Communications personnelles par satellite, les licences: nouvelle quête du Graal ?

Stéphan LE GOUËFF (*)


 

Sommaire

  1. Introduction

  2. Description des systèmes

  3. Bénéfices et préoccupations

    1. Bénéfices

    2. Préoccupations

  4. Licences

    1. Segment spatial

    2. Segment terrestre

      1. Stations terriennes et passerelles d'accès

      2. Fournisseurs de services

      3. Utilisation et circulation des terminaux

  5. Vers une harmonisation internationale

  6. Conclusion: la quête du Saint Graal ?

 

 

I. Introduction

"Nous devons garder à l'esprit que près des 2/3 de la population mondiale n'a pas accès au service téléphonique de base, tout comme elle n'a pas accès à d'autres nécessités élémentaires à une vie humaine décente. Si nous voulons réaliser la vision de la Société de l'Information Globale dans laquelle sont créées de nouvelles sources de richesses ; où les gens ont partout accès à une éducation et à des soins médicaux convenables ; où tombent les barrières de l'ignorance, de l'incompréhension et de la méfiance, résultat du partage de l'information et de l'expérience entre les peuples, nous devons nécessairement faire en sorte que les télécommunications soient véritablement globales".

A une époque où la majorité de la population du globe n'a pas accès à des services de télécommunications de base, les systèmes de communications personnelles mobiles mondiales par satellite sont destinés à établir, à brève échéance, une infrastructure de communications d'une dimension planétaire. En revanche, tandis que ces systèmes sont en phase de développement, un certain nombre de problèmes doivent encore être résolus afin qu'ils soient effectivement en mesure de fournir un service local partout.

Il existe différents types de systèmes GMPCS. Ils sont généralement classés selon l'orbite utilisée, la taille des satellites et les services proposés. Le Tableau I illustre cette classification:

 

TABLEAU I: Classification des GMPCS

 

Classification Poids des satellites (kg) Orbite Services proposés
Little LEOs 40-100 LEO positionnement et messagerie mobile
Big LEOs 450-700 LEO téléphonie et transmission de données fixes et mobiles
Big MEOs 2,600-3,000 MEO téléphonie et transmission de données fixes et mobiles
LEOs à large bande 500-1,000

 

LEO téléphonie et multimédia fixe à large bande
Mega GEOs

 

plus de 3,000 GEO téléphonie mobile et multimédia à large bande fixe

Alors que certains systèmes de satellites de type Little LEOs sont déjà opérationnels (p. ex.: Orbcom), la plupart de ces systèmes sont en cours de développement et devraient être mis en service d'ici à l'an 2002.

Les Little LEOs, tel que le suggère leur nom, utilisent des satellites de petite dimension, pesant entre 40 et 100 kg, situés sur une orbite basse. Ils sont destinés à fournir des services de transmission de données à faible débit (et à faible coût) à destination d'équipements terminaux mobiles, tels que le positionnement, la messagerie et le télé-avertisseur bidirectionnel. Le Tableau II compare certaines caractéristiques de deux Little LEOs: Orbcom et Starsys.

 

TABLEAU II: Principales caractéristiques des Little LEOs

 

Projet Nombrede satellites Orbite Altitude(km) Coût estimé

(milliards$US)

 

Mise en service
Orbco m

 

36 (0) LEO 775 0.3 1997
Starsys

 

24 LEO 1,300 0.2 1999

Les Big LEOs et MEOs utilisent des satellites plus lourds. Les Big LEOs sont situés sur une orbite basse et chaque satellite pèse entre 450 et 700 kg. Les Big MEOs sont situés sur une orbite moyenne et chaque satellite pèse approximativement entre 2,600 et 3,000 kg. Ces systèmes ont pour objectif d'offrir des services de téléphonie vocale et de transmission de données à faible débit (fax, courrier électronique, transfert de fichiers, etc…) à destination d'équipements terminaux mobiles (de poche ou montés sur véhicule) ou fixes. Le Tableau III indique les principales caractéristiques de quatre systèmes concurrents Iridium, Globalstar, ICO et Odyssey.

