Les photographes et le droit sur le réseau Internet

Jean-Philippe Mikus, avocat

Colby Monet Demers Delage & Crevier
jpmikus@colby-monet.com


 

I. Internet : un réseau mondial avec tous les avantages et inconvénients de la technologie numérique

Internet est un réseau à l'échelle mondiale de réseaux informatiques nationaux, régionaux et puis locaux. Il possède son propre protocole de communication qui permet de faire circuler les parties d'un même message par des circuits différents selon l'encombrement du réseau. Chaque ordinateur branché sur le réseau possède une adresse qui lui est propre, un peu à l'image d'une adresse postale. Certaines des formes plus évoluées d'utilisation d'Internet (la plus connue étant le World Wide Web) permettent de tisser littéralement une toile entre les diverses adresses de sorte qu'il soit possible de passer d'un endroit à l'autre sans complications - même si cet autre endroit est situé de l'autre côté de la planète. Bien que le réseau Internet puisse être employé pour communiquer d'un point sur le réseau à un autre, l'utilisation la plus intéressante d'Internet pour le producteur est la diffusion d'information. Cette diffusion se fait sous forme numérique seulement puisqu'il s'agit d'un réseau informatique. Des images sur papier photographique devront être numérisées et traitées par ordinateur, mais une fois sous forme numérique elles peuvent être reproduites et transmises à très peu de frais. Au cours du processus de numérisation l'opérateur peut choisir la résolution de la reproduction informatisée.

Un photographe peut recourir à Internet pour poursuivre plusieurs fins. La première, qui est en fait la plus répandue en ce moment, est d'utiliser le réseau pour publiciser ses produits ou services (on trouve dans l'index Yahoo! plus de 500 photographes qui exposent leurs oeuvres). On parlera alors d'une entreprise qui crée sa << page >> sur le Web où elle affiche une description de son historique, quelques informations utiles aux gens qui s'intéressent à leur secteur d'activité et un aperçu de ses produits ou services.

Il existe en photographie une tradition établie de longue date qui est celle d'offrir à des usagers l'accès à des banques d'images afin d'illustrer des publications de tous genres. L'extension naturelle de cette pratique serait de numériser les images et de placer la banque qui en résulterait directement sur Internet. Les usagers potentiels pourraient alors examiner des versions à basse résolution dans le catalogue pour ensuite placer une commande électronique pour obtenir une version à haute résolution qu'ils pourront reproduire. Le processus pourrait être automatisé en prévoyant des paramètres généraux pour les licences. Si une personne désire obtenir des conditions spéciales, une adresse de courrier électronique ou une ligne téléphonique spéciale pourraient être prévues.

L'utilisation d'Internet pour diffuser des photographies peut soulever des questions juridiques à bien des niveaux. Nous avons choisi d'isoler trois d'entre elles. Les images numériques peuvent être aisément manipulées sans laisser de traces et on se demandera de quelle manière deux des droit moraux de l'auteur généralement reconnus peuvent s'appliquer sur Internet. Il s'agit du droit de se voir reconnaître la paternité et le droit à l'intégrité de son oeuvre. Ces droits sont particulièrement importants lorsqu'on désire utiliser Internet à des fins de publicité. Lorsque des personnes apparaissent dans des images on doit considérer leur droit de faire interdire la diffusion des images par Internet ou autrement. Enfin, dans le cas particulier de la vente d'image par Internet, il faudra respecter les exigences de la loi pour la formation de contrats électroniques.

 

II. Le droit de se voir reconnaître la paternité d'une photographie et le droit à son intégrité

Nous avons choisi de traiter de deux des droits moraux qui peuvent avoir un impact significatif sur l'utilisation d'Internet comme moyen de publicité. Plusieurs autres droits sont reconnus dans d'autres pays, notamment en France et en Allemagne[1]. Il s'agit, en premier lieu, du droit de se voir reconnaître la paternité de son oeuvre. Comme son nom l'indique le droit de paternité permet au créateur de la photographie, même s'il a cédé ses droits économiques, d'exiger que son nom apparaisse sur l'oeuvre ou près d'elle de manière à l'identifier comme créateur. Sur Internet, un photographe peut vouloir laisser circuler une ou plusieurs de ses oeuvres pour se faire connaître, mais s'il ne peut exiger que son nom apparaisse sur ou près de l'oeuvre l'exercice devient futile. En deuxième lieu, le droit à l'intégrité de l'oeuvre sert à assurer au photographe une protection contre la défiguration ou la mutilation de son oeuvre, ou encore sa présentation dans un contexte qui lui cause préjudice. Si une telle protection n'existe pas, une oeuvre défigurée pourrait circuler librement sur Internet portant ainsi atteinte à l'image que le photographe tente de projeter au monde entier.

L'Internet est un réseau international et il y a tout lieu de penser que les lois de plusieurs pays auront vocation à s'appliquer. Nous commencerons tout d'abord par donner un aperçu des dispositions de la loi canadienne. Le droit de paternité est prévu par l'article 14.1(1) de la Loi sur le droit d'auteur[2] qui énonce expressément qu'un auteur peut exiger d'être identifié comme créateur de l'oeuvre sous son nom propre ou sous un pseudonyme et il peut aussi exiger de conserver l'anonymat. La loi subordonne cependant ce droit aux << usages raisonnables >> ce qui peut faire penser notamment au cas de rédacteurs de discours. Peut-on affirmer que sur Internet il y aurait des usages raisonnables qui restreindraient le droit de se voir reconnaître la paternité? Sur Internet, il existe une pratique à l'effet contraire puisqu'il est notamment requis par l'étiquette de mentionner le nom de l'auteur lorsqu'on cite une partie de son message. Cela est d'autant plus vrai que chaque usager possède normalement sa propre adresse électronique et indique normalement, lorsqu'il fait parvenir des informations, son nom véritable ou un pseudonyme. Il faut cependant noter certaines pratiques de reproduction d'oeuvres affichées sur Internet qui ne reprennent aucunement le nom de leur créateur. Il ne saurait être affirmé que ce genre de pratique est << raisonnable >> puisqu'il n'y a aucune raison valable pour laquelle le nom de l'auteur ne pourrait être indiqué.

