Lex Electronica

Revue électronique du Centre de recherche en droit public

Analyse de la politique et des règles de procédure d’I.C.A.N.N. relatives au règlement des conflits entre les titulaires de marques de commerce et les détenteurs de noms de domaine.

Conciliation entre les droits et intérêts des détenteurs de marques de commerce et ceux des internautes

Fabienne CANDÉAGO[*]

Lex Electronica, vol. 9, n°1, Hiver 2004

<http://www.lex-electronica.org/articles/v9-1/candeago.htm>



Synopsis

Domain name registrations, based on a « first come, first serve » logic, have been subject to « cyber squatters » rushing to register trademarks as domain names. The Uniform domain name Dispute Resolution Policy (U.D.R.P.) is an international procedure aimed at targeting such practices and resolving resulting conflicts.

The U.D.R.P. procedure is designed to be quick, efficient and simple. Even if the trademark owner’s burden of proof can seem heavy, the procedure’s analysis reveals that domain name owners do not enjoy a just and equitable dispute resolution, notably because of short delays, the absence of internal remedies in case of default and the obligation to appeal in a court of law. In addition, the U.D.R.P. procedure does not offer any deterring affect against trademark owners who try to take control over a legitimately registered domain name.

A study of the U.D.R.P. procedure decisions reveals a favorable prejudice towards trademark owners and a larger market share for approved dispute-resolution service providers who are generally more sympathetic to trade mark owners. Although a variety of arguments are put forward to explain this phenomenon, studies show that the procedure must simply be reformed.

The reform should be aimed at two elements: firstly, modification of the selection process of the approved dispute-resolution service provider as well as modification of the selection of its commissioners; secondly, reform of delays, procedure language and Reverse Domain Name Hijacking practices by trade mark owners.

Résumé

L’enregistrement de noms de domaine, basé sur la règle du « premier arrivé, premier servi », n’a pas échappé à des personnes peu scrupuleuses qui se sont empressées d’enregistrer comme noms de domaine des marques de commerce, phénomène connu sous le nom de « cybersquattage ». L’U.D.R.P. (Uniform domain name Dispute Resolution Policy) est une procédure internationale qui a été adoptée pour régler les différends relatifs à cette pratique.

La procédure de l’U.D.R.P. est conçue pour être rapide, efficace et simple. Même si le fardeau de preuve reposant sur le titulaire de marque de commerce peut sembler lourd, l’analyse de la procédure démontre qu’elle n’offre pas aux détenteurs de noms de domaine un procès juste et équitable, notamment en raison des délais très courts, de l’absence de voies de recours internes en cas de défaut et de l’obligation de saisir les tribunaux de droit commun. La procédure de l’U.D.R.P. ne présente aussi aucun caractère dissuasif envers les titulaires de marques qui tenteraient de s’approprier un nom de domaine enregistré dans des conditions légitimes.

Une étude des décisions issues de la Procédure U.D.R.P. révèle qu’il existe un déséquilibre flagrant en faveur des titulaires de marques de commerces; les organismes accrédités se taillant la plus grande part du marché sont ceux dont les décisions sont généralement plus favorables aux titulaires de marques. Une variété d’arguments sont avancés pour expliquer ces résultats mais les études démontrent que la Procédure U.D.R.P. doit faire l’objet de réformes.

La réforme devrait comprendre deux volets : premièrement, la modification du mode de désignation des organismes accrédités chargés d’administrer la Procédure U.D.R.P. ainsi que la modification du processus de sélection des commissaires; deuxièmement, une réforme relative aux délais, à la langue des procédures et au phénomène des procédures abusives intentées par des détenteurs de marques de commerce à l?égard d’enregistrements légitimes.



Introduction

I. La Procédure U.D.R.P., un outil permettant de concilier les droits et intérêts des titulaires de marques de commerce et ceux des détenteurs de noms de domaine?