 

TABLEAU III: Principales caractéristiques des Big LEOs

 

Projet Nombrede satellites Orbite Altitude (km) Coût estimé (milliards$US Mise en service
Iridium

 

66 LEO 780 4.6 1998
Global star

 

48 LEO 1,390 2.5 1998
ICO

 

10 MEO 10,400 4.6 2000
Odysse y

 

12 MEO 10,345 3.2 2001

Les LEOs à large bande offriront des services de communications à haut débit (large bande) à des terminaux fixes (plutôt que mobiles), d'une qualité comparable à celle de la fibre optique. Ces systèmes seront ainsi en mesure non seulement de fournir des services multimédias interactifs équivalents à ceux offerts par les réseaux terrestres à large bande, mais surtout de le faire à l'échelle de la planète. Ceci inclut donc des services tels que Internet, Intranet, les services en-ligne, l'accès à des bases de données, les services transactionnels, le télé-achat, la télé-banque, l'apprentissage télématique, la vidéoconférence, la vidéo téléphonie, le télétravail, le courrier électronique, le transfert de fichiers, la vidéo sur demande et interactive, les jeux électroniques, etc.

A cet égard, les projets Teledesic et SkyBridge (Sativod) sont parmi les LEOs à large bande les plus avancés. Le système Teledesic effectuera la commutation et le traitement des signaux à bord des satellites et sera en mesure d'établir des liaisons inter-satellites. D'une conception plus simple, le système SkyBridge ne fera pas de liaisons inter-satellites. Les fonctions de routage et de traitement du trafic seront gérées par des stations terriennes. Le Tableau IV illustre les principales caractéristiques de ces deux projets.

 

TABLEAU IV: Principales caractéristiques des LEOs à large bande

 

Projet Nombrede satellites Orbite Altitude (km) Coût estimé (milliards$US Mise en service
Teledesic

 

288 LEO 1,300 9 2002
Skybridge

 

64 LEO 1,457 3 2001

Les systèmes qui utilisent l'orbite géostationnaire n'étaient, jusqu'à récemment, pas envisagés pour les services de GMPCS. En effet, la distance relativement importante entre cette orbite et la Terre (approximativement 36,000 km), qui a pour conséquence une faible puissance du signal reçu au sol et des délais de transmission plus importants, a imposé des contraintes significatives à l'égard des applications fondées sur l'utilisation de terminaux de poche mobiles. Cependant, grâce aux récents développements technologiques, les systèmes GEO, utilisant des satellites pesant plus de 3,000 kg, sont en cours de développement. Par exemple, le projet EAST entend se servir d'un système GEO pour fournir des services de GMPCS. Etant donné que les satellites géostationnaires sont fixes par rapport à la terre, l'utilisation d'une seule position orbitale ne permet pas de parvenir à une couverture mondiale. Elle permet toutefois de couvrir approximativement un tiers de la surface du globe. De ce fait, EAST couvrira une région comprenant l'Europe, le Moyen-Orient et l'Afrique. Par ailleurs, le système géostationnaire Spaceway propose des communications à large bande pour les applications multimédias. Huit satellites GEO seront nécessaires pour couvrir quatre régions (deux satellites par région): Amérique du Nord, Asie-Pacifique, Europe-Afrique, et Amérique latine. Même si chaque satellite opérera comme un système régional autonome, l'objectif visé est de fournir une couverture globale lorsque le système sera déployé dans toutes les régions. Le Tableau V compare certaines caractéristiques de ces deux systèmes.

 

TABLEAU V: Principales caractéristiques des Méga GEOs

 

Projet Nombrede satellites Orbite Altitude (km) Coût estimé (milliards$US) Mise en service
EAST

 

1 GEO 36,000 0.75 2000
Spaceway

 

8 GEO 36,000 4 2000

Cet article porte essentiellement sur les Big LEO et MEO (ci-après conjointement désignés: "Big LEOs") en raison du fait que leurs applications, la téléphonie et les transmissions de données mobiles globales, soulèvent les défis réglementaires les plus significatifs. Cependant, à l'exception des aspects liés à la circulation et à l'utilisation des terminaux mobiles, les commentaires qui suivent s'appliquent également aux Little LEOs et aux LEOs à large bande.

Ainsi, nous proposons: 1) de faire une brève description des composantes des systèmes GMPCS ; 2) de souligner les bénéfices et les préoccupations introduits par ces systèmes ; 3) de passer en revue les diverses licences, ou autorisations administratives, requises pour rendre ces systèmes opérationnels dans chaque pays et considérer les problèmes que cela pose sur une échelle planétaire ; et 4) d'examiner les solutions avancées par la communauté internationale à l'égard des problèmes soulevés par les GMPCS en vue d'atteindre une couverture mondiale.

