Lex Electronica

Revue électronique du Centre de recherche en droit public

Comment la crainte de sous-protection engendrera la catastrophe de la surprotection:

examen constitutionnel du Digital Millenium Copyright Act


Remy KHOUZAM(*)

Lex Electronica, vol. 9, n°1, Hiver 2004

<http://www.lex-electronica.org/articles/v9-1/khouzam.htm>

Summary

Every time a new technology emerges, it calls into question the legislative framework established to protect copryrights. With the digitalization of information and the advent of Internet, it is increasingly easy to reproduce and distribute freely protected works. However, since December 20th, 1996, the World Intellectual Property Organization (OMPI) has adopted two treaties having for principal objective to adapt the legal framework of copyrights to new technologies. It is to conform to these treaties that the Clinton administration adopted the DIGITAL Millenium Copyright Act (DMCA) in 1998.

First, the author analyses the constitutional side of American Copyright: more specifically, the limits that moderate the exclusive prerogatives of copyrights holders.

The author analyzes then the DMCA and its conformity to the constitutional clause of the Copyright Act, source of the legislative power of the American Congress regarding copyrights. Moreover, like the DMCA not only prohibits the skirting of technologies protecting works in digital format, but also the production and the diffusion of technologies allowing to achieve this purpose, he analyzes the repercussions of this law over the freedom of expression.

Résumé

Chaque apparition d’une nouvelle technologie remet inévitablement en cause le cadre législatif établi pour protéger les droits de propriété. Cependant, avec la numérisation de l’information et l’avènement d’Internet, il est de plus en plus facile de reproduire et de distribuer librement des œuvres protégées. Toutefois, depuis le 20 décembre 1996, l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) a adopté deux traités ayant pour objectif principal d’adapter le cadre juridique du droit d’auteur aux nouvelles technologies. C’est pour se conformer à ces traités que l’administration Clinton a adopté le Digital Millenium Copyright Act (DMCA) en 1998.

Cet article examine d’abord les dimensions constitutionnelle du Copyright américain, et plus spécifiquement certaines limites qui viennent tempérer les prérogatives exclusives des titulaires de droits, notamment le domaine public et les usages équitables possibles d’ une œuvre. Sont ensuite examinés le DMCA et sa conformité aux principes énoncés à la clause constitutionnelle, source du pouvoir législatif du Congrès américain en matière de Copyright. De plus, comme le DMCA interdit non seulement le contournement de technologies protégeant une œuvre en format numérique, mais également la fabrication et la diffusion de technologies permettant d’arriver à cette fin, cet article analyse les répercussions de cette loi sur la liberté d’expression.

Introduction

I. Le droit du Copyright aux États-Unis

A. Le fondement constitutionnel du copyright

a. La clause constitutionnelle de copyright

b. L’autre clause constitutionnelle : le Premier Amendement de la Constitution de 1787

B. Les limites à la protection que prévoit le copyright

a. Une limite dans le temps : l’accession des droits au domaine public

b. Une limite applicable au fil des jours : le fair use

II. LE NOUVEAU COPYRIGHT AMÉRICAIN : LE DIGITAL MILLENIUM COPYRIGHT ACT

A. La portée du Digital Millenium Copyright Act

a. Les actes prohibés

b. Les exceptions aux interdictions relatives au contournement des mesures technologiques de protection et aux actes qui faciliteraient celui-ci

B. Le Digital Millenium Copyright Act et l’encadrement constitutionnel du copyright

a. Les limites découlant de la clause constitutionnelle de copyright

b. Les limites découlant du droit à la liberté d’expression

Conclusion



The shepherd drives the wolf from the sheep’s throat, for which the sheep thanks the shepherd as his liberator, while the wolf denounces him for the same act as the destroyer of liberty.

Abraham Lincoln

INTRODUCTION

1. Les progrès technologiques des dernières années ont modifié les processus de production, de communication, de distribution et de consommation des biens immatériels et ont contribué à élargir considérablement le fossé qui sépare les titulaires des droits des utilisateurs. Il faut cependant se garder de croire que le phénomène est nouveau. L’émergence de nouvelles technologies a invariablement inquiété les titulaires de droits, qu’il se soit agi – pour ne survoler que l’histoire du siècle dernier – de l’invention de la photocopieuse en 1903 par l’Américain G.C. Beidler, de celle du magnétophone, que la firme allemande AEG a mis au point en 1935 ou encore de celle du magnétoscope, commercialisé en 1954 par la société RCA. En de telles matières, l’apparition d’une nouvelle technologie remet inévitablement en cause le cadre législatif déjà en place. Cependant, jusqu’à tout récemment, les lois sur la propriété intellectuelle protégeaient de façon assez satisfaisante les titulaires de droits contre les utilisations ou exploitations illicites de leurs œuvres. Cela tenait notamment au fait que la fabrication illégale de copies constituait une tâche ardue : le support matériel analogique ou digital requis était relativement dispendieux, la qualité des copies était loin d’égaler celle de l’œuvre originale – la dégradation devenait de plus en plus marquée si d’aventure on s’avisait de créer des copies de copies – et la mise sur pied d’un réseau de distribution des œuvres contrefaites suscitait de grandes difficultés économiques et logistiques.

2. Cependant, à la faveur de la numérisation de l’information et de l’avènement d’Internet, il devint de plus en plus facile de reproduire et de distribuer librement des œuvres protégées. En effet, il est aisé et peu coûteux de pirater une œuvre; les soucis relatifs au maintien de la qualité technique (que les reproductions soient faites à partir de l’original ou d’une copie déjà existante) ont à peu près disparu, et la distribution peut se faire presque gratuitement, sans délai et ce, à l’échelle mondiale. Par ailleurs, il s’avère de plus en plus difficile d’identifier et de débusquer les contrevenants, ce qui est lourd de conséquences quant à la protection des droits d’auteur.

3. Or, s’il est vrai que la technologie met en danger, et de façon inédite, les intérêts des titulaires de droits, il est par ailleurs envisageable aujourd’hui de recourir à celle-ci pour contrer cette menace[1]. Qu’il s’agisse de technologies rendant impossible la reproduction des œuvres convoitées[2], de dispositifs de sûreté restreignant l’accès à celles-ci[3] ou de systèmes de gestion électronique des droits[4], on observe depuis quelques années dans l’environnement numérique une multiplication des techniques destinées à protéger plus adéquatement les intérêts des titulaires de droits[5]. Cette protection reste cependant précaire puisque toute technique visant à défendre les intérêts de ces personnes demeure exposée à une neutralisation ou à un contournement, quelle que soit par ailleurs son efficacité propre. S’étant rendu compte que l’espoir que soit mise au point un jour une technologie défensive à toute épreuve est tout à fait utopique, les titulaires de droits ont très tôt milité en faveur de la création d’infrastructures juridiques blindées qui leur procureraient le haut niveau de protection qu’ils réclamaient.

4. Par ailleurs, et de crainte que les œuvres de l’esprit soient mal protégées au regard des nouvelles réalités technologiques, les juristes un peu partout dans le monde ont eux aussi fait de grands efforts pour que soit mis au point un régime de protection vraiment adéquat; en fait, on a parfois dépassé l’objectif visé, et le résultat obtenu s’est occasionnellement avéré excessif. Ainsi, depuis le 20 décembre 1996, date de l’adoption des deux traités pour lesquels l’Office mondial de la propriété intellectuelle (OMPI)[6] a servi de maître d’ouvrage et dont l’objectif principal est d’adapter le cadre juridique du droit d’auteur aux nouvelles technologies, ces œuvres jouissent en fait dans certains pays de trois niveaux de protection.

5. Bien sûr, diverses lois destinées à assurer le respect des droits des auteurs et des créateurs – dont au Canada la Loi sur le droit d’auteur[7] et aux États-Unis le Copyright Act[8] – constituent une première ligne de défense, déjà assez ancienne. Ces textes législatifs prévoient une protection de l’œuvre opposable à tous. L’apparition somme toute récente de moyens techniques permettant de protéger l’œuvre ou de restreindre l’accès à celle-ci constitue un second niveau de protection. Enfin, à cause des remparts qu’ils ont érigés en 1996 autour des moyens techniques destinés à protéger les œuvres, les traités susmentionnés de l’OMPI deviennent un troisième bouclier de protection : ainsi, l’article 11 du Traité de l’OMPI sur le droit d’auteur (WCT)[9] impose aux parties contractantes le devoir de

« […] prévoir une protection juridique appropriée et des sanctions juridiques efficaces contre la neutralisation des mesures techniques efficaces qui sont mises en œuvre par les auteurs dans le cadre de l’exercice de leurs droits en vertu du présent traité et qui restreignent l’accomplissement, à l’égard de leurs œuvres, d’actes qui ne sont pas autorisés par les auteurs concernés ou permis par la loi ».

6. Les œuvres se trouvent donc protégées maintenant à la fois par la loi et par la technologie, et cette technologie elle-même jouit d’une protection légale. L’objet de la protection accordée par le droit d’auteur et le copyright passe ainsi de l’œuvre à la technologie qui protège celle-ci[10].

7. C’est pour se conformer aux dispositions des traités de l’OMPI que le gouvernement Clinton a adopté en 1998 le Digital Millenium Copyright Act (DMCA)[11]. L’analyse à laquelle nous avons l’intention de nous livrer ici ne portera que sur ce dernier texte, mais nous n’ignorons pas qu’à l’heure actuelle d’autres pays – dont le Japon et l’Australie – ont adopté des lois similaires[12], et que certains pays de la Communauté européenne ont déposé des projets de loi allant dans le même sens[13]. Or, au vu de la modification de la notion de copyright que le texte législatif américain instaure et de l’extension du domaine des droits relatifs aux biens immatériels qu’il prévoit, il y a lieu de se demander si le DMCA – que le Congrès américain a approuvé en 1998 – respecte toujours l’objectif constitutionnel que visait le copyright, c’est-à-dire le progrès de la science et des arts.

8. Pour répondre à cette question, nous examinerons dans un premier temps les fondements constitutionnels du copyright américain (I). Nous noterons alors que le système de propriété intellectuelle prévu par la Constitution américaine vise à servir les intérêts des titulaires de droits d’abord, soit, mais qu’il n’ignore pas pour autant ceux du public[14]. Après avoir vu de quels outils ce système se dote pour trouver un point d’équilibre entre des droits divergents, nous étudierons certaines des limites qu’il impose aux prérogatives des titulaires de droits, notamment la limite relative à la durée de la protection accordée – les œuvres protégées tomberont un jour dans le domaine public – et celle qui consacre les « usages équitables » (le fair use) qui peuvent être faits d’une œuvre donnée.

9. Cette analyse une fois faite, nous examinerons le DMCA du point de vue de sa conformité aux principes énoncés dans la clause constitutionnelle qui est la source du pouvoir législatif du Congrès américain en matière de copyright. De plus, comme le DMCA interdit non seulement le contournement des technologies protégeant une œuvre rendue publique en format numérique, mais également la fabrication et la diffusion de technologies permettant d’arriver à cette fin, il y aura lieu d’examiner certaines des dispositions de cette loi au regard du droit à la liberté d’expression que garantit le Premier Amendement de la Constitution américaine (II).