A. La Procédure U.R.D.P.: des mécanismes adoptés dans le but de régler les conflits entre les titulaires de marques de commerce et les détenteurs de noms de domaine

1. Une procédure obligatoire, placée sous le signe de la rapidité et de l’efficacité

2. Le déroulement de la Procédure U.D.R.P.

B. Les rédacteurs de la Procédure U.D.R.P. ont-ils cherché à trouver un équilibre entre les droits et intérêts des titulaires de marques de commerce et ceux des détenteurs de noms de domaine?

1. L’imposition du fardeau de la preuve aux titulaires de marques de commerce

2. Les atteintes aux droits des détenteurs de noms de domaine ou les obstacles à l’obtebtion de décision justes et équitables

II. La mise en œuvre de la Procédure U.D.R.P. ou la preuve de l’existence d’un déséquilibre flagrant des titualires de marques de commerce

A. Le déséquilibre créé par la Procédure U.D.R.P. en faveur des titulaires de marques de commerce

1. Les données établissant l’existence d’un déséquilibre favorable aux titulaires de marques de commerce lors de la mise en œuvre de la Procédure U.D.R.P.

2. Les causes de ce déséquilibre

B. Les modifications à apporter à la Procédure U.D.R.P.

1. Les réformes qui devraient permettre d’atténuer ou de faire disparaître le «forum shopping»: la révision des disposition de la Procédure U.D.R.P.

2. Comment faire en sorte que la Procédure U.D.R.P. devienne garante d’un règlement équitable des litiges?

Conclusion



Is the UDRP "law"? Well, we could have an interesting philosophical discussion about that – "what is law?" and all that. But I'll save that for the classroom and the scholarly journals. If it walks like a duck and quacks like a duck, it's a duck (even if it has a sign around its neck that says "I'm a dog"). The UDRP walks and quacks like law. It sets out a rule for deciding between competing claims to possession of particular resources. It sets up a process to apply that rule on a case-by-case basis.

David G. Post[1]

INTRODUCTION

1. C’est à Charles Morgan que nous empruntons la définition que voici :

Internet est un vaste regroupement de réseaux d’ordinateurs qui échangent de l’information par le biais d’une suite de protocoles de réseaux appelés TCP/IP. Le protocole de contrôle de transmission (Transmission Control Protocol, « TCP ») et le protocole Internet (Internet Protocol, « IP ») permettent à différents types d’ordinateurs de communiquer entre eux. Tous les hôtes ou serveurs branchés sur Internet ont une adresse IP qui facilite la transmission de l’information sur le réseau informatique.[2]

2. Sur le plan de la technique, on atteint un site Internet grâce à son adresse numérique, laquelle consiste en une suite de quatre nombres séparés par des points. L’accès au site Internet se fait en fournissant l’adresse IP au logiciel de navigation. Cependant, comme ce type de repérage n’est ni commode ni agréable, on a recours de façon courante à l’emploi d’un nom de domaine. On peut substituer un ou plusieurs noms de domaine à l’adresse IP. L’internaute qui souhaite visiter un site Internet va donc faire entrer le nom de domaine de ce site dans son logiciel de navigation plutôt que d’y introduire la suite de quatre nombres. Le Système de nom par domaine (Domain Name Server, « DNS ») effectuera le lien entre le nom de domaine et l’adresse IP du site Internet en convertissant le premier en adresse numérique IP.

3. Un nom de domaine, « abc.com » par exemple, comporte deux parties. Le suffixe – « .com » en l’espèce – est le premier élément à considérer. Le suffixe indique dans quel domaine le site Internet qu’on veut atteindre se situe, et il identifie ce que l’on appelle le premier niveau de noms de domaine (Top Level Domain, « TLD »). Il existe deux grandes catégories de domaines. La première est constituée par les domaines dits « génériques de premier niveau » (Generic Top Level Domains, « gTLD ») qui sont identifiés par les suffixes « .com », « .org », « .net », « .edu », « .int », « .mil », « .aero », « .biz », « .coop », « .info », « .museum », « .name » et « .pro ». Seuls les suffixes « .com », « .org », « .net », « .edu », « .int », « .mil », « .biz », « .coop », « .info », « .museum », « .name » et « .pro ». sont opérationnels en ce moment. Ces noms de domaine sont gérés par une société d’intérêt public sans but lucratif constituée conformément au droit de l’État de la Californie : c’est l’Internet Corporation for Assigned Names and Numbers[3].