 

II. Description des systèmes

Les Big LEOs requièrent essentiellement trois composantes: 1) les terminaux ; 2) les satellites ; et 3) les stations terriennes / passerelles.

Les terminaux, mobiles ou fixes, communiquent directement avec les satellites. Le développement technologique devrait permettre la production industrielle de terminaux d'une taille et d'un poids comparables à ceux des téléphones cellulaires actuels. Ils seront soit à mode-simple (c'est-à-dire utilisés exclusivement pour la téléphonie par satellite), soit à mode-double (c'est-à-dire qu'ils pourront passer de la téléphonie cellulaire conventionnelle à la téléphonie par satellite).

Chaque satellite agit comme un miroir dans l'espace, qui reçoit et amplifie les signaux envoyés par les terminaux situés dans sa zone de couverture avant de les retransmettre à une station terrienne et vice versa. Cependant, certains de ces systèmes (p. ex.: Iridium et Teledesic) disposent de moyens de traitement et de commutation du signal à bord des satellites, ce qui permet de transmettre le signal d'un satellite à un autre jusqu'à ce qu'il atteigne la station terrienne la plus proche de l'utilisateur final. En vue de fournir une véritable couverture mondiale, chaque système exige l'utilisation de plusieurs satellites situés en orbite basse ou moyenne. Parce qu'ils sont plus près de la terre, les systèmes qui utilisent des satellites à orbite basse requièrent, pour obtenir une couverture mondiale, davantage de satellites (p. ex.: Iridium et Globalstar auront respe ctivement 66 et 48 satellites en orbite basse) que les systèmes qui utilisent des satellites situés en orbite moyenne (p. ex: ICO et Odyssey auront respectivement 10 et 12 satellites en orbite moyenne). Les systèmes qui utilisent l'orbite géostationnaire peuvent atteindre une couverture mondiale en utilisant trois ou quatre positions orbitales géostationnaires avec un ou plusieurs satellites (p. ex: Spaceway prévoit d'utiliser 4 positions orbitales avec deux satellites par position orbitale).

La station terrienne communique, d'une part, avec les satellites, et d'autre part, avec la passerelle d'accès. Cette passerelle a pour vocation d'interconnecter les satellites au réseau public de télécommunications afin de permettre l'acheminement d'une communication jusqu'à son destinataire final et vice versa. Bien qu'il soit difficile de généraliser, car chaque système a sa propre architecture, pour certains systèmes (p. ex.: Iridium), les fonctions de station terrienne et de passerelle d'accès seront accomplies par les mêmes installations. Pour d'autres systèmes (p. ex: Odyssey), les stations terriennes seront séparées des passerelles d'accès et chaque station terrienne desservira plusieurs passerelles d'accès nationales ou régionales. De plus, le nombre de passerelles utilisées variera d'un système à l'autre. La plupart des syst& egrave;mes actuels envisagent d'utiliser des stations terriennes et des passerelles régionales (c.à.d. qu'une station terrienne ou passerelle d'accès établie dans un pays pourra desservir une région comprenant un certain nombre de pays). L'étendue de chaque région peut varier d'un système à l'autre. De surcroît, il est vraisemblable que le nombre de stations terriennes et de passerelles évoluera en fonction du volume de télécommunications de la région dans laquelle elles seront situées.

Bien que de nombreuses possibilités existent, et au risque de trop simplifier, la chaîne de communications peut être résumée ainsi: le terminal d'utilisateur, fixe ou mobile, communique avec le satellite d'une constellation qui couvre la région dans laquelle le terminal est situé. Ce satellite reçoit le signal, l'amplifie puis le retransmet à une station terrienne reliée à une passerelle d'accès qui, à son tour, l'injecte dans le réseau public de télécommunications en vue de son acheminement à un utilisateur relié au réseau terrestre fixe ou mobile (cellulaire). Les communications entre terminaux satellites devraient également être possibles. Pour schématiser, les combinaisons suivantes sont toutes envisageables:

Comme les systèmes Iridium et Teledesic devraient être en mesure de fournir des liaisons "inter-satellites" (c'est-à-dire qu'ils permettront la transmission d'un signal de satellite en satellite jusqu'à la station terrienne la plus proche du lieu où se trouve l'utilisateur final), les combinaisons suivantes sont également envisageables:

Les utilisateurs ciblés par les systèmes et services GMPCS sont essentiellement des voyageurs internationaux, des membres d'organismes internationaux ou d'entreprises multinationales appelés à de fréquents déplacements, des personnes ou des professionnels qui résident ou travaillent dans des régions rurales ou éloignées, ainsi que des entreprises de transport (camions, trains, bateaux, avions, etc.).

