pléiade, p. 852.

[387]  Ibidem.

[388]  Et qui est certainement l' « utopie » giralducienne, s'il en est une, mais c'est l'utopie de tout poète.

[389]  Tzvetan Todorov, Introduction à la littérature fantastique, Seuil, 1970, cité par André Job, art. cit., p. 393.

[390]  Dont la fidélité à l'observé est véritablement l'utopie au sens propre, car elle n'est pas seulement idéale, elle est proprement impossible.

[391]  Theodor Adorno, op. cit., p. 34

[392]  Jean Giraudoux, «Nuit à Châteauroux», NRF, 6e année, t. xii, nº 70, 1er Juillet 1919, p. 226-277; repris dans Adorable Clio, Grasset, 1939 [Dawson 337], p. 64.

[393]  Cette vue de la philosophie comme paysage montre que Giraudoux s'est intéressé à la philosophie, non certes en tant que travail du concept, mais en tant que vue du monde, ce qui la rapproche de la poésie.

[394]  «Un quart d'heure avec Jean Giraudoux», Candide, 24 mai 1934; Cahiers Jean Giraudoux, 19, 1990, p.132.

[395]  «Jean Giraudoux et le théâtre», Les Nouvelles littéraires, 1er mai 1937; Cahiers Jean Giraudoux, 19, 1990, p. 214.

[396]  Representé pour la première fois le 4 décembre 1937, Théâtre complet, p. 689-724.

[397]  Voir la notice de Brett Dawson, Théâtre complet, p. 1588-1594, ainsi que la thèse du même auteur, magnifique travail hélas inédit : Jean Giraudoux, théoricien du théâtre, Université de Paris-IV, 1977.

[398]  Chris Marker, Giraudoux par lui-même, Seuil, 1970, p. 18

[399]  La parole au sens où on la désigne ici est celle-là même que Heidegger cherche à approcher dans un dialogue philosophe intitulé «D'un entretien de la parole, entre un Japonais et un qui demande». Le Japonais explique que la parole se dit Koto ba, qui signifie : ce qui croit et s'épanouit en pétales de fleurs; le demandeur salue ce dépassement de la métaphysique et explique que ce qui en approche le plus dans sa langue est die Sage (la légende ou la fable), au sens du pouvoir du dire («plus original que tout dire et que tout ce qui est dit, et qui ne cesse de se dire à travers tout ce que nous disons»). Koto ba, ajoute-t-il, laisse entrevoir le Dicible, das Sagenhafte, le fabuleux, le légendaire (Acheminement vers la parole, Gallimard, 1976, p. 132-133, et note 15). De tous les critiques, un seul, Edmond Jaloux, qui était l'ami de Giraudoux et l'un de ceux qui l'ont le mieux compris, a vu en lui un «poète japonais». Voir «Esquisse d'après Jean Giraudoux», L'esprit des livres, Plon-Nourrit, 1923, p. 199. Il s'agit de l'article souvent cité où Jaloux compare Giraudoux à un «poète japonais», un «romantique allemand», un «humoriste anglo-saxon», un «fabuliste français»; et c'est l'un de ceux qui le consacrent poète.

[400]  On voudra bien nous pardonner ce néologisme qui traduit au mieux l'activité obsessive si générale chez Giraudoux de porter, d'élever tout ce qu'il touche au niveau de l'idylle.

[401]  Roland Barthes, «La littérature aujourd'hui», Essais critiques, Seuil, 1964, p. 163-164.

[402]  Paul Valéry, dans Agathe, a tenté l'aventure poétique de la pensée s'observant elle-même, dans une tentative pour synchroniser mouvement et pensée, mais il n'a jamais réussi à terminer son poème. Les premiers mots expliquent peut-être pourquoi : «Plus je pense, plus je pense...». On trouvera Agathe, poème «écrit en 1898, souvent repris au cours des années suivantes, et demeuré inachevé», publié pour la première fois en 1956, au tome 2 de l'Édition de la Pléiade des Oeuvres de Valéry, parmi les notes de La soirée avec M. Teste, p. 1388-1392.

[403]  art. cit.. p. 168.

[404]  Rilke, qui avait beaucoup d'admiration pour Giraudoux, a donné la mesure de ce risque dans un poème sans titre écrit en juin 1924 : « Comme la nature abandonne les êtres / au risque de leur obscur désir et n'en protège / aucun particulièrement dans les sillons et dans les branches, / de même nous aussi, au tréfonds de notre être // ne sommes pas plus chers; il nous risque. Sauf que nous, / plus encore que la plante ou l'animal, / allons avec ce risque, le voulons, et parfois même / risquons plus (et point par intérêt) / que la vie elle-même, d'un souffle // plus... Ainsi avons-nous, hors abri, / une sûreté, là-bas où porte la gravité / des forces pures; ce qui enfin nous sauve, / c'est d'être sans abri, et de l'avoir, cet être, / retourné dans l'ouvert, le voyant menacer, // pour, quelque part dans le plus vaste cercle, / là où le statut nous touche, lui dire oui.» Ce poème a fait l'objet d'un commentaire par Martin Heidegger, « Pourquoi des poètes [en temps de détresse]», Chemins qui ne mènent nulle part, Gallimard, 1962, p. 323-385, poème cité p. 333. Le commentaire de Heidegger pourrait se résumer par les trois formules suivantes : la seule chose, l'interchangeable (Ersatz); le seul sol, le sans-fond; le seul appui, l'insaisissable.

[405]  Si une évolution dans l'histoire des idées permet de dater Giraudoux, c'est à quel point il est antérieur et étranger à l'ère du soupçon.

[406]  Jacques Robichez (dir.), Précis de littérature française du xxe siècle, PUF, 1985, p. 54.

[407]  Voir Jean-Yves Tadié, «Proust et le « nouvel écrivain »», RHLF, jan.-mars 1967, p. 79-81.

[408]  Revue de Paris, 15 novembre 1920.

[409]  Marcel Proust, «Essais et articles», dans Contre Sainte-Beuve, Gallimard, Bibl. de la Pléiade, 1971, p. 607. Anatole France avait écrit exactement, «que le langage étant fait pour la communauté des oreilles, toute singularité doit en être bannie», La Revue de Paris, 1er septembre 1920.

[410]  NRF, 1er juillet 1919.

[411]  Marcel Proust, Ibid., p. 615.

[412]  Ibid.

[413]  Marcel Proust, Le Côté de Guermantes, II, i , À la recherche du temps perdu, t. II, Gallimard, Bibl. de la Pléiade, 1988, p. 622-623.

[414]  Aujourd'hui on parle plutôt de post-avant-garde, et de post-modernité en général. Voir Marc Jimenez, Qu'est-ce que l'esthétique?, op. cit., p. 413 ss.

[415]  Robert de Beauplan, « Les débuts littéraires de Giraudoux », Aspects, 3 mars 1944, p. 21-23. Robert de Beauplan fut le condisciple de Giraudoux à Normale; dans cet article il raconte comment il fut responsable, en l'absence de Giraudoux qui était en Amérique, de la première publication de La Pharmacienne, signé Jean-Emmanuel Manière, dans La Revue du temps présent, en deux livraisons, t.I, nº 1, 25 octobre 1907, p.49-57; et nº 2, 25 novembre 1907, p. 81-99.

[416]  Comme dit Jean-Yves Tadié, « Il y a, certes, une lecture poétique de Balzac; elle est moins évidente que celle de Proust ou de Giraudoux. Inversement, lire prosaïquement Swann ou Bardini est possible, mais insuffisant. Dans les deux cas, le texte fonctionne mal, car Balzac n'est pas seulement poète, et Giraudoux, pas seulement romancier. »(Le récit poétique, p.115)

[417]  Anne Struve-Debeaux l'a fort bien montré dans son article, « Droites et méandres dans l'univers de Giraudoux », NRF, no 504, janvier 1995, p. 107-117.

[418]  C'est ainsi que Philippe Delaveau, poète lui-même, décrit le « singulier mystère » de la littérature (Le Débat, 86, septembre-octobre 1995, p.75).

[419]  Michel Raimond, La crise du roman. Des lendemains du Naturalisme aux années vingt, Corti, 1966. En particulier le chapitre iv de la 3e partie : L'âge du roman poétique 1920-1930, p. 224-242; sur Giraudoux, p. 234-237 : « La poésie conduisait Giraudoux, plutôt qu'à narrer, à évoquer un paradis immobile, celui même que Gide décrivait au temps du Symbolisme dans Le traité du Narcisse. »

[420]  Jean-Yves Tadié, Le Récit poétique, PUF, 1978

[421]  Voir Cahiers Jean Giraudoux, 14, p.45

[422]  Voir des remarques dans le même sens dans Dominique Combe, Poésie et récit. Une rhétorique des genres, José Corti, 1989, notamment dans le chapitre 6 «Poésie, roman et synthèse des genres», p.109 ss.

[423]  Repris dans Littérature, Grasset, 1941, p. 139-142. Repris également dans les éditions successives de Rue d'Ulm, y compris l'édition du bicentenaire : Alain Peyrefitte, Rue d'Ulm, Fayard, 1994, p. 479-480. Cette édition contient en outre un extrait de lettre de Giraudoux à Ernest Lavisse, directeur de l'École et deux extraits de Juliette au pays des hommes.

[424]  Nous soulignons.

[425]  Bien entendu notre utilisation de ce mot ici comporte sa mesure d'humour quand on songe au sens qu'il prendra sous la plume de Sartre; mais comment caractériser autrement une entreprise qui véritablement d'un bout à l'autre de la carrière littéraire de Giraudoux est réitérée d'oeuvre en oeuvre? Il est hors de doute que pour Giraudoux l'écrivain a une mission, voire un sacerdoce. Le 1er décembre 1929, il déclare à André Lang, pour Les Annales politiques et littéraires, «L'art pour l'art est impossible. On peint son époque pour s'exprimer le plus parfaitement, le plus complètement possible» (Cahiers Jean Giraudoux, nº 14, 1985, p. 140); le 11 février 1933, à Je suis partout, il déclare que «tout homme qui écrit combat pour une idée, même s'il se borne à des originalités de style. Et lorsqu'on n'apporte aucune nouveauté dans la pensée ou dans la forme, on ferait mieux de se taire.» (Cahiers Jean Giraudoux, nº 19, 1990, p. 88); en 1938, il déclare une fois de plus ce qu'il disait déjà dans les années 20, que «le devoir du littérateur est essentiellement de donner une langue à son pays et de lui fournir des idées, de faire son métier littéraire» («Le rôle de l'écrivain», entretien avec Maurice Romain, Marianne, 16 novembre 1938; Cahiers Jean Giraudoux, nº 19, 1990, p. 249). Albérès qui fait lui aussi cette constatation, emploie d'ailleurs le mot engagement (René-Marill Albérès, op. cit., chapitre XVII).Sartre n'a fait que redonner une direction personnelle à l'engagement. On ne lit pas aujourd'hui les pages de Qu'est-ce que la littérature? (Situations II, Gallimard, 1948), appelées au succès que l'on sait, en particulier le chapitre IV «Situation de l'écrivain en 1947», sans effarement devant les exécutions sommaires, notamment du Surréalisme, et sans amusement devant la conception de la «littérature des grandes circonstances» qui n'est autre qu'une réinvention de la littérature à thèse. C'est bien ce que Jacques Laurent, dans un article aussi brillant que dévastateur, où il le compare à Paul Bourget, répondra à Sartre : «Paul et Jean-Paul», La Table ronde, février 1951, p. 22-53. Curieusement Giraudoux n'est pas cité dans Qu'est-ce que la littérature? sauf pour dire qu il a eu cent challengers, «tous médiocres» (p. 241). On les cherche! Le jeune Maurice Blanchot? Le jeune Jean Anouilh?

[426]  Roland Quilliot, Les métaphores de l'inquiétude. Giraudoux, Hesse, Buzzati, P.U.F., «Littératures européennes», 1997, p. 17.

[427]  Maurice Blanchot, Faux pas, Gallimard, 1943, p. 189-196.