I. Le droit du copyright aux États-Unis

A. Le fondement constitutionnel du copyright

10. Notre examen du copyright américain passera d’abord par l’analyse de la clause de copyright qui apparaît dans la Constitution des États-Unis (a); nous nous intéresserons ensuite au Premier Amendement de cette Constitution (b).

a. La clause constitutionnelle de copyright

11. Aux États-Unis, le Congrès tire son pouvoir de légiférer en matière de copyright de la 8e clause de la 8e Section du Premier Article de la Constitution de 1787[15]:

The Congress shall have power […]: To promote the progress of science and useful arts, by securing for limited times to authors and inventors the exclusive right to their respective writings and discoveries.[16]

12. Sous le système de copyright anglo-saxon, l’objectif ultime est de faire profiter le public des œuvres de l’esprit[17]. Pour inciter et encourager les auteurs à faire œuvre de création en vue du bien de la société, on leur a traditionnellement accordé un monopole – limité dans le temps et dans ses effets – sur l’exploitation de leurs œuvres[18]. Si ce monopole avait été entier, un coup fatal aurait été porté à la concurrence, à l’innovation et à la création d’œuvres inspirées de productions plus anciennes. Ce fragile équilibre entre les droits des auteurs et l’intérêt public est un sujet qui préoccupe les juristes de tradition anglo-saxonne depuis le XVIIIe siècle. Ainsi, dans un jugement[19] datant de cette époque, Lord Mansfield note que :

We must take care to guard against two extremes equally prejudicial: the one, that men of ability, who have employed their time for the service of the community, may not be deprived of their just merits, and of the reward of their ingenuity and labour; the other, that the world may not be deprived of improvements, nor the progress of the arts be retarded.

13. Ainsi, sous l’empire du copyright, les limites aux prérogatives des auteurs se justifient par des considérations d’intérêt public et d’efficacité économique. Ces mêmes considérations entrent également en ligne de compte dans le système continental européen du droit d’auteur, bien que ces limites y soient plus tolérées qu’envisagées comme des droits appartenant au public[20]. Le professeur P.B. Hugenholtz identifie bien les différences philosophiques fondamentales qui départagent les deux systèmes :

Unlike the law of the United States, where utilitarian considerations of information policy are directly reflected in the Constitution (“to promote science and the useful arts...”), continental-European “author’s rights” are based primarily on notions of natural justice: “author’s rights are not created by law but always existed in the legal consciousness of man”. In the pure droit d’auteur philosophy, copyright is an essentially unrestricted natural right reflecting the “sacred” bond between the author and his personal creation.[21]

14. Afin de maintenir cet équilibre et de promouvoir le progrès des arts et des sciences, plusieurs limites viennent tempérer les prérogatives exclusives des titulaires de droits sous le système de copyright.. Toutefois, ces limites – qui reconnaissent implicitement l’existence d’un droit absolu de propriété intellectuelle dont il faut cependant restreindre la portée – ne s’imposent bien entendu que dans l’hypothèse où un tel droit peut être invoqué. Or, fort heureusement, la loi fixe des limites justement, même au droit à la protection qu’elle reconnaît.

b. L’autre clause constitutionnelle : le Premier Amendement de la Constitution de 1787

15. Soulignons d’entrée de jeu que sous le système de copyright autant qu’en vertu du régime de droit d’auteur, les idées sont de libre parcours et ne peuvent faire l’objet d’une protection légale[22]. La protection ne vise que l’expression de l’idée et ce, seulement si cette expression comporte un certain degré d’originalité[23]. Comme le déclare la Cour Suprême des États-Unis dans l’arrêt Harper & Row Publishers:

Copyright assures authors the right to their original expression, but encourages others to build freely upon the ideas and information conveyed by a work.[24]

16. D’ailleurs, accorder à qui que ce soit un monopole sur les idées contreviendrait au droit à la liberté d’expression, liberté sacro-sainte aux États-Unis[25]. À ce sujet, la Cour poursuit :

This limitation on copyright also ensures consonance with our most important First Amendment values. Our “profound national commitment to the principle that debate on public issues should be uninhibited, robust, and wide-open”, leaves no room for a statutory monopoly over information and ideas.[26]

17. La question de la compatibilité du copyright et de la liberté d’expression préoccupe les juristes depuis longtemps[27]. D’aucuns y voient une complémentarité alors que d’autres croient que ces droits entrent directement en conflit. Nous nous rallierons ici sans hésiter à l’avis de W.F. Patry. Cet auteur est loin de juger ces deux concepts antinomiques :

It is argued that copyright is the stepchild of censorship and is therefore suspect by birth. However, copyright in the United States was not born from the “interstices” of censorship but, to the contrary, out of the fervently held beliefs that freedom of expression could flourish only when it was not subject to government control and that the system of private ownership of property represented the best possible mechanism for providing the citizentry with the security necessary to accomplish that lofty goal.[28]

18. Nous croyons qu’il faut se garder d’affirmer trop rapidement que le copyright et la liberté d’expression sont inconciliables[29]. En effet, le copyright n’est pas un frein a l’expression, mais bien un véhicule de celle-ci. L’objectif constitutionnel qu’on visait en l’instaurant, rappelons-le, était la promotion du progrès des sciences et des arts. Loin de brimer la liberté d’expression, le législateur invite au contraire – et pas si implicitement que cela après tout – les esprits créateurs non seulement à diffuser leurs œuvres, mais encore à profiter des fruits de leur labeur. En effet, comme le déclare le Tribunal dans l’arrêt Pacific & Southern Co « [w]here the First Amendment removes obstacles to the free flow of ideas, copyright law adds positive incentives to encourage that flow. »[30]

19. Fort de ces réflexions, nous aborderons maintenant l’étude des limites que le copyright américain fixe aux droits qu’il établit et circonscrit à la fois.

B. Les limites à la protection que prévoit le copyright

20. Les limites à la protection que le copyright prévoit en faveur des auteurs et des créateurs sont assez nombreuses, mais nous nous en tiendrons ici à l’étude des deux premières en importance[31]. Présente déjà dans la formulation de la clause constitutionnelle, la première de ces limites porte sur la durée de la protection statutaire accordée aux titulaires des droits relatifs à l’œuvre (a). Nous examinerons en second lieu ce qui peut constituer un usage équitable, donc franc de droits, des œuvres. C’est ce que l’on connaît aux États-Unis comme la doctrine du fair use. Nous verrons que cette doctrine sert non seulement à maintenir l’équilibre entre les intérêts des titulaires de droits et ceux des utilisateurs, mais qu’elle est surtout essentielle à la réalisation de l’objectif constitutionnel du copyright (b).

a. Une limite dans le temps : l’accession des droits au domaine public

21. Aux termes mêmes de la clause constitutionnelle, le monopole accordé à l’auteur en vue de l’exploitation de son œuvre ne vaut que pour une durée limitée [32]. L’œuvre lui échappera un jour pour tomber dans le domaine public; elle pourra alors être librement utilisée et contribuer au progrès des arts et des sciences. Ainsi, il est permis de croire que le copyright, tel qu’aménagé par la clause constitutionnelle, assure la protection et la préservation du domaine public[33]. D’ailleurs, il est difficile aujourd’hui – voire impossible – de trouver une œuvre qui soit purement originale, qui n’emprunte pas, d’une façon ou d’une autre, au legs du passé[34]. Comme le note le juge Laddie :

The whole of human development is derivative. We stand on the shoulders of scientists, artists and craftsmen who preceded us. We borrow and develop what they have done; not necessarily as parasites, but simply as the next generation. It is at the heart of what we know as progress. When we are asked to remember the Eighth Commandment, “Thou shalt not steal”, bear in mind that borrowing and developing have always been acceptable.[35]

22. À strictement parler, au cœur de toute œuvre dont l’exploitation est en ce moment régie par la loi, on peut trouver la trace d’une autre œuvre libre de droits.. Malgré que les sources d’inspiration des uns et des autres soient souvent difficiles à discerner, il existe incontestablement une interdépendance marquée entre le copyright et le domaine public.

23. Jusqu’à tout récemment, l’œuvre de l’esprit bénéficiait d’une protection légale de cinquante ans suivant le décès de son auteur ou de soixante-quinze ans pour les œuvres dont le premier titulaire de droits était une personne morale ou qui étaient publiées avant le 1er janvier 1978[36]. Cependant, le Copyright Term Extension Act[37] (CTEA) – dont la constitutionalité à été reconnue par la Cour Suprême des États-Unis dans l’arrêt Eldred[38] – a rétroactivement prolongé ces délais de vingt ans. Ainsi, à l’heure actuelle, aux États-Unis une œuvre est protégée pour une période de soixante-dix à quatre-vingt-quinze ans, selon la nature du titulaire de droits. Notons que l’adoption de cette loi coïncide curieusement avec l’accession au domaine public de plusieurs personnages de Walt Disney, Mickey Mouse en tête qui, en raison de courts métrages comme Steamboat Willie et Plane Crazy devenaient libre de droits entre 2000 et 2004…[39].

24. Outre les limites de durée relatives aux droits conférés par le copyright, des limites pratiques restreignent aussi les droits d’auteur : nous examinerons maintenant la doctrine du fair use.

b. Une limite applicable au fil des jours : le fair use

25. Les articles 108 à 121 du Copyright Act prévoient, nous l’avons vu, une série d’exceptions spécifiques aux prérogatives exclusives des titulaires de droits[40]. Ainsi, selon l’usage qu’ils comptent faire de l’œuvre, certains utilisateurs se trouvent soustraits à l’obligation d’obtenir l’autorisation préalable de ces titulaires ou à celle de leur verser des redevances.. Cependant, ces exceptions, dont l’application est limitée à des catégories particulières d’usagers[41], d’œuvres[42] ou d’utilisations[43] ne suffisent pas à elles seules à maintenir l’équilibre entre les intérêts des titulaires de droits et ceux des utilisateurs. Pour ce faire, les tribunaux ont élaboré et mis au point, depuis 1841, la doctrine du fair use[44] qui a finalement été codifiée à l’article 107 du Copyright Act de 1976. En sa forme actuelle, le fair use permet l’utilisation d’une œuvre sans le consentement des titulaires de droits en vue d’utilisations telles la critique, le commentaire, le reportage, l’enseignement ou la recherche[45]. Il s’agit ici d’une liste non-exhaustive.

26. Afin de guider les tribunaux appelés à déterminer ce qui constitue un usage équitable (fair use) au sens de la loi, l’article 106 propose les quatre critères d’analyse suivants :

  1. la nature de l’utilisation (commerciale ou à but non lucratif);

  2. la nature de l’œuvre protégée;

  3. la portion de l’œuvre qui est utilisée;

  4. l’effet de cet usage sur la valeur commerciale de l’œuvre.