III. Bénéfices et préoccupations

Alors que des bénéfices sans précédent sont escomptés de la mise en service des systèmes GMPCS (A), ceux-ci soulèvent néanmoins un certain nombre de préoccupations pour les Etats et plus particulièrement pour les pays en voie de développement (B).

 

A. Bénéfices

La mise en service des GMPCS est susceptible d'engendrer un certain nombre de bénéfices, tels que:

 

 

B. Préoccupations

En dépit des bénéfices qu'ils apporteront, les systèmes GMPCS soulèvent néanmoins un certain nombre de préoccupations pour les Etats, telles que:

 

 

IV. Les licences

Chaque pays dispose du droit souverain de réglementer ses télécommunications. Pour cette raison, les services proposés par les opérateurs de systèmes GMPCS à l'intérieur, en provenance ou à destination d'un pays, doivent être autorisés par les autorités compétentes du pays concerné. En conséquence, les concessions, licences ou autorisations (ci-après les licences), et plus particulièrement les conditions (ou cahier des charges) auxquelles elles sont assujetties, représentent pour les gouvernements nationaux l'outil juridique qui leur permet de répondre aux préoccupations, mentionnées ci-dessus, que soulèvent les systèmes GMPCS.

Ainsi, les systèmes GMPCS peuvent nécessiter l'obtention de licences à plusieurs niveaux:

Ces licences peuvent être subdivisées en deux catégories: segment spatial (A) et segment terrestre (B).

 

A. Segment spatial

La licence du segment spatial a pour objet d'accorder à son détenteur le droit d'établir et d'exploiter des satellites dans certaines bandes de fréquences. Son contenu porte essentiellement sur les caractéristiques techniques et orbitales du système, le mode d'opération des satellites et l'utilisation de fréquences pour les liaisons montantes et descendantes (et, le cas échéant, pour les liaisons "inter-satellites"). Afin d'être valablement en mesure d'accorder ces droits à un opérateur de GMPCS, l'autorité nationale de régulation doit se conformer aux procédures réglementaires prévues par la résolution 46 de la réglementation de l'UIT en matière de radiocommunications. Cette résolution contient une procédure en deux étapes. La première est la publication préalable d'informations techniques sur le système proposé. La seconde a pour objet d'effectuer une coordination avec les systèmes satellitaires potentiellement affectés par le nouveau système, selon un ordre de priorité déterminé par la date de soumission à l'UIT des données nécessaires à la coordination. Cette procédure vise essentiellement à prévenir le brouillage préjudiciable entre systèmes de satellites.

L'attribution de la licence du segment spatial relève normalement d'un seul Etat, celui ayant juridiction sur l'opérateur du système. Cependant, du fait de l'attribution très limitée de fréquences pour les GMPCS et de la forte demande pour ces fréquences, l'attribution d'une licence de segment spatial par un Etat pourrait conduire de facto à la mise en place d'un plan orbite/spectre à portée mondiale pour ces bandes de fréquences. C'est-à-dire que l'attribution d'une licence par un pays au profit d'un opérateur de GMPCS pourrait avoir pour conséquence de bloquer une bande de fréquences entière, à une échelle mondiale, et de ce fait d'empêcher son utilisation par d'autres systèmes de GMPCS concurrents. Pour cette raison, certains Etats estiment que l'attribution de la licence du segment spatial à un opérateur de GMPCS ne doit pas relever d'un seul pays (comme c'est le cas pour les systèmes géostationnaires) mais devrait également être délivrée dans tous les pays desservis par ce système.