[428]  Stéphane Mallarmé, lettre à Paul Verlaine du 16 novembre 1885, Correspondance, Lettres sur la poésie, Gallimard, «Folio classique», 1975, p. 585-586.

[429]  Maurice Blanchot, op. cit., p. 191. Roland Barthes dira, après Jakobson, à peu près la même chose. Voir en particulier sa leçon inaugurale au Collège de France, Leçon, Seuil, 1978, p. 13, 23.

[430]  Ibid., p. 190.

[431]  Ibid., p. 194.

[432]  L. Maury, Revue bleue, 5 mars 1910; J. de Pierrefeu, L'opinion, avril 1911.

[433]  Paul Léautaud, en une quinzaine d'endroits de son Journal littéraire, décrète Giraudoux illisible, du «tarabiscotage»!

[434]  Lucien Bourguès, à l'époque du succès de la pièce Siegfried, écrit dans Entr'acte, nº 3, saison 1928-1929 : «Le nom de cet écrivain était encore le symbole d'un extrême raffinement, entouré d'obscurité, et son mode d'expression, son langage, passaient pour être une espèce de charabia. Des amis connaisseurs me disaient : «Giraudoux est peut-être un grand écrivain; mais il manque de précision, de clarté, surtout à notre époque de rapidité où le temps manque pour déchiffrer les énigmes...», Cahiers Jean Giraudoux, nº14, 1985, p.111.

[435]  Dans les pays hispanophones, où l'oeuvre de Giraudoux eut beaucoup d'influence auprès des avant-gardes littéraires des années 20 et 30, on parlait du roman-poème giralducien, et non pas seulement du 'roman poétique'. Voir Susan Nagel, The influence of the novels of Jean Giraudoux on the Hispanic vanguard novels of the 1920s1930s, Lewisburg [Pa.] : Bucknell University Press, London : Associated University Presses, 1991. Voir aussi Vincenta Hernandez Alvarez, El estilo en la novela de Jean Giraudoux : entre la prosa y la poesia, Salamanca : Universidad de Salamanca, 1989.

[436]  Le théâtre a fait l'objet de quelques études stylistiques et/ou rhétoriques précises et précieuses dont les résultats ne sont pas à négliger pour l'étude des romans : Alain Duneau, «Étude stylistique d'un texte de Giraudoux : La Tirade d'Électre (acte II, sc. 8)», L'Information littéraire, nov.-déc. 1975, p. 234-241; Michel Lioure, «Écriture et dramaturgie dans le Théâtre de Jean Giraudoux», Travaux de linguistique et de littérature, t. XIX, 1981, p. 171-190; à quoi il faut ajouter bien sûr le Précieux Giraudoux de Claude-Edmonde Magny, Seuil, 1945. Il faut signaler toutefois la très importante étude d'Alain Duneau sur «Les marques du lyrisme dans les premiers récits de Giraudoux», dans Des Provinciales au Pacifique, les premières oeuvres de Giraudoux, Sylviane Coyault et Michel Lioure éd., Association des Publications de la Faculté des Lettres et Sciences humaines de Clermont-Ferrand, «Littératures», 1994, p. 33-42.

[437]  Ces lignes sont en fait probablement antérieures à 1932, et contemporaines d'Églantine (1927).

[438]  Cette distinction entre stylistique et rhétorique n'est pas superficielle, car si d'un côté la stylistique semble être la rhétorique moderne, d'un autre côté elle est sa rivale du point de vue scientifique, mais seulement dans les pays de langue française. Dans les pays de langue allemande, la rhétorique n'a jamais été discréditée, comme en témoigne l'oeuvre classique d'Heinrich Lausberg, Handbuch der literarischen Rhetorik : eine Grundlegung der Literaturwissenschaft (München, 1960) Voir sur ce point Dominique Combe, La pensée et le style, Éditions Universitaires, 1991, p. 9 ss. Il est à noter que le Gradus, dictionnaire des procédés littéraires, de Bernard Dupriez (10/18, 1980), associe lui aussi stylistique et rhétorique.

[439]  Voir les deux travaux de philosophie publiés en appendice.

[440]  C'est l'article où Giraudoux dit que Flaubert appliqua «le style froid et transparent» des encyclopédistes «sur sa grosse aorte normande»! Injustice, certes, mais injustice qui permet à Giraudoux de définir, par opposition, son propre style! Giraudoux savait-il combien Madame Bovary fut composée comme une oeuvre musicale? À Georges Sand, sa «chère maître», Flaubert écrit, fin décembre 1875, «Je regarde comme très secondaire le détail technique, le renseignement local, enfin le côté historique et exact des choses. Je recherche par-dessus tout, la beauté, dont mes compagnons sont médiocrement en quête. Je les vois insensibles, quand je suis ravagé d'admiration ou d'horreur. Des phrases me font pâmer qui leur paraissent fort ordinaires. Goncourt, par exemple, est très heureux quand il a saisi dans la rue un mot qu'il peut coller dans un livre. -- Et moi très satisfait quand j'ai écrit une page sans assonances ni répétitions.» (Correspondance, éd. Jean Bruneau, t. IV, Gallimard, «Bibl. de la Pléiade», 1998, p. 1000). C'est un trait d'époque. Valéry lui aussi a des mots méprisants pour Flaubert. Tous deux le lisent comme un réaliste qui fait dépendre une forme de la réalité qu'elle représente. Voir Michel Jarrety, Valéry devant la littérature. Mesure de la limite, P.U.F., «Écrivains», p. 314-324.

[441]  La rhétorique allait disparaître graduellement de l'enseignement secondaire en France, entre 1882, dates des premières réformes introduites par Jules Ferry, et 1902, date à laquelle elle est officiellement remplacée par l'histoire littéraire. Voir Clément Falcucci, L'humanisme dans l'enseignement secondaire en France au XIXe siècle, Toulouse, Privat, 1939.

[442]  Jean Giraudoux, «Lettre au capitaine Drabath Magore, Rajah de Cadnah», Or dans la nuit, p. 32.

[443]  Si l'on en croit une note du professeur en marge de l'un de ses travaux d'étudiant en classe de rhétorique au lycée de Châteauroux (1898-1899) : «13/20. Bon devoir. Vous n'êtes pas toujours dans le ton juste au début, mais le style ne manque pas de vivacité et votre admiration pour Corneille s'exprime assez souvent en bons termes.» La composition française, remise le vendredi 18 novembre 1898, avait pour sujet : «Quelque temps avant la première représentation d'Héraclius, Corneille fut reçu à l'Académie française en remplacement du poète Maynard. Il avait échoué deux fois : on lui avait préféré d'abord un certain Monsieur de Salomon, puis le poète tragique du Ryer. Cette fois, il était menacé d'être sacrifié à un concurrent obscur nommé Ballesdeus. Vous supposerez qu'un académicien plaide la cause de Corneille dans une lettre adressée à un de ses confrères disposé à voter pour Ballesdeus.» On le voit, nous sommes en pleine rhétorique. Il s'agit pour les élèves de pratiquer ici l'ars dictaminis, dont Ernst Robert Curtius a souligné la permanence dans son La littérature européenne et le Moyen-Âge latin. Mais en même temps, n'en déplaise à Lanson, on admire les connaissances d'histoire littéraire nécessaires chez ces jeunes élèves pour écrire une telle lettre! Giraudoux commence «Monsieur, Nous discutions hier, Rotrou et moi...». Voir les autres travaux de ce genre en annexe. D'autre part il faudrait examiner les rapports entre Corneille et Giraudoux sur le plan de la pastorale. Alain Couprie en indique une voie possible dans deux articles : « Sur le bonheur dans les tragédies de Corneille », in Mélanges Truchet : Thèmes et genres littéraires aux XVIIe et XVIIIe siècles, P.U.F., 1992, p. 327-331; et « Corneille et le mythe pastoral », in XVIIe siècle, vol. 151, nº 2, avril-juin 1986, p. 159-166.

[444]  Georges Charensol, «Comment écrivez-vous? Jean Giraudoux », Les Nouvelles littéraires, nº 479, 1er décembre 1931; Cahiers Jean Giraudoux, nº 14, 1985, p. 155.

[445]  op. cit., p. 585.

[446]  Gabriel du Genet, Jean Giraudoux ou un essai sur les rapports entre l'écrivain et son langage, Jean Vigneau, 1945, p. 11.

[447]  On pense ici moins à la théorie des trois styles de Cicéron (in L'Orateur), à la théorie des tropes de Quintilien (parmi les Stoïciens) ou à la théorie des figures de Tibérios (parmi les Péripatéticiens) qu'à la classification des catégories du style d'Hermogène, qui s'applique à toute la littérature et ne se réfère pas à une norme. Ce rhéteur du IIe siècle distinguait trois sortes de catégories de style : les catégories existant par elles-mêmes : beauté, vivacité et habileté; les catégories génériques : clarté (pureté, netteté), grandeur (noblesse, rudesse, véhémence, éclat, vigueur et complication); les catégories mixtes : l'éthos (naïveté, saveur, piquant, modération, sincérité), la sincérité (honnêteté). Voir Michel Patillon, op. cit., p. 97-119, surtout p. 110-112.

[448]  Voir note 22.

[449]  Ibid., p. 12.

[450]  Gérard Bauer, qui avait été l'ami de Giraudoux, l'a exprimé à la fin d'un bel article de souvenirs, «Giraudoux, Ariel blessé», Les Nouvelles littéraires, 4 mars 1948 : «Nul plus que le souriant Giraudoux ne portait en lui le sentiment de la fatalité, la conviction qu'on ne peut rien contre le pire. Cet écrivain charmant, qui paraissait ne vouloir donner que peu de poids aux choses, a toujours porté le poids de cette certitude. Mais il a tout fait pour ne pas en donner l'apparence et pour se soustraire lui-même à cette fatalité... [...] Cet Ariel fut un Ariel blessé.»

[451]  Ce phénomène s'est produit plusieurs fois dans l'histoire. Le peintre Honoré Fragonard a lui aussi été suspect de légèreté, de frivolité.

[452]  Cahiers Jean Giraudoux, nº 14, 1985, p.55.

[453]  «D'un romantisme à l'autre. Un centenaire», Conférencia, 24e année, t. II, nº 24, 5 décembre 1930, p. 597-605; repris sous le titre «De siècle à siècle», dans Littérature, Grasset, 1941.

[454]  Deux ans auparavant, en 1928, il précise, écorchant encore un peu plus au passage la bourgeoisie : [Au XIXe siècle] «Tous les auteurs étaient des bourgeois parfois de grand talent. Mais leur style était justement un style à tout faire qui était aussi loin du vieux français que les dissertations latines étaient loin du vrai latin. Ce qui manquait le plus à tout ces auteurs c'était le sens du romanesque dans les mots et les pensées.» (Cahiers Jean Giraudoux, nº 14, 1985, p. 100.)

[455]  Il y a ici matière à réflexion. Quand on songe que dix ans à peine plus tard (le 29 juillet 1939) Daladier allait nommer Giraudoux commissaire général à l'information. Tout en sachant que Giraudoux ne pouvait refuser, on se prend à penser que peut-être notre poète imagina son heure venue, qu'il allait enfin pouvoir mettre à exécution directement, politiquement, son projet de donner «une sensibilité et un vocabulaire» aux Français! Cicéron ne dit-il pas, dans L'orateur, que la rhétorique est une matière qui vise «à l'assentiment de la foule et au plaisir de l'oreille» (LXXI-237)? Mais on pense aussi hélas à l'ironie de Socrate envers Ion... Il y avait un besoin pédagogique chez Giraudoux, dont Paul Morand a parlé («Il eut aimé former et guider toute une génération», Monplaisir en littérature, Gallimard, 1967, p. 151). C'est sans ironie mais plutôt avec compassion qu'Aragon a évoqué ce virage de Giraudoux vers des responsabilités pour lesquelles il n'était peut-être pas fait : «En 1937, il était au comble de ses illusions. Je le voyais devant moi, dévier de son destin. Cesser d'être comme Racine un homme de lettres et rien d'autre. Se lancer dans l'utopie, ce théâtre de la société. Donner le pas au fonctionnaire sur l'écrivain.» (Aragon, «Giraudoux et l'Achéron», Confluences, nº 35, sept.-oct. 1944, p. 127).