4. La deuxième catégorie de noms de domaines est constituée de noms dits « nationaux » : ce sont les noms de domaine à code pays (Country Code Top Level Domain, « ccTLD »). Les suffixes qui y apparaissent sont de la compétence des autorités d’enregistrement nationales : le domaine « .ca » par exemple est géré par un organisme canadien, à savoir l’Autorité canadienne pour les enregistrements Internet[4].

5. L’autre partie du nom de domaine – en l’espèce, « abc » – est choisie par la personne qui enregistre ce nom de domaine; on l’appelle « deuxième niveau de domaine » (Second Level Domain, « SLD »). Règle générale, cette partie du nom de domaine, qui doit être distinctive, correspond au nom de l’entreprise de la personne qui l’enregistre ou bien au nom de l’un des produits fabriqués par cette entreprise.

6. Le nom de domaine est donc, pour reprendre la définition de Pierre Trudel, « une série de lettres permettant d’identifier un site ou la source des informations qui sont rendues accessibles sur les inforoutes »[5].

7. Au cours des années 90, le nom de domaine est devenu bien plus qu’une simple « série de lettres »[6]. Comme le souligne Charles Morgan, « [s]on utilisation a commencé à prendre de l’essor en 1991 au moment de la création du « World Wide Web » et a connu une croissance exponentielle vers la fin des années 90. La vente du seul nom de domaine business.com, en décembre 1999 pour 7,5 millions de dollars américains a confirmé l’importance économique et stratégique d’un nom de domaine attirant. »[7] Le nom de domaine est devenu synonyme ou garant de profits et a ainsi acquis une valeur spéculative certaine.

8. Milton Mueller propose plusieurs explications de ce phénomène[8]. Ainsi, la valeur donnée aux noms de domaine « .com » tenait d’abord selon lui au fait que ces noms étaient considérés comme des mots-clés permettant d’accéder à n’importe quel site Internet. La plupart des internautes parvenaient aux sites qu’ils cherchaient en ajoutant simplement « .com » à n’importe quel mot. Cette pratique était d’ailleurs renforcée par le fait que les moteurs de recherche étaient beaucoup moins performants à l’origine qu’ils ne le sont aujourd’hui. La plupart des enregistrements se faisaient sous « .com », et on enregistrait peu de noms de domaine. Au mois de décembre 1996, l’enregistrement des noms de domaine se faisait sous « .com » dans une proportion de 88.6 % aux États-Unis[9] et de plus de 75 % à l’échelle mondiale[10].

9. Par ailleurs, la procédure retenue pour l’enregistrement des noms de domaine a contribué à accroître leur valeur économique. Cet enregistrement se fait selon la règle du « premier arrivé, premier servi ». Cela signifie que n’importe qui peut enregistrer n’importe quel nom de domaine dès lors que ce dernier n’a pas déjà été enregistré. Bien entendu, des gens peu scrupuleux ont tout de suite vu la brèche qu’ouvrait cette règle du « premier arrivé, premier servi » : dans le seul but de les monayer ensuite auprès des personnes ou des entreprises concernées, ils se sont empressés d’enregistrer comme noms de domaine des marques de commerce ou des noms de personnes. Ce procédé est connu sous le nom de « cybersquattage ».

10. Et ce n’est pas tout : on a même enregistré des noms de domaine mal orthographiés, « microsof.com » par exemple, de façon à attirer une clientèle désirant en fait atteindre le site qu’on tentait de rendre victime de l’escroquerie. C’est le « typosquattage ».

