Convention cadre pour le commerce électronique: Commentaires et Contrats

Thierry Piette-Coudol, Avocat

100525.3331@compuserve.com


  

Le Centre International de Recherches et d'Etudes en Droit de l'Informatique et des Télécommunications (CIREDIT) est une association de juristes spécialisés dans les technologies de l'Information et de la Communication. Le Centre comprend des universitaires et des chercheurs, des avocats et des juristes d'entreprise.

La commission fax- EDI du CIREDIT après s'être fait la main sur un "Accord d'Interchange de Télécopie" a rédigé le premier "Accord d'Interchange" public français, qui a connu un succès notable : admis au côté des contrats types d'autres pays développés (comme les USA, le Canada, La Grande Bretagne, l'Australie, le Québec, la Nouvelle- Zélande etc..), il a été étudié par la CNUDCI, la Commission des Nations Unies pour le Commerce International et est repris dans l'ouvrage consacré à ces contrats spécifiques par la Chambre de Commerce Internationale.

Aujourd'hui pour faire face à l'extension du champ d'étude, la Commission Fax- EDI s'est transformée en "Commission du Commerce Electronique". Le nouveau produit de cette Commission est une convention cadre qu'on trouvera ci- dessous.

CONTACT : Commission EDI & COMMERCE ELECTRONIQUE du CIREDIT 42 terrasse de l'Iris, 92400 La Défense. Tel & fax : 16 50 67 12 01. E- mail : CompuServe : 100525,3331.

 

COMMENTAIRES DE LA CONVENTION

1. Notion de Commerce Electronique

Sur les Autoroutes de l'Information, une destination devrait retenir plus particulièrement l'attention des entreprises qui s'intéressent aux nouvelles technologies pour développer leurs activités commerciales : le Commerce Electronique. Comme le concept d'Autoroute de l'Information, le concept de Commerce Electronique est issu d'Outre Atlantique. C'est le vice- Président américain Al Gore qui a rendu public cette notion.

Le Commerce Electronique qui connaît déjà plusieurs expérimentations est longuement développé dans un certain nombre de documents officiels significatifs. Un document daté du 22 février 1993, co- signé des Président et Vice- président américains, porte le libellé de "Technology for America's Economic Growth - A New Direction to Build Economic Strenght". C'est un véritable plan d'action qui plaide largement pour les Autoroutes de l'information comme un enjeu essentiel. Puis le projet du Federal Electronic Commerce Acquisition Team du 29 avril 1994, intitulé "Streamlining Procurement Through Electronic Commerce" relie les Autoroutes au Commerce Electronique.

Ce second document formule une définition du concept de commerce électronique ? Selon la conception développée, le commerce électronique, c'est l'utilisation combinée et optimale de toutes les technologies de la communication disponibles pour développer le commerce de l'entreprise. Les technologies visées sont l'Echange de Données Informatisé (EDI), noyau central, mais aussi, la messagerie électronique, le répertoire ou annuaire électronique X500, les banques de données, le transfert électronique de paiement (TEP).

Dans le Commerce Electronique, au fur et à mesure du déroulement des opérations commerciales entre deux entreprises, on mettra en oeuvre les technologies qui s'y révéleront les mieux adaptées. Ainsi on pourrait imaginer le scénario suivant, qui ne reste qu'une hypothèse de travail et que les entreprises intéressées fixeront dans leur Convention Cadre :

- la recherche d'information sur un partenaire commercial potentiel sera effectuée grâce à une base de données ;

- l'annuaire X500 indiquera le numérotage (l'adressage et le nommage) de l'entreprise identifiée selon les technologies visés ;

- les premiers contacts seront faits par messagerie électronique ;

- l'accord commercial une fois acquis, les relations se poursuivront (exécution du contrat, livraisons etc...) par EDI ;

- les TEP boucleront les opérations commerciales.

 

2. Economie générale de la Convention Cadre

La Convention cadre est une extension du classique Accord d'Interchange pratiqué par les utilisateurs de l'EDI. La Convention est conclue non pas entre deux particuliers, mais par deux entreprises pratiquant le commerce. En arrière plan, elle se rattache à une opération de commerce, sans y interférer, car elle ne concerne que des transactions électroniques (article 3.2. et 15.2).

Le Commerce Electronique (défini en art.1.3.) est l'objet même de la Convention (art.2). Le système constituant à mettre en regard étapes ou Stades commerciaux et technologies de la communication est décliné dans les articles 7.1. à 7.5. Le détail du choix peut être porté dans une annexe spécifique.