Le droit à l'intégrité de l'oeuvre est aussi prévu par l'article 14.1(1) de la Loi sur le droit d'auteur (Idem). On a cru bon cependant d'ajouter certaines conditions pour permettre la mise en oeuvre de ce droit. Ce n'est donc pas toute modification de l'oeuvre ou atteinte à l'intégrité de l'oeuvre qui peut être sanctionnée par un tribunal. Il faut que l'oeuvre ait subi une déformation, une mutilation ou une modification qui soit préjudiciable à l'honneur ou à la réputation de l'auteur[4]. Le fait que ce ne soit que la version numérisée d'une oeuvre qui soit modifiée ne fait pas obstacle à la mise en oeuvre de ce droit. Dans une des rares décisions traitant de l'atteinte à l'intégrité d'une oeuvre, on a jugé qu'il doit être tenu compte de la perception de l'artiste, dans la mesure où elle est raisonnable, afin de déterminer si une modification est préjudiciable à son honneur ou à sa réputation[5]. La Cour semble avoir été impressionné par le fait que l'artiste possédait une réputation internationale, ce qui a certainement aidé le juge à trouver un caractère raisonnable à sa perception. Il est aussi prévu que le droit à l'intégrité peut être invoqué lorsqu'une oeuvre est employée en liaison avec un produit, une cause, un service ou une institution[6]. Cet aspect peut certainement être important sur Internet où on retrouve une multitude de << pages >> qui servent à promouvoir une cause, des services, des produits ou une institution.

Ces deux droits moraux ne peuvent être cédés par l'auteur. Il pourra donc les exercer même s'il confie l'exploitation économique de ses photographies à une autre entreprise. La loi prévoit cependant qu'un auteur peut renoncer en tout ou en partie aux droits moraux qui lui sont accordés. Contrairement à d'autres dispositions similaires ailleurs dans le monde, le texte de la loi canadienne n'exige pas un écrit signé pour que la renonciation soit valide[7]. D'après Tamaro, toute renonciation doit être exprimée clairement et prise de manière éclairée[8]. Il nous apparaît qu'une renonciation peut être autant explicite qu'implicite et cela nous amène à nous poser certaines questions en ce qui concerne Internet. L'Internet est un environnement numérique où la manipulation d'informations ou d'éléments visuels est aisée à effectuer. Peut-on affirmer qu'un photographe qui affiche ses oeuvres sur sa page personnelle ou celle d'une agence accorde à tous les internautes le droit de modifier son oeuvre sans son consentement ? Il nous semble que non, à moins que le photographe ne mentionne expressément qu'il accorde ce droit aux usagers et que la modification respecte les limites qu'il fixe. Pour qu'il y ait renonciation implicite, il faudrait qu'il existe une certaine proximité entre les parties et des circonstances telles qu'elles laissent entendre qu'une modification est permise. Le simple fait de rendre son oeuvre disponible sur Internet n'est pas suffisant.

Ces dispositions de la loi canadienne s'appliquent sans difficulté dans un contexte purement canadien mais comme le réseau Internet ne connaît pas de frontières, il est important de voir comment certains autres pays protègent les droits moraux. À première vue, il devrait exister une certaine uniformité au sujet du droit de paternité et du droit à l'intégrité puisque ces droits sont inscrits depuis 1928 à la Convention de Berne. En effet, cette convention oblige les pays membres à accorder ce minimum de protection. S'agissant d'une convention internationale entre pays cependant, il n'y a pas de recours devant les tribunaux qui puisse forcer un pays à mettre en oeuvre ces droits. Il existe donc des variations notables entre pays et on peut voir un net contraste entre la situation en France et la situation aux États-Unis[9].

En France, le législateur a choisi une formule large << le droit au respect de l'oeuvre >> pour consacrer le droit à l'intégrité des oeuvres. De nombreuses décisions sont venues sanctionner des diffuseurs qui modifiaient des clichés sans l'autorisation du photographe. Des modifications de cadrage, l'altération de la composition du cliché, l'ajout ou la modification de couleurs, la reproduction dans un contexte autre (C'est à dire publicitaire) que celui pour lequel il était destiné ont fait l'objet de jugements en la faveur du photographe[10]. Il y a donc une protection importante, que d'aucuns qualifieront d'excessive, de la photographie contre des atteintes à son intégrité. Le droit de paternité des photographes est aussi reconnu avec force et n'est pas restreint par les << usages raisonnables >> comme en droit canadien[11]. Ces deux droits moraux ont d'autant plus de force qu'il n'est pas possible de renoncer à l'avance à leur exercice, même par un écrit signé. Il est cependant permis de << ratifier >>, en quelque sorte, une violation de droit moral existante en autant que l'auteur agit en pleine connaissance de cause[12].

Les États-Unis n'ont adhéré que tout récemment à la Convention de Berne et le débat sur la protection des auteurs par l'attribution de droits moraux est assez jeune. Ce débat fut assez violent[13], surtout de la part du lobby des producteurs, et il n'y eut pas de reconnaissance expresse des droits moraux aux États-Unis. Il y eut tout simplement, sur la foi de rapports d'experts, une déclaration à l'effet que les dispositions actuelles du droit américain étaient suffisantes pour respecter leurs engagements en vertu de la Convention de Berne. Aux États-Unis, la protection des droits moraux provient d'une multitude de sources qui, ensemble, ne donnent pas la même protection que dans d'autres pays où ils sont reconnus à l'intérieur de la législation sur le droit d'auteur[14]. Plusieurs États américains et le gouvernement fédéral ont adopté des lois visant les oeuvres d'art visuel mais elles ont peu d'utilité sur Internet puisqu'elles ne s'appliquent qu'aux oeuvres en exemplaire unique ou en édition limitée de 200 copies ou moins signées et numérotées par leur créateur[15]. Mis à part ce type de législation destinée aux beaux-arts, on doit recourir à des instruments juridiques qui ne sont pas spécifiques au droit d'auteur. Une certaine reconnaissance du droit de paternité et d'intégrité peut être obtenue en invoquant le Lanham Act, une loi qui vise la protection des marques de commerce, et plus particulièrement sa disposition qui interdit une fausse désignation d'origine[16]. En modifiant une oeuvre tout en la rattachant à son auteur, on fait croire erronément au public que l'auteur a voulu diffuser l'oeuvre dans cet état. Évidemment, ce recours tombe si la personne qui modifie l'oeuvre indique clairement qu'il s'agit d'une oeuvre modifiée[17]. Un autre moyen s'ouvre en vertu du droit commun de certains États si les modifications portent atteinte à la réputation de l'auteur auquel cas il pourra être possible de poursuivre la personne qui diffuse l'oeuvre modifiée pour diffamation[18]. Pour que ce recours fonctionne néanmoins, il faut que le nom de l'auteur soit indiqué.