11. Milton Mueller fait toutefois observer à ce propos que les titulaires de marques de commerce ont eux-mêmes contribué au développement de ces procédés douteux et qu’ils ont « jeté de l’huile sur le feu » pour reprendre son expression[11]. En effet, note-t-il, certains titulaires de marques de commerce se sont mis à procéder à des enregistrements massifs à caractère défensif et d’autres ont intenté des procédures abusives à l’encontre de détenteurs de noms de domaine qui avaient enregistré ceux-ci dans des conditions parfaitement légitimes. Ce comportement est connu sous le nom de Reverse Domain Name Hijacking. L’apparition de telles pratiques a eu l’effet d’« un pavé dans la marque »[12]. Les titulaires de marques de commerce auront désormais une préoccupation de plus : protéger celles-ci.

12. En octobre 1996, l’Internet Assigned Number Authority[13] a réagi. Cet organisme établit et applique les normes relatives aux adresses Internet. Avec le concours d’une organisation non gouvernementale, The Internet Society, l’I.A.N.A. a créé l’International Ad Hoc Committee[14]. Il s’agit d’un comité composé de gestionnaires du DNS et de membres d’associations de défense des titulaires de droits de propriété intellectuelle. Ce nouveau comité (l’I.A.H.C.) devait d’abord chercher un moyen de résoudre les conflits liés à l’enregistrement des noms de domaine. Au mois de février 1997, il a déposé un rapport intitulé Generic Top Level Domain Memorandum of Understanding[15]. Les conclusions de ce rappport furent vivement critiquées parce qu’elles tendaient trop à protéger surtout les titulaires de marques de commerce. Aussi, après avoir mis sur pied un processus de consultation ouvert à toutes les personnes désireuses d’exprimer des opinions ou de faire valoir des droits en cette matière, le gouvernement américain a finalement publié le 5 juin 1998 un Livre blanc où se trouvait sa déclaration de politique sur la gestion des noms et des adresses Internet. On y proposait notamment d’entreprendre, sous l’égide de l’Office mondial de la propriété intellectuelle[16], une vaste consultation relative aux questions que soulève l’enregistrement des noms de domaine. Les États membres de l’O.M.P.I. ayant approuvé cette proposition, la consultation s’est déroulée de juillet 1998 à avril 1999; le rapport de l’O.M.P.I. fut déposé dès le 30 avril 1999[17]. Un des chapitres de ce rapport est consacré aux mécanismes de règlement des conflits et à l’éventuelle mise en place d’une procédure internationale de règlement des différends liés au cybersquattage. Or, c’est précisément en s’appuyant sur les recommandations de ce rapport que l’I.C.A.N.N. a adopté, le 24 octobre 1999, l’Uniform domain name Dispute Resolution Policy[18] et les Rules for Uniform Domain Name Dispute Resolution Policy[19].

13. La Procédure arrêtée en vertu des Principes directeurs U.D.R.P. et des Règles d’application U.D.R.P.[20] est entrée en vigueur le 1er décembre 1999, date à laquelle l’I.C.A.N.N. a agréé l’O.M.P.I.[21] comme organisme habilité à connaître des litiges en matière d’enregistrement de noms de domaine. En ce moment, quatre organismes sont ainsi reconnus par l’I.C.A.N.N.; ce sont, outre l’O.M.P.I., le National Arbitration Forum[22] (le 23 décembre 1999), le C.P.R. Institute for Dispute Resolution[23] (le 22 mai 2000) et enfin le Asian Domain Name Dispute Resolution Center[24] (le 28 février 2002). Il est à noter que le 1er janvier 2000, l’I.C.A.N.N. a reconnu aussi le eResolution[25], mais ce dernier organisme a cessé toute activité le 30 novembre 2001. Chacun des organismes ainsi accrédités a adopté des Règles supplémentaires[26] qui lui sont propres.