27. Pendant longtemps, les tribunaux ont estimé que l’utilisation commerciale d’une œuvre suffisait à créer une présomption de contrefaçon. En effet dans l’arrêt Sony Corp. Of America[46], le juge Stevens a affirmé, un peu déraisonnablement croyons-nous, que « [e]very commercial use of copyrighted material is presumably an unfair exploitation of the monopoly privilege that belongs to the owner of the copyright. »[47] Ce raisonnement fut repris l’année suivante dans l’arrêt Harper & Row par le juge O’Connor :

[t]he crux of the profit/nonprofit distinction is not whether the sole motive of the use is monetary gain but whether the user stands to profit from the exploitation of the copyrighted material without paying the customary price. […] The fact that a publication was commercial as opposed to non-profit […] tends to weight against a finding of fair use.[48]

28. Ce n’est que dix ans plus tard, dans l’arrêt Campbell[49], que le tribunal refuse enfin de voir dans la nature de l’utilisation une présomption de mauvaise foi et établit qu’il ne s’agit que d’un critère parmi d’autres auquel on ne doit pas accorder une importance prépondérante[50].

29. Le deuxième critère d’usage équitable d’une œuvre renvoie à la nature de l’œuvre protégée. Certaines œuvres répondent mieux aux critères établis relativement à la protection accordée par le copyright que d’autres[51]. À titre d’exemple, la jurisprudence nous enseigne qu’il est plus facile de conclure à un usage équitable dans le cas d’une œuvre factuelle – un ouvrage portant sur l’histoire par exemple – que dans celui d’une œuvre de fiction[52].

30. Quant au troisième critère, soit celui de la portion de l’œuvre qui est reproduite, notons simplement qu’il s’agit d’une appréciation quantitative aussi bien que qualitative. On y recourt en examinant non seulement la portion de l’œuvre originale qui est reprise, mais aussi en tenant compte de l’importance de celle-ci au sein de l’œuvre dans laquelle elle est intégrée[53].

31. Le quatrième critère, que l’on voit parfois comme étant le plus déterminant[54], renvoie à l’impact économique réel ou même potentiel qui résultera de l’utilisation non autorisée de l’œuvre. Il s’agit d’éviter toute concurrence déloyale à l’œuvre originale. Comme la Cour l’a affirmé dans l’affaire Infinity Broadcasting Corp., le dernier facteur vise à empêcher « secondary uses that, by offering a substitute for the original, usurp a market that properly belongs to the copyright-holder »[55]. Heureusement, les tribunaux ont interprété ce critère de façon restrictive; autrement, on anéantirait la possibilité même d’un usage équitable[56].

32. En dépit de l’application de ces critères, il reste difficile pour les tribunaux d’établir avec précision en quoi consiste l’usage équitable d’une œuvre[57]. Le concept demeure flou et sa mise en application, risquée, à cause d’un manque de prévisibilité[58]. En effet, comme le note le juge Pierre Leval, « [j]udges do not share a consensus on the meaning of fair use. […] Confusion has not been confined to judges. Writers, historians, publishers and their legal advisers can only guess and pray as to how courts will resolve copyright disputes. »[59]

33. Par contre, s’ils ont peine à définir avec exactitude la portée du fair use, les tribunaux sont unanimes quant à l’objectif de cette exception. En effet, comme le note la Cour Suprême dans l’arrêt Campbell, les tribunaux américains ont reconnu très rapidement que l’aménagement d’une exception pouvant s’appliquer à plusieurs usages et à plusieurs utilisateurs était essentiel pour atteindre l’objectif constitutionnel du copyright : « From the infancy of copyright protection, [the fair use doctrine] has been thought necessary to fulfill copyright’s purpose, “to promote the Progress of Science and useful Arts”. »[60]

34. Les tribunaux ont maintes fois réaffirmé que le fondement du fair use est bien la clause constitutionnelle. Ils interprètent systématiquement cette exception comme étant une condition sine qua non de la réalisation de l’objectif constitutionnel. Ainsi, dans l’arrêt Harper & Row Publishers, la Cour Suprême a déclaré que

[a]lthough the Copyright Law makes no provision for “fair use” of another’s work, the author’s consent to reasonable use of his copyrighted works has always been implied by the courts as a necessary incident of the constitutional policy of promoting the progress of science and the useful arts, since a prohibition of such use would inhibit subsequent writers from attempting to improve upon prior works and thus destroy all incentive to engage in literary activity and frustrate the very ends sought to be attained.[61]

35. Dans l’arrêt Time Inc., une affaire qui mettait en cause l’utilisation d’images d’une vidéo amateur de l’assassinat de John F. Kennedy, le tribunal affirme ce qui suit[62]: « If there is no action for statutory copyright infringement because the copying by defendants is found a fair use, then New York could not constitutionally make such copying an act of unfair competition. »[63]

36. Finalement, dans l’affaire Rosemont Enterprises, Inc., la Cour note que « [t]he fundamental justification for the privilege (fair use) lies in the constitutional purpose in granting copyright in the first instance, to wit, “To Promote the Progress of Science and the Useful Arts”. »[64]

37. Ces décisions montrent bien que même si le fair use n’est pas protégé au même titre par exemple que la liberté d’expression, constitutionnellement, le concept en demeure essentiel, tout comme l’est celui de l’accession des œuvres au domaine public une fois expirée la durée de leur protection statutaire et ce, pour que le système de copyright respecte son objectif constitutionnel. Sans ces deux limites aux droits des auteurs et des créateurs, le copyright ne peut plus promouvoir le progrès des sciences et des arts.

38. Examinons maintenant le DMCA à l’aune des bornes que nous venons de poser.

II. Le nouveau copyright américain : le Digital Millenium Copyright Act

39. Les conséquences en matière de droit d’auteur de l’apparition des nouvelles technologies est un sujet qui préoccupe les Américains depuis longtemps. En effet, le groupe de travail qui est à l’origine du célèbre Livre Blanc[65] recommandait déjà en 1995 que le Copyright Act soit amendé et qu’on y insère un nouveau chapitre interdisant le contournement des moyens techniques servant à protéger les œuvres[66]. D’ailleurs, ce type de dispositions existait déjà en certains domaines à l’époque. Le Audio Home Recording Act[67] imposait, bien avant l’adoption du DMCA, l’intégration d’indicateurs de gestion de reproductions[68] à tout appareil d’enregistrement digital, tels les Digital Audio Tape (DAT) et les mini-disques (MD)[69] et il interdisait le contournement de cette technologie. Notons aussi l’existence de l’article 605 du United States Communications Act[70] qui réglemente les appareils permettant le décryptage d’émissions de télévision diffusées par satellite.

40. Les recommandations faites dans le Livre Blanc de 1995 et la conclusion des traités de l’OMPI en 1996 ont donc mené à l’adoption du DMCA en 1998: aujourd’hui le chapitre 12 du Copyright Act. Nous en examinerons maintenant les dispositions (A) avant de les confronter au contenu de la clause constitutionnelle de copyright (B).

A. La portée du Digital Millenium Copyright Act

41. Notre analyse du Digital Millenium Copyright Act s’articulera d’abord autour de l’exploration des mesures techniques protégées et des actes prohibés, puis de l’examen des dispositifs et/ou services interdits (a); elle portera ensuite sur les exceptions à l’interdiction contournement des mesures techniques et autres actes préparatoires prévus au DMCA (b).

a. Les actes prohibés

42. La protection garantie à l’article 1201 du DMCA vise d’une part les mesures techniques efficaces mises en place pour protéger un droit exclusif conféré aux titulaires de droits par la loi et, d’autre part, les dispositifs techniques qui contrôlent effectivement l’accès aux œuvres protégées. Si, d’emblée, la création d’un droit de contrôler l’accès à l’œuvre soulève des questions quant à la légitimité d’étendre la protection au-delà de l’aire des droits traditionnels prévus par le copyright américain[71], le critère de l’efficacité du dispositif fournit les réponses. L’article 1201(a)(3)(B) prévoit en effet que la mesure technique est réputée contrôler efficacement l’accès à une œuvre si celle-ci est protégée par la loi et si, en temps normal, l’accès à celle-ci est conditionnel au consentement de l’auteur ou à l’accomplissement d’une action, un paiement par exemple[72]. Ainsi, cette disposition ne crée pas un nouveau droit, elle garantit plutôt que le titulaire de droits sera rémunéré à juste titre pour l’utilisation de l’œuvre protégée[73].

43. Quant aux mesures protégeant les actes soumis au consentement des titulaires de droits, celles-ci sont présumées être efficaces – et sont par conséquent visées par l’interdiction de contournement prévue à l’article 1201(b)(2)(B) – si leur présence limite la possibilité de violer les droits des auteurs[74].

44. Le DMCA sanctionne l’acte de contournement ainsi que les activités préparatoires. Trois infractions jusqu’alors inconnues en matière de copyright[75] sont créées par le texte américain :

  1. le contournement de mesures techniques qui contrôlent l’accès aux œuvres protégées par la loi[76];

  2. la fabrication, la distribution et la diffusion de dispositifs ou la prestation de services visant à contourner les systèmes de contrôle d’accès[77] et enfin

  3. la fabrication, la distribution et la diffusion de dispositifs ou la prestation de services permettant le contournement de mesures techniques de protection des droits des auteurs[78].

45. Il est important de souligner que l’acte de contournement n’est sanctionné qu’en rapport aux mesures techniques qui contrôlent l’accès aux œuvres. Ceci s’explique par le fait qu’en vertu du Copyright Act, il existe déjà des remèdes légaux pour sanctionner la violation d’un droit résultant du contournement d’une mesure technique mise en place pour protéger une œuvre : une protection additionnelle n’est donc pas nécessaire[79] .

46. Comme le prévoit l’alinéa (a)1 de l’article 1201, l’interdiction de contourner n’est entrée en vigueur qu’en octobre 2000, soit deux ans après l’entrée en vigueur du DMCA. Durant ces deux années, le Register of Copyright et le Librarian of Congress ont examiné l’impact que cette interdiction pourrait avoir pour les utilisateurs d’œuvres protégées désireux d’accéder à celles-ci en se prévalant d’une des exceptions généralement admises au titre de fair use[80], et ce, afin que puissent être prévues en temps utile des exceptions additionnelles si le besoin s’en faisait sentir. Nous y reviendrons quand il nous faudra examiner les exceptions prévues par le DMCA.

47. Quant aux dispositions prohibitives régissant les actes préparatoires, elles sont entrées en vigueur le même jour que la loi, tant pour ce qui est des mesures régulant l’accès à l’œuvre que pour celles qui protègent les actes soumis au consentement des titulaires de droits. La prohibition vise la fabrication, l’importation, l’offre au public, la fourniture ou toute autre façon de commercialiser des technologies, produits, services, appareils ou éléments illicites. La prestation de services et l’offre de produits sont donc couverts. Les dispositifs techniques ou les services seront jugés illicites s’ils sont principalement conçus ou fabriqués dans le but de contourner une mesure technique[81], s’ils n’existent qu’en raison de leur potentiel commercial ou d’une utilisation limitée autre que le contournement ou encore s’ils ont fait l’objet d’une publicité axée vers le contournement soit d’une technologie empêchant ou régulant l’accès soit de la protection d’un droit exclusif conféré par le Copyright Act.