[456]  Schiller, op. cit., p. 406.

[457]  Goethe -- poète naïf -- fera remarquer à Eckermann le 14 novembre 1823 : «combien il se donnait de mal pour dégager de la « poésie naïve », la « poésie sentimentale »... Comme si, ajouta-t-il en souriant, la poésie sentimentale pouvait subsister en dehors d'un fonds de naïveté dont elle est en quelque sorte une émanation» (Conversations de Goethe avec Eckermann, tr. Jean Chuzeville, Gallimard, 1949.

[458]  L'exemple type est l'idylle de Goethe, Hermann und Dorothea (1797). Mais la Louise de Voss montrait déjà elle aussi l'idéal du bonheur bourgeois. L'idylle morale avait gagné ses lettres de noblesse (et un énorme succès) au milieu du XVIIIe siècle avec les oeuvres du poète suisse Salomon Gessner. Parmi ses livres anciens, Giraudoux possédait l'édition originale des Contes moraux et nouvelles idylles de D. [Diderot] et Sal. Gessner, Londres, 1773. Ce livre est aujourd'hui à Bellac.

[459]  Jean-Paul chercha dans sa Vorschule zur Ästhetik à remplacer la typologie schillérienne de « naïf » et de « sentimental », par celle de « Grec » et de « Romantique ». Voir Wulf Koepke, «Jean Paul Richter's School for Aesthetics : Humour and the Sublime», dans Eighteenth-Century German Authors and their Aesthetics Theories, Richard Critchfield and Wulf Koepke éd., Columbia, South Carolina, Camdem House, 1988, p. 185-202.

[460]  Maurice Blanchot, Faux pas, Gallimard, 1943, p. 112-113.

[461]  Joseph Delteil, à propos de Juliette aux pays des hommes, écrit : «Il ne cherche pas à persuader ou à vaincre, mais plutôt à enjôler», Les feuilles libres, nov.-déc. 1924, p.68.

[462]  Jean Paulhan, Les fleurs de Tarbes ou La terreur dans les Lettres, éd. aug., ét. et prés. par J.-Cl. Zylberstein, Gallimard, «folio-essais», 1990.

[463]  Laurent le Sage exprime cette idée dans «The Cliché basis for some of the Metaphors of Jean Giraudoux», Modern Language Notes, June 1941, p. 435-439.

[464]  Ces lignes sont entièrement dues à la perspicacité de Robert Melançon. Hommage lui est ici dûment rendu.

[465]  La base de l'ARTFL (American Research Treasury of the French Language -- Frantext), à Chicago, donne 815 occurrences pour le radical « premi » [premier(s), première(s)], dans les seize oeuvres de Giraudoux numérisées, dont une bonne moitié dans les quatre romans qu'elle contient : Suzanne et le Pacifique, Simon le Pathétique, Siegfried et le Limousin et Bella. C'est un chiffre énorme. À quoi il faut ajouter : 68 aubes et 37 aurores.

[466]  L'enfance a sa place chez Maurice Genevoix, mais plus tard (Le Jardin dans l'île, 1936; Jardins sans murs, 1968), et chez Gilbert Cesbron (Les innocents de Paris, 1944; Notre prison est un royaume, 1948).

[467]  Cahiers Jean Giraudoux, nº 19, 1990, p. 153.

[468]  Je suis partout, 24 novembre 1934; Cahiers Jean Giraudoux, nº 19, 1990, p. 157.

[469]  Cahiers Jean Giraudoux, nº 19, 1990, p. 161.

[470]  Jean Giraudoux, Souvenir de deux existences, Grasset, 1975, p. 117-118.

[471]  Ibid., p. 134.

[472]  Jean-Paul Sartre, «Hommage à Giraudoux», Comoedia, 5 février 1944; cité d'après L'Esprit créateur, vol. IX, nº 2, summer 1969, p. 71.

[473]  PER EIRMHNEIAS,127.

[474]  Sur ce point, voir plus loin et les commentaires d'Arnaud Tripet, «Réflexions sur la pastorale», Rivista di Letterature moderne e comparate, Vol. XLIX, aprile-giugno 1996, p. 161-173.

[475]  Clément Rosset a écrit des pages saisissantes et tout à fait dans cette perspective dans Le réel et son double (Gallimard, 1976). Il y montre notre incapacité à accepter que le réel soit simplement et seulement le réel, à aimer «ce que jamais on ne verra deux fois» (Vigny, La Maison du berger).

[476]  Maurice Blanchot, Faux pas, Gallimard, 1943, p. 132

[477]  Le médecin de Giraudoux, le Dr Albeaux-Fernet, raconte une anecdote vécue au printemps 1935 qui n'est pas sans rapport avec l'attitude anti-mondaine d'Edmée. Invité à la campagne avec son épouse Suzanne, et arrivé en retard à cause de problèmes mécaniques, Giraudoux, se voyant expliquer par Albeaux-Fernet qu'il ne connaît pas encore personnellement la cause du problème et sa solution, préfère aller démonter le carburateur de son automobile et souffler dans le gicleur, plutôt que de rester au salon pour l'apéritif : «au grand désespoir de la maîtresse de maison, Giraudoux me prit par le bras en disant : « C'est passionnant : on va bien s'amuser ».» Michel Albeaux-Fernet, «Mon ami Jean Giraudoux», Revue des deux Mondes, août 1979, p. 268-273. Il paraît bien improbable que Giraudoux ait aimé démonter un carburateur. En revanche il paraît certain qu'il n'aimait guère les mondanités. Valéry, nous l'avons vu, le traite amicalement, en 1934, de « rara avis».

[478]  «Tu as mis tes enfants à l'Assistance publique, décevant Helvète, mais à moi tu souris », Jean Giraudoux, Intermezzo, op. cit., p.340.

[479]  Voir aussi Ondine.

[480]  Jean Giraudoux, «Dieu et la littérature», dans Littérature, Grasset, 1941; Folio-Essais, 1994, p. 134.

[481]  Le mot est cité par Paule Levert, L'idée de commencement, P.U.F., 1961; la traduction de Léon Robin est plus précise : «Dans les affaires humaines en effet, c'est le commencement qui, lorsqu'on l'y installe à la façon d'une Divinité, est le salut de tout le reste» (VI, 775e); Oeuvres complètes, «Pléiade», 1950, p. 846-847.

[482]  Annie Besnard a montré l'importance de la question dans sa remarquable notice des Aventures de Jérôme Bardini dans l'édition de la Pléiade (II, p. 1009-1028); mais elle est bien seule. D'autre part il faudrait pouvoir examiner plus attentivement qu'on ne l'a fait jusqu'ici la correspondance de Giraudoux avec Isabelle Montérou, 1939-1943, qui se trouve à la Bibliothèque Pattee de Penn State University. Laurent Lesage et Lucie Heymann, dans «Les dernières années de Jean Giraudoux, à la lueur d'une correspondance inédite», en ont donné en 1979 quelques extraits et une interprétation qui montre Giraudoux se rendant régulièrement à N.-D. des Victoires, église proche de son hôtel et tend à faire d'une Isabelle dévote l'influence qui lui permit d'écrire les dialogues du film Les anges du péché. Il faudrait en avoir le coeur net. (Cahiers Jean Giraudoux, nº 8, 1979, p. 5-57, en particulier p. 38 et la note 23, p. 46 et 50).

[483]  La base de l'ARTFL (American Research Treasury of the French Language -- Frantext), à Chicago, donne 599 occurrences pour le mot dieu dans les seize oeuvres de Giraudoux qu'elle contient, dont une bonne moitié dans Amphitryon 38 et Judith, ce qui n'est pas étonnant, mais aussi cinquante occurrences dans Suzanne et le Pacifique. Les occurrences des mots dérivés, divin(s), divinité(s), divination, au nombre de 80, sont moins significatives.

[484]  Nous publions ce texte en annexe, avec l'aimable permission de Jean-Pierre Giraudoux et du propriétaire des archives, le Dr Jean Giraudoux, neveu de l'auteur.

[485]  Sartre normalien admirait son archicube Giraudoux au point de conserver une photo de lui dans sa thurne, rue d'Ulm. Voir J.-F. Sirinelli, Génération intellectuelle. Khâgneux et normaliens dans l'Entre-deux-guerres, P.U.F., «Quadrige», 1994 [Fayard, 1988], p. 332. Voir un aspect de cette admiration dans les Écrits de jeunesse de Sartre, où ce dernier établit un parallèle avec Bergson («L'univers devient une conscience»), Gallimard, 1990, p. 453.

[486]  Nous renvoyons pour la réception de cet article de Sartre et son influence à l'article vengeur de Jules Brody, «Jean Giraudoux et la modernité du roman», dans Cahiers Jean Giraudoux, nº 12, 1983, «Modernité de Giraudoux», p. 73-85, qui cite de nombreux auteurs, dont Jacques Body, «Giraudoux vu par Sartre», Oeuvres et critiques, printemps 1977, II, 1, p. 51-58.

[487]  Un article ancien mais unique en son genre les a appelées exagérément des «idées obsédantes», s'appuyant sur le fait qu'elles apparaissent dans les Contes d'un matin, que Giraudoux publia en 1908-1909, et qu'on les retrouve régulièrement ensuite. Mais c'est surtout les isoler comme il le fait qui les fait paraître obsédantes. Elles n'en sont pas moins là. Franz Walter Müller, «Die Idées obsédantes von Jean Giraudoux», Die neueren Sprachen, 1955, fasc. 3, p. 106-117, fasc. 4, p. 165-173. Cet article vient d'être (remarquablement) traduit par Jacques Body dans les Cahiers Jean Giraudoux nº 26, 1998, p. 143-178. Un contresens remarquable de F. W. Müller est toutefois à souligner. Il s'agit de l'interprétation qu'il laisse planer sur la conclusion de la Prière sur la tour Eiffel où Giraudoux mentionne comment le gardien du troisième étage l'a surveillé du coin de l'oeil, d'abord, puis rassuré, lui a raconté les deux derniers suicides. Comment n'a-t-il pas vu l'ironie de cette conclusion, avec sa mention incongrue de l'attitude sportive des suicidés et de leurs cols durs!

[488]  Paul Valéry, lettre à Jean Giraudoux du 1er janvier 1919, Cahiers Jean Giraudoux, nº 2-3, 1974, p. 7-8.

[489]  Dans le même ordre d'idées, on pense à Roger Stéphane qui écrit, dans un texte intitulé «Ce que nous lisions en ce temps-là», à propos de l'année 1940 : « Les années 1939-1940 ne constituent pas dans la littérature un cru comparable à celui des années 1913-1914. Mais pour qui sait lire, les même signes : la fin d'une littérature, le début d'une autre. [...] Fin d'une littérature : Giraudoux fit jouer Ondine en 1939. J'ai quelque scrupule à introduire ici cet auteur qui connut de tels succès et qui me paraît illisible. Il me paraît être à la poésie ce que l'eau Perrier est au champagne : pétillant et fade. Son théâtre, conjugué au savoir-faire de Jouvet et à la grâce de Christian Bérard, fit longtemps illusion. Morand en parlait avec nostalgie, et Jacques Laurent. Mais franchement, qui peut encore le lire? » (Le Nouvel Observateur, 16 juin 1980). Il y a des écrivains pour qui la vie est une longue angoisse qu'il faut traverser les yeux ouverts. Pas étonnant que ces amoureux de la misère aient été chassés du paradis!

[490]  «Il faudrait introduire un concept nouveau, l'irréalisme critique, pour désigner l'opposition d'un univers imaginaire, idéal, utopique et merveilleux, à la réalité grise, prosaïque et inhumaine du monde moderne» . Voir Michael Löwy et Robert Sayre, Révolte et mélancolie. Le romantisme à contre-courant de la modernité, Payot, 1992, p. 22 ss.