14. Or, il se trouve que l’examen de la Procédure U.D.R.P. fait naître un doute quant à la volonté réelle de ses rédacteurs de concilier les droits et intérêts des titulaires de marques de commerce et ceux des détenteurs de noms de domaine (I). La pertinence des questions que l’on peut se poser à cet égard est renforcée au vu de la mise en œuvre de cette Procédure: les décisions rendues sous son empire révèlent un déséquilibre marqué en faveur des titulaires de marques de commerce, mais la situation n’est pas sans remèdes croyons-nous (II).

I. La Procédure U.D.R.P., un outil permettant de concilier les droits et intérêts des titulaires de marques de commerce et ceux des détenteurs de noms de domaine?

15. C’est à partir des Principes directeurs U.R.D.P. et des Règles d’application U.R.D.P. adoptés en octobre 1999 par l’I.C.A.N.N. que cet organisme a mis au point la Procédure U.D.R.P. Celle-ci met de l’avant un certain nombre de mécanismes destinés à assurer le règlement d’éventuels litiges entre les titulaires de marques de commerce et les détenteurs de noms de domaine (A). L’examen de ces mécanismes fait craindre cependant qu’un déséquilibre surgisse entre les droits et intérêts des titulaires de marques de commerce et ceux des détenteurs de noms de domaine (B).

A. La Procédure U.D.R.P. : des mécanismes adoptés dans le but régler les conflits entre les titulaires de marques de commerce et les détenteurs de noms de domaine

16. La Procédure U.D.R.P. est une procédure obligatoire placée sous le signe de la rapidité et de l’efficacité (1) et dont le déroulement est extrêmement simple (2).

1) Une procédure obligatoire, placée sous le signe de la rapidité et de l’efficacité

17. La mise en œuvre de la Procédure U.D.R.P. est obligatoire puisque la liste des conditions générales d’enregistrement des noms de domaine de type générique de premier niveau posées par les registraires accrédités de l’I.C.A.N.N. renvoie systématiquement aux Principes directeurs et aux Règles d’application U.D.R.P. Ainsi, toute personne qui désire enregistrer un nom de domaine de type générique de premier niveau doit accepter de se soumettre, en cas de conflit avec un titulaire de marques de commerce, à la Procédure U.D.R.P. ainsi qu’aux Règles supplémentaires de l’organisme accrédité par l’I.C.A.N.N. à qui le dossier sera confié, le cas échéant.

18. La Procédure U.D.R.P. n’a pourtant pas vocation à s’appliquer à tous les litiges possibles entre titulaires de marques de commerce et détenteurs de noms de domaine. Cette Procédure vise, en principe, les cas de « cybersquattage ». À proprement parler, la Procédure U.D.R.P. est conçue pour régler les cas où le titulaire d’une marque de commerce allègue à l’encontre d’un détenteur de nom de domaine que les trois éléments énoncés à l’article 4 a) des Principes directeurs U.D.R.P. sont réunis, à savoir :

19. Si le litige opposant le titulaire d’une marque de commerce à un détenteur de noms de domaine ne présente pas les trois caractères susdits, la Procédure U.D.R.P. n’aura pas vocation à s’appliquer. Les dispositions des Principes directeurs U.D.R.P sont sans ambiguïté sur ce point puisqu’une disposition de ce texte prévoit que tous les autres litiges opposant un titulaire de marques de commerce à un détenteur de noms de domaine doivent se régler devant les tribunaux, selon les règles de l’arbitrage ou selon toute autre procédure disponible[28].

20. La Procédure U.D.R.P. est aussi une procédure placée sous le signe de la rapidité, de la simplicité et de l’efficacité. Les délais imposés dans le cadre de cette procédure – et invariablement repris par les Règles supplémentaires des organismes accrédités par l’I.C.A.N.N. – sont tous extrêmement courts. Comme le souligne Fabien Gélinas[29], la Procédure U.D.R.P. « permet d’obtenir une décision dans les 45 à 60 jours suivant le dépôt d’une demande, délai témoignant d’une célérité inimaginable dans les mécanismes de justice traditionnels ». Les pièces à produire se résument à une demande[30] et à une réponse[31], quoique la commission chargée de trancher le litige peut, à sa discrétion, demander aux parties de lui fournir d’autres documents[32]. Les Règles supplémentaires édictées par les organismes reconnus par l’I.C.A.N.N. portent aussi sur la façon de présenter et la demande du titulaire de la marque objet du litige et la réponse du détenteur du nom de domaine objet de la contestation. Ainsi, par exemple, pour le N.A.F., ni la demande ni la réponse ne peuvent excéder dix pages[33]; pour l’O.M.P.I., ni la demande ni la réponse ne peuvent comporter plus de 5000 mots[34]. Les Règles supplémentaires édictées par eResolution, par contre, n’imposaient pas de telles contraintes.