48. Si, à la première lecture de ces interdictions, l’utilisateur semble avoir été écarté de l’équation, le DMCA se veut rassurant à son article article 1201(c)(1) en précisant que ses dispositions ne doivent pas être interprétées comme restreignant les « rights, remedies, limitations or defenses to copyright infringement, including fair use ». De plus, cet article prévoit des exceptions aux interdictions visant le contournement de mesures technologiques de protection et les actes préparatoires à celui-ci. Nous allons maintenant examiner ces exceptions.

b. Les exceptions aux interdictions relatives au contournement des mesures technologiques de protection et aux actes qui faciliteraient celui-ci

49. L’article 1201(a)(1)(C) du DMCA impose donc au Register of Copyright et au Librarian of Congress le devoir d’examiner l’impact des interdictions de la loi et de proposer au profit de certains utilisateurs des exceptions à l’interdiction de contourner les mesures techniques qui bloquent l’accès à certaines œuvres. Ainsi, le 27 octobre 2000[82], on a levé cette interdiction à l’égard de deux catégories d’œuvres, soit les compilations de listes de sites web bloqués par des logiciels de filtrage[83] et les œuvres littéraires. Cette exemption peut également être invoquée lorsque le rejet d’une tentative d’accès à des logiciels ou à des bases de données protégées survient parce que ceux-ci sont défectueux, ont subi une avarie ou sont devenus obsolètes[84].

50. Les exceptions entrées en vigueur le 28 octobre 2000 valent jusqu’au 28 octobre 2003 : le Register of Copyright et le Librarian of Congress doivent se livrer à cet égard à un exercice de vérification sur une base triennale[85]. Ces exceptions s’ajoutent à celles que prévoient divers alinéas de l’article 1201, soit :

  1. une exception en faveur des bibliothèques, des archives et des organismes éducatifs sans but lucratif[86];

  2. une exception en faveur des forces de l’ordre[87], à des fins d’investigation par exemple;

  3. une exception en vue de la décompilation de logiciels[88];

  4. une exception pour des activités de recherche en matière de cryptographie[89];

  5. une exception visant la protection de certaines données à caractère personnel[90] et finalement

  6. une exception pour les tests de sécurité[91].

51. Étudiées de plus près, ces dispositions révèlent que seules les exceptions en faveur des forces de l’ordre et celles qui visent la décompilation de logiciels permettent la fabrication, la distribution et/ou la diffusion de technologies pouvant neutraliser des technologies anti-copie et/ou contrôler l’accès aux œuvres. Dans le premier cas, seul un agent de l’État peut bénéficier de l’exception et dans l’autre, l’exception n’est accordée qu’à l’infime partie de la population qui possède l’expertise technologique requise pour se livrer à ce genre d’activité[92]. Le citoyen ordinaire est complètement hors champ[93] .

52. On écarte donc en fait la plupart des restrictions qui en vertu du copyright traditionnel maintenaient un équilibre entre les intérêts des titulaires de droits et ceux du public en général, c’est-à-dire le citoyen ordinaire. Ainsi, non seulement la possibilité de fair use semble cruellement restreinte par le DMCA, mais cette loi vient également restreindre la diffusion de l’information d’une manière qui ne semble pas concorder avec l’esprit du Premier Amendement. Pourtant, rien ne permet de soutenir que les droits constitutionnellement garantis devraient perdre de leur sens ou de leur force dans l’environnement numérique[94].

B. Le Digital Millenium Copyright Act et l’encadrement constitutionnel du copyright

53. Nous analyserons maintenant le DMCA à la lumière du fondement constitutionnel du copyright. Dans un premier temps, nous confronterons cette loi statutaire aux limites découlant de la clause constitutionnelle (a) pour ensuite nous livrer au même exercice relativement aux limites découlant du droit à la liberté d’expression (b).

a. Les limites découlant de la clause constitutionnelle de copyright

54. Ce n’est pas sans un certain étonnement qu’on note en lisant les dispositions du DMCA – législation de propriété intellectuelle qui est pourtant le chapitre 12 du Copyright Act – que le législateur ne sanctionne jamais la contrefaçon de l’œuvre, mais qu’il vise plutôt la neutralisation de certaines technologies : or, ce dernier concept est étranger au copyright. Plutôt que de protéger l’œuvre, le DMCA accorde donc une protection légale à la technologie qui protège celle-ci. Ce modèle législatif peut avoir pour conséquence de permettre aux titulaires de droits de s’approprier, grâce à la technologie, une partie du domaine public. En effet, les dispositifs techniques peuvent avoir comme effet de « cadenasser » les œuvres, de les empêcher d’entrer dans le domaine public et de créer par le fait même un copyright perpétuel, franc de toute limite temporelle[95]. Pourtant, il n’y a pas de doute que la richesse du domaine public est essentielle à la création comme aussi au progrès des arts et des sciences.

55. Or, et nous l’avons montré plus haut, une loi qui étend ainsi la portée du copyright ne pourrait le faire que dans le respect des paramètres établis par la clause constitutionnelle[96]. Comme le DMCA étend la protection du copyright par-delà l’œuvre et jusqu’à la technologie, ce déploiement entraîne une réduction du nombre des utilisateurs et des usages que l’application de la doctrine du fair use devait couvrir; de ce fait, le texte américain va à l’encontre de l’objectif constitutionnel du copyright.

56. Puisqu’il est interdit de diffuser de l’information ayant trait aux dispositifs permettant de contourner à des fins d’usage personnel une barrière technologique protectrice et même de transmettre une telle information dans un but analogue, personne ne pourra neutraliser une telle barrière et faire ensuite un usage équitable d’une œuvre à moins d’avoir suffisamment d’expertise technologique pour concevoir pour son propre compte, sans assistance, une technologie anti-contournement inédite. En effet, et c’est K. Koelman qui le note, « [m]ost people lack the technical abilities to circumvent. They are dependent on circumvention devices supplied by third parties. If these devices are not available, most people will therefore not be able to crack a technological measure for the purpose of performing a non-infringing act and, consequently, activities that are not covered by copyright may effectively be blocked by way of technology »[97]. Donc, malgré la prétention du Congrès qu’un individu peut légalement faire un usage équitable d’une œuvre acquise légalement sous le DMCA[98] , en pratique il lui est quasi-impossible d’y parvenir puisqu’il est illégal pour qui que ce soit de l’aider à arriver à cette fin.

57. Ainsi, étant donné que le fair use est essentiel pour que copyright atteigne son objectif constitutionnel, on doit dire que le DMCA ne respecte pas cet objectif constitutionnel puisqu’il freine l’exercice du fair use pour la presque totalité de la population[99]; il devient de plus en plus difficile de prétendre le contraire.

58. De plus, l’interdiction de distribuer des dispositifs ou d’offrir des services qui permettraient de déjouer les barrières technologiques élimine non seulement la possibilité de faire un usage équitable d’une œuvre, mais elle crée une infraction même en l’absence de toute contrefaçon! En effet, la personne qui rendrait disponible ce type de technologie se rendrait coupable d’une infraction même si le destinataire de l’outil technologique l’utilisait à des fins reconnues par le copyright[100]! Le simple fait de diffuser cette information constitue une infraction. Pourtant, dans l’arrêt Consumers Union of the United States, Inc.[101], la Cour interprète le fair use comme « a codification of the decisional law in an effort to prevent the rigid application of the Copyright Act where such application would unreasonably prevent the dissemination of information »[102].

59. Comme le DMCA restreint la divulgation et la diffusion de l’information, il convient maintenant d’examiner ses effets sur le droit à la liberté d’expression.

b. Les limites découlant du droit à la liberté d’expression

60. La question des conséquences que l’application des dispositions du DMCA pourrait avoir sur des droits autrement garantis par le Premier Amendement de la Constitution américaine a donné lieu à une importante cause type au États-Unis, l’affaire Remeirdes[103]. La décision prise alors par le tribunal fut confirmée en Cour d’appel dans l’arrêt Corley[104].

61. Examinons brièvement les faits de l’affaire. En 1999, le jeune norvégien Jon Johansen du groupe Masters of Reverse Engineering (MoRE) crée le DeCSS[105], une technologie capable de franchir la protection cryptographique, le CSS[106], contenu sur un DVD[107]. L’inventeur affiche ensuite le code DeCSS sur sa page Web personnelle et il invite les membres d’une liste de discussion à l’y consulter. Quelques mois plus tard, son code se retrouve partout. Parmi les sites ainsi mis dans le coup, il y a le site 2600.com où Eric Corley publie un journal destiné aux hackers[108]. Ce dernier site affiche le code DeCSS et offre des liens vers d’autres sites où se trouve également ce code.

62. En janvier 2000, huit studios de cinéma poursuivent Corley pour contravention aux dispositions du DMCA qui ont trait à l’interdiction de distribuer des technologies capables de neutraliser les mesures techniques protégeant une œuvre couverte faisant l’objet d’un droit d’auteur. Aux prétentions des plaignants, Corley rétorque que son droit à accomplir un tel acte de diffusion est garanti par le Premier Amendement de la Constitution de 1787.

63. La Cour commence par énoncer un principe déjà reconnu par les tribunaux[109] selon lequel le code informatique – en format source – est une forme d’expression qui jouit de la protection garantie par le Premier Amendement puisqu’il peut être lu par un être humain et qu’il transmet des idées ou de l’information. Le code en format objet, lui, est exprimé en langage binaire et est difficilement lisible par l’œil humain. De plus, il comporte une dimension fonctionnelle[110] trop importante pour profiter pleinement de la protection du Premier Amendement. À partir de ces distinctions, la Cour se prononce : en ce qui a trait à la technologie DeCSS, le DMCA est une législation qui ne vise pas à contrôler le contenu du message véhiculé par le code et qui répond aux exigences du test constitutionnel « souple »[111]. Cette décision est confirmée en appel.

64. Cependant, ces distinctions technologiques nous intéressent peu en l’espèce[112] parce que nous croyons que l’analyse de la Cour est fondamentalement erronée. Il ne nous semble pas important de savoir si le code est une forme d’expression protégeable par le Premier Amendement ou pas puisque le véhicule de l’expression de Corley n’est aucunement le code. Corley n’est pas à l’origine du DeCSS, il ne l’a pas fabriqué. Plutôt, Corley s’exprime par la diffusion du DeCSS en choisissant d’afficher cette information sur son site Web. Ainsi, tel qu’appliqué à Corley, le DMCA vise son droit même de s’exprimer, droit actualisé par le fait d’avoir rendu disponible de l’information permettant de contourner une barrière technologique[113]. Or, comme l’affirme la Cour Suprême des États-Unis dans l’arrêt Bartnicki, « [a] naked prohibition against disclosures is fairly characterized as regulation of pure speech »[114].

65. Ainsi, s’il s’avérait possible de soutenir qu’en vertu du DMCA on pouvait empêcher que soit diffusé le code DeCSS, il faudrait affirmer que ce même DMCA vise à contrôler l’expression même, ce que bien sûr ce texte législatif ne peut pas faire parce que le Premier Amendement garantit le droit à la liberté d’expression. Notons en terminant qu’une loi ayant cet objectif ou cet effet est présumée être invalide[115].