On constate donc que des différences significatives existent entre des pays qui sont parties à la même convention internationale. Il devient particulièrement important de savoir quel droit s'appliquera à une violation de droits moraux commise sur Internet, mais aussi devant quel tribunal la personne responsable de la violation pourra être poursuivie. Il s'agit de questions éminemment difficiles à résoudre vu les nombreuses possibilités qui existent lorsque l'autre partie est à l'étranger. La première étape à résoudre est de déterminer le lieu où un photographe pourra intenter une action contre la personne qui a abusé de ses droits moraux. Un photographe québécois sera sans doute intéressé à poursuivre au Québec afin d'éviter des déplacements et frais additionnels. Si le photographe n'a pas de contrat avec la personne qui viole ses droits moraux il devra démontrer qu'une faute a été commise au Québec, qu'un préjudice y a été subi ou qu'un fait dommageable s'y est produit[19]. Si la photographie a circulé par Internet pour ensuite être modifiée et reproduite dans un médium autre que l'Internet, un journal par exemple, il y a peu de chance de pouvoir poursuivre l'autre partie si le médium employé pour diffuser la photographie est distribué uniquement à l'étranger. Si la photographie modifiée est mise à la disposition du public par Internet on n'arrivera pas forcément au même résultat. Dans ce cas l'acte dommageable de modifier et de rendre l'oeuvre disponible l'oeuvre au public aura été commis à l'étranger, mais il pourrait être possible de soutenir que le dommage a été subi à l'échelle mondiale, y compris sur le territoire québécois. Cela pourrait être présenté de manière d'autant plus frappante s'il est possible d'obtenir les registres du fournisseur d'accès à Internet qui démontrent un certain nombre d'accès par des utilisateurs provenant du Québec. L'autre option est d'intenter une action dans le pays où est situé le serveur qui héberge l'oeuvre dont on a omis d'indiquer la paternité ou dont on a omis de respecter l'intégrité.

Une fois la tâche de déterminer le tribunal compétent terminée, il reste à établir quelle sera la loi applicable. La détermination de la loi applicable au litige est une question qui a été particulièrement marquée par la nature territoriale que l'on accorde au droit d'auteur. En effet, afin d'assurer qu'il n'y ait pas de discrimination entre étrangers et nationaux il a été prévu dans le texte des conventions sur le droit d'auteur que les étrangers sont assimilés aux nationaux lorsqu'ils veulent faire valoir leurs droits dans un pays donné. Une bonne partie des décisions des tribunaux ne posent pas la question du conflit de lois et appliquent tout simplement leur loi nationale, qui leur est plus familière. Si la photographie modifiée ou dont on a rayé le nom de l'auteur est publiée dans un médium traditionnel, tel un journal, il est probable que le juge s'en tienne à sa loi nationale, même si elle est défavorable au photographe. Si la photographie modifiée ou dont le nom de l'auteur a été rayé est rendue accessible sur Internet, il y aurait peut-être place à invoquer une loi plus favorable à l'auteur. En effet, l'oeuvre est rendue disponible simultanément dans tous les pays du monde. Il y a certainement certains parallèles à tracer avec la situation des oeuvres diffusées par satellites qui ont donné lieu à une vague de questionnements au sujet de la loi applicable[20]. On pourrait choisir une variété de lois, soit la loi du tribunal saisi du litige, la loi personnelle du photographe, la loi du pays de la première publication de l'oeuvre et enfin la loi du lieu de l'acte fautif ou du fait dommageable[21].

En prenant une perspective globale, des choix difficiles devront être faits au cours des prochaines années afin de déterminer quelle sera la loi applicable. Pour un photographe, l'intérêt d'une telle question est évident puisque chaque loi protège les droits moraux de manière différente. Certains pays, comme l'Australie, sont en voie de normaliser leur appareil législatif pour se conformer aux prescriptions minimales mais en ce qui concerne les États-Unis, il est peu probable qu'une telle démarche soit entreprise dans un proche avenir. Il apparaît donc qu'à court terme la meilleure solution est d'employer des techniques informatiques qui permettent de contrôler la dissémination d'une oeuvre ou encore de prévoir des obligations contractuelles précises qui obligent l'utilisateur à respecter les droits moraux de l'auteur.

 

III. Le droit à l'image et son impact sur Internet

Avec la vitesse de transmission actuelle du réseau Internet, la photographie et les arts visuels en général sont des candidats idéaux pour être véhiculés à travers le monde. Chaque personne qui possède sa propre page sur Internet crée en quelque sorte son propre médium de communication de masse. Le plein potentiel de ce type de communication n'est pas encore complètement réalisé, mais il demeure que le photographe doit faire d'autant plus attention de respecter le droit des personnes dont les traits sont ainsi reproduits et diffusés.

Le développement de ce qu'on appelle le droit à l'image est à des stades différents à travers le monde. Dans certains pays comme la Grande-Bretagne, le droit à la vie privée et le droit à l'image n'existent pas[22]. Certains abus peuvent être réprimés en employant les catégories traditionnelles de la common law, mais il est parfois difficile de rencontrer les critères de ces recours[23]. On peut parfois aussi se fonder sur les codes et les instances autoréglementaires de certains médias[24]. En France et aux États-Unis, la doctrine et la jurisprudence sont arrivées à des étapes particulièrement avancées du développement du droit à l'image. Les tribunaux français, sous l'appellation du droit à l'image, reconnaissent à toute personne un droit d'interdire toute diffusion non autorisée de ses traits. Les tribunaux américains vont reconnaître ce droit aux personnalités publiques à l'aide du concept du << right of publicity >> et pour les personnes qui n'ont aucune notoriété publique à l'aide du concept de << right of privacy >>. Le << right of publicity >> est le droit d'une personnalité publique[25] de contrôler l'exploitation commerciale de ses traits alors que le << right of privacy >> réfère plutôt au droit d'une personne de conserver l'anonymat. Initialement, on avait défini le << right of publicity >> comme étant l'une des quatre composantes du << right of privacy >>[26] mais on tend de plus en plus à considérer qu'il s'agit d'un droit de propriété autonome au même titre qu'un droit d'auteur[27]. Un auteur lie historiquement cette évolution juridique au développement d'un marché pour l'image de personnalités connues du public pour promouvoir des produits ou services[28].