Conçu pour être pratiquée dans un contexte de commerce internationale, la Convention prévoit que chaque signataire doit attester de sa bonne foi en indiquant les difficultés et impossibilités qui seraient issues de sa législation nationale, art. 1.1. à 5.4. Ces éléments peuvent être de nature très diverses : conditions d'utilisation ou d'accès aux technologies de la communication, régime de la validité de la dématérialisation documentaire, accomplissement de formalités administratives particulières (exemple : autorisation de la Direction Générale des Impôts en France pour la facture électronique)

Le dispositif exclut la répudiation des Echanges Electroniques (nom générique de ce qui est échangé par les technologies de la communication, art.1.5.) dans l'article 3.3 et la possibilité de recourir à une technologie autre que celle prévue (art.7.3.).

La Convention fait la distinction entre ce qui est reçu et les effets juridiques attachés que le destinataires doit assumer c.a.d. réception et acceptation (art.10.1. à 10.3.). Pour la réception, les parties peuvent s'en remettre aux Accusés de Réception fonctionnels automatiques de certaines technologies de la communication ou encore les messages en retour générés par les applicatifs des systèmes d'information, par exemple pour l'EDI, les messages EDI de confirmation.

Les parties vont s'entourer de sécurité (art.8.1. et 8.2.- art.9.). Aussi ils utiliseront ces indices techniques pour rapporter, autant que de besoin une preuve technologique des Echanges Electroniques (art.12.1 à12.4.) Un élément important de ce dispositif de preuve est l'utilisation d'une signature électronique (art.11.1 et 11.3.). Les caractéristiques de cette signature électronique sont définis à l'art.11.2. pour être en conformité avec la jurisprudence française (affaire CREDICAS) et les études des spécialistes (rapport de l'OJTI sur la signature électronique).

CONVENTION CADRE POUR LE COMMERCE ELECTRONIQUE

(v.1.0.)

(Cette Convention Cadre, rédigée par la Commission EDI & Commerce Electronique du CIREDIT est mise par ses auteurs à la disposition du public sous la condition expresse que toute reproduction totale ou partielle de ce contrat soit accompagnée de la mention "Convention Cadre du CIREDIT".

CIREDIT, 42 terrasse de l'Iris, 92400 La Défense. Tel & fax : 16 50 67 12 01. E- mail: CompuServe : 100525,3331)

Entre la SOCIETE X, représenté par M.

et

la SOCIETE Y, représentée par M.

PREAMBULE

Les deux entreprises signataires désirent enrichir et faciliter leurs relations d'affaires en pratiquant le Commerce Electronique dans le cadre de leurs échanges commerciaux.

Les deux entreprises signataires ont échangé les informations et les conseils nécessaires à la pratique du Commerce Electronique et considèrent disposer de la compétence nécessaire pour en mener à bien la pratique.

Après une phase de négociation et de tests, les entreprises signataires ont convenu ce qui suit:

1 DEFINITIONS

1.1 Accusé de Réception

Instrument permettant à l'entreprise destinataire d'accuser réception d'un Echange Electronique à son émetteur soit directement soit techniquement (accusé de réception fonctionnel).

1.2 Authentification

Toute procédure technique par laquelle une des entreprises signataires confirme et valide son identification.

1.3 Commerce Electronique

Ensemble des pratiques consistant, pour deux entités juridiquement indépendantes, à choisir et utiliser à chaque Stade de leurs échanges commerciaux, la mieux adaptée aux Echanges Electroniques correspondants parmi les Technologies de la Communication.

1.4 Emetteur et destinataire

S'entendent des signataires des présentes ou de toutes personnes délégués par elles, pouvant assumer les effets juridiques du recours au Commerce Electronique.

1.5 Echanges Electroniques

Qualifie ce qui est transmis de l'émetteur au destinataire par voie électronique et dont la forme électronique est fonction de la Technologie de la Communication qui la supporte.

1.6 Intégrité

Qualité d'une information n'ayant fait l'objet d'aucune modification non autorisée.

1.7 Lisibilité

Qualité de tout ce qui est immédiatement déchiffrable et compréhensible pour l'oeil humain.

1.8 Règles UNCID

Ensemble des règles de conduite uniformes pour l'Echange de Données commerciales par télétransmission, établi par la Chambre de Commerce Internationale et la Commission Economique pour l'Europe des Nations- Unies (UN/ECE/TRADE/ WP4).