En revanche, les opérateurs de GMPCS estiment qu'une seule licence de segment spatial par système devrait être suffisante ; que la multiplication des licences de segment spatial n'est pas nécessaire et complique et/ou retarde la mise en service de ces systèmes ; que les Etats peuvent exercer un contrôle suffisant par l'intermédiaire des licences requises pour la prestation de services et l'établissement et l'opération des stations terriennes et des passerelles d'accès ; et qu'à l'extérieur du territoire de l'Etat ayant accordé la licence de segment spatial, les procédures de l'UIT relatives aux satellites géostationnaires, qui donnent à chaque Etat la possibilité d'indiquer que le système provoque un brouillage préjudiciable et de négocier des ententes de coordination en vue d'éviter ce brouillage, devraient s'appliquer.

 

B. Segment terrestre

Outre la licence de segment spatial, les GMPCS requièrent, pour être opérationnels, des licences pour établir des stations terriennes et/ou des passerelles d'accès et les interconnecter au réseau public de télécommunications (1), pour fournir des services aux utilisateurs (2) et pour permettre la circulation et l'utilisation de terminaux dans un pays donné (3). En vertu du principe de la souveraineté des Etats sur leurs télécommunications, chaque pays peut requérir une licence pour chacune de ces activités. Ainsi, pour chaque système GMPCS, une quête de licence à dimension planétaire doit être engagée en vue de pouvoir fournir une couverture mondiale. Ceci constitue le principal défi réglementaire que doivent surmonter les opérateurs de GMPCS.

 

1. Stations terriennes et passerelles d'accès

Du fait que les stations terriennes (ou, le cas échéant, les passerelles d'accès) utilisent des fréquences pour les liaisons montantes et descendantes de signaux à destination et en provenance de satellites, leur installation peut être soumise à l'obtention d'une licence. Ces licences impliquent également une dimension internationale dans la mesure où l'attribution des fréquences pour les liaisons entre les satellites et les stations terriennes ("feeder links") doit faire l'objet d'une coordination internationale.

Bien que l'interconnexion entre les passerelles d'accès et le réseau public de télécommunications soulève des questions techniques et réglementaires, elle est considérée surtout comme une question commerciale à résoudre au niveau national entre le fournisseur de services GMPCS, l'autorité de régulation et l'opérateur du réseau de télécommunications. Les opérateurs de GMPCS plaident en faveur de conditions d'interconnexion qui soient objectives, non-discriminatoires et transparentes eu égard aux systèmes concurrents et, en particulier, à ceux auxquels participent les opérateurs de télécommunications nationaux.

 

2. Fournisseurs de services

Les services de GMPCS seront commercialisés par des fournisseurs de services qui devront, à cette fin, obtenir une licence des autorités nationales. Plutôt que de fournir eux-mêmes ces services, "tous les opérateurs de satellites ont choisi d'établir des réseaux de distribution qui en fait segmentent le marché global en niches spécifiques ou territoires qui peuvent être mieux desservis par des distributeurs ou les fournisseurs de services locaux ou régionaux. Les avantages d'une telle stratégie sont évidents: inévitablement, le distributeur local connaît son territoire beaucoup mieux qu'une entreprise "étrangère", et peut élaborer des programmes de marketing adaptés à une audience locale ou régionale. Tout bien considéré, il est beaucoup moins coûteux pour le fournisseur de services de partager les revenus avec des distr ibuteurs que de tenter de fournir un service direct à des millions de clients disséminés géographiquement".

Un motif supplémentaire pour avoir recours à un fournisseur de services local (lorsque la réglementation nationale ne l'exige pas) est qu'une entreprise locale sera souvent utile pour obtenir les licences requises pour la fourniture du service. Une telle entreprise connaîtra les lois et usages du pays et sera plus familière avec les procédures d'attribution de licences.

De plus, ce fournisseur de services local tirera de l'exploitation de sa portion du système un profit souvent comparable à celui de l'opérateur de GMPCS, ce qui aura pour effet de réaliser un transfert de bénéfices au profit de l'économie nationale.

 

3. Utilisation et circulation des terminaux

La mobilité et la couverture mondiale sont les deux principales caractéristiques des LEOs. Aussi, la possibilité d'utiliser les terminaux (a), ainsi que celle de pouvoir circuler avec eux sans contrainte géographique (b) sont indispensables pour parvenir à une exploitation optimale de ces systèmes. Or ces deux aspects soulèvent des problèmes particuliers.