Conclusion

66. Bien qu’adopté par le Congrès américain dans l’objectif louable de lutter contre le piratage[116], le DMCA en réalité n’a fait qu’étendre le pouvoir des titulaires de droits au détriment des utilisateurs et il a bouleversé le fragile équilibre qui existait entre les titulaires de droits et le public. C’est bien l’avis de D.L. Burk qui affirme que

[t]he employment of the anti-circumvention statute to date should come as something of a surprise. The record suggests that the anticircumvention right was intended by Congress as a shield rather than a sword, intended as a means to prevent wholesale misappropriation of copyrighted content, rather than as a means to extend content owners’ exclusivity to cover adjacent, uncopyrighted technologies. Yet the cases brought by rights holders thus far, have been characterized by a decided lack of anything resembling “piracy” or unauthorized copying.[117]

67. En effet, la pratique montre que pour une vaste majorité de titulaires de droits, avec en tête la puissante Recording Industry Association of America[118] (RIAA), les dispositions du DMCA sont perçues comme une invitation à l’intempérance[119]. Depuis son adoption en 1998, ce texte américain a été utilisé à outrance non seulement pour tenter de rendre impossible tout usage équitable d’une œuvre, mais également pour empêcher la diffusion de l’information, et ce contrairement aux principes établis par la clause constitutionnelle de copyright et au Premier Amendement. En effet, le DMCA accorde une protection démesurée aux titulaires de droits. Sur ce point, nous rejoignons les propos de D. Vaver sur les dangers inhérents à tout excès relatif à la protection du droit d’auteur :

The decision to protect, once taken, must be matched by an equally careful decision on how far to protect. Overprotection imposes social costs by stopping or discouraging others from pursuing otherwise desirable activities. Before the public is excluded, clear harm should first be found to the particular right-holder or the intellectual property system as a whole.[120]

68. Afin de rétablir l’équilibre entre les titulaires de droits et les utilisateur, nous croyons qu’il est essentiel que le Congrès insère une exception générale de fair use au DMCA ou encore, que les tribunaux interprète la loi américaine de manière à favoriser l’exercice d’une telle exception par l’ensemble de la population. L’interdiction de diffusion devra également faire l’objet d’un important assouplissement. Bref, une importante restructuration de la loi s’impose. En l’absence d’une telle réforme, fort à parier que le texte américain ne saurait repousser la menace d’inconstitutionnalité encore très longtemps.

Notes

[*]L’auteur est avocat au sein de l’étude Zénaïde Lussier et complète une maîtrise en droit des technologies de l’information (LL.M.) à l’Université de Montréal.

[1]Voir notamment Charles Clark, « The Answer To The Machine Is In The Machine » dans P. Bernt Hugenholtz (dir.), The Future of Copyright in a Digital Environment: Proceedings of the Royal Academy Colloquium organized by the Royal Netherlands Academy of Sciences (KNAW) and the Institute for Information Law, Amsterdam, 6-7 July 1995, The Hague, Kluwer Law International, 1996, p. 139.

[2]En matière de protection d’œuvres musicales, la technologie key2Audio de Sony en est un bon exemple : l’insertion d’indicateurs dans la matrice empèche le support d’ètre reconnu par des lecteurs ou par les graveurs de cédéroms (CD-ROM), de sorte que la réalisation de copies digitales ou la compression des pièces en format MP3 devient impossible. Voir http://www.key2audio.com/start/default.asp (dernière visite le 1er mai 2003). En matière de protection d’œuvres cinématographiques, le Content Scrambling System (CSS) est sans conteste le procédé cryptographique le plus médiatisé. Le CSS opère directement sur les lignes de code qui constituent le contenu. En effectuant un brouillage numérique de ce contenu, le CSS empèche qu’il soit visionné jusqu’au moment de son décryptage. Nous y reviendrons dans le cadre de notre étude de la portée du Digital Millenium Copyright Act.

[3]Par exemple, l’enveloppe digitale. Par cette technique, l’œuvre est insérée dans une enveloppe numérique qui contient les informations s’y rapportant ainsi que ses conditions d’utilisation. Ce n’est qu’en satisfaisant à ces conditions, en fournissant un mot de passe par exemple, que l’utilisateur peut ouvrir l’enveloppe et accéder à l’œuvre qu’elle contient.

[4]Également connus sous l’appellation Electronic Right Management Systems (ERMS), les systèmes de gestion électronique de droits ne font pas appel à une technologie spécifique, mais combinent plutôt un vaste arsenal d’outils pouvant exécuter diverses fonctions. Ainsi, un outil de cryptographie bloquant l’accès à une œuvre peut ètre associé à un système de licence et de paiement électronique au sein du mème programme. L’un des exemples les plus connus de ce dernier type de système est le Digital Rights Management Operating System de la société Microsoft, qui en a obtenu le brevet du United States Patent and Trademark Office (USPTO) le 11 décembre 2001. Ce système permet de protéger plus efficacement encore – contre la copie notamment – les œuvres audiovisuelles informatisées. Pour ce faire, le système d’exploitation empèche les logiciels non autorisés d’accéder aux données sécurisées et protégées par un droit d’auteur : il refuse tout simplement de confier à la mémoire vive de l’ordinateur un logiciel non sécurisé. Au sujet des systèmes de gestion électronique, le lecteur peut notamment consulter Julie E. Cohen, « Some reflections on copyright management systems and the laws designed to protect them », (1997) 12 Berkeley Tech. L.J. 161 et Séverine Dusollier, « Legal aspects of Electronic Rights Management Systems (ERMS) », 1999, source : http://www.droit.fundp.ac.be/Textes/Dusollier%204.pdf (dernière visite le 1er mai 2003). Voir aussi Dominique Gonthier et Philippe Aigrain, « Toward Electronic Management and Trading of Intellectual Property », 1998, source : http://www.cordis.lu/esprit/src/mm-elecm.htm (dernière visite le 1er mai 2003). Pour consulter le brevet de Microsoft, voir le site du USPTO à l’adresse http://www.uspto.gov/ (dernière visite le 1er mai 2003).

[5]Diverses classifications des dispositifs techniques de protection de l’œuvre existent. N.A. Smith les regroupe en deux grandes catégories : celles qui empèchent l’interception non autorisée de l’œuvre et celles qui limitent l’utilisation et/ou la distribution de celle-ci. E. Schlachter, quant à lui, répartit ces dispositifs en trois catégories : ceux qui empèchent la violation des droits d’auteur, ceux qui gèrent ces droits et ceux qui permettent de découvrir a posteriori une violation. Finalement, K. Koelman distingue plutôt cinq catégories de mesures techniques : celles qui contrôlent l’accès aux œuvres, celles qui en protègent l’intégrité, celles qui en régulent certains usages, celles qui permettent de mesurer ces usages et finalement les systèmes électroniques de gestion de droits. Voir Neil A. Smith, « United States of America », dans Marcel Dellebeke (dir.), Copyright in Cyberspace, ALAI Study Days Amsterdam, 4-8 June 1996, Amsterdam, Cramwinkel, 1997, p. 418, Eric Schlachter, « The Intellectual Property Renaissance in Cyberspace: Why Copyright Law Could be Unimportant on the Internet », (1997) 12 Berkeley Tech. L. J. 15 et Kamiel Koelman et Natali Helberger, « Protection of Technological Measures », dans P. Bernt Hugenholtz (dir.), Copyright and Electronic Commerce: Legal Aspects of Electronic Copyright Management, La Haye, Kluwer Law International, 2000, p. 165. Pour un survol de ces technologies, le lecteur peut également consulter l’étude en deux parties réalisée par Ian Kerr pour le compte d’Héritage Canada : Ian Kerr, « Mesures de protection technique : Partie I ­ Tendances en matière de mesures de protection technique et de technologies de contournement », 2003, source : http://www.pch.gc.ca/progs/ac-ca/progs/pda-cpb/pubs/protection/index_f.cfm?nav=0 (dernière visite le 1er mai 2003).

[6]Traité de l’Office mondial de la propriété intellectuelle sur le droit d’auteur (WCT) et Traité de l’Office mondial de la propiété intellectuelle sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes (WPPT), disponibles à l’adresse http://www.wipo.int/treaties/ip/index-fr.html (dernière visite le 1er mai 2003). Notons qu’il s’agit des premiers traités internationaux visant la protection des mesures techniques mises en place pour protéger le droit d’auteur. Voir K. Koelman et N. Helberger dans P.B. Hugenholtz, op. cit., note 5, 177.

[7]Loi sur le droit d’auteur, L.R.C. (1985), c. 42.

[8]Copyright Act, Title 17, United States Code (U.S.C.).

[9]Cet article a comme pendant l’article 18 du Traité de l’Office mondial de la propriété intellectuelle sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes (WPPT), précité, note 6. Sauf pour le fait que le premier de ces deux articles régit les droits des auteurs alors que le second renvoie à ceux des artistes-interprètes, exécutants ou producteurs de phonogrammes, ces deux dispositions sont identiques.

[10]Il est intéressant ­ pour ne pas dire troublant ­ de noter que ce type de législation vise la protection de la technique, étrangère au droit d’auteur continental ou au copyright anglo-saxon. Dès lors, il devient opportun de s’interroger sur ses fondements véritables. Est-ce réellement la recherche d’une protection adéquate et efficace des droits des auteurs et des créateurs qui est au cœur de cette législation ou serait-ce l’investissement consacré à la recherche et au développement de ces technologies qu’on tente indirectement de protéger ? Lors d’une allocution présentée le 11 mai 2001 à Paris, au moment de la création du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, Catherine Tasca ne craint pas d’affirmer ce qui suit : « Je crois en effet que la mutation numérique bouleverse bien moins le droit de la propriété intellectuelle que les intérèts économiques, industriels et financiers qui s’y attachent. Elle transforme directement les processus de production, de communication, de distribution et de consommation de biens immatériels, notamment culturels. Dans tous les domaines de la création et de l’information, nous observons l’accélération de l’appropriation privée. C’est une réponse économique paradoxale aux effets de la numérisation et de l’interconnexion des réseaux. » Source: http://www.droitsdauteur.culture.gouv.fr/culture/cspla/discours.htm (dernière visite le 1er mai 2003).

[11]Digital Millenium Copyright Act, Pub. L. No. 105-304, 112 Stat. 2860 (1998).

[12]Pour une étude des lois anti-contournement de ces pays, voir Éric Labbé, « L’accès aux dispositifs de neutralisation des œuvres verrouillées : une condition nécessaire à l’exercice d’exceptions au droit d’auteur », (2002) 14 Cahiers de propriété intellectuelle, p. 741-774.

[13]En Europe, les traités de l’OMPI ont donné lieu à la création de la Directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information. Les dispositions de la Directive devaient ètre transposées en droit national par les États membres au plus tard le 22 décembre 2002. Toutefois, au 8 octobre 2002, seuls la Belgique, les Pays-Bas, l’Allemagne et la Grande-Bretagne avaient déposé un projet de loi ou de règlement visant à les y incorporer. Voir Lucie Guibault, « Le tir manqué de la Directive européenne sur le droit d’auteur dans la société de l’information », 2002, source : http://www.ivir.nl/publications/guibault/directive_europeenne.html (dernière visite le 1er mai 2003).