21. La Procédure U.D.R.P. est encore « une procédure sur pièce où les parties sont invitées à présenter leurs éléments de preuve et leurs points de vue respectifs exclusivement par écrit »[35]. Il n’y a ni débats ni audience[36], mais le ou les membres de la commission chargée de trancher le litige peuvent néanmoins, et à (sa) leur seule discrétion, décider de procéder à des auditions[37]. La langue utilisée dans le cadre de la Procédure U.D.R.P. est, en principe, celle du registraire accrédité qui a procédé à l’enregistrement du nom de domaine, sauf à ce qu’il y ait accord des parties sur le choix d’une autre langue[38]. Les sanctions sont limitées soit à l’annulation du nom de domaine, soit au transfert du nom de domaine au demandeur, c'est-à-dire au titulaire de la marque de commerce[39]. Aucune demande de dommages-intérêts ne peut être présentée, ce qui limite considérablement les discussions entre les parties. La Procédure U.D.R.P. ne prévoit aucun droit de recours à l’encontre de la décision qui a été rendue, et ce même en cas de défaut de comparaître. La partie qui n’est pas satisfaite de la décision ne peut que saisir les tribunaux de droit commun. Enfin, le coût de la Procédure U.D.R.P. est peu élevé eu égard aux coûts engendrés par une procédure judiciaire ordinaire. Lorsque le litige porte sur un seul nom de domaine, les frais réclamés par les organismes accrédités varient entre 750 $US et 2000 $US[40]. Comme le souligne A. Mickael Fromkin, « except for the small matter of the attorneys’ fees, the UDRP is certainly quick and relatively cheap when compared to litigation in a U.S. court »[41].

22. La Procédure U.D.R.P. est donc une procédure « [qui prend] acte de la relative simplicité des différends susceptibles d’y être soumis et des impératifs de célérité et d’économie »[42]. Il s’agit d’une procédure « sui generis » pour reprendre l’expression de Fabien Gelinas[43], dont le déroulement mérite d’être examiné.

2) Le déroulement de la Procédure U.D.R.P.

23. C’est toujours un titulaire de marque de commerce qui instaure la Procédure U.D.R.P. Il choisit d’abord l’un des organismes reconnus par l’I.C.A.N.N. aux fins du règlement des litiges entre titulaires de marques de commerce et détenteurs de noms de domaine, puis il dépose sa plainte auprès de celui-ci[44].

24. Dans un premier temps, l’organisme choisi vérifie la forme et le contenu de la plainte par rapport aux diverses normes de présentation prévues[45]. Cet examen doit se faire dans les trois jours de la réception de la plainte; le titulaire de la marque de commerce a un délai de cinq jours pour modifier celle-ci, si nécessaire[46]. La plainte doit, bien entendu, respecter des conditions de fond et de forme[47]. Au titre de ces conditions de fond et de forme, il est important de noter que le titulaire de la marque de commerce doit indiquer s’il souhaite que le litige qui l’oppose au détenteur du nom de domaine soit tranché par une commission composée d’une ou de trois personnes[48]. Si le titulaire de la marque de commerce souhaite que le litige soit tranché par une commission composée de trois personnes, il indique le nom et les coordonnées de trois candidats dont font mention les listes fournies par les organismes accrédités par l’I.C.A.N.N.[49]. Chacun de ces organismes aura bien sûr préalablement établi et publié une liste mentionnant les titres et qualités de personnes susceptibles de siéger aux commissions chargées de trancher ce type de litiges[50]. Le titulaire de la marque de commerce doit aussi joindre à sa plainte le paiement des frais de la Procédure U.D.R.P.[51] : celle-ci ne sera engagée qu’une fois ces frais acquittés[52]. Si les frais ne sont pas versés dans les dix jours de la demande, l’organisme accrédité ignorera la demande et le processus administratif sera interrompu[53].