[491]  «Les écrivains sans enthousiasme ne connaissent, de la carrière littéraire, que les critiques, les rivalités, les jalousies, tout ce qui doit menacer la tranquillité quand on se mêle aux passions des hommes; [...] Quand un livre paraît, que de moments heureux n'a-t-il pas déjà valu à celui qui l'écrivit selon son coeur [...]! Que de larmes pleines de douceur n'a-t-il pas répandues dans sa solitude sur les merveilles de la vie [...]? Enfin dans ses rêveries n'a-t-il pas joui de l'air comme l'oiseau, des ondes comme un chasseur altéré, des fleurs comme un amant... ? (Madame se Staël, De l'Allemagne, Garnier-Flammarion, 1968, tome II, p. 312).

[492]  Claude-Edmonde Magny, Précieux Giraudoux, Seuil, 1945, p. 30-31; Albérès, Esthétique et morale chez Jean Giraudoux, Nizet, 1957, p. 220 entre autres; Jules Brody cite ces deux sources dans son article précité. On peut y ajouter la thèse de Françoise-Isabelle Guinle, Le bouclier d'Achille ou Jean Giraudoux et la Grèce, The University of Iowa, 1968, où l'auteur cite très abondamment les souvenirs de son père, Alexandre Guinle, qui fut le condisciple de Giraudoux à Lakanal et à Normale. Dans un témoignage inédit cité en annexe à la thèse, ce dernier déclare : «Au fond de la pensée et de la morale de Giraudoux, il n'y a qu'une source profonde, l'hellénisme, et sa suprême fleur, la pensée platonicienne. Plus ou moins évidente ou cachée, alimentée par d'autres ruisselets ou se jouant dans des méandres gracieux, comme le ruisseau du Phèdre, c'est la parole de Socrate et de Platon qui circule à flots purs dans toute son oeuvre. Et cette morale tient en quelques mots : le mal n'existe que pour les aveugles, pour ceux qui ne voient pas où est le Bien. Si les hommes étaient assez éclairés, s'ils possédaient tous la lumière de l'intelligence et de la connaissance, la science du Bien, ils deviendraient incapables de faire le mal. La seule tâche des sages et des philosophes est donc d'éclairer les consciences obscures, de leur « faire voir » où est le Bien» (p. 547). Comme le remarque Guinle dans les lignes qui suivent, le plus piquant est que ce disciple du platonisme ait été en même temps un poète, c'est-à-dire l'un de ces esprits brillants mais peu dignes de confiance que Platon expulse, couronnés de fleurs, de sa République!

[493]  «...il y a une philosophie que j'ai toujours appréciée : c'est la philosophie stoïcienne. Au cours de ces dernières années, j'ai souvent eu l'impression que beaucoup d'écrivains, à la fois par le respect qu'ils avaient de l'univers et par la distance qu'ils entendaient garder avec lui, avaient donné un exemple analogue à celui de cette secte.» Cahiers Jean Giraudoux, nº 14, 1985, p. 46-47. On s'interroge sur quels écrivains, à part lui, Giraudoux fait référence. (Italiques nôtres).

[494]  «La langue à laquelle je dois le plus est le latin. Vous m'entendez bien : je ne veux point parler du latin de Cicéron ou de Quintilien -- langue de démonstration et de développement --, mais de ces merveilleux écrivains, Pline, Tacite et surtout Sénèque, à la langue si savoureuse, pleine de comparaisons, de singularités, et dans laquelle la part de l'improvisation du style est considérable.» Frédéric Lefèvre, «Une heure avec Jean Giraudoux», Les nouvelles littéraires, 20 février 1926, dans Cahiers Jean Giraudoux, nº 14, 1985, p. 55-56. On voit que Giraudoux, ici aussi, écarte la rhétorique d'école.

[495]  Sur ce point, voir Georges Gusdorf, Naissance de la conscience romantique au siècle des Lumières, Payot, 1976, p. 219-243. Fénelon est une autre référence importante, voir ibid. p. 244-265. Sur le stoïcisme de Shaftesbury, voir la traduction, par Laurent Jaffro, toute résonnante des grandes voix d'Épictète et de Marc-Aurèle, de ses Exercices ['ASKHMATA], Aubier, Bibl. philosophique, 1993.

[496]  Sur cette question, voir la passionnante thèse de Jean-Paul Larthomas, De Shaftesbury à Kant, 2 vol., Didier-Érudition, 1985.

[497]  Sur cette question, voir le captivant article de Terence H. Irwin, «La conception stoïcienne et la conception aristotélicienne du bonheur», Revue de métaphysique et de morale, 94e année, nº 4, Octobre-Décembre 1989, p. 535-576. Sur les conceptions du bonheur (eudaimonia) dans l'Antiquité, voir la somme de Julia Annas, The Morality of Happiness, Oxford University Press, 1993. Julia Annas part précisément d'Aristote. Son étude exclut Platon.

[498]  Cela a été démontré pour le théâtre. Voir Brett Dawson, «Préciosité ou « rhétorique profonde »? L'oxymoron dans Amphitryon 38», Littératures, nº 28, printemps 1993, p. 107-124. Simone Fraisse avait déjà remarqué «La rhétorique du paradoxe dans Amphitryon 38», L'Information littéraire, jan.-févr. 1976, p. 19-23. Et Lise Gauvin, «Le dialogue des contraires dans le théâtre de Giraudoux», Saggi di ricerche di letteratura francese, XIV, 1975, p. 387-409. Les érudits giralduciens ont noté cette insistance giralducienne sur le principe de contradiction. Jacques Body y a consacré un chapitre de son Giraudoux et l'Allemagne, op. cit., p. 147-157.

[499]  Premier vers de La jeune Parque, de Paul Valéry (1917).

[500]  «Ce qui me confond et m'intrigue, c'est l'étrange ataraxie sentimentale, l'étrange apathie sensuelle de son héroïne, à croire que le Pacifique, par ses vertus lénitives, mériterait plutôt le nom du Pacifiant. Quoi! En pleine ardeur des Tropiques, parmi l'absolue solitude si propice aux mauvaises pensées, pas une nostalgie de l'amour chez cette jeune fille, pas un souvenir aux flirts passés, pas un regret des petits amis de jadis, pas une aspiration vers les tendresses manquantes -- pas même un frisson de désir!» Fernand Vandérem, La revue de France, 15 août 1922, p.847. Vandérem plaque évidemment une vision qui lui est propre sur celle de Giraudoux qu'il ignore.

[501]  Chris Marker écrit dans son Giraudoux par lui-même, «Je ne crois à sa prétendue sérénité, ou du moins je la crois conquise, et durement, et d'autant plus admirable. Cette solidarité avec sa planète, nous ne saurons jamais le prix qu'il l'a payée». (Seuil, p. 46) En fait nous le savons un peu. Florence Delay, après avoir cité la phrase de Chris Marker, conclut ses propres pages sur Giraudoux intitulées Sur le front du bonheur par ces mots : «...Et qu'il continue à payer. Pour avoir lancé sa prose, toute, sur un front abandonné -- notre planète n'étant occupée, ou ne s'occupant, que de son malheur.» (La séduction brève, Gallimard, 1997, p, 162).

[502]  Pierre Hadot, La Citadelle intérieure. Introduction aux Pensées de Marc-Aurèle, Fayard, 1992, p. 256-257.

[503]  Jean Giraudoux, «Charles-Louis Philippe», dans Littérature, Grasset, 1942; Folio-Essais, 1994, p. 101

[504]  Jean-Paul Sartre, «M. Giraudoux et la philosophie d'Aristote. À propos de Choix des élues», NRF, mars 1940, rééd. dans Situations I, Gallimard, 1947, Coll. Idées, p. 116-117. Mais Sartre doit sa prédilection pour une littérature alliant Histoire et métaphysique à Giraudoux. Les Mouches répondent à Électre. Voir sur ce point la note de Roland Quillot, Les métaphores de l'inquiétude : Giraudoux, Hesse, Buzzati, P.U.F., «Littératures européennes», 1997, p. 15, n. 1.

[505]  Voir Joseph Moreau, L'âme du monde de Platon aux Stoïciens, Hildesheim, Georg Olms, 1965 [1939]

[506]  «Quand je vous ai connu, vous m'avez dit que vous vouliez être à la fois Spinoza et Stendhal», entretien entre Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir, août-septembre 1974, publié dans Simone de Beauvoir, La Cérémonie des adieux, suivi d'Entretiens avec Jean-Paul Sartre, Gallimard, 1981, p. 166; cité par Sirinelli, Ibid.

[507]  Nous renvoyons une nouvelle fois aux travaux de Robert Misrahi sur Spinoza, en particulier l'introduction à son édition de l'Éthique, P.U.F., 1990, et à la collection de ses articles publiés sous le titre de L'être et la joie. perspectives synthétiques sur le spinozisme, éditions Encre marine, 1997.

[508]  Voir, de Michel Crouzet, La poétique de Stendhal. Forme et société. Le sublime. Essai sur la genèse du romantisme I, Flammarion, «Nouvelle Bibliothèque scientifique», 1983; et Le naturel, la grâce et le réel dans la poétique de Stendhal. Essai sur la genèse du romantisme II, Flammarion, «Nouvelle Bibliothèque scientifique», 1986.

[509]  Jean-Paul Sartre, «Qu'est-ce que la littérature?», Situations II, Gallimard, 1948, p. 316.

[510]  Voir les remarques de Roland Quilliot, op. cit., p. 15 note 1.

[511]  René-Marill Albérès, Esthétique et morale chez Jean Giraudoux, op. cit., chapitre VIII, p. 145-153.

[512]  «La guerre elle-même n'avait pu le réduire à la mesure commune, le distraire de cette volonté d'élégance qui l'avait fait poète dans l'année 1905. Il n'y avait pas, j'en suis sûr, dans toute l'armée française, un autre sergent de sa sorte. Je restai à F[ougères] une quinzaine de jours. Il voulut relire Stendhal; je lui portai Le rouge et le noir et La Chartreuse de Parme dans de tristes éditions populaires qui étaient tout ce que je possédais.» Jean Guéhenno, Journal des années noires (1940-1944), Gallimard, 1947; folio, 1973, p. 385.

[513]  Voir la si ironique, si significative et amusante juxtaposition de Giraudoux et de Sartre dans le volume de pastiches publié par Jacques Laurent et Claude Martine, Dix perles de culture, La Table ronde, 1972 [1952] où Le coup de tête, drame en trois actes (et 19 pages) par J.-P. Sartre fait suite à La Rose Béjardel, lever de rideau par J. Giraudoux (en 34 pages). La première pastiche Huis clos, la seconde L'Apollon de Bellac et Cantique des cantiques.

[514]  Voir Claude Roy, «L'inspecteur de la vie», Moi Je, Gallimard, 1969, «Coll. Folio», p. 381-395; et «Jean Giraudoux, qu'est-ce que le naturel?», Confluences, nº 35, septembre-octobre 1944, «Hommage à Giraudoux», p. 11-25.

[515]  Sartre écrit dans le numéro d'«Hommages à Giraudoux» de Comoedia, 5 février 1944 : «L'événement sembla avoir donné tort à Giraudoux et il s'est effacé, emportant avec lui la clé de ce monde inutile, où les hommes ne voulaient plus entrer», mais -- numéro d'hommages oblige -- il ajoute : «Les vieilles valeurs de mesure, d'ordre, de raison, d'humanisme, qu'il a découvertes, demeurent, après sa mort, « proposées. » Toutes nos violences n'empêcheront pas qu'elles existent et qu'elles se nomment Bella, Fontranges, Eglantine et qu'elles resteront, quel que soit le chemin que nous choisissions demain, comme une chance encore possible ou comme un beau regret, ou peut-être comme un remords.» (cité d'après L'Esprit créateur, vol. IX, nº 2, summer 1969, p. 71)

[516]  Joseph Delteil, loc. cit., p. 69

[517]  Alain Michel le rappelle dans La Parole et la Beauté, Rhétorique et Esthétique dans la tradition occidentale, Paris : Les Belles Lettres, 1982, rééd. Albin-Michel, 1994, p.422 : « On pourrait montrer [... que Paulhan ou] Giraudoux sont les représentants d'une génération dont les maîtres avaient encore connu les vers latins et la « classe de rhétorique »».