[14]« In the United States at least, the public is the intended beneficiary of intellectual property laws, although authors certainly may benefit in the process. » C’est l’avis qu’exprime Dan L. Burk dans « Anti-Circumvention Misuse », 2002, source : http://www.law.berkeley.edu/institutes/bclt/pubs/wp/502.pdf (dernière visite le 1er mai 2003).

[15]Cette clause est fortement inspirée du Statut d’Anne de 1709, l’origine du copyright statutaire, qui prévoyait un droit qui favorisait non pas les auteurs, mais bien les éditeurs. Il est intéressant de noter qu’entre 1783 et 1786, soit pendant trois ans, et peu avant l’adoption de la Constitution américaine, le Statut d’Anne a servi de modèle législatif aux lois adoptées par la plupart des États américains, le Delaware excepté. Voir Lyman Ray Patterson, « Understanding the Copyright Clause », (2000) 47 Journal, Copyright Society of the U.S.A. 374.

[16]En fait, la clause constitutionnelle vise deux types de droits de propriété intellectuelle, soit le copyright (« …authors/writings… ») et le droit des brevets (« …inventors/discoveries »).

[17]On pourrait identifier ici trois considérations subsidiaires tendant à ce mème objectif : « These words contain three ideas fundamental to a free society and are used to limit the copyright power: copyright is not to be used for censorship (because copyright is to promote learning), the public domain (because copyright is limited to new works for a limited time) and public access (because publication is a condition for statutory copyright). » Voir L.R. Patterson, op. cit., note 15, 367.

[18]Voici la portée de la clause constitutionnelle selon la Cour Suprème : « The monopoly privileges that Congress may authorize are neither unlimited nor primarily designed to provide a special private benefit. Rather, the limited grant is a means by which an important public purpose may be achieved. It is intended to motivate the creative activity of authors and inventors by the provision of a special reward, and to allow the public access to the products of their genius after a limited period of exclusive control has expired. » Voir Sony Corp. Of America v. Universal City Studios, Inc., 464 U.S. 417 (1984), p. 429.

[19]Sayre c. Moore, (1785) 1 East. 361n, 102 All E.R. 139n.

[20]Cet extrait en dit long : « S’agissant du droit d’auteur, l’analyse se déduit de l’approche personnaliste qui tend, parmi les intérèts en présence, à donner la primauté à ceux de l’auteur, tout simplement parce que c’est celui-ci qui est au centre du dispositif, et qui lui donne sa raison d’ètre, comme l’atteste l’expression mème de droit d’auteur. À la limite, c’est mème l’idée de “balance des intérèts” qui pourrait, dans cette optique, devenir suspecte, en ce qu’elle sous-entend que les droits de l’auteur pourraient, au moins dans certains cas, s’effacer devant ceux des exploitants ou des utilisateurs. » Voir André Lucas, Droit d’auteur et numérique, Paris, Litec, 1998, n° 336, p. 170.

[21]P. Bernt Hugenholtz, « Copyright and Freedom of Expression in Europe », 2000, source : http://www.ivir.nl/publications/hugenholtz/PBH-Engelberg.doc (dernière visite le 1er mai 2003).

[22]Dès le XIXe siècle, la Cour Suprème des États-Unis a établi ce principe dans l’arrèt Baker v. Selden, 101 US 99 (1880). Aujourd’hui, cette limite est codifiée à l’article 102b du Copyright Act : « In no case does copyright protection for an original work of authorship extend to any idea, procedure, process, system, method of operation, concept, principle, or discovery, regardless of the form in which it is described, explained, illustrated, or embodied in such work. »

[23]Feist Publications, Inc. v. Rural Telephone Service Co., Inc., 499 U.S. 340, 348 (1991); le juge O’Conner rappelle que l’originalité de l’œuvre est une exigence constitutionnelle quant à la protection par copyright, et ce bien que le degré d’originalité requis soit extrèmement bas : « To be sure, the requisite level of creativity is extremely low; even a slight amount will suffice. The vast majority of works make the grade quite easily, as they possess some creative spark, “no matter how crude, humble or obvious” it might be. »

[24]Harper & Row Publishers, Inc. v. Nation Enterprises, 471 U.S. 539, 556-557 (1985).

[25]Le Premier Amendement de la Constitution américaine interdit au Congrès d’adopter des lois « […] respecting an establishment of religion, or prohibiting the free exercise thereof; or abridging the freedom of speech, or of the press; or the right of the people peaceably to assemble, and to petition the government for a redress of grievances […] ».

[26]Harper & Row Publishers, Inc. v. Nation Enterprises, précité, note 24, 557.

[27]Voir entre autres, Melville B. Nimmer, « Does Copyright Abridge the First Amendment Guarantees of Free Speech and Press? », (1970) 17 U.C.L.A. L. Rev. 1180, Lyman Ray Patterson et Stanley F. Birch Jr., « Copyright and Free Speech Rights », (1997) 4 J. Intell. Prop. L. 1 et Neil Weinstock Netanel, « Location Copyright Within The First Amendment Skein », 2001, source : http://www.utexas.edu/law/faculty/nnetanel/Netanel.pdf (dernière visite le 1er mai 2003).

[28]William F. Patry, The Fair Use Privilege in Copyright Law, Washington, The Bureau of National Affairs, 1985, p. 462.

[29]Bien entendu, en cas de conflit entre le copyright et la liberté d’expression, cette dernière aurait préséance. Faut-il encore que la protection accordée par le copyright ne viennent brimer le droit à la liberté d’expression d’un individu, il ne suffit pas de prétendre qu’un conflit ne saurait ètre toléré: « One must determine (a) if the interest for which the First Amendment protection is sought is one that that amendment protects; and (b) if it is, whether it has been “abridged”. », Id., p. 465.

[30]Pacific & Southern Co. v. Duncan, 744 F.2d 1490, 1499 (11th Cir. 1984).

[31]Il existes plusieurs autres exceptions aux prérogatives exclusives des titulaires de droits, toutes codifiées aux articles 107 à 121 du Copyright Act. Parmi celles-ci, mentionnons la théorie de l’épuisement du droit (First Sale doctrine) développée par les tribunaux Américains dans les affaires Bobs-Merrill Co. v. Straus, 210 U.S. 339 (1908) et Independent News Company v. Williams, 293 F.2d 510 (3d Cir. 1961) et codifiée à l’article 109 du Copyright Act. Exception au droit de distribution de l’œuvre, cette doctrine établit essentiellement que le droit de propriété intellectuelle s’estompe à la première vente, où il se heurte au droit de propriété privée.

[32]Voir la 8e clause de la 8e Section du Premier Article de la Constitution de 1787, précitée supra, p. 7: « … for limited times… ».

[33]Selon L.R Patterson, op. cit., note 15, 368, « [a] major purpose of copyright is to protect the public domain, an idea that may be counter-intuitive, but is also irrefutable. No one can deny that the effect of the limitations on Congress’ copyright power ­ if adhered to ­ is to protect the public domain. And given the role of copyright in controlling the press in England, it is not likely that either the limitations or the effect is accidental. »

[34]Campbell v. Acuff-Rose Music Inc., 510 U.S. 569 (1994) : « In truth, in literature, in science and in art, there are, and can be, few, if any, things, which in the abstract sense, are strictly new and original throughout. »

[35]Justice Laddie, « Copyright: Over-strength, Over-regulated, Over-rated? », (1996) 18 European Intellectual Property Review, 253, 259.

[36]Depuis l’entrée en vigueur en 1790 de la première loi américaine en matière de copyright – elle prévoyait une protection de deux périodes consécutives de quatorze ans à partir de la date de publication de l’œuvre–, la durée du copyright américain a été prolongée trois fois, soit en 1831, en 1909 et en 1976.

[37]Copyright Term Extension Act, Pub. L. 105.298, §102(b) and (d), 112 Stat. 2827-2828.

[38]Eric Eldred et al. v. John D. Ashcroft, 537 U. S. (2003). Le Congrès a fait valoir avec succès que cette prolongation de la durée de la protection statutaire était indispensable pour harmoniser le Copyright Act avec la Directive 93/98/CEE du Conseil du 29 octobre 1993 relative à l’harmonisation de la durée de protection du droits d’auteur et de certains droits voisins. L’article premier de la Directive accorde aux ayants droit des auteurs décédés une protection de 70 ans à compter de la date du décès. Dès lors, il fallait garantir aux auteurs américains, dans leur propre pays, une protection équivalente à celle qui avait cours en sol européen en raison de l’article 7(8) de la Convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques du 9 septembre 1886. Cette Convention prévoyait que « […] la durée sera réglée par la loi du pays où la protection sera réclamée; toutefois, à moins que la législation de ce dernier pays n’en décide autrement, elle n’excédera pas la durée fixée dans le pays d’origine de l’œuvre ».

[39]Cet « événement fortuit » est passé inaperçu : au moment de l’adoption de la loi, le scandale Monica Lewinski et la guerre du Kosovo monopolisaient l’attention des médias. Cependant, il a depuis fait couler beaucoup d’encre. Voir Damien Cave, « Mickey Mouse v. The People », 2003, source http://www.salon.com/tech/feature/2002/02/21/web_copyright/index.html (dernière visite le 1er mai 2003) , Chris Sprigman, « The Mouse That Ate The Public Domain », 2002, source : http://writ.news.findlaw.com/commentary/20020305_sprigman.html (dernière visite le 1er mai 2003) et Wendy Kaminer, « On The Contrary : Copywrongs », 2002, source : http://www.prospect.org/print/V13/8/kaminer-w.html (dernière visite le 1er mai 2003).

[40]Les prérogatives exclusives des titulaires de droits, soit le droit d’effectuer ou d’autoriser la reproduction, la préparation d’œuvres dérivées, la distribution, l’exécution publique, l’exhibition en public et la communication par télécommunication de l’œuvre sont codifiées à l’article 106 du Copyright Act : « Subject to sections 107 through 121, the owner of copyright under this title has the exclusive rights to do and to authorize any of the following: (1) to reproduce the copyrighted work in copies or phonorecords; (2) to prepare derivative works based upon the copyrighted work; (3) to distribute copies or phonorecords of the copyrighted work to the public by sale or other transfer of ownership, or by rental, lease, or lending; (4) in the case of literary, musical, dramatic, and choreographic works, pantomimes, and motion pictures and other audiovisual works, to perform the copyrighted work publicly; (5) in the case of literary, musical, dramatic, and choreographic works, pantomimes, and pictorial, graphic, or sculptural works, including the individual images of a motion picture or other audiovisual work, to display the copyrighted work publicly; and (6) in the case of sound recordings, to perform the copyrighted work publicly by means of a digital audio transmission. »

[41]Par exemple, l’article 108 ne s’applique qu’aux bibliothèques et aux institutions d’archivage.