25. Lorsque l’organisme accrédité a vérifié que les conditions de fond et de forme de la plainte déposée ont été respectées par le titulaire de la marque de commerce, il doit la transmettre au détenteur du nom de domaine litigieux[54]. En vertu des dispositions de l’article 4 c) des Règles d’application U.D.R.P., le jour de la transmission de la plainte constitue le point de départ de la Procédure U.D.R.P. L’I.C.A.N.N., le détenteur du nom de domaine et le titulaire de la marque de commerce doivent être informés de la date de la transmission de la plainte[55].

26. Une fois la plainte reçue, le détenteur du nom de domaine dispose d’un délai de vingt jours pour transmettre sa réponse à l’organisme accrédité choisi par le titulaire de la marque de commerce[56]. Bien entendu, la réponse, tout comme la demande, obéit à des conditions de fond et de forme[57]. Au nombre de ces conditions, il est à noter que le détenteur du nom de domaine doit, lui aussi, préciser s’il souhaite être jugé par une commission composée d’une ou de trois personnes[58]. Même si le titulaire de la marque de commerce veut que le litige soit tranché par une commission composée d’une seule personne, le détenteur du nom de domaine peut, quant à lui, opter pour que la commission soit composée de trois personnes[59]. Il fournit alors le nom et les coordonnées de trois candidats dont le nom figure sur les listes susmentionnées et à partir desquelles un des candidats sera choisi pour siéger à la commission[60].

27. Dès réception de la réponse du détenteur du nom de domaine, l’organisme accrédité constitue la commission qui va entendre le litige.

Trois situations sont susceptibles de se produire. Si le titulaire de la marque de commerce et le détenteur du nom de domaine ont l’un et l’autre demandé que le litige soit tranché par une commission composée d’une seule personne, l’organisme accrédité doit choisir, dans un délai de cinq jours suivant la réception de la réponse, une personne dont le nom figure sur sa propre liste pour composer la commission[61]. Dans ce cas, les frais de la Procédure U.D.R.P. sont exclusivement à la charge du titulaire de la marque de commerce[62].

28. Si le titulaire de la marque de commerce comme le détenteur du nom de domaine ont souhaité que le litige soit tranché par une commission constituée de trois personnes, l’organisme accrédité désigne une personne parmi les trois candidats suggérés par le titulaire de la marque de commerce, une personne parmi les trois candidats choisis par le détenteur du nom de domaine, la troisième personne étant choisie par l’organisme accrédité lui-même, à partir d’une liste de cinq candidats qu’il aura expressément établie et soumise aux parties[63]. Dans ce cas, les frais seront à la charge exclusive du titulaire de la marque de commerce[64].

29. Enfin, si le titulaire de la marque de commerce a demandé que le litige soit tranché par une commission composée d’une seule personne, mais que le détenteur du nom de domaine indique qu’il veut que la commission soit composée de trois personnes, le titulaire de la marque de commerce devra, dans les cinq jours de la transmission de la réponse, fournir à son tour une liste de trois candidats[65]. Le processus de désignation des trois membres devant composer la commission sera ensuite le même que si le titulaire de la marque de commerce et le détenteur du nom de domaine avaient choisi dès le départ que la commission soit constituée de trois personnes. Par contre, dans ce cas, les frais seront partagés par moitié entre le titulaire de la marque de commerce et le détenteur du nom de domaine[66].