[518]  Voir Louis Dumont, L'idéologie allemande. France-Allemagne et retour, Gallimard, 1991.

[519]  Joyce N. Megay, Bergson et Proust, Vrin, 1976, p. 15.

[520]  Henri Bonnet, Roman et poésie, Nizet, 1980, p. 248.

[521]  Voir Émile Poulat, Histoire, dogme et critique dans la crise moderniste, Albin Michel, «Bibl. de l'Évolution de l'Humanité», 1996 [Casterman, 1962].

[522]  Léon Blum, «La prochaine génération littéraire», La Revue de Paris, février 1913. Il s'agit du dernier article littéraire de cet auteur qui allait devenir l'homme politique qu'on sait. On sait quelle extraordinaire influence l'oeuvre de Bergson a exercé sur l'esprit de l'époque, y compris chez les littéraires, jusqu'au delà de la guerre. Henri Massis et Gabriel de Tarde (Agathon) mentionnent Bergson comme l'un des «maîtres de la jeunesse» dans leur fameuse enquête, Les jeunes gens d'aujourd'hui (Plon, 1913; rééd. Imprimerie nationale, 1995, p. 109ss, 270-272). Deux journalistes, Gaston Picard et Gustave-Louis Tautain, lancèrent une «Enquête sur M. Henri Bergson» qui fut publiée en cinq livraisons dans La Nouvelle Revue (10 et 25 février, 10 et 25 mars, 10 avril 1914), où diverses personnalités de l'époque donnaient leur opinion sur l'influence philosophique, religieuse, littéraire, sociale et politique du bergsonisme. Roméo Arbour a consacré à l'influence littéraire la seule étude disponible à ce jour (Henri Bergson et les lettres françaises, Corti, 1955). C'est une question qu'il faudrait reprendre entièrement aujourd'hui.

[523]  «Enquête sur M. Henri Bergson», La Nouvelle Revue, 10 février 1914, p. 560.

[524]  «Enquête sur M. Henri Bergson», La Nouvelle Revue, 25 février 1914, p. 753.

[525]  Joseph Delteil, déjà cité, Les Feuilles libres, nov.-déc. 1924, p. 69.

[526]  Henri Clouard, Histoire de la littérature française du Symbolisme à nos jours, Albin Michel, 1949, t. II : de 1915 à 1940, p. 203-204.

[527]  Philippe Soupault, «Jean Giraudoux», Les Feuilles libres, déc. 1922 - jan. 1923, p. 392. Soupault ajoute : «Voici la poésie bien-aimée, nous murmure Giraudoux, en qui j'ai mis toutes mes complaisances. Aimez-la.»

[528]  Aragon (Paul Wattelet), «Giraudoux et l'Achéron», Confluences, nº 35, sept.-oct. 1944, «Hommage à Giraudoux», p. 116-131, surtout p. 127-128.

[529]  Cahiers Jean Giraudoux, nº 8, 1979, p. 51.

[530]  op. cit., p. 137-138.

[531]  Alain Michel, «Rhétorique et poétique : la théorie du sublime de Platon aux modernes», Revue des études latines, t. LIV, 1976, p. 278-307.

[532]  C'est en ce sens, croyons-nous, qu'il faut interpréter cette phrase écrite à Paul Morand, dans une lettre du 13 octobre 1919; ce qui permet de penser que les textes les plus originaux, qui ne sont pas des commandes -- l'idée d'une jeune fille nue dans une île de Suzanne et le Pacifique vient à l'esprit -- sont probablement aussi des idées datant de ses années d'études, c'est-à-dire la période d'imagination féconde qui va des deux dernières années de lycée (1898-1899), jusqu'à l'échec à l'agrégation (1908). «Jean Giraudoux. Correspondances littéraires», Cahiers Jean Giraudoux, 23, 1995, p. 198. Mais il y a une autre conclusion à tirer de cette phrase que Giraudoux écrit au lendemain de la guerre. Il semble bien que pour lui la guerre n'a été ni une coupure radicale, ni une crise générale des valeurs, comme elle l'a été pour tant de ses contemporains, y compris Valéry (La crise de l'esprit). C'est peut-être pourquoi Giraudoux est perçu comme un auteur tourné vers le passé. Sur cette crise, voir Dominique Janicaud, «L'esprit de la crise», dans Le temps de la réflexion, X, «Le Monde», 1989, p. 337-347.

[533]  Jean Giraudoux, «L'Orgueil», Les sept péchés capitaux, Simon Kra, 1927, p. 1-18 [Gallimard, 1929, p. 9-26].

[534]  Paul Valéry, «Propos sur la poésie», Oeuvres, t.I, «Bibl. de la Pléiade», 1957, p. 1363. À propos de tempo, Valéry écrit dans ses cahiers : «La littérature de l'avenir. / Voilà un titre! / Il ne s'agit pas de lancer un système d'écriture. mais de poser un problème. / Je le généralise d'avance -- dans l'oeuf. Que penser aujourd'hui de l'existence de l'art en général dans un « univers » assez probable, avec ses modes de vie, ses hommes, son tempo -- car le tempo est chose capitale. Dont (naturellement) l'histoire, occupation naïve, ne se doute même pas que ce soit un fait à rechercher... » Cahiers, 29, p. 203 (Édition du CNRS) .

[535]  Simone Ratel, «Entretien avec Jean Giraudoux. Est-ce le commencement d'un romantisme français?», Comoedia, 18 juillet 1928; Cahiers Jean Giraudoux, nº14, 1985, p. 95.

[536]  Voir Pierre d'Almeida, «Giraudoux et les interviewers ou : « Comment s'en débarrasser? »», Cahiers Jean Giraudoux, nº 19, 1990, p. 21-24. On trouvera les «enquêtes et interviews» auxquels Giraudoux a participé dans les Cahiers 14, 1885 et 19, 1990. À partir de 1930, on lui demanda des articles, des conférences, dont il publia lui-même un choix en 1941 dans Littérature.

[537]  Voir Cahiers Jean Giraudoux, nº 14, 1985, les informations fournies par Pierre d'Almeida, p.31-37, et le début de l'interview, p. 39-44; voir aussi d'Henri Béraud, La Croisade des longues figures, Éd. du siècle, 1924. Michel Winock résume l'affaire Béraud dans Le Siècle des intellectuels, Seuil, 1997, p. 162.

[538]  Cahiers Jean Giraudoux, nº 14, 1985, p. 44-47. Dans ce qui suit nous citons de multiples phrases de cette entrevue sans nouvel appel de notes. Les notes appelleront les citations d'autres entrevues dont nous l'entrecoupons.

[539]  Notons qu'avant eux, Fénelon, lui aussi, dans la Lettre à l'Académie (1716), regrettait qu'on ait «gêné et appauvri» la langue «depuis environ cent ans, en voulant la purifier», Oeuvres, t. II, «Bibl. de la Pléiade», 1997, p. 1139. Giraudoux aura très bien pu y puiser cette idée, mais sa prédilection avouée pour l'époque baroque et maniériste laisse à penser que son opinion est fondée sur ses lectures et ses constatations personnelles.

[540]  Giraudoux mentionne ici que quelques rares écrivains, comme Saint-Simon, Diderot et Stendhal, échappèrent à cette limitation. En 1932, il ajoutera Laclos à cette liste.

[541]  Cahiers Jean Giraudoux, nº 14, 1985, p. 100.

[542]  «Vers 1910-1912, il y avait des jeunes gens qui, comme moi, lisaient les Classiques, qui peut-être préparaient, comme moi, l'École normale...»! Voir Cahiers Jean Giraudoux, nº 14, 1985, p. 95.

[543]  Giraudoux dira plusieurs fois que pour lui la grande époque du roman est celle des chansons de geste : «Je verrais mon ascendance dans la chanson de geste, les fabliaux. Les personnages de chansons de geste... [...] les animaux, [...] Et toujours, en arrière-fond, le pays» (Cahiers Jean Giraudoux, nº 14, 1985, p. 72). Ses références au Moyen Âge comme l'âge d'or du roman l'indiquent clairement : «Mon idée a toujours été que la grande époque de la littérature française était l'époque des chansons de geste. [...] La grande poésie est toujours épique (Cahiers Jean Giraudoux, nº 14, 1985, p. 55). Le sujet est suffisamment important pour avoir suggéré un sujet de thèse : Jean-Claude Sertelon : Giraudoux et le Moyen Age, La pensée universelle, 1974, et un article important de Jacques Body (« Réception du Moyen Âge et pastiche moyenâgeux dans l'oeuvre de Giraudoux », loc. cit.) Quant à l'allusion au pays, elle doit être prise très au sérieux, car elle explique l'omniprésence et le statut de la province dans l'oeuvre de Giraudoux, qui mentionne «en ce temps-là, l'influence très grande de la géographie sur la formation du caractère français.» Remarquons au passage que Julien Gracq, autre auteur de récits poétiques -- et normalien géographe --, a tiré toute une poétique de la géographie.

[544]  Guy Teissier et Pierre d'Almeida ont souligné dans leur annotation de cette entrevue à quel point Giraudoux voit dans ce mouvement un ressourcement. Voir Cahiers Jean Giraudoux, nº 14, 1985, p. 45 et note 10.

[545]  Georges Champeaux, «Comment travaillez-vous?», Les Annales politiques et littéraires, 10 septembre 1935; Cahiers Jean Giraudoux, nº 19, 1990, p. 176.

[546]  Paul Valéry, Avant-propos à la connaissance de la déesse, Variété I, Oeuvres, t. I, Gallimard, «Bibl. de la Pléiade», t. I, 1957, p. 1272. Il s'agit du texte où Valéry avait employé pour la première l'expression de poésie «à l'état pur» vouée à controverse (p. 1270).

[547]  Albert Thibaudet, Réflexions sur le roman, Gallimard, 1938, p. 84 (article du 1er décembre 1919) : «Le symbolisme n'a rien produit en matière de roman! [...] Il nous revient aujourd'hui : c'est le roman de M. Giraudoux.»

[548]  Jacques Rivière, «Reconnaissance à Dada», Nouvelles études, Gallimard, 1947, p. 303. Cité par Éliane Tonnet-Lacroix, Après-guerre et sensibilités littéraires (1919-1924), Publications de la Sorbonne, 1991, p. 273.

[549]  Comoedia, 18 juillet 1928; loc. cit.

[550]  «Du côté de Marcel Proust», Les Feuillets d'Art, nº 1, 31 mai 1919, et «Lettre au Capitaine Drabath Magore», Les Feuillets d'Art, nº 2, 31 août 1919. Le texte en a été republié dans l'article de Jacques Body, «Deux chroniques oubliées : Giraudoux et Proust, Giraudoux et Claudel», Studi Francesi, Vol. 33, sept.-déc. 1967, p. 457-467. On le trouvera aussi dans Or dans la nuit, Grasset, 1969, p. 16-27 et 28-34.

[551]  Cahiers Jean Giraudoux, nº 14, 1985, p. 95.

[552]  Cahiers Jean Giraudoux, nº 14, 1985, p. 100.

[553]  Giraudoux modifiera cette opinion quelques années plus tard.

[554]  Cahiers Jean Giraudoux, nº 14, 1985, p. 139.

[555]  «...je me demandais si la musique n'était pas l'exemple unique de ce qu'aurait pu être -- s'il n'y avait pas eu l'invention du langage, la formation des mots, l'analyse des idées -- la communication des âmes.», Marcel Proust, À la recherche du temps perdu, t. III, Gallimard, Bibl. de la Pléiade, 1988, p. 762-763.