1.9 Signature électronique

Ensemble d'informations relatives à un Echange Electronique, élaboré à partir de son contenu et de l'identité de celui qui le génère ou le reçoit de manière à le rendre non- répudiable.

1.10 Technologies de la Communication

S'entend de tous types de réseaux et services de télécommunications aptes à acheminer des données, informations, documents ou fichiers entre utilisateurs, notamment les Télex, Minitel, téléphone, fax, X25, X400, RNIS et ATM, FTAM et EDI, InterNet et le WEB, etc...

2 OBJET

La présente convention a pour objet de définir les conditions techniques et juridiques du recours au Commerce Electronique entre les entreprises signataires c.a.d. à l'utilisation des Technologies de la Communication pour procéder à l'échange des informations et des documents accompagnant traditionnellement leurs échanges commerciaux.

3 PRINCIPES GENERAUX

3.1. Les entreprises signataires conviennent expressément de substituer de façon systématique des Echanges Electroniques à toute transmission d'informations ou de documents par voie traditionnelle.

3.2. Les présentes ne s'appliquent qu'aux Echanges Electroniques des entreprises signataires et non à leurs relations commerciales. Tout impossibilité de recourir aux Technologies de la Communication pour les Echanges Electroniques entraînerait pour les entreprises signataires l'obligation de revenir à des supports et à des voies de transmissions traditionnels, sans mettre en péril leur relations commerciales.

3.3. Aucune des entreprises signataires ne sera entendue si elle invoque l'utilisation des Technologies de la Communication pour dénoncer partiellement ou globalement les relations commerciales ou les Echanges Electroniques qui les utilisent pour transférer informations ou documents.

4 DOCUMENTS CONTRACTUELS

La présente convention pour le Commerce Electronique est formée des documents suivants et ce, selon l'ordre ci- dessous :

- le présent accord,

- l'annexe, s'il y a lieu,

- les règles UNCID.

5 RESPECT DES LOIS NATIONALES ET INTERNATIONALES

5.1. La validité des Echanges Electroniques au regard des lois nationales de chacune des entreprises signataires et des lois internationales n'a aucune influence sur la régularité, la licéïté et la validité de leurs échanges commerciaux.

5.2. Chaque entreprise signataire devra informer l'autre dans les meilleurs délais de toutes dispositions de sa loi nationale qui viendrait limiter sa liberté de pratiquer le Commerce Electronique.

5.3. Chaque entreprise signataire est responsable du préjudice occasionné à l'autre, s'il ne lui a pas signalé les modalités particulières ou l'impossibilité de pratiquer tout ou partie du Commerce Electronique au regard de sa loi nationale.

5.4. Les entreprises signataires conviennent expressément de respecter les différents textes juridiques qui protègent les données selon leur nature, notamment les données privatives.

6 PREREQUIS TECHNIQUES

6.1. Les entreprises signataires sont responsables, chacune en ce qui la concerne, de leur système d'information dans sa capacité à traiter les Echanges Electroniques émis et reçus dans la pratique du Commerce Electronique.

6.2. Les entreprises signataires sont responsables, chacune en ce qui la concerne, du choix des opérateurs techniques pour la mise en oeuvre des Technologies de la Communication selon les modalités prévues par les présentes. Ils en supporteront la négocation des contrats d'abonnement et de service, les charges et les coûts.

7 STADES COMMERCIAUX ET CHOIX DES TECHNOLOGIES

7.1. A l'occasion des différentes Stades de leurs échanges commerciaux, notamment la négociation, l'exécution, le transport et le paiement de ces échanges, les entreprises signataires entendent faire l'usage optimal des moyens et fonctionnalités offertes par les Technologies de la Communication.

7.2. Les entreprises signataires choisiront parmi les Technologies de la Communication disponibles celle qui leur semble la mieux adaptée, juridiquement et techniquement, au Stade en cours de leurs échanges commerciaux et qu'ils utiliseront ensuite exclusivement.

7.3. Si un Echange Electronique parvient à un des signataires en provenance de l'autre par l'intermédiaire d'une autre Technologie de la Communication que celle choisie, le destinataire ne lui attachera qu'une valeur informative.

7.4. Si un des entreprises signataires se trouve dans une impossibilité quelconque d'utiliser la Technologie de la Communication désignée pour un Stade commercial déterminée, il en avertira son partenaire dans les meilleurs délais. Les entreprises signataires choisiront conjointement à titre temporaire ou définitif, exclusif ou alternatif une autre Technologie de la Communication.

