Résumé·s
Cet article propose une lecture croisée, basée sur le thème du péché originel, de la nouvelle « Tout »
d’Ingeborg Bachmann et du récit Le rêve d’un homme ridicule de Dostoïevski. Le péché originel,
compris comme la chute du genre humain dans une spirale de malheur, est examiné à la lumière de
son actualisation par les théories critiques de la raison (Chestov, Benjamin, Adorno) formulées en
plein cœur du rationalisme triomphant de la modernité. À partir des textes de Bachmann et
Dostoïevski, la découverte de la distinction entre bien et mal par les premiers humains est pensée
en continuité avec le développement d’un langage qui inscrit en l’être humain et dans ses relations
sociales la séparation entre la raison autonome et la nature réduite à une chose muette et dépourvue
de substance. Cette séparation est définie comme fondement d’une guerre éternelle entre les
humains et la nature ainsi qu’entre les humains eux-mêmes.
This paper proposes a comparative reading, on the theme of the original sin, of the short story “All”
by Ingeborg Bachmann and of The Dream of a Ridiculous Man by Dostoïevski. The original sin,
understood as the fall of mankind in a spiral of affliction, is examined in light of its actualization
by critical theories of reason (Shestov, Benjamin, Adorno), which were articulated against the
backdrop of the triumph of rationalist modernity. In these stories by Bachmann and Dostoïevski,
the discovery of the distinction between good and evil by the first humans is taught in continuity
with the development of a language that inscribes in humans and in their social relations the
separation between autonomous reason and nature, the latter being devoid of substance. This
separation is defined as the basis of an eternal war between humans and nature as well as among
humans themselves.