[556]  Giraudoux par deux fois expliquera que le Jules Renard des Histoires naturelles, «ce n'est pas parent» avec lui. «M'apparenter à Jules Renard est une fantaisie pleine d'humour», répète-t-il en 1926 à Frédéric Lefèvre (Cahiers Jean Giraudoux, nº 14, 1985, p. 55). La province du Journal est une rude et amère province, où la glèbe est dure et les moeurs plus proches de La terre de Zola que de Provinciales, si ce n'est pour l'humour mordant, très amusant de Renard. À vrai dire, ce qui est significatif, c'est plutôt que Jules Renard ait remarqué Provinciales à leur parution, et les ait aimées assez pour s'en faire le défenseur (malheureux) au jury Goncourt pour l'année 1909. Il était assez naturel que l'auteur de Bucoliques appréciât et défendît la province de rêve et les provinciaux idéaux de Giraudoux. Voir Jules Renard, Journal, Gallimard, Bibl. de la Pléiade, 1965, p. 1258.

[557]  Toutes les citations qui précèdent, Cahiers Jean Giraudoux, nº 14, 1985, p. 45-47.

[558]  Les trois Consolations de Sénèque, à Marcia, à sa mère Helvia et à Polybius, sont accessibles dans l'édition due à Paul Veyne, Entretiens, Lettres à Lucilius, collection «Bouquins», Robert Laffont, 1993. Peu nous importe quelle ait pu être la rouerie de Sénèque dans ces lettres, nous savons que Giraudoux admirait sa langue. Paul Veyne souligne dans son introduction la rhétorique de l'éxilé, qui espère la grâce de l'empereur Claude, p. 45.

[559]  Éliane Tonnet-Lacroix, op.cit., p.237-256.

[560]  « Il suffirait évidemment de s'entendre sur le mot romantique...» entonne Giraudoux dans un passage souvent cité de De siècle à siècle, où il montre que le Romantisme auquel il se rattache est le premier romantisme, celui du XVIIIe siècle et du tournant du XIXe siècle (Littérature, Grasset, 1941; Folio-Essais, 1994, p. 178-181). On y lit des phrases comme « Le moment romantique d'un pays est celui, en effet, où tout a cédé devant l'exigence du coeur »(p. 179), « la seule époque où le rôle de l'homme de lettres l'élève jusqu'à être la conscience du siècle » (p.179), et « La liberté du coeur, la liberté de l'inspiration espéraient ce message des droits de l'univers qui allait abolir les droits de l'homme» (p. 181). Giraudoux y donne la liste des écrivains romantiques français auxquels il se rattache : «Restif, Chateaubriand, Chénier, Mme de Staël, Bernardin de Saint-Pierre, Senancour, Benjamin Constant, Joubert» (p. 180).

[561]  Simone Ratel, «Entretien avec Jean Giraudoux. Est-ce le commencement d'un romantisme français?», Comoedia, 18 juillet 1928; Cahiers Jean Giraudoux, nº14, 1985, p. 96.

[562]  André Lang, «L'enchanteur Jean Giraudoux», Les Annales politiques et littéraires, nº 2347, 1er décembre 1929; Cahiers Jean Giraudoux, nº 14, 1985, p. 139.

[563]  Pierre Lagarde, «Jean Giraudoux et le théâtre», Les Nouvelles littéraires, 1er mai 1937; Cahiers Jean Giraudoux, nº 19, 1990, p. 213.

[564]  Voir Cahiers Jean Giraudoux, nº 14, 1985, p. 98, note 46.

[565]  Pierre d'Almeida, L'image de la littérature dans l'oeuvre de Jean Giraudoux, Cahiers Jean Giraudoux, nº 17, 1988, p. 65.

[566]  Voir sur ce point la démonstration de Lilian Furst, Counterparts. The dynamics of Franco-German literary relationships 1770-1895, Detroit, Wayne State Univ. Press, 1977, chapitre IV : German Romanticism and French Symbolism.

[567]  Edmond Eggli, dans son Schiller et le romantisme français (Paris, J. Gamber, 1927; Genève, Slatkine Reprints, 1970, 2v.) montre de même que c'est la production dramatique de Schiller et non ses idées esthétiques qui intéressa la génération romantique.

[568]  Cette « révélation » date peut-être des années de khâgne à Lakanal. Giraudoux y avait pour professeur de philosophie Camille Mélinand, disciple de Émile Boutroux, longuement évoqué dans Le Cloître de la rue d'Ulm, de Romain Rolland (Albin Michel, 1952, p. 93-97, 181, 203). Rolland le décrit comme un jeune homme au «moi envahissant», «qu'il érige en système philosophique». Il eut une énorme influence sur Alain-Fournier et Jacques Rivière (voir leur Correspondance, Gallimard, 1991, surtout pour l'année 1905). Rivière, dans sa préface à Miracles d'Alain-Fournier, rappelle sa démonstration irréfutable de l'idéalisme du monde extérieur. Les deux étudiants le décrivent comme un esprit généreux et exigeant. Alain-Fournier, dans une lettre à sa soeur Isabelle du 7 août 1905, le déclare «l'un des rares, peut-être le seul homme intelligent» qu'ils aient rencontré sur leur route (voir Correspondance, II, p.622). On peut se demander si la personnalité de Mélinand eut quelque chose à voir avec la présentation dédaigneuse que Giraudoux fit du romantisme allemand devant ses congénères de la khâgne à Lakanal, où il semble avoir déclaré n'y apercevoir «que les élucubrations de quelques bourgeois d'aussi bonne volonté que de mauvais goût.» (propos rapportés dans le journal étudiant Le Topo (nº1, 15 mai 1902, f.13; voir Cahiers Jean Giraudoux, 15, 1986, p. 72, n.2). Si l'on examine les autres contributions que Giraudoux fit au Topo (ibid., p. 81-111), en particulier cette chronique mordante intitulée Pointes de feu et coups de ciseaux, sous le pseudonyme de Gustave Brûleau, il semblerait plutôt que le potache Giraudoux s'exerçait à la verve ironique, et que se moquer du romantisme allemand fut sa façon de reconnaître l'étrangeté d'une façon de penser et de concevoir le rôle de la littérature dont la présentation par Andler n'allait pas tarder à le conquérir. Giraudoux rend d'ailleurs hommage à Mélinand dans une entrevue aux Nouvelles littéraires, 35 ans plus tard (9 octobre 1937), où il déclare : «J'ai eu des professeurs qui étaient des hommes extraordinaires. M. Jacques, M. Mélinand, M. Bernès, M. Vial...Tous des hommes qui m'ont pris et m'ont orienté.» (Cahiers Jean Giraudoux, 19, 1990, p. 237).

[569]  Formule saisissante dans sa justesse de Tzvetan Todorov dans son introduction au livre de Jean-Marie Schaeffer, La naissance de la littérature, la théorie esthétique du Romantisme allemand, Presses de l'École Normale Supérieure, 1983. Nous empruntons le développement qui suit à ce court texte d'un des connaisseurs français du romantisme allemand. Voir son chapitre «La crise romantique», dans Théories du symbole, Seuil, 1977, p. 179-260.

[570]  Friedrich Schlegel, mot cité par Ricarda Huch, Les romantiques allemands (1899), trad. français. André Babelon, Pandora, 1978, t. I, p. 39. Giraudoux avait lu, à Normale, en novembre 1906, de la poétesse Ricarda Huch, d'abord Ausbreitung und Verfall der Romantik (Leipzig, H. Haessel, 1902), puis, en décembre de la même année Blütezeit der Romantik (Leipzig, H. Haessel, 1899)

[571]  La base de l'ARTFL (American Research Treasury of the French Language -- Frantext), à Chicago, donne 615 occurrences pour le mot « mot » dans les seize oeuvres qu'elle contient, dont une bonne moitié, ici aussi, dans les quatre romans qu'elle contient : Suzanne et le Pacifique, Simon le Pathétique, Siegfried et le Limousin et Bella.

[572]  Voir la Lettre sur le roman, de Friedrich Schlegel, dans L'absolu littéraire, de Ph. Lacoue-Labarthe et J,-L. Nancy, Seuil, «Poétique», 1978, p. 321-330. Ce recueil contient la seule traduction française disponible des textes principaux du romantisme d'Iéna.

[573]  Ibid., p. 325, 326, 327.

[574]  cité par Ricarda Huch, op. cit., p. 189.

[575]  Ernst Behler, Le premier romantisme allemand, PUF, 1996, p. 89.

[576]  L'admiration des Romantiques pour Shakespeare est trop connue pour qu'on s'y attarde ici. On sait que August Wilhelm Schlegel a écrit une étude célèbre sur Roméo et Juliette. L'un des manifestes français du romantisme est le Racine et Shakespeare de Stendhal.

[577]  Isocrate, orateur antique, apparaît dans le Phèdre de Platon

[578]  Ernst Behler, op. cit., p. 212.

[579]  Ibid.

[580]  Ibid.

[581]  Maurice Blanchot, Faux pas, Gallimard, 1943, p. 112.

[582]  Ricarda Huch, op. cit., p. 189.

[583]  Ernst Behler, op. cit., p. 199. Même ton de noblesse et de grandeur d'âme, même tension vers l'idylle, même liberté dans la composition, même ironie juvénile; sans compter d'indéniables points communs entre Julius et Simon.

[584]  Voir Ernst Behler, Ironie et modernité, P.U.F., «Littératures européennes», 1996, p. 56.

[585]  Ernst Behler, op. cit., p. 219. Voir aussi, du même auteur, Ironie et modernité, op. cit., en particulier les chapitres 2 : «techniques de l'ironie romantique avant le romantisme», 4 : «la théorie de l'ironie chez Friedrich Schlegel», 5 : «La polémique de Hegel contre l'ironie romantique», et 7 : «Witz, humour et mélancolie.»

[586]  Cahiers Jean Giraudoux, nº 14, 1985, p. 71-72.

[587]  Fr. Schiller, «An die Freude», Poèmes philosophiques, Aubier, 1954, p. 70-79.

[588]  Dans les Lettres sur l'éducation esthétique de l'homme (1795), trad. français. par Robert Leroux, revue par Michèle Halimi, Aubier, 1992 [1943].

[589]  Cahiers Jean Giraudoux, nº 14, 1985, p. 54.

[590]  René Char, Sur la poésie, GLM, 1967. Cette petite plaquette aura accompagné la rédaction de ce travail, peut-être un peu comme Théocrite aura accompagné Giraudoux, ceci dit sans nulle prétention.

[591]  Cahiers Jean Giraudoux, nº14, 1985, p.120. «Le roman n'a pas de règles. Tout lui est permis. Aucun art poétique ne le mentionne ni ne lui dicte de lois. Il croît comme une herbe folle dans un terrain vague» écrira Roger Caillois, quelque 20 ans plus tard, dans Puissances du roman (1942); dans l'entre-deux guerres, le roman est «le genre littéraire qui possède sur les autres une suprématie manifeste», «comme certains romans semblent des poèmes, d'autres paraissent des manuels». Roger Caillois, Approches de l'imaginaire, Gallimard, 1974, p. 162, 154, 156.

[592]  Jean Paulhan l'aurait peut-être appelé rhétoriqueur, et Roland Barthes logothète, inventeur de langue.

[593]  Paul Morand parles des «préférences littéraires» de Giraudoux pour les «poètes Louis XIII» dans Giraudoux : Souvenir de notre jeunesse, dans Monplaisir ...en littérature, Gallimard, 1967, p.151. C'est dans ce même texte, quelques lignes plus bas qu'il ajoute : «Il avait une horreur innée du réalisme qui dans sa vulgarité et même sa force, le laissait froid; jamais je ne l'ai entendu mentionner Flaubert ou Zola. Quant à Maupassant, j'ai dit dans mon essai biographique ce qu'il en pensait.» (Sur la « moue » de Giraudoux à la mention du nom de Maupassant, voir Vie de Guy de Maupassant, Flammarion, 1942, p. 98-99).

[594]  Les poètes précieux et baroques du XVIIe siècle, Choix de poèmes et notes de Dominique Aury, introd. de Thierry Maulnier, Angers, J. Petit, 1941.

[595]  Maurice Blanchot, Faux pas, Gallimard, 1943, p. 146.

