Bâtir, aménager et entretenir la ville : l'action des Montréalaises, 1893-1914
Thesis or Dissertation
Abstract(s)
Si l’impact des Montréalaises dans la sphère publique sur les plans social et politique est bien connu, leurs actions sur le plan urbain le sont moins. Au tournant du XXe siècle, ces femmes, travaillant au sein de la Fédération nationale Saint-Jean-Baptiste (FNSJB) et du Montreal Local Council of Women (MLCW), usent de leur agentivité afin de justifier leurs interventions sur la matière urbaine. Suivant la théorie des sphères séparées, elles justifient leur place et leur utilité dans la sphère publique en s’appuyant sur leurs qualités maternelles « naturelles », en tant que gardiennes et ménagères du foyer. Les femmes de Montréal utilisent également les idéologies réformiste et nationaliste qu’elles jumèlent au maternalisme.
C’est dans ce contexte qu’il se produit un glissement de la maison à la ville, où elles envisagent l’urbain, par sa matière, comme une maison pour les habitant.es de Montréal. Les projets qu’elles mettent en place ou auxquels elles participent en témoignent. Elles ouvrent des hôpitaux et des écoles et veillent à rendre disponible du logement pour la population vulnérable, à travers des foyers, des orphelinats et autres institutions. Elles veulent aussi rendre leur ville belle et propre, notamment en créant un réseau de parcs et de terrains de jeux, en gardant à l’œil les loisirs « immoraux » et en agissant sur la propreté et l’hygiène. Ces projets, qui sont autant de façons d’intervenir dans et sur l’urbain, témoignent de leurs préoccupations idéologiques, mais aussi du type de ville qu’elles veulent faire naître. Bien qu’inévitablement leur identité collective en tant que femmes blanches de l’élite les mène à poser un regard situé sur les autres Montréalaises et ainsi à mettre en place des projets qui peuvent nuire à ces dernières, la ville qu’elles envisagent est plus à l’écoute des besoins de la population. Elles parviennent ainsi à se doter d’un pouvoir sur la matière urbaine, pouvoir à la fois reconnu par la population qui bénéficie de leurs services, par les autres organisations réformistes et masculines, et même par les autorités municipales. En somme, leurs interventions sur la matière transforment non seulement le visage de la ville, mais aussi la manière dont la ville est pensée. Although the role of Montreal women in enacting social and political change is well known, their impact on the urban landscape has not garnered enough attention. At the turn of the twentieth century, these women, working within the Fédération nationale Saint-Jean-Baptiste (FNSJB) and the Montreal Local Council of Women (MLCW), used their agency to justify interventions in urban matters. Influenced by the separate spheres doctrine, they defend their place and usefulness in the public sphere through their “natural” maternal qualities, as guardians and housekeepers of the home. Montreal women combine this maternalism with reformism and nationalism.
In this context, a slip from house to city takes place, where, through materiality, the urban becomes a home for the city’s inhabitants. The projects that they create or participate in demonstrate this. They open schools and hospitals and work to make decent lodgings accessible for the city’s population, through homes, orphanages, and other institutions. They also work to beautify, clean and make their city a better place to live in, most notably through the creation of a network of parks and playgrounds, the surveillance of “immoral” leisure establishments, and by promoting urban cleanliness and hygiene. These projects that impact the built environment not only underline their ideological inclinations, but also the type of city that they envision. Although their collective identity as elite white women influences their view of other Montreal women, leading them to pursue projects that can have negative effects on the latter, the city they envision is one that is more in tune to the needs of the population. They ultimately succeed in securing for themselves power over urban matter, power that is both recognized by the people who benefit from their projects, but also by men in reformist organizations, and even in municipal government. Thus, their interventions on urban matter not only transform the city, but also the way we think of the city.
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