Lorsque l'image d'une personne est soumise à des manipulations par ordinateur ou autrement, il est possible qu'une simple autorisation d'employer son image soit insuffisante. C'est ce qui a été décidé aux États-Unis, dans le contexte du << right of publicity >> même si la personne photographiée à des fins publicitaires ne s'était pas réservée le droit d'approuver son image avant sa diffusion[29]. Une personne possède aussi le même droit en France de s'opposer à la dénaturation de son image[30].

Le droit québécois suit plutôt le droit français dans son développement. La jurisprudence est malheureusement peu abondante et il faut souvent aller vérifier l'état du droit français pour apporter plus de nuances. Le droit à l'image est défini dans le Code Civil du Québec comme étant une des composantes du droit au respect de la vie privée. Il est prévu que le fait de capter ou utiliser l'image ou la voix d'une personne lorsqu'elle se trouve dans des lieux privés est une atteinte au droit à la vie privée[31]. De plus, le fait d'utiliser le nom, l'image, la ressemblance ou la voix d'une personne à toute fin autre que l'information légitime du public est aussi une atteinte à sa vie privée[32].

On peut donc concevoir qu'au Québec, comme aux États-Unis ou en France, le droit à l'image est un aspect très important de la pratique de la photographie. Est-il pour autant nécessaire d'obtenir le consentement, des personnes apparaissant sur les photographies en toutes circonstances ? Nous verrons qu'il existe certaines limites inhérentes au droit. Soulignons tout d'abord que pour obtenir une condamnation contre un photographe qui s'approprie l'image d'une personne sans son consentement il faut que les traits de cette personne soient reconnaissables[33].

L'application sans réserve du droit à l'image pourrait mettre un frein à la circulation des images dans les médias. Il s'est développé aux États-Unis une défense fondée sur la liberté d'expression prévue dans la constitution américaine. Au Québec, une telle limite est prévue expressément dans la définition du droit à l'image, soit que l'image d'une personne peut être employée librement à des fins d'information légitime du public. On accepte généralement que la diffusion de nouvelles supplante le droit à l'image des personnes impliquées dans cette nouvelle. Les tribunaux hésitent avant de remettre en question le fait qu'un événement en particulier est générateur d'une nouvelle (<< newsworthy >>)[34]. Pour qu'un événement soit générateur d'une nouvelle, il faut qu'il touche l'intérêt public ou qu'il ait une valeur sociale. Il s'agit évidemment de critères très larges qui laissent une généreuse marge de manoeuvre aux médias traditionnels. Internet permet à des individus ou des petits groupes de personnes, moins organisés que les médias traditionnels, de diffuser des informations et des photographies à un public relativement large. Il nous apparaît possible que les tribunaux aient une approche moins généreuse à l'égard de ces nouveaux médias. En effet, on a traditionnellement placé la pouvoir de décider ce qu'est une nouvelle entre les mains d'un groupe restreint de personnes. Une démocratisation de ce processus décisionnel donnera lieu à la diffusion d'un plus grand éventail d'images qui risque d'étendre d'autant l'exception au droit à l'image. Si les tribunaux désirent poser des limites à l'exception dans ce nouveau contexte ils devront faire face à d'importantes difficultés d'analyse puisqu'ils devront articuler un test beaucoup plus précis. Il est à prévoir que les tribunaux québécois auront aussi à se poser ces questions vu l'exception au droit à l'image qu'est << l'information légitime du public >>.

Les photographes qui produisent des images artistiques non destinées à alimenter les médias auront plus de difficulté à faire valoir leur liberté d'expression s'ils n'ont pas pris la peine d'obtenir le consentement de leurs modèles. Aux États-Unis, à tout le moins, on considère que l'expression artistique a moins de poids comparativement au droit d'une personne sur son image[35]. En effet, l'expression artistique touche généralement moins des questions d'intérêt public puisqu'elle se rattache aux sentiments, au vécu ou aux perceptions de l'artiste.

Des questions similaires se posent en France et au Québec mais en des termes non identiques. On oppose généralement au droit à l'image le droit du public à l'information. Les juges doivent arriver à un équilibre entre ces deux droits dans diverses situations. On distingue la situation des personnalités publiques des autres personnes. Les personnalités publiques ont un droit à leur image qui est moins grand dans le cadre de l'exécution de leurs fonctions ou de la participation à des événements publics[36]. L'existence d'une telle limite ne signifie pas qu'il est permis d'employer une photographie d'une personnalité publique prise lors d'un tel événement afin de promouvoir un produit ou un service. Le droit à l'image du simple particulier peut céder devant le droit du public à l'information (ou la liberté d'expression du photographe) lorsqu'il se trouve dans un lieu public ou lorsqu'il est impliqué dans un événement d'actualité. La jurisprudence française considère cependant que le fait de se trouver dans un lieu public n'accorde pas tous les droits au photographe. Ce n'est que lorsque la personne est un accessoire au lieu photographié qu'un consentement n'est pas nécessaire. Si la personne est le sujet principal de la photographie, même dans un lieu public, elle peut s'opposer à l'utilisation de la photographie[37].

Dans tous les pays il est possible de consentir à l'utilisation de son image; évidemment dans certains pays comme la Grande-Bretagne où la protection du droit à l'image est plus faible, la nécessité d'un consentement se fait moins pressante. Un tel consentement peut être en des termes exprès, par exemple par la signature d'une formule d'autorisation, ou implicite, en faisant référence au contexte de la prise de la photographie. Le consentement implicite peut parfois jouer en faveur du photographe, mais les tribunaux ont plutôt tendance à en restreindre la portée lorsqu'il existe. Le simple fait d'accepter de poser devant une caméra ne donnera pas nécessairement au photographe le droit de publier ou de diffuser la photographie et encore moins d'employer la photographie afin de promouvoir un produit ou un service[38]. Si le photographe est un professionnel, le fait d'afficher ses photographies à la vue du public pourra certainement être considéré comme un usage publicitaire. Internet est un moyen assez efficace pour diffuser une photographie et sa portée mondiale nous fait croire d'autant plus qu'une personne qui accepte de poser pour un photographe ne devrait pas être réputée consentir à la diffusion de son image sur Internet. Évidemment, si le contexte de la prise de vue est tel que la personne savait qu'une diffusion par Internet était envisagée il serait peut-être possible d'alléguer qu'il y a eu consentement implicite. Lorsqu'une autorisation écrite est signée par le modèle, il sera aussi préférable de la rédiger avec minutie afin de prévoir les usages spécifiquement envisagés. En effet, les tribunaux sont portés à interpréter toute imprécision dans la portée d'un consentement contre le photographe[39].