[596]  Voir Melissa C. Wanamaker, Discordia Concors, The Wit of Metaphysical Poetry, Port Washington, N.Y., Kennikat Press, «National University Publications», 1975; et l'ouvrage classique d'Odette de Mourgues, Metaphysical, Baroque and Précieux Poetry, Oxford U.P., 1953.

[597]  Armand Rio, «Chez M. Jean Giraudoux», Les meilleurs livres de France, nº 39, juillet-août 1934; Cahiers Jean Giraudoux, nº 19, 1990, p. 140.

[598]  Maurice Blanchot, op. cit., p. 147.

[599]  J.-J. Anstett, «Ondine, de Fouqué à Giraudoux», Les langues modernes, vol. 44, nº 2A, mars-avril 1950, p. 81-94, ici p. 94.

[600]  Ibid.

[601]  Lucien Dubech, Les chefs de file de la jeune génération, Plon, 1925, p. 164. Marcel Azaïs avait de son côté, dès 1922, dénoncé la «pédanterie livresque» de Giraudoux, Le chemin des Gardies, Nouvelle librairie nationale, 1926, p. 230-242.

[602]  Jean Giraudoux, «De ma fenêtre», publiée le 15 décembre 1906 dans la revue symboliste décadente L'Ermitage sous la signature de Jean-Emmanuel Manière. Reprise en volume in Provinciales, Grasset, juin 1909. Oeuvres Romanesques complètes, tome I, Gallimard, Coll.«Bibliothèque de la Pléiade», 1990.

[603]  Giraudoux a-t-il pensé aux feuilles jaunes de Livry, qui faisaient les délices de Mme de Sévigné? Il semble bien que oui, puisqu'il les mentionne dans une conférence sur la province française prononcée en novembre 1907 devant les étudiantes de Radcliffe College (à Harvard, où il est «lecteur»). Cahiers Jean Giraudoux, 15, 1986, p.113.

[604]  Voir note 8.

[605]  Mia Irène Gerhardt, Essai d'analyse littéraire de la pastorale, Utrecht, H&S, 1975 [1950]. p. 285 ss.

[606]  Ornement fréquent -- parfois le seul -- des maisons à un seul étage du Bas Berry où Giraudoux vécut sa petite enfance.

[607]  La tentation est grande de voir dans ce soleil mariniste escorté de nuées, de bruits et de couleurs une réminiscence de sa lecture des «poètes Louis XIII» pour lesquels Paul Morand raconte que Giraudoux avait une grande affection (Paul Morand, «Giraudoux : Souvenirs de notre jeunesse», in Monplaisir en littérature, Gallimard, 1967, p.198-199). A la fin de sa vie, Giraudoux a rappelé sa prédilection pour la période entre la fin des Valois et la mort de Louis XIII : cette sublime époque de notre littérature : elle exprime tragiquement les moindres accès de sa vie quotidienne («Bellac et la tragédie», in Littérature, Gallimard, p.227). Remarquons toutefois que l'image baroque est ici subvertie par l'esprit joueur de Giraudoux.

[608]  Au chapitre VII de Suzanne et le Pacifique (I, p. 556), la définition de la préciosité est plus scolaire.

[609]  Allusion à deux vers célèbres : dans Le Misanthrope (1666), les deux vers qui concluent le poème d'Oronte : «Belle Phyllis, on désespère, /Alors qu'on espère toujours» (acte I, sc. II), et dans Andromaque (1668), la grande scène entre Andromaque et Pyrrhus de l'acte I, sc. IV : «brûlé de plus de feux que je n'en allumai».

[610]  I, p. xxxviii.

[611]  La Revue universelle, 1er décembre 1932, p.746.

[612]  Stéphane Mallarmé, Correspondance, t. VIII, 1896, Gallimard, p.60

[613]  Charles Dédéyan, Rilke et la France, tome III, SEDES, 1963, p.315.

[614]  René-Marill Albérès, Esthétique et morale chez Jean Giraudoux, op. cit., p. 133.

[615]  Ibid., p. 132.

[616]  Jean-Paul, Cours préparatoire d'esthétique, L'Âge d'homme, 1979, VIIe programme : Sur la poésie humoristique, p. 129.

[617]  Gabriel du Genet, Jean Giraudoux ou un essai sur les rapports entre l'écrivain et son langage, Jean Vigneau, 1945, p. 42

[618]  Ibid., p. 43.

[619]  «...mes camarades... Que pouvaient-ils penser de moi ? Comprenaient-ils que les discours à la République je les faisais comme je faisais autrefois, dans nos classes, les discours au préfet et à l'évêque, non par ambition, par désir de paraître, mais simplement parce que je savais mieux écrire qu'eux tous, plus nettement penser...» Simon le Pathétique, I, p. 302-303. Nous avons déjà cité cette phrase à la fin du chapitre précédent.

[620]  Gabriel du Genet, Jean Giraudoux ou un essai sur les rapports entre l'écrivain et son langage, Jean Vigneau, 1945, p. 43.

[621]  Cahiers Jean Giraudoux, nº14, 1985, p.55.

[622]  Giraudoux en a-t-il vu le modèle chez Tieck? Dans son roman épistolaire Geschichte des Herrn William Lovell (1795-1796), vingt-trois voix différentes éclairent la progression de l'histoire suivant des perspectives complémentaires ou divergentes.

[623]  Il est dit qu'on ne verra jamais une scène sexuelle chez Giraudoux. Mais il y a des allusions assez lestes dans Amphitryon 38; et dans Combat avec l'ange, la mention, brutale d'ailleurs, de l'hôtel de passe où se rencontrent les amants.

[624]  Cahiers Jean Giraudoux, nº 14, 1985, p. 55.

[625]  À bien des égards, Le Nénuphar blanc, poème en prose, est une idylle : raffinement extrême de la langue, situation amoureuse ou quasi-amoureuse, locus amoenus de la promenade en yole le long des rives de la Seine, jardin, loisirs d'une maison de campagne, sourire du poète, anecdote, brièveté et réalisme du poème. Mallarmé, Oeuvres complètes, «Pléiade», 1945, p. 283-286.

[626]  M. Martin du Gard, Les Nouvelles littéraires, 7 février 1925; Feux tournants, Camille Bloch, 1925, p. 209.

[627]  Lucien Bourguès, «Conversation avec Jean Giraudoux», Entracte, nº 3, saison 1928-1929; Cahiers Jean Giraudoux, nº 14, 1985, p. 114.

[628]  Georges Charensol, «Comment écrivez-vous? Jean Giraudoux», Les Nouvelles littéraires, 1er décembre 1931; Cahiers Jean Giraudoux, nº 14, 1985, p. 155.

[629]  Paul Valéry, Avant-propos à la connaissance de la déesse, Variété I, Oeuvres, t. I, Gallimard, «Bibl. de la Pléiade», t.I, 1957, p. 1271.

[630]  Cette phrase, mentionnée par Lise Gauvin, se trouve au chapitre II et commence p. 482. Voir la note 1, p.1601.

[631]  Méandres si bien notés par Anne Struve-Debeaux, dans son article, déjà cité, «Doites et méandres dans l'univers de Giraudoux», loc. cit.

[632]  Virginia Woolf, L'art du roman, tr. français. Rose Celli, Seuil, 1962, p. 173-175.

[633]  «Mais c'est là un nom qu'on a fort critiqué, ajoute Valéry. Ceux qui m'en ont fait le reproche ont oublié que j'avais écrit que la poésie pure n'était qu'une limite située à l'infini, un idéal de la puissance de beauté du langage... Mais c'est la direction qui importe, la tendance vers l'oeuvre pure. Il est important de savoir que toute poésie s'oriente vers quelque poésie absolue...C'est celle dont Mallarmé a médité l'existence et de laquelle il a essayé, à tout prix, de se rapprocher par les développements de son art.» Paul Valéry, Stéphane Mallarmé, conférence à l'Université des Annales la 17 janvier 1933, publiée dans Conférencia le 15 avril 1933; Oeuvres, t. I, Gallimard, «Bibl. de la Pléiade», 1957, p. 676-677.

[634]  Mallarmé, Oeuvres complètes, p. 368 (et 857).

[635]  Voir sur ce point Dominique Combe, Poésie et récit. Une rhétorique des genres, Corti, 1989, chapitre 6 «Poésie, roman et synthèse des genres».

[636]  La phrase attribuée à Valéry « La marquise sortit à cinq heures », est rapportée par André Breton dans le premier Manifeste du Surréalisme qui la cite comme ayant été prononcée dans une conversation : «Paul Valéry qui, naguère, à propos des romans, m'assurait qu'en ce qui le concerne, il se refuserait toujours à écrire : La marquise sortit à cinq heures. » (André Breton, Oeuvres complètes, Gallimard, «Bibl. de la Pléiade», t. I, p. 314). Valéry semble avoir usé à plusieurs reprises de cet exemple dans le contexte d'une réflexion sur le roman. Il peut fort bien avoir prononcé naguère cette phrase devant André Breton puisqu'on en trouve une formulation approchante dans ses Cahiers, dans le cahier daté de l'année 1913. Le texte est au tome II de la Pléiade, p. 1162, ou p. 101 du tome V de l'Édition fac-similé du CNRS. En voici le début : «Romans. L'arbitraire -- / La comtesse prit le train de 8 heures / La marquise prit le train de 9 heures...» Marguerite Bonnet dans son édition des Oeuvres complètes de Breton mentionne ces notations (Pléiade, tome I, p. 314, note 1), mais il en existe une autre, toujours au tome II de l'édition de la Pléiade des Cahiers de P.V., p. 1190 (ou dans le cahier daté de 1922, tome IX de l'éd. Du CNRS, p.98), dont voici le début : «Romans / Si je dis : le marquis ferma la porte ou bien : Élise avait trente ans».

[637]  Henri Brémond, La Poésie pure, avec «Un débat sur la Poésie» par Robert de Souza, Grasset, 1926. Le débat fut lancé par l'abbé Brémond en 1925, il dura jusqu'en 1930. Voir la note, ci-dessus, où Valéry précise, en 1933, comment il a employé le terme.

[638]  Mallarmé, Oeuvres complètes, p. 368 (et 857).

[639]  Cité par Dominique Combe, Poésie et récit, Corti, 1989, p. 143.

[640]  Voir Mallarmé, Correspondance, éd. citée, p. 617-618, la lettre à Charles Bonnier de mars 1893, où le poète écrit : «Le fait poétique lui-même consiste à grouper, rapidement, en un certain nombre de traits égaux, pour les ajuster, telles pensées lointaines autrement et éparses; mais qui, cela éclate, riment ensemble pour ainsi parler. Il faut donc, avant tout, disposer la commune mesure, qu'il s'agit d'appliquer; ou le vers.» Et à propos du vers libre, il ajoute : «Maintenant, pour la notation émotionnelle proportionnée, je la goûte absolument, mais en tant qu'une prose, délicate, nue, ajourée. L'opération poétique de la commune mesure y fait défaut, ou n'est pas en jeu.»

[641]  Jean-Yves Tadié a consacré un livre aux écrivains qui ont, au XXe siècle, relevé le défi du récit poétique. Giraudoux y occupe la place d'honneur avec la presque totalité de son oeuvre narrative. Jean-Yves Tadié, Le récit poétique, P.U.F., «Écriture», 1978.

[642]  Dans la Lettre à l'Académie, Fénelon écrit : «Notre versification perd plus, si je ne me trompe, qu'elle ne gagne par les rimes. Elle perd beaucoup de variété, de facilité, et d'harmonie. Souvent la rime, qu'un poète va chercher bien loin, le réduit à allonger, et à faire languir son discours. Il lui faut deux ou trois vers postiches pour en amener un dont il a besoin. On est scrupuleux pour n'employer que des rimes riches, et on ne l'est ni sur le fonds des pensées et des sentiments, ni sur la clarté des termes, ni sur les tours naturels, ni sur la noblesse des expressions. La rime ne nous donne que l'uniformité des finales, qui est ennuyeuse, et qu'on évite dans la prose, tant elle est loin de flatter l'oreille...», Fénelon, Lettre à l'Académie, chap. V, Projet de poétique, in Oeuvres, éd. de Jacques Le Brun, Bibl. de la Pléiade, 1997, p. 1156. Voir aussi La poésie en prose des Lumières au romantisme (1760-1820), ouvr. coll., Presses de l'Université Paris-Sorbonne, 1993, p. 69.