[42]L’article 113 vise les dessins, graphiques ou œuvres architecturales alors que l’article 117 vise uniquement les programmes d’ordinateurs.

[43]Voir à titre d’exemple l’exception de l’article 118 en matière de diffusion non commerciale.

[44]Folsom v. Marsh, 9 F. Cas. 342, 345, (CCD Mass. 1841) (No. 4901). La Cour note que « A fair and bona fide abridgement of an original work is not piracy of the copyright of the author. »

[45]L’article 107 se lit ainsi : « Notwithstanding the provisions of sections 106 and 106A, the fair use of a copyrighted work, including such use by reproduction in copies or phonorecords or by any other means specified by that section, for purposes such as criticism, comment, news reporting, teaching (including multiple copies for classroom use), scholarship, or research, is not an infringement of copyright. In determining whether the use made of a work in any particular case is a fair use the factors to be considered shall include (1) the purpose and character of the use, including whether such use is of a commercial nature or is for nonprofit educational purposes; (2) the nature of the copyrighted work; (3) the amount and substantiality of the portion used in relation to the copyrighted work as a whole; and (4) the effect of the use upon the potential market for or value of the copyrighted work. The fact that a work is unpublished shall not itself bar a finding of fair use if such finding is made upon consideration of all the above factors. »

[46]Précité, note 18.

[47]Id., p. 451.

[48]Harper & Row Publishers, Inc. v. Nation Enterprises, précité, note 24, p. 562.

[49]Campbell v. Acuff-Rose Music Inc., précité, note 34.

[50]« The language of the statute makes it clear that the commercial or nonprofit educational purpose of a work is only one element of the first factor into its purpose and character. […] Accordingly, the mere fact that a use is educational and not for profit does not insulate it from a finding of infringement, any more than the commercial character of a use bars a finding of fairness. If, indeed, commerciality carried presumptive force against a finding of fairness, the presumption would swallow nearly all of the illustrative uses listed in the preamble paragraph of section 107, including news reporting, comment, criticism, teaching, scholarship, and research, since these activities “are generally conducted for profit in this country”. » Id., 584.

[51]« Some works are closer to the core of the intended copyright protection than others, with the consequence that fair use is more difficult to establish when the former works are copied. » Id., 586.

[52]« The scope of fair use is somewhat narrower with respect to fictional works […] than to factual works. » Voir Castle Rock Entertainment, Inc. v. Carol Publishing Group, Inc., 150 F.3d. 132 (2d Cir. 1998), 143. Voir également Stewart v. Abend, 495 U.S. 207 (1990) et Twin Peaks Productions, Inc. v. Publications Int’l, Ltd., 996 F.2d 1366 (2d Cir. 1993).

[53]Campbell v. Acuff-Rose Music Inc., précité, note 34, 587.

[54]« This last factor is undoubtedly the single most important element of fair use. » Voir Harper & Row Publishers, Inc. v. Nation Enterprises, précité, note 24, p. 566.

[55]Infinity Broadcasting Corp. v. Kirkwood, 150 F. 3d. 104 (2d Cir. 1998).

[56]En effet, tout usage d’une œuvre pourrait empiéter, théoriquement à tout le moins, sur un marché d’exploitation normalement réservé au titulaire des droits sur l’œuvre originale. « In any given case in which defendant has taken some copyrighted material, that defendant, and the use to which that material was put, theoretically constitute a potential market with respect to which the copyright owner might licence the work. In effect since every single use is potentially a market, this factor, if analyzed literally, would simply swallow fair use. In practice, however, the courts avoid this logical extreme, and focus on realistic potential markets for exploitation of the copyright. » Sheldon W. Halpern (dir.), Fundamentals of United States Intellectual Property Law, The Hague, Kluwer Law International, 1999, p. 124.

[57]La définition du fair use demeure floue à ce jour : « Fair use evolved in the case law into a privilege to use a reasonable portion of a copyrighted work for a reasonable purpose, but the privilege eluded precise definition. » Jessica Litman, Digital Copyright, Amherst, Prometheus Books, 2001, p. 68.

[58]Dans son rapport sur la loi de 1976, la Chambre des représentants note : « Although the courts have considered and ruled upon the fair use doctrine over and over again, no real definition of the concept has ever emerged. Indeed, since the doctrine is an equitable rule of reason, no generally applicable definition is possible, and each case raising the question must be decided on its own facts. » H.R. Rep. No. 94-1476.

[59]Pierre Leval, « Toward a Fair Use Standard », (1990) 103 Harvard Law Review 1105.

[60]Campbell v. Acuff-Rose Music Inc., précité, note 34, 575.

[61]Horace G. Ball, « The Law of Copyright and Literary Property » 260 (1944); citation reprise de Harper & Row Publishers, Inc. v. Nation Enterprises, précité, note 24, 549.

[62]La Cour se fonde sur le raisonnement de la Cour Suprème dans l’arrèt Sears, Roebuck and Co. selon lequel un État ne peut édicter des lois niant la possibilité d’un usage équitable en matière de brevets. Voir Sears, Roebuck and Co. v. Stiffel Co., 376 U.S. 225 (1964).

[63]Time Inc. v. Bernard Geis Associates, 203 F Supp., p. 146.

[64]Rosemont Enterprises, Inc. v. Random House, Inc., 366 Fed 303, p. 307. (2d Cir. 1966).

[65]INTELLECTUAL PROPERTY AND THE NATIONAL INFORMATION INFRASTRUCTURE, Report of the Working Group on Intellectual Property Rights, 1995.

[66]Le groupe de travail notait que « [t]he ease of infringement and the difficulty of detection and enforcement will cause copyright owners to look to technology, as well as the law, for protection of their works. However, it is clear that technology can be used to defeat any protection that technology may provide. The Working Group finds that legal protection alone will not be adequate to provide incentive to authors to create and to disseminate works to the public. Similarly, technological protection likely will not be effective unless the law also provides some protection for the technological processes and systems used to prevent or restrict unauthorized uses of copyrighted works. » Id., p. 230.

[67]Audio Home Recording Act, 17 USC Pub. L. No. 102-563.

[68]Le Serial Copyright Management System est un exemple spécifique d’utilisation d’un système de contrôle de gestion des copies qui permet de réaliser des copies numériques en nombre illimité à partir de la copie originale (la matrice) de l’œuvre, tout en rendant impossible la réalisation de copies à partir d’une copie de cette matrice. Le système interdit ainsi la réalisation de toute copie de deuxième génération et plus. C’est ce qui ressort des définitions contenues à l’article 1001(11) du Copyright Act (notons que l’Audio Home Recording Act est codifié aux articles 1001-1010 du Copyright Act) : « The term ’’serial copying’’ means the duplication in a digital format of a copyrighted musical work or sound recording from a digital reproduction of a digital musical recording. The term ’’digital reproduction of a digital musical recording’’ does not include a digital musical recording as distributed, by authority of the copyright owner, for ultimate sale to consumers. »

[69]En 1999, les titulaires de droits ont tenté en vain de faire appliquer cette loi aux appareils permettant de lire des fichiers numériques en format MP3, tel le lecteur RIO. En effet, l’industrie du disque avait tenté d’empècher la commercialisation d’appareils de ce genre au motif qu’ils n’intégraient pas un système de gestion des reproductions en série. Comme il était impossible d’effectuer des copies de fichiers musicaux à partir de l’appareil, et que celui-ci ne permettait que d’emmagasiner les fichiers après un téléchargement fait à partir du disque dur d’un ordinateur, la Cour d’appel, sous la plume du juge O’Scannlain, a conclu que ces appareils, ainsi que les disques durs des ordinateurs, échappaient à l’application de la loi. Ceci s’explique par le vocabulaire restrictif de la loi qui ne soumet à son application que les supports permettant un enregistrement. Voir RIAA c. Diamond Multimedia Systems Inc., 180 F.3d 1072 (1999).

[70]US Communications Act, 47 USC (1934).

[71]Rappelons que ces droits sont prévus à l’article 106 du Copyright Act de 1976 et qu’ils incluent le droit d’effectuer ou d’autoriser la reproduction, la préparation d’œuvres dérivées, la distribution, l’exécution publique, l’exhibition en public et la communication par télécommunication de l’œuvre.

[72]L’article 1201(a)(3)(B) prévoit ce qui suit : « A technological measure “effectively controls access to a work” if the measure, in the ordinary course of its operation, requires the application of information, or a process or a treatment, with the authority of the copyright owner, to gain access to the work. »

[73]En ce sens, le groupe de travail chargé de la conception du Livre Blanc américain notait que « […] does not require a copyright owner to allow or to facilitate unauthorized access or use of a work. Otherwise, copyright owners could not withhold works from publication; movie theatres could not charge admission […]; museums could not require entry fees ». INTELLECTUAL PROPERTY AND THE NATIONAL INFORMATION INFRASTRUCTURE, op. cit., note 65, p. 231.

[74]L’article 1201(b)(2)(B) se lit ainsi : « A technological measure “effectively protects a right of a copyright owner under this title” if the measure, in the ordinary course of its operation, prevents, restricts, or otherwise limits the exercise of a right of a copyright owner under this title. »

[75]« Copyright in digital media has in a very real sense been rendered obsolete, superseded by new technological anticircumvention rights which some have called “paracopyright,” to distinguish them from the separate right to control reproduction and other discrete uses of a protected work. Such paracopyright as conferred by the DMCA constitutes a separate set of rights, quite distinct from any copyright in the underlying content. These new rights are expansive and unprecedented. They allow control of uncopyrighted materials, and confer upon content owners a new exclusive right to control not only access to technologically protected works, but also to control ancillary technologies related to content protection. » Voir Dan L. Burk, op. cit., note 14.

[76]DMCA, art. 1201(a)(1)(A).

[77]Id., art. 1201(a)(2)(A), (B) et (C).

[78]Id., art. 1201(b)(1)(A), (B) et (C).

[79]Dans un rapport sur le DMCA, le Sénat américain notait que « [t]here is no prohibition on conduct in 1201(b) akin to the prohibition on circumvention conduct in 1201(a)(1). The prohibition in 1201(a)(1) is necessary because prior to this Act, the conduct of circumvention was never before made unlawful. The device limitation in 1201(a)(2) enforces this new prohibition on conduct. The copyright law has long forbidden copyright infringements, so no new prohibition was necessary. The device limitation in 1201(b) enforces the longstanding prohibitions on infringements. » U.S. SENATE, The Digital Millennium Copyright Act of 1998, Report and Additional Views to Accompany S. 2037, Report 105-190, 11 May 1998, p. 12.

[80]Cette obligation découle de l’article 1201(a)(1)(C) du DMCA.

[81]Dans cet esprit, ce test est similaire à celui des « substantial non-infringing uses » d’un appareil ou d’une technologie qui a fait l’objet de deux décisions américaines : Sony Corp. of America c. Universal City Studios, Inc., précité, note 18, et Vault Corp. c. Quaid Software Inc., 665 F. Supp. 750 (E.D. La. 1987), aff’d, 847 F. 2d 255 (5th Cir. 1988).