Le photographe qui diffuse sans autorisation ni excuse légale les traits d'une personne par Internet pourrait faire face à des dommages importants si son site fait l'objet de visites fréquentes. Les registres d'accès du site en seraient une bonne preuve. En effet, les dommages lors de la publication non autorisée des traits d'une personne sont souvent fonction du nombre d'exemplaires produits, ou en ce qui concerne Internet du nombre de personne qui a pu avoir accès à la photographie[40]. Cette évaluation peut devenir difficile lorsque les photographies sont diffusés dans des groupes de discussion USENET qui sont fondés sur l'échange de messages entre serveurs locaux. La photographie fera le tour du monde d'un serveur à l'autre mais il sera difficile de déterminer le nombre précis d'usagers qui y ont effectivement accédé.

L'utilisation de l'Internet pour diffuser une photographie nous amène, comme en droit d'auteur, à nous questionner sur de la dimension internationale du droit à l'image. Il n'existe aucun consensus mondial sur la portée souhaitable du droit à l'image et les divergences sont encore plus importantes qu'en droit d'auteur. La situation est d'autant plus difficile à résoudre qu'on n'a pas encore tranché quelle est la nature exacte du droit à l'image. On le classifie parfois comme droit de la personnalité et parfois comme droit de propriété[41]. Dans la perspective du droit international ces deux catégories de droits n'ont pas le même traitement. Le droit de la personnalité devrait être régi par le droit du domicile de la personne[42]. Par exemple, le droit à l'image d'un touriste anglais dont la photographie est prise dans le Vieux-Québec et subséquemment employée dans une publicité devrait être défini selon le droit anglais, lieu de son domicile. Si cette même publicité est rendue accessible sur Internet le résultat serait identique. S'il s'agit d'un droit de propriété, on pourrait affirmer, à l'instar du droit d'auteur international, que ce droit sur son image varie d'un pays à l'autre selon les prescriptions de chaque loi nationale[43]. Le touriste anglais pourrait donc invoquer le droit à l'image tel que défini au Québec puisqu'il s'agit du lieu où la photographie a été prise et diffusée. Si la publicité est rendue accessible par Internet à partir d'un serveur situé à Toronto, par exemple, la situation se corse un peu plus. On peut penser à appliquer le droit de l'Ontario puisque le serveur y est situé mais on pourrait peut-être penser aussi au droit anglais puisque l'image est disponible dans ce pays ou au droit québécois parce que la photographie y a été initialement prise et que l'image y est disponible par Internet.

On peut compliquer aussi la situation en soulignant que bien souvent le droit à l'image est invoqué dans le cadre d'une action en responsabilité civile qui est soumise à d'autres règles de droit international privé. En effet, l'obligation de réparer le préjudice causé à autrui est régi par la loi du pays où le fait générateur du préjudice est survenu. Si le préjudice est apparu dans un autre État, la loi de cet État s'applique si l'auteur de la faute devait prévoir que le préjudice s'y manifesterait[44]. Pour Internet, le fait générateur du préjudice serait de rendre accessible l'image par l'intermédiaire d'un serveur. Ce serait donc la loi du pays où est situé le serveur qui déterminerait les conditions auxquelles un individu peut invoquer son droit à l'image. Le droit de tous les pays branchés sur Internet aurait aussi vocation à s'appliquer puisqu'il est notoire qu'afficher une image sur un tel serveur permet à des personnes partout dans le monde de les visualiser. Le préjudice subi par la personne apparaissant sur la photographie est d'avoir été exposé aux regards du public et cette visualisation s'est accomplie dans une multitude de pays.

On conçoit très bien que l'Internet obligera les tribunaux à prendre en considération des aspects internationaux qui ont pu être évités jusqu'à présent. Pour mieux se protéger, le photographe qui désire exploiter ses photographies sur Internet, particulièrement s'il s'agit de photographies prises dans d'autres pays, a tout intérêt à conserver dans son classeur les consentements des personnes qui y apparaissent et à prévoir expressément les utilisations envisagées.

 

IV. La vente de photographies par Internet

Un des aspects intéressants d'Internet, particulièrement avec la venue du World Wide Web, est de permettre la vente de ses photographies à distance. Les photographies sont utilisées dans l'élaboration de nombreuses publications, tant sur support papier que sur support électronique. Il est possible de créer des catalogues électroniques attrayants, qui peuvent être similaires ou non à leurs équivalents sur papier, et des outils de recherche qui facilitent la tâche des concepteur. À l'heure actuelle il est techniquement possible d'effectuer des paiements électroniques ou d'envoyer des informations financières de manière confidentielle sur Internet. Un risque qui doit être géré est le risque de reproduction non contrôlée des images électroniques. Il est faux de croire qu'un tel risque n'existe pas à l'heure actuelle. Les personnes qui exploitent des banques d'images doivent généralement faire circuler des catalogues comportant des reproductions des oeuvres figurant à leur répertoire. Les raffinements technologiques des lecteurs optiques, ou scanners, font en sorte que des reproductions illicites pourraient être faites à partir des images du catalogue. Il ne s'agira pas de reproductions à haute résolution, mais cela n'empêche pas que des actes de piratage soient possibles. Il arrive cependant que des images ayant des caractéristiques bien précises soient recherchées et dès lors que le recours au catalogue ne soit pas strictement nécessaire, évitant ainsi la possibilité de piratage.

Sur Internet, on pourrait envisager la présentation d'un catalogue comportant des reproductions à basse résolution, ce qui permettrait aux utilisateurs de bien visualiser à l'écran l'image pour décider si elle convient, tout en limitant les possibilités de l'exploiter sur papier[45]. Pour plus de sécurité, il serait possible d'exiger que l'usager s'abonne à la banque de donnée (avec des frais minimes ou nuls) avant de pouvoir visualiser les images. Cela permettrait de connaître l'identité des personnes qui se servent du catalogue en cas de litige. De plus, le contrat cadre signé lors de l'abonnement pourrait prévoir les modalités des transactions électroniques y compris le traitement automatisé de l'ensemble ou d'une partie des commandes. Pour bénéficier de la portée mondiale de l'Internet il serait sans doute préférable de conclure ce contrat cadre par voie électronique plutôt que sur papier. Il faut cependant que les photographes qui entendent vendre leurs oeuvres par Internet prennent bien soin de respecter les exigences de la loi quant aux contrats électroniques. La validité du contrat entre le photographe, ou son agence, et l'usager revêt une grande importance puisque l'usager obtient la possession d'une copie numérisée de la photographie à haute résolution qui peut être reproduite à l'infini sans perdre de sa qualité. Il faut donc veiller à ce les restrictions apportées à son utilisation prévues par le contrat soient valides et puissent être invoquées devant les tribunaux au besoin.