30. S’agissant de la constitution de la commission chargée de trancher le litige, il est à noter que les Règles supplémentaires édictées par les organismes accrédités par l’I.C.A.N.N. reprennent les Règles d’application U.D.R.P. Cependant, le N.A.F. a édicté en plus une règle particulière en la matière. Selon les Règles supplémentaires de cet organisme, lorsque le titulaire de la marque de commerce a décidé que le litige sera tranché par une commission composée de trois personnes et que le détenteur du nom de domaine fait défaut, le premier peut demander que le litige soit tranché par une seule personne[67].

31. Dès que la commission est constituée, l’organisme accrédité choisi par le titulaire de la marque de commerce informe les parties du nom de la ou des personnes retenues pour trancher le litige ainsi que de la date à laquelle la commission devra rendre sa décision[68]. Bien entendu, l’organisme accrédité transmet le dossier à la ou aux personnes composant la commission dès (sa) leur désignation[69]. La commission doit trancher le litige en respectant les Principes directeurs U.D.R.P. et les Règles d’application U.D.R.P.[70]. Ses membres doivent faire preuve d’indépendance et d’impartialité[71]. En cas de difficulté relative à l’impartialité ou à l’indépendance des membres de la commission, les membres doivent en informer l’organisme accrédité choisi par le titulaire de la marque de commerce et ce, à quelque stade que ce soit du processus[72]. L’organisme accrédité a toute discrétion pour substituer une personne à une autre[73]. La commission doit faire en sorte que les droits des parties[74] et les délais soient respectés, de manière à ce que la Procédure U.D.R.P. reste efficace[75]. En principe, la décision de la commission est rendue sur la base de la demande et de la réponse, sauf à ce que des pièces complémentaires soient sollicitées[76]. Aucune audition des parties n’est prévue[77]. Les membres de la commission ont seuls le pouvoir de décider de l’admissibilité, de la pertinence et du poids de tout élément de preuve soumis par les parties[78]. Lorsque la commission est composée de trois personnes, la décision est rendue à la majorité[79]. La décision est écrite, motivée, et elle indique le nom de la ou des personnes qui a ou ont siégé à la commission[80]. Elle est rendue par la commission dans les quatorze jours suivant sa désignation[81]. La décision et les opinions dissidentes doivent respecter les Règles supplémentaires énoncées par les organismes accrédités par l’I.C.A.N.N.[82]. Une éventuelle opinion dissidente doit être jointe au texte de la décision majoritaire[83]. Lorsque la Procédure U.D.R.P. a été instaurée par un titulaire de marque de commerce de mauvaise foi et que la commission est en présence d’un phénomène de « Reverse Domain Name Hijacking », la décision rendue par la commission doit mentionner qu’il y a eu mauvaise foi de la part du titulaire de la marque de commerce et abus de la Procédure U.D.R.P.[84].

32. Une fois la décision rendue, l’organisme accrédité choisi par le titulaire de la marque de commerce en transmet le texte aux parties, à l’I.C.A.N.N., et au registraire accrédité du nom de domaine, dans les trois jours qui suivent le dépôt de ladite décision[85]. Le registraire accrédité concerné doit informer les parties, l’organisme accrédité choisi par le titulaire de la marque de commerce et l’I.C.A.N.N. de la date à laquelle la décision s’appliquera[86]. La décision de la commission est alors publiée avec la date de sa mise en application sur un site accessible au public[87].

B. Les rédacteurs de la Procédure U.D.R.P. ont-ils cherché à trouver un équilibre entre les droits et intérêts des titulaires de marques de commerce et ceux des détenteurs de noms de domaine?

33. L’examen de la Procédure U.D.R.P. fait naître un doute : ses rédacteurs désiraient-ils vraiment trouver un équilibre entre les droits et intérêts des titulaires de marques de commerce et ceux des détenteurs de noms de domaine? Bien que le fardeau de la preuve ait été attribué aux titulaires de marques de commerce (1), l’examen attentif de la Procédure et des Règles d’application U.D.R.P. révèle que le risque qu’il y ait de