[82]« U.S.C. 1201(a)(1)(C) and (D), and upon the recommendation of the Register of copyrights, the Librarian has determined that two classes of copyrighted works shall be subject to the exemption found in 17 U.S.C. 1201(a)(1)(B) from the prohibition against circumvention of technological measures that effectively control access to copyrighted works set forth in 17 U.S.C. 1201(a)(1)A) for the period from October 28, 2000 to October 28, 2003. » 65 FR 64574, Oct. 27, 2000. Le rapport est disponible à l’adresse suivante : http://www.copyright.gov/title37/202/37cfr202-1.pdf (dernière visite le 1er mai 2003).

[83]« […] Compilations consisting of lists of websites blocked by filtering software applications; […] », Id.

[84]« Literary works, including computer programs and databases, protected by access control mechanisms that fail to permit access because of malfunction, damage or obsoleteness; […] », Id.

[85]DMCA, art. 1201(a)(1)(C).

[86]Id., art. 1201(d). Cette exception s’applique seulement à l’acte de contournement de mesures technologiques contrôlant l’accès à une œuvre.

[87]Id., art. 1201(e). Cette exception s’applique à l’ensemble des actes répréhensibles prévus par le DMCA.

[88]Id., art. 1201(f). Cette exception s’applique à l’ensemble des actes répréhensibles prévus par le DMCA.

[89]Id., art. 1201(g). Cette exception s’applique à l’acte de contournement et aux actes préparatoires concernant des mesures technologiques contrôlant l’accès à une œuvre.

[90]Id., art. 1201(i). Cette exception s’applique à l’acte de contournement et aux actes préparatoires concernant des mesures technologiques contrôlant l’accès à une œuvre.

[91]Id., art. 1201(j). Cette exception s’applique à l’acte de contournement et aux actes préparatoires concernant des mesures technologiques contrôlant l’accès à une œuvre.

[92]La décompilation (reverse-engineering) est une « [p]ratique qui consiste à analyser un produit fini (comme un logiciel d’application ou une puce) pour connaître la manière dont celui-ci a été conçu ou fabriqué. » OFFICE QUÉBÉCOIS DE LA LANGUE FRANÇAISE, Grand dictionnaire terminologique, source : http://www.oqlf.gouv.qc.ca/ressources/gdt_bdl2.html (dernière visite le 1er mai 2003).

[93]« None of the exceptions allow an ordinary citizen, without the knowledge to develop his or her own circumvention technology, to make fair use. » Voir Ryan L. Van Den Elzen, « Decrypting the DMCA : Fair Use as a Defense to the Distribution of DeCss », 77 Notre Dame L. Rev. 673, 689 (2002). L’auteur illustre ses propos à l’aide de l’exemple d’un individu qui voulait copier certains extraits de DVD qu’il avait légalement acquis afin d’étudier le style d’un réalisateur. Face à l’outil cryptographique qui l’empèche de le faire (CSS), il se tourne vers un ami informaticien en espérant que ce dernier pourra l’aider à contourner cette technologie. Comme l’article 1201(b) du DMCA interdit la fabrication, la distribution ou la diffusion de technologies permettant de neutraliser un tel dispositif, son ami ne peut programmer une technologie similaire au DeCSS et la lui refiler, ni lui indiquer comment on peut en obtenir une copie. En fait, personne ne peut rendre disponible cette technologie. Par conséquent, le cinéphile qui comme une très grande partie de la population n’a pas l’expertise technique pour contourner lui-mème le CSS ne pourra réaliser sa compilation et le monde pourrait ètre privé du prochain Kubrick, Cameron ou Godard.

[94]« It seems hard to explain why fundamental rights would carry less weight in the digital environment. » Kamiel Koelman, « The protection of technological measures vs. the copyright limitations », 2001, source : http://www.ivir.nl/publications/koelman/alaiNY.html (dernière visite le 1er mai 2003).

[95]« Technical systems can be used not only to prevent reproduction of protected works that otherwise would be permissible under existing copyright exceptions, but also to prevent reproduction of works that are in the public domain. » Voir Thomas C. Vinje, « A brave new world of technological protection systems: will there still be room for Copyright ? », (1996) 18 European Intellectual Property Review, 431.

[96]« Any legislation expanding the scope of copyright must do so in a way that still promotes the arts and science. » Voir Ryan L. Van Den Elzen, op. cit., note 93, 692.

[97]K. Koelman, op. cit., note 94.

[98]Comme nous l’avons mentionné plus haut, l’article 1201(c)(1) du DMCA prévoit que « Nothing in this section shall affect rights, remedies, limitations, or defenses to copyright infringement, including fair use, under this title ». Il semble que qui s’excuse, s’accuse…

[99]D’ailleurs, dans l’arrèt Remeirdes dont nous discuterons ultérieurement, la Cour d’appel du second circuit a commodément refusé de se prononcer sur la question : « We need not explore the extent to which fair use might have constitutional protection, grounded on the First Amendment or the Copyright Clause, because whatever validity a constitutional claim might have as to an application of the DMCA that impairs fair use of copyrighted materials, such matters are beyond the scope of this lawsuit. » Voir Universal City Studios, Inc. v. Remeirdes, 111 F. Supp 2nd 294, 310 (S.D.N.Y. 2000).

[100]Ceci est troublant puisque que la protection accordée aux titulaires de droits sous le système de copyright est PRÉCISÉMENT destinée à combattre la contrefaçon. « Nowhere else in the copyright law can a person be found liable absent a direct infringement on someone’s part. » Voir Ryan L. Van Den Elzen, op. cit., note 93, 691.

[101]Consumers Union of the United States, Inc. v. General Signal Corp., 724 F 2d 1044 (2d circuit 1983).

[102]Id., p. 1048.

[103]Universal City Studios, Inc. v. Remeirdes, précité, note 99.

[104]Universal City Studios, Inc. v. Corley, 273 F.3d 429 (2d Cir. 2001).

[105]Content Scrambling System Decryption. Petite anecdote intéressante sur l’histoire du DeCSS : la presse populaire attribue toujours sa paternité au jeune norvégien Jon Johanson, mais en fait, la création du DeCSS est le fruit de la collaboration de Johanson et de deux membres anonymes du groupe MoRE. Johanson l’a d’ailleurs confirmé lors d’un entretien avec LinuxWorld. Voir : http://www.linuxworld.com/linuxworld/lw-2000-01/lw-01-dvd-interview.html (dernière visite le 1er mai 2003).

[106]Content Scrambling System.

[107]Digital Video Disc.

[108]Bien que le terme hacker éveille dans l’esprit de la grande majorité de la population les forces malveillantes du cyberespace, stigmate dont il peine à se défaire, à l’origine celui-ci renvoyait plutôt à de « serious computer-science scholars conducting research on protection techniques, computer buffs intrigued by the challenge of trying to circumvent access-limiting devices or perhaps hoping to promote security by exposing flaws in protection techniques ». Voir Mathew Schwartz, « DVD Encryption Hacked », 1999, source : http://www.cnn.com/TECH/computing/9911/05/dvd.hack.idg/ (dernière visite le 1er mai 2003).

[109]En faisant référence au code source, les tribunaux ont effectivement conclu qu’il s’agissait d’une forme d’expression protégeable : « Source code is a means of original expression » dit le tribunal dans Bernstein v. U.S. Dep’t of State, 922 F. Supp. 1426, 1436 (N.D. Cal. 1996). Voir également Karn v. U.S. Dep’t of State, 925 F. Supp. 1, 9 (D.D.C. 1996) : « For the purpose of addressing the dispositive issue whether the regulation is justified and permissible, the Court will assume that the protection of the First Amendment extends to the source code. »

[110]Simplifié, le code objet est une instruction que l’ordinateur exécute sans intervention humaine.

[111]Le intermediate-scrutiny test est applicable pour déterminer la constitutionnalité d’une loi qui ne vise pas à contrôler le contenu (content-neutral regulation). Ce test est convenablement exécuté si l’on montre que la loi «serves a substantial government interest that is unrelated to the suppression of speech and the regulation is narrowly tailored ». Turner Broad. Sys., Inc. v. FCC, 492 U.S. 622, 642 (1994). Le strict-scrutiny test, quant à lui, s’applique en présence d’une loi qui vise le contenu mème de l’expression (content-based regulation). Pour satisfaire aux exigences de ce test, la loi doit « promote a compelling interest and be the least restrictive means to further the articulated interest » selon Sable Comm. Of Cal., Inc. v. FCC, 492 U.S. 115, 126 (1989).

[112]Pour une étude de ces distinctions technologiques, le lecteur peut consulter Lora Saltarelli, « The Digital Millenium Copyright Act and The Functionnal Fallacy », (2002) 77 Notre Dame L. Rev. 1647.

[113]Comme le note L. Saltarelli, la loi américaine « prohibits an entire category of speech. The DMCA, as interpreted, prohibits the provision of code that is capable of circumventing access-control measures ». Id., 1676.

[114]Bartnicki v. Vopper, 532 U.S. 514, 529 (2001).

[115]Sable Comm. Of Cal., Inc., précité, note 110, p. 126.

[116]Afin de mieux saisir l’intention du Congrès quant à l’adoption du DMCA, le lecteur peut consulter : 144 Cong. Rec. H7093, H7094-5 (Aug. 4, 1998); Senate Judiciary Comm., S. Rep. 105-190 (1998), 29; Judiciary Comm., H. Rep. 105-551 Pt 1 (1998), 18; House Commerce Comm., H. Rep. 105-551 Pt 2 (1998), 38.

[117]Dan L. Burk, op. cit., note 14.

[118]Pour ne citer que quelques exemples, mentionnons que cette Association a utilisé les dispositions du DMCA pour empècher la publication des recherches du professeur Edward W. Felten de l’Université Princeton sur la vulnérabilité de divers systèmes de protection de la musique présentée par SDMI (Secure Digital Music Initiative). De plus, dans l’affaire RIAA c. Diamond Multimedia Systems Inc., l’Association avait tenté d’empècher la commercialisation d’appareils permettant de lire des fichiers musicaux en format MP3 sous prétexte que ces derniers n’étaient pas dotés des indicateurs appropriés. Voir RIAA c. Diamond Multimedia Systems Inc., précité, note 68.

[119]Pour un recensement, incomplet mais tout de mème alarmant des poursuites ou menaces de poursuites intentées en vertu du DMCA, le lecteur peut consulter ELECTRONIC FRONTIER FOUNDATION, « Unintended Consequences : Four Years Under The DMCA », 2002, source : http://www.eff.org/IP/DMCA/20030103_dmca_consequences.pdf (dernière visite le 1er mai 2003)

[120]David Vaver, Intellectual Property Law, Toronto, Irwin Law, 1997, p. 11. Voir également l’opinion dissidente du juge Alex Kozinski dans l’affaire Vanna White. Le juge y note que « over-protecting intellectual property is as harmful as underprotecting it ». White c. Samsung Electronics America Inc., 971 F.2d 1395, 44 USPQ2d 1189 (9th Cir. 1997) (54 PTCJ 456, 4/1/93).

 

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