Ce sont des règles de preuve qui pourraient empêcher un photographe d'invoquer les restrictions prévues au contrat. La plupart des systèmes juridiques ont traditionnellement considéré que l'écrit était la forme de preuve des contrats qui devait être privilégiée. Il est bien évident que cela pose de sérieux problèmes aux personnes qui désirent faire des transactions commerciales sur Internet. Comme il s'agit d'un univers entièrement électronique aucun écrit n'est produit au cours de la transactions. Ce sont des messages sous forme informatisée qui seront échangées entre le photographe et ses clients pour créer le contrat cadre et ensuite pour obtenir le droit de reproduire des photographies. Vu les risques de modification, les tribunaux de plusieurs pays entreprennent un examen de la fiabilité des documents informatisés qui leur sont soumis avant qu'ils ne soient admis. La fiabilité du document informatisé présenté sera encore scrutée une fois devant le tribunal afin de déterminer quel poids il devra lui être accordé. Si le ou les documents informatisés qui représentent le contrat ne peuvent être produits devant le juge, il sera impossible de prouver le contrat ou encore il devra y avoir preuve à l'aide d'autres moyens, comme un témoignage. Si l'abonnement à la banque de photographies a été fait de manière automatisée, aucune personne humaine ne sera disponible pour rendre témoignage. Outre la protection par un contrat cadre, plusieurs compagnies développent des manières de disséminer des produits protégés par le droit d'auteur en faisant payer les usager selon l'usage qu'ils en font[46]. Certaines de ces solutions sont liées à la technologie du Cd-ROM (CD-MAX, Infosafe), d'autres ne le sont pas mais nécessite l'achat d'équipement particulier par l'usager (Spyrus, Wave Systems Corporation) alors qu'une troisième catégorie ne nécessite l'achat d'aucun équipement de la part de l'usager (Electronic Publishing Resources). Ces solutions pourraient permettre au photographe ou à l'agence de déléguer à un organisme de gestion collective la perception des paiements.

Au Québec, pour qu'un document informatisé reproduisant le contenu d'un contrat puisse être présenté au juge, il faut qu'il soit intelligible et qu'il présente des garanties suffisamment continues pour qu'on puisse s'y fier[47]. C'est généralement le témoignage de la personne responsable du système informatique qui servira à apporter cette preuve[48]. Afin de faciliter cette preuve de fiabilité, la loi prévoit des présomptions dans deux situations.

Des garanties suffisantes de fiabilité sont présumées exister lorsque l'inscription des données est faite systématiquement et sans lacunes et qu'il existe une protection contre les altérations[49]. Pour faciliter la preuve de ses transactions de cette manière, il faudrait que le photographe ou l'agence s'astreigne à une discipline afin d'effectuer l'archivage des messages de manière systématique. À tout le moins, il faudrait que ce soit fait pour toutes les communications qui donnent lieu à un abonnement. Des moyens informatiques doivent aussi être pris afin de mettre en oeuvre une protection contre les altérations. On peut penser à cet égard à l'archivage sur un disque optique de type WORM (" Write Once Read Many ").

La deuxième situation où il existe une présomption de fiabilité est lorsque la personne invoquant le document exploite une entreprise. La personne qui exploite une agence pourra certainement être considérée comme exploitant une entreprise, et il importe peu à cet égard que cette personne soit une association, une société de personne ou une personne seule. Le photographe peut être considéré comme exploitant une entreprise si ses activités sont suffisamment suivie pour constituer une activité économique organisée[50]. S'il vend plusieurs oeuvres et qu'il exerce ses activités sur une base le moindrement régulière, cela suffirait à lui accorder la qualification d'entreprise et lui faire bénéficier du régime plus favorable.

Il ne s'agit dans ces deux cas que de présomptions : celle-ci peut être renversée par une preuve contraire de l'autre partie. Si l'autre partie arrive à démontrer que les registres n'étaient pas protégés contre les altérations, par exemple, et réussi par ce moyen à susciter suffisamment de doutes qu'ils puissent avoir été modifiés, compte tenu des circonstances, elle pourra s'opposer avec succès à leur production. Il faudra que le photographe ou l'agence explore les procédures administratives et les moyens techniques qui pourraient être les plus susceptibles de protéger le contenu des documents informatisés en fonction de son budget.

Les communications électroniques par Internet peuvent poser certaines difficultés quant à l'identification de l'acheteur. En effet, votre cocontractant pourrait essayer d'invoquer qu'il n'a jamais envoyé le message qui a permis de former un contrat ou que le contenu de son message a été modifié en cours de route. Une solution à ce type de problème qui est envisagée à plusieurs endroits dans le monde est d'employer des signatures électroniques. Une signature électronique peut être générée à l'aide de la cryptographie asymétrique. La cryptographie asymétrique permet de chiffrer un message à l'aide d'un code de sorte qu'il ne puisse être déchiffré que par un autre code. La teneur de l'un de ces codes est gardée secrète (il s'agit alors de la clé privée) et l'autre est diffusée auprès du public (la clé publique). Comme chaque clé privée est propre à une personne, il est possible de vérifier que le message provient bien d'elle en le déchiffrant avec sa clé publique. Si le message est intelligible et conforme après cette opération, il est certain qu'il a été chiffré à l'aide de la clé privée. Afin d'obtenir la certitude complète de l'identité de cette personne on envisage de créer des autorités de certification qui attesteront qu'une clé publique donnée lui appartient. Ces autorités, qui opéreront généralement en vertu d'un permis gouvernemental, n'accepteront de certifier une clé publique que sur présentation de pièces d'identité valides. Ce système de certification n'est pas encore très développé. C'est cependant un développement à suivre au cours des prochains mois et années. Il s'agira d'un excellent moyen de s'assurer de l'identité d'une personne sur un réseau aussi vaste qu'Internet.