 

a) Utilisation

Du fait que le terminal GMPCS utilise le spectre de fréquences, son utilisation dans un pays donné peut nécessiter l'octroi d'une licence. Ainsi, à moins qu'un droit générique d'utilisation soit reconnu, chaque terminal pourrait être sujet, dans chaque pays, à l'obtention d'une licence individuelle. On aurait tort de ne voir là qu'une question purement théorique. Le cas d'Inmarsat constitue un exemple intéressant. Après plus de quinze années d'exploitation de son système de communications mobiles par satellites, certains pays exigent encore des utilisateurs qu'ils obtiennent une licence pour pouvoir utiliser, sur leur territoire, les terminaux téléphoniques mobiles d'Inmarsat. En outre, de telles licences sont parfois sujettes à des frais prohibitifs. Par exemple, jusqu'à tout récemment, le Kenya exigeait le paiement de US$ 12 000,- pour obtenir une licence d'utilisation d'un terminal mobile Inmarsat.

 

b) Circulation

La circulation des terminaux GMPCS peut faire l'objet de contrôles douaniers ou encore de taxes à l'importation. En outre, la disparité des normes techniques en vigueur peut faire obstacle à la libre circulation de terminaux. Pour ces raisons, il serait souhaitable de parvenir à un certain degré de reconnaissance mutuelle des agréments. Bien que cela puisse être atteint par des accords bilatéraux, un cadre multilatéral demeurerait nettement préférable compte tenu de la couverture mondiale de ces systèmes. Le développement de normes techniques, nécessaires à l'agrément des équipements ainsi qu'à l'obtention des licences, constituerait également un pas décisif vers la réalisation de la libre circulation, s'il était mené dans un cadre multilatéral.

 

V. Vers une harmonisation internationale

Ainsi les opérateurs de systèmes GMPCS doivent, dans chaque pays où ils souhaitent offrir leurs services, envisager l'obtention de plusieurs types de licences. Le fait que ce processus d'obtention de licence doit effectivement être mené sur une échelle mondiale, pour donner à ces systèmes une couverture planétaire, transforme cette tâche en un gigantesque défi. Le fait que le cadre réglementaire, concernant l'obtention des licences, varie d'un Etat à l'autre, constitue un facteur de complexité supplémentaire.

Conscients de ces problèmes, autant que des bénéfices qu'apporteront les communications personnelles par satellites, les gouvernements nationaux, sous les auspices de l'UIT et sous l'impulsion des opérateurs de GMPCS, ont adopté une attitude positive à l'égard des GMPCS. Dans cette perspective, ils ont collaboré avec les industriels afin de parvenir à un certain degré d'harmonisation. Le travail accompli dans un certain nombre d'instances internationales a contribué à faire évoluer la situation.

La CAMR 92 a permis l'attribution, bien qu'insuffisante, de certaines bandes de fréquences pour les GMPCS.

Le Troisième Colloque Réglementaire de l'UIT, tenu en novembre 1994, a débouché sur six suggestions, soumises à la considération des responsables politiques, en vue de la mise en service et de l'exploitation des GMPCS.

La CMR 95, afin de rendre viables les systèmes GMPCS, a attribué des fréquences additionnelles pour les liaisons entre les satellites et les stations terriennes ("feeder links"). En outre, l'obligation d'interrompre les transmissions des systèmes GMPCS dès qu'elles peuvent brouiller les services fixes de satellites géostationnaires, dans les bandes de fréquences partagées par les deux types de systèmes, a été supprimée. Ainsi, au lieu d'avoir un rang inférieur à celui des systèmes géostationnaires, les GMPCS sont désormais sur un pied d'égalité avec ceux-ci.

Le Symposium du Comité consultatif sur les télécommunications mondiales relatif aux GMPCS tenu en janvier 1996:

 

Le Forum mondial des politiques de télécommunications, tenu en octobre 1996 et dédiéaux GMPCS (ci-après: "FMPT"):

1) mise en oeuvre rapide des services de GMPCS afin de permettre à toute personne, en tout lieu, de bénéficier des services offerts par ces systèmes ;

2) coopération internationale en vue de réaliser l'harmonisation des politiques nationales relatives aux GMPCS ;

3) disponibilité mondiale du service par la simplification de la réglementation, la maximisation de la concurrence et l'application de pratiques non-discriminatoires ;