7.5. La liste des Stades commerciaux et des Technologies de la Communication correspondantes pourra être annexée à la présente convention.

8 SECURITE

8.1. Après examen des services et des prestations des opérateurs du marché, chacune des entreprises signataires retiendra, en ce qui la concerne, les prestations des opérateurs qui lui semblent contenir un niveau de sécurité nécessaire au Commerce Electronique.

8.2. Pour des raisons commerciales ou stratégiques, générales ou ponctuelles, les entreprises signataires pourront décider conjointement des mesures et procédures complémentaires de sécurité.

9 CONFIDENTIALITE

Les entreprises signataires appliqueront les procédures nécessaires pour garantir la confidentialité de leurs Echanges Electroniques susceptibles de contenir des données et informations constituant des secrets de fabrique, d'être couvertes par la Propriété Industrielle ou la Propriété Intellectuelle ou encore d'être stratégiques.

10 RECEPTION ET ACCEPTATION DES ECHANGES ELECTRONIQUES

10.1. Les entreprises signataires conviennent que le destinataire d'un Echange Electroniques doit d'abord en accuser réception auprès de son émetteur, puis en accepter le contenu.

10.2. Le destinataire prendra toutes mesures pour qu'un accusé de réception soit renvoyé à l'émetteur dans les meilleurs délais.

10.3. Au vu de l'accusé de réception, l'émetteur considérera que l'Echange Electronique est accepté dans ses effets juridiques, à moins que dans les meilleurs délais, le destinataire ne l'ait informé de l'illisibilité de l'Echange Electronique ou de son refus d'en assumer les effets juridiques.

11 SIGNATURE ELECTRONIQUE

11.1. Pour assurer un niveau de sécurité optimal, les entreprises signataires auront recours à une signature électronique.

11.2. A cet effet, les entreprises signataires choisiront conjointement une modalité de signature électronique qui, d'une part, garantit techniquement l'authentification et l'intégrité du message et d'autre part, soit apposée à l'Echange Electronique par une démarche volontaire du signataire.

11.3. La signature électronique fera preuve entre les entreprises signataires de l'existence, de l'origine, de l'intégrité et de l'horodatation des Echanges Electroniques.

12 PREUVE

12.1. Les entreprises signataires conviennent d'appliquer une preuve électronique à leurs Echanges Electroniques dans le cadre de la présente convention.

12.2. La preuve d'un Echange Electronique est administrée entre les entreprises signataires lorsqu'il est démontré l'identité entre l'Echange Electronique émis et l'Echange Electronique reçu.

12.3. L'identité des Echanges Electroniques émis et reçus est établie à partir des éléments techniques et des procédures et garanties de sécurité que comportent le système de télétransmission ainsi que les systèmes d'information des entreprises signataires.

12.4. Les entreprises signataires procéderont à un archivage des Echanges Electroniques. A cette fin, ils choisiront la modalité d'archivage la mieux adaptée au respect des règles juridiques de conservation des preuves, d'une part, et aux Technologies de la Communication employées, d'autre part.

13 COLLABORATION

Les entreprises signataires s'engagent à collaborer de manière étroite dans le cadre de la présente convention.

14 ASSURANCES

Chaque entreprise signataire souscrira une assurance pour couvrir les risques issus de la pratique du Commerce Electronique.

15 RESILIATION

15.1. Lorsqu'un des signataires manque de façon prolongée, soit de son fait soit pour une cause technique, mais en dehors de toute force majeure, aux obligations issues de la présente convention, l'autre a la faculté de dénoncer la présente convention.

15.2. La fin de la présente convention n'entraîne pas automatiquement la fin des relations commerciales des entreprises signataires.

16 VALIDITE PARTIELLE

Le caractère illégal ou imprécis du titre d'une clause, d'une part, ou de son contenu, d'autre part, n'entraînera ni l'inapplication de la clause d'une part, ni la nullité des clauses restantes, d'autre part.

17 ARBITRAGE

Les entreprises signataires conviennent que tout différend portant sur la validité, l'interprétation, l'exécution et la résolution de la présente convention sera portée pour arbitrage à la Commission du Commerce Electronique du CIREDIT.

ENTREPRISE ENTREPRISE

Nom : Nom :

Qualité : Qualité :

Date : Date :

Signature : Signature :

 

Cybernews     Volume 2, numéro 1 ( printemps 1996 )


© copyright 1998 Lex Electronica     Tous droits réservés / All Rights Reserved      ISSN 1201-7302