En raison de la portée internationale d'Internet il faut nous demander s'il est suffisant de ne prendre en considération que les règles québécoises. De façon générale la réponse est négative. Il est possible, particulièrement surtout si un litige est soumis à un tribunal étranger, que les règles de preuve informatisée d'un autre pays s'appliquent. Ces exigences peuvent être plus ou moins sévères et il n'existe pas de règle uniforme à cet égard. Pour une plus grande sécurité, il faudra que le contrat de vente prévoie que le droit québécois est applicable et que seul un tribunal québécois pourra entendre les litiges entre les parties. Les règles du Code civil prévoient en effet que le droit prévu par les parties réglera les questions de preuve[51]. Si un droit étranger s'applique au contrat et que le litige est porté devant un tribunal québécois, les parties pourront toujours recourir aux règles de preuve québécoise si elles sont plus favorables aux documents informatisés[52].

 

V. Conclusion

Nous avons abordé trois questions qui doivent être considérées avant de se lancer sur Internet. Il s'agit d'un moyen de communication particulièrement intéressant pour le photographe puisque l'image franchit aisément les barrières linguistiques et peut ainsi réussir à trouver un marché international. En prenant certaines précautions juridiques il est possible d'exploiter avec autant de sécurité des oeuvres photographiques que dans le contexte physique actuel.

 

Lex    Electronica     Volume 3, numéro 1 ( hiver 1997 ) 


Notes

[1] Adolf DIETZ, << The Moral Right of the Author : Moral Rights and the Civil Law Countries >> (1995) 19 Columbia-VLA Journal of Law & the Arts 199, 203-206.

[2] L.R.C. (1985) c. C-42.

3Id.

[4]Loi sur le droit d'auteur, L.R.C. (1985) c. C-42, art. 28.2(1).

[5]Snow c. The Eaton Centre Ltd., (1982) 70 C.P.R. (2d) 105 (H.C. Ont.).

[6]Loi sur le droit d'auteur, L.R.C. (1985) c. C-42, art. 28.2(1) in fine.

[7] R.D. GIBBENS, << The Moral Rights of Artists and the Copyright Act Amendments >> (1989) 15 Can. Bus. L.J. 441, 465-466.

[8] Normand TAMARO,Loi sur le droit d'auteur, texte annoté, 3e éd., Scarborough, Carswell, 1995, pp. 301-302.

[9] Pour plus de détails, voir l'analyse de droit comparée suivante : Ysolde GENDREAU, << La protection des photographies en droit d'auteur français, américain, britannique et canadien >>, Paris, LGDJ., 1994, pp. 172-209.

[10]Id., pp. 187-189.

[11]Id., pp. 199-201.

[12] A. LUCAS, H.-J. LUCAS, Traité de la propriété littéraire et artistique, Paris, Litec, 1994, pp. 345-346.

[13] Adolf DIETZ, << Les États-Unis et le droit moral : idiosyncrasie ou rapprochement : Observations à propos d'une problématique révélée par l'adhésion des États-Unis à la Convention de Berne >> (1989) 142 RIDA 199.

[14] Gerald DWORKIN, << The Moral Right of the Author : Moral Rights and the Common Law Countries >> (1995) 19 Columbia-VLA Journal of Law & the Arts 229, 236; Dane S. CIOLINO, << Moral Rights and Real Obligations : A Property-Law Framework fo the Protection of Author's Moral Rights >> (1995) 69 Tulane Law Review 935, 952-956.

[15] Gerald DWORKIN, << The Moral Right of the Author : Moral Rights and the Common Law Countries >> (1995) 19 Columbia-VLA Journal of Law & the Arts 229, 259-260.

[16]Gilliam c. American Broadcasting Co., 538 F.2d 14 (2d Cir. 1976); Voir : Christopher R. HARRIS, << Manipulation of Photographs and the Lanham Act >> (1994) Communications and the Law 3:29.

[17] Dane S. CIOLINO, << Moral Rights and Real Obligations : A Property-Law Framework fo the Protection of Author's Moral Rights >> (1995) 69 Tulane Law Review 935, 950.

[18] Par exemple, voir : Edison c. Viva International Ltd., 421 N.Y.S.2d 203 (Sup. Ct 1979).

[19] Art. 3148 al. 1 par. 3 C.c.Q.

[20] A. LUCAS, H.-J. LUCAS, Traité de la propriété littéraire et artistique, Paris, Litec, 1994, pp. 768-774.

[21] A. LUCAS, H.-J. LUCAS, Traité de la propriété littéraire et artistique, Paris, Litec, 1994, pp. 793-809; Jane C. GINSBURG, << Global Use/Territorial Rights : Private International Law Questions of the Global Information Infrastructure >> (1995) 42 Journal of the Copyright Society of the USA 318, 330 et suiv.

[22] Louise POTVIN, La personne et la protection de son image : Étude comparée des droits québécois, français et de la common law anglaise, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 1991, pp. 65-76; Ysolde GENDREAU, La protection des photographies en droit d'auteur français, américain, britannique et canadien, Paris, LGDJ, 1994, p. 293; Brad SHERMAN, Felicity KANAGAS, << The Protection of Personality and Image : An Opportunity Lost >>, (1991) 13 E.I.P.R. 340, 343 : << [...] The failure of English law is that it has not even acknowledged the changing nature of the use of image or personality and the problems that can give rise to. There have been no attempts to examine, in any reflective sense, a number of fundamental questions. Little consideration has been given to whether or not the image should be protected at all and, if so, what form that protection should take : should it be in the form of a personality right, a property right, a tort or a much narrower law which governs the trading or dealing in the image as a commodity ? It will be necessary to assess the appropriateness of a traditional legal concepts as well as the existing legal tools in this area. [...] >>.

[23] Louise POTVIN, La personne et la protection de son image : Étude comparée des droits québécois, français et de la common law anglaise, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 1991, pp. 95-113.

[24] Louise POTVIN, La personne et la protection de son image : Étude comparée des droits québécois, français et de la common law anglaise, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 1991, pp. 117-132; Ralph BEDDARD, << Photographs and the Rights of the Individual >> (1995) 58 M.L.R. 771, 773-774.