4) mise en place d'un environnement réglementaire simplifié, non-discriminatoire et transparent ;

5) participation multinationale dans le capital des systèmes GMPCS ;

6) interdiction d'utiliser les GMPCS dans tout pays où ils n'ont pas été autorisés ;

7) libre circulation des terminaux d'utilisateurs et itinérance mondiale ;

8) accès universel aux services de télécommunications de base, à toute personne, en tout lieu et à un tarif raisonnable ;

9) interconnexion entre les différents systèmes GMPCS ainsi qu'entre ces systèmes et les réseaux publics ;

10) coopération accrue entre les responsables politiques, les autorités nationales de régulation, les opérateurs, les fournisseurs de services, de même que les fabricants ;

1) l'homologation des terminaux et les moyens permettant d'assurer la reconnaissance mutuelle de ces homologations ;

2) l'octroi de licences d'exploitation sur la base d'autorisations générales (autorisations globales ou collectives par exemple) et les moyens permettant d'assurer la reconnaissance mutuelle des licences générales ;

3) l'identification des terminaux pour permettre de les reconnaître et d'appliquer les arrangements de reconnaissance mutuelle des procédures d'homologation et d'octroi de licences ;

4) l'élaboration de dispositions douanières visant à exempter les terminaux d'éventuelles restrictions douanières en cas de séjour à l'étranger ou de transit dans un pays ;

5) l'examen périodique des résultats et des conséquences des coopérations établies entre les signataires en vue, le cas échéant, d'améliorer cette coopération ;

6) la fourniture par les opérateurs GMPCS des données relatives au trafic en provenance ou à destination du territoire national des signataires en vue d'identifier le trafic non-autorisé dans certains pays.

Le FMPT peut être considéré comme ayant accompli des progrès considérables pour plusieurs raisons:

Cela dit, son impact réel dépendra du nombre de pays qui adopteront ses recommandations. Au 1er mai 1997, seuls dix gouvernements avaient signé le Mémorandum d'accord. L'UIT s'attend toutefois à ce que beaucoup d'autres Etats approuvent cet accord dans les mois qui suivent.

Enfin, l'Accord sur les services de télécommunications de base, conclu dans le cadre de l'Organisation Mondiale du Commerce, le 15 février 1997, a pour finalité de réduire, voire de supprimer, les restrictions à l'accès aux marchés nationaux des services de télécommunications de base. Comme les systèmes GMPCS requièrent un marché global et ouvert, cet Accord aura sur eux un impact positif.

 

VI. Conclusion: La quête du Saint Graal?

Les systèmes de GMPCS en cours de développement sont assurément les systèmes de communication les plus ambitieux et les plus complexes conçus par l'Homme.

Lors d'une récente entrevue, Alvin Toffler a déclaré:

 

En effet, la configuration des systèmes GMPCS ; le nombre de satellites requis par les constellations proposées ; la technologie requise pour la fabrication, le lancement et l'exploitation de flottes entières de satellites et pour la production de masse de terminaux de poche pouvant communiquer directement avec des satellites ; le coût de ces systèmes et les investissements exigés ; l'étendue du marché ; la nature des services proposés tels que la téléphonie mobile sur une échelle planétaire (et, une fois que les LEOs à large bande seront opérationnels, les services multimédias), tout ceci tend à mettre en évidence l'extraordinaire vision et ambition des promoteurs de ces systèmes ainsi que les énormes défis technologiques, financiers et commerciaux soulevés par ceux-ci.

Les GMPCS sont, d'un point de vue réglementaire, les plus complexes des systèmes de communications parce qu'ils requièrent l'obtention d'un grand nombre de licences ou d'autorisations administratives individuelles, auprès de nombreux pays, afin de réaliser leur objectif qui est de rendre opérationnel un système de communications sur une échelle planétaire. Des licences peuvent, en effet, être requises à l'égard de l'exploitation du système de satellites, des passerelles d'accès interconnectant les satellites aux réseaux terrestres, des fournisseurs de services et de l'utilisation des terminaux. L'octroi des licences devient alors un outil puissant dont disposent les gouvernements pour obtenir certaines assurances à l'égard des préoccupations soulevées par ces systèmes, telles que la protection de leur souveraineté nationale ainsi que de leurs intérêts économiques.