[643]  Fénelon, Lettre à l'Académie, chap. V, Projet de poétique, in Oeuvres, éd. Jacques Le Brun, «Bibl. de la Pléiade», 1997, p. 1161.

[644]  Fénelon ajoute : «Je veux qu'il me mette devant les yeux un laboureur, qui craint pour ses moissons, un berger qui ne connaît que son village et son troupeau, une nourrice attendrie pour son petit enfant. Je veux qu'il me fasse penser, non à lui, et à son bel esprit, mais aux bergers qu'il fait parler.» Fénelon vise probablement l'esthétique de Fontenelle et son Discours sur la nature de l'églogue. Voir la note de Jacques Le Brun, op. cit., p. 1743.

[645]  Cos ou la Sicile sont la province par rapport à Alexandrie.

[646]  «Ainsi, dans ma jeunesse, je veux dire dans les années 30 à 40, étais-je particulièrement sensible aux jeunes personnages qui peuplent l'oeuvre de mon compatriote [Clancier est originaire du Limousin, comme Giraudoux]. Et je pense qu'avec moi un grand nombre de garçons et de filles de ma génération partageaient ce sentiment. Nous voyions dans ces héros et ces héroïnes épris de lumière morale, des exemples : dans leur vie l'humour et l'amour s'alliaient, l'intelligence et l'imagination s'épousaient. Cependant que la menace de la barbarie grandissait autour de nous, l'oeuvre de Giraudoux affirmait la beauté et la fierté de vivre, sans pour cela faire appel à quelque dogme que ce fût : religieux ou politique. Il y avait là une sorte de courage masqué de fantaisie, un courage de la grâce au service de la liberté» Georges-Emmanuel Clancier, «Giraudoux et la jeunesse», Dans l'aventure du langage, P.U.F., 1987, p. 36.

[647]  Les cinq tentations de La Fontaine, Oeuvres littéraires diverses, p. 430

[648]  Joe Bousquet, «Jean Giraudoux», Confluences, nº 21-24, Lyon, 1943, p. 144.

[649]  Jean Giraudoux, Les cinq tentations de La Fontaine, «La tentation littéraire», Oeuvres littéraires diverses, p. 413.

[650]  Philippe Soupault, «Jean Giraudoux», Les Feuilles libres, déc. 1922 - jan. 1923, p. 392.

[651]  Dominique Noguez, «La dernière couche du palimpseste, le style de Giraudoux», Jean Giraudoux et l'écriture palimpseste. Actes du colloque de la S.I.E.G., réunis par Lise Gauvin, Paragraphes, Université de Montréal, 1997, p. 53-70.

[652]  Paul Valéry, lettre à Jean Giraudoux du 1er janvier 1919, Cahiers Jean Giraudoux, nº 2-3, 1974, p. 7-8.

[653]  Cahiers Jean Giraudoux, nº 14, 1985, p. 46.

[654]  Ricarda Huch, Les Romantiques allemands, op. cit., p. 189

[655]  I, p.604.

[656]  Je remercie Guy Teissier d'avoir attiré mon attention sur ce passage.

[657]  Nombre d'idylles ont été portées en musique. Comme quelques autres genres poétiques comme l'ode ou l'élégie, une bibliographie générale sur l'idylle contient un grand nombre de références à des oeuvres musicales.

[658]  Voir la notice de Guy Teissier, p. 1407.

[659]  Mia Irène Gerhardt, op. cit., p. 296.

[660]  Simone Ratel, «Entretien avec Jean Giraudoux. Est-ce le commencement d'un romantisme français?», Comoedia, 18 juillet 1928.

[661]  Maurice Blanchot, Faux Pas, Gallimard, 1943. Il semble d'ailleurs que les rapports entre poésie et roman soient une préoccupation majeure de ce volume qui, outre l'article intitulé «Mallarmé et l'Art du roman», contient aussi «L'énigme du roman» (p. 213-223), «roman et poésie», sur Le Temps qu'il fait, d'Armand Robin (p. 232-236), et «Poésie et roman», sur les romans d'Audiberti, surtout Carnage (p. 237-241).

[662]  Ibid., p. 215-216.

[663]  Les cinq tentations de La Fontaine, op. cit., p. 341.

[664]  Joe Bousquet, «Jean Giraudoux», Confluences, nº 21-24, Lyon, 1943, p. 143, 145.

[665]  Les cinq tentations de La Fontaine, op. cit., p. 418.

[666]  Les cinq tentations de La Fontaine, op. cit., p. 394.

[667]  Rappelons-le : en juin 1923, Frédéric Lefèvre lui demande : « L'influence de Bergson et du mouvement pragmatiste a été grande sur les jeunes écrivains ? -- Certes; tous ces mouvements parallèles ont eu lieu par osmose...», Cahiers Jean Giraudoux, nº 14, 1985, p.45.

[668]  Le Paris qu'il a vu n'est certainement pas différent de celui qu'a décrit Céline dans Mort à crédit. Nous n'avons aucun renseignement autobiographique permettant de le documenter. Mais nous savons aussi qu'il a apprécié la vision proustienne du grand monde.

[669]  Joe Bousquet, «Jean Giraudoux», Confluences, nº 21-24, Lyon, 1943, p. 144.

[670]  À André Rousseaux, «Un quart d'heure avec Jean Giraudoux», Candide, nº294, octobre 1929, Cahiers Jean Giraudoux, 14, 1985, p. 129. Rousseaux reprend textuellement le paragraphe qui contient cette phrase dans une seconde entrevue avec Giraudoux en 1934, «Un quart d'heure avec Jean Giraudoux», Candide, nº 25, mai 1934, Cahiers Jean Giraudoux, 19, 1990, p. 131.

[671]  Jean-Paul Sartre, «M. Jean Giraudoux et la philosophie d'Aristote, à propos de Choix des élues», N.R.F., 1er mars 1940, p.339-354. Article repris dans Situations I, Gallimard, 1947; collection «Idées», p. 101.

[672]  Benjamin Péret, Oeuvres complètes, t. 7, Corti, 1995, p. 79.

[673]  Lucien Bonzon, «Jean Giraudoux diplomate», in Jean Giraudoux, Les Publications techniques & Galerie Charpentier, collection Comoedia-Charpentier, 1944, p. 41-42.

[674]  Mallarmé, Correspondance, Lettres sur la poésie, Gallimard, folio-classique, 1995, p. 585.

[675]  Voir à ce sujet les pages très précises de Jacques Body, La légende et le secret, P.U.F., p. 156-160, ici p. 158 .

[676]  Cahiers Jean Giraudoux, nº14, 1985, p. 59.

[677]  On sait le succès et le retentissement européen de A Letter concerning Enthusiasm, Londres, 1708. Par Montesquieu, Voltaire, et surtout Diderot en France, en Allemagne par Kant, Schiller, Herder, Goethe et les Romantiques allemands, dont il fut le point de départ, Shaftesbury peut être considéré comme l'initiateur de l'esthétique moderne. Voir Georges Gusdorf, Naissance de la conscience romantique au siècle des Lumières, op. cit., pp. 219-243; et L'homme romantique, Payot, 1984, p. 26; et surtout Jean-Paul Larthomas, De Shaftesbury à Kant, op.cit., particulièrement le chapitre IV, «L'enthousiasme et la théorie du génie», p. 227-264. La question avait été traitée dans le même sens par André Leroy, Mylord Shaftesbury, A letter concerning Enthusiasm (texte anglais et trad. français. avec une introd. et des notes, P.U.F., 1930). Les idées de cet aristocrate, esthète aux loisirs studieux, disciple d'Épictète, ami de Pierre Bayle, et leur écho chez Giraudoux mériteraient une étude, notamment en ce qui concerne sa théorie de la bonne humeur, mais aussi sur le plan du stoïcisme. Le rapport giralducien au réel, au monde, en serait certainement éclairé.

[678]  «Manifeste du Surréalisme» (1924), in André Breton, Oeuvres complètes, t.I, Gallimard, Bibl. de la Pléiade, 1988, p. 328. Ces distinctions faites, c'est surtout le «non-conformisme» des surréalistes (p. 346) et leurs provocations juvéniles, voire puériles, qui ne peuvent recueillir l'adhésion d'un Giraudoux, tenu de surcroît à la mesure et à la discrétion par ses fonctions au Quai d'Orsay. Mais il partage avec eux le «procès du réalisme» (p. 313), l'éloge de la «chère imagination» et d'une manière générale l'élan politique propre à toute l'esthétique de cette époque. On sait que Philippe Soupault admirait Giraudoux (Philippe Soupault, Vingt mille et un jours, Belfond, 1980, p. 95), il le redira de nouveau, avec quelques nuances, dans un numéro d'hommage de la revue Sur, paru à Buenos Aires en 1944 : «Fantasma de Jean Giraudoux», Sur, Año XIV, Mayo de 1944, p. 35-40.

[679]  Question de génération ? Les surréalistes veulent détruire la culture. La génération précédente, celle de Giraudoux, rêve encore de la parfaire. «Achever un ouvrage consiste à faire disparaître tout ce qui montre ou suggère sa fabrication. L'artiste ne doit, selon cette condition surannée, s'accuser que par son style, et doit soutenir son effort jusqu'à ce que le travail ait effacé les traces du travail.» (Paul Valéry, «37, rue Victor-Massé», dans Degas, danse, dessin, Oeuvres, Gallimard, «Bibl. de la Pléiade», p. 1175.). Et Roger Martin du Gard, qui fait justement allusion à une portion de cet ouvrage de Valéry, écrit à Jean Paulhan : «Et le Valéry qui m'a enchanté « Achever un ouvrage »! Oui, il n'a que trop raison, personne ne sait plus travailler, effacer par le travail l'empreinte du travail. Et le fantôme de Fargue; et la lettre de Rilke; excellents tous deux. Et le Giraudoux; et le Fernandez...» (Roger Martin du Gard, lettre à Jean Paulhan du 14 janvier 1934, Correspondance (1933-1936), Gallimard, 1990, p.193. Martin du Gard fait ici référence aux articles que contient le nº 244, janvier 1934, de la N.R.F. : Paul Valéry, «Chez Degas» (p. 46-53); Léon-Paul Fargue, «Souvenir d'un fantôme» (p. 5-11); Rilke, «Une lettre à Lou Salomé» (p. 90-97); Ramon Fernandez, «La révolution est-elle nécessaire?» (p. 110-114); Jean Giraudoux, «Combat avec l'ange», chapitre premier (p. 60-89).

[680]  Jean Giraudoux, «Privas, juillet», Or dans la nuit, Grasset, 1969, p. 209-223.

[681]  Jean Giraudoux, «Gérard de Nerval», Littérature, op. cit., p. 79-80. Il répétera approximativement la même chose dans «De siècle à siècle», p. 185, discours mordant prononcé à l'occasion du centenaire d'Hernani où il accuse les romantiques de 1830 de s'être faits les complices d'un «événement mondain» et d'une révolution de carton-pâte qui rassurait la bourgeoisie.

[682]  À Frédéric Lefèvre, en 1926 : «Mais vous savez bien que je n'aime pas les chefs-d'oeuvre», Cahiers Jean Giraudoux, nº 14, 1985, p. 54. Et surtout, dans De siècle à siècle, «Les chefs-d'oeuvre sont les statues de la littérature et en encombrent les voies», in Littérature, op. cit. p. 192.

[683]  Principalement, à vingt ans de distance, de Simon le Pathétique (1918), à Bella (1924), et à Ondine (1939).

[684]  Nous remercions M. Jean-Pierre Giraudoux, fils de l'auteur, M. le docteur Jean Giraudoux, son neveu, ainsi que Mme Marie-Anne Giraudoux-Armand, sa nièce, pour leur aimable autorisation de publier ces travaux aujourd'hui centenaires du lycéen Jean Giraudoux.