[25] Il faut noter au passage que deux juridictions américaines, les tribunaux de l'État de la Californie et la Cour d'appel du 9e circuit, accordent à des individus qui ne sont pas déjà célèbres un << right of publicity >> si leur image fait l'objet d'une exploitation commerciale : voir, Bridgette Marie DE GYARFAS, << Right of Publicity v. Fiction Based Art : Which Deserves More Protection ? >> (1995) 15 Loyola of Los Angeles Ent.L.J. 381, 384; Schuyler M. MOORE, << The Right to be Left Alone : Integration of the Four Publication-Based Tort Actions >> (1994) 14 Loyola of Los Angeles Ent. L.J. 405.

[26] William L. PROSSER, << Privacy >> (1960) 48 Cal.

[27] J. Thomas McCARTHY, << The Human Personae as Commercial Property >> (1995) 19 Columbia-VLA Journal of Law & the Arts 129, 134; W. VAN CAENEGEM, << Different Approaches to the Protection of Celebrities againt Unauthorised Use of their Image in Advertising in Australia, the United States and the Federal Republic of Germany >> (1990) 12 E.I.P.R. 452, 454; James M. LEFT, << Not Just Another Pretty Face : Providing Full Protection Under the Right of Publicity >> (1994) 11 Miami Ent. & Sports L.R. 321, 325-326.

[28] Voir : George M. ARMSTRONG Jr, << The Reification of Celebrity : Persona as Property >> (1991) 51 Louisiana Law Rev. 443.

[29]Russel c. Marboro Books, 183 N.Y.S.2d 8 (1959); Voir : Lisa BYRNE ANASTASIO POTTER, << Altered Realities : The Effect of Digital Imaging Technology on Libel and Right of Privacy >> (1995) 17 Hastings Comm/Ent L.J. 495, 508-509; Jon Lawrence DARTLEY, << Lost Horizons ? : Tortious and Philosophical Implications of Computer Imaging >> (1993) 19 Rutgers Computer & Tech. L.J. 199, 208-209

[30] Louise POTVIN, La personne et la protection de son image. Étude Comparée des droits québécois, français et de la common law anglaise, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 1991, pp. 194-198.

[31] Art. 36 al. 1 par. 3 C.c.Q.

[32] Art. 36 al. 1 par. 5 C.c.Q.

[33] Louise POTVIN, La personne et la protection de son image. Étude comparée des droits québécois, français et de la common law anglaise, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 1991, pp. 257-264.

[34] Bridgette Marie DE GYARFAS, << Right of publicity v. Fiction-Based Art : Which Deserves More Protection ? >> (1995) 15 Loyola of Los Angeles Ent. L.J. 381, 390-396; James M. LEFT, << Not Just Another Pretty Face : Providing Full Protection Under the Right of Publicity >> (1994) 11 Miami Ent. & Sports L.R. 321, 364-369; H. Lee HETHERINGTON, << Direct Commercial Exploitation of Identity : A New Age for the Right of Publicity >> (1992) 17 Columbia-VLA Journal of Law & the Arts 1, 21-22; Alison SACHS, << It's Up to You, New York -- It's Time for a Statutory Right of Publicity >> (1995) 20 Columbia-VLA Journal of Law & the Arts 59, 64-65; Schuyler M. MOORE, << The Right to be Left Alone : Integration of the Four Publication-Based Tort Actions >> (1994) 14 Loyola of Los Angeles Ent. L.J. 405, 415-416; Alisa M. WEISMAN, << Publicity as an Aspect of Privacy and Personal Autonomy >> (1982) 55 Southern California L.R. 727, 740-744.

[35] Voir : Bridgette Marie DE GYARFAS, << Right of publicity v. Fiction-Based Art : Which Deserves More Protection ? >> (1995) 15 Loyola of Los Angeles Ent. L.J. 381, 399-412; Amiel B. WEISFOGEL, << Fine Art's Uncertain Protection : The New York Right of Privacy Statute and the First Amendment >> (1995) 20 Columbia-VLA Journal of Law & the Arts 91.

[36] Louise POTVIN, La personne et la protection de son image. Étude comparée des droits québécois, français et de la common law anglaise, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 1991, pp. 396 et suiv.

[37] On trouve une belle illustration de ce principe en droit québecois dans une décision récente de la Cour d'appel du Québec: Éditions Vice-Versa Inc. c. Aubry [1996] R.J.Q. 2137 (C.A.)

[38] Notons au passage qu'en droit canadien, la personne qui commande un portrait à un photographe est automatiquement titulaire des droits d'auteur sur la photographie : Loi sur le droit d'auteur, L.R.C. (1985) c. C-42. Le photographe qui s'aviserait d'employer la photographie de cette personne sans son consentement porte atteinte au droit d'auteur de cette personne en plus de porter atteinte à son droit à l'image.

[39] Louise POTVIN, La personne et la protection de son image. Étude comparée des droits québécois, français et de la common law anglaise, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 1991, pp. 430-431.

[40] Louise POTVIN, La personne et la protection de son image. Étude comparée des droits québécois, françâis et de la common law anglaise, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 1991, pp. 303-304.

[41] Louise POTVIN, La personne et la protection de son image. Étude comparée des droits québécois, françâis et de la common law anglaise, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 1991, pp. 27-58.

[42] Art. 3083 C.c.Q.

[43] En effet, les droits réels sont régis par la loi du lieu de la situation du bien qui en fait l'objet : art. 3097 C.c.Q. Le bien qui en fait l'objet est incorporel et on pourrait affirmer qu'il existe dans tout lieu où l'image est utilisée.

[44] Art. 3126 C.c.Q.

[45] Au sujet des systèmes de distribution d'images numérisées : Jonathan A. FRANKLIN, << Digital Image Reproduction, Distribution and Protection : Legal Remedies and Industrywide Alternatives >> (1994) 10 Computer & High Technology L.J. 347.

[46] Voir : Robert WEBER (Northeast Consulting Resources Inc.), Digital Rights Management Technology, Report prepared fro Joseph S. Alen, Chairman, Committee on New Technologies, International Federation of Reproduction Rights Organization, Octobre 1995.

[47] Art. 2837 C.c.Q.

[48] Pierre TRUDEL, Guy LEFEBVRE, Serge PARISIEN, La preuve et la signature dans l'échange de documents informatisés au Québec, Québec, Les publications du Québec, 1993, p. 25.

[49] Art. 2838 C.c.Q.

[50] Art. 1525 C.c.Q.

[51] Art. 3130 C.c.Q.

[52]Id.


© copyright 1995-2008 Lex Electronica Tous droits réservés / All Rights Reserved ISSN 1480-1787