Pour que les services jouissent d'une véritable portée mondiale, le processus d'obtention de licences doit être réalisé sur une grande échelle. A moins qu'émergent des structures internationales adaptées, il faut s'attendre à voir chaque pays développer son régime particulier de licences et son cadre d'interconnexion en fonction de ses préoccupations spécifiques. Dans un tel contexte, la quête de toutes ces licences peut ajouter à la multitude des défis techniques, financiers et commerciaux, un défi réglementaire tout aussi important.

En effet, selon une récente étude menée par Ovum, une firme de consultants établie à Londres, du fait que les opérateurs vont devoir obtenir une ou plusieurs licences dans chaque pays dans lequel ils entendent offrir leurs services, la politique réglementaire constitue le facteur le plus susceptible d'entraver la croissance des systèmes GMPCS.

En vue d'appréhender les défis réglementaires planétaires soulevés par les GMPCS et afin d'élaborer une réponse également planétaire à ces défis, les responsables politiques, les autorités nationales de régulation ainsi que les opérateurs de GMPCS ont commencé à coopérer activement dans un certain nombre de fora. Dans cette optique, le FMPT, en parvenant à établir un consensus sur une série de principes non-contraignants destinés à faciliter la mise en service prochaine des GMPCS, peut être considéré comme ayant accompli des progrès considérables.

Bien que le caractère non-contraignant des principes proposés à l'issue du FMPT puisse apparaître comme leur faiblesse, il peut également être considéré comme leur force. Chercher à obtenir une entente internationale contraignante au stade actuel serait prématuré. Alors que le déploiement de certains systèmes est imminent, cela impliquerait des délais additionnels, tendrait vers le plus bas dénominateur commun et risquerait d'entraver le développement optimal de ces systèmes.

La question demeure bien entendu de savoir si ces principes seront suivis d'effets. Cela sera le cas s'il est généralement admis par les autorités locales que les bénéfices attendus des GMPCS sont supérieurs aux craintes qu'ils inspirent et si les préoccupations liées à ces systèmes peuvent être gérées en suivant les principes non-contraignants émis notamment dans le cadre du FMPT.

A cet égard, bien que les systèmes GMPCS puissent être très utiles aux voyageurs internationaux, aux entreprises et aux organisations internationales, ces systèmes ont la capacité et l'ambition d'accomplir beaucoup plus. Alors qu'aujourd'hui entre la moitié et les deux tiers de la population du globe n'a jamais effectué un simple appel téléphonique, ces systèmes disposent du potentiel d'offrir à tous des services de télécommunications de base, et ce à court terme:

"Nous sommes au commencement d'une révolution en matière de communications par satellites, une révolution qui a le potentiel de faire du rêve de l'accès universel une réalité dans le vingt-et-unième siècle - l'accès universel non seulement aux services de téléphonie et de transmission de données, mais également à une gamme complète de services multimédias à large bande".

Dans la mesure où cela se réalise, les GMPCS changeront sans aucun doute la vie de la majorité des habitants de la planète et ils seront surtout un catalyseur de changement, partout sur le globe, mais tout particulièrement dans les pays en voie de développement.

 

Nous devons donc comprendre la nature des enjeux en cause et développer une vision et une perspective à la hauteur de l'audace et de l'ambition des projets en cours de développement. Alors que les intérêts des différents acteurs impliqués peuvent diverger sur certaines questions, les responsables politiques, les autorités nationales de régulation de même que les industriels doivent continuer à coopérer de manière constructive, en vue de trouver des solutions planétaires aux problèmes soulevés par les GMPCS. Ils ont la responsabilité de veiller à ce que ce "projet fantastique entrepris par la race humaine", décrit par Toffler, ne devienne pas une quête de l'inaccessible, une nouvelle quête du Saint Graal.

 

Lex Electronica    Volume 3, numéro 2 ( hiver 1997 ) 

 

(*) Avocat aux Barreaux de Luxembourg, Paris, New York et Montréal Exerce au cabinet LE GOUËFF à Luxembourg.
Membre du Comité juridique consultatif de la Direction générale XIII (Télécommunications, marché de l'information) de la Commission des Communautés européennesConférencier de l'International Space University de Strasbourg.
Il a été le Conseiller juridique de la Société Européenne des satellites - ASTRA, de 1990 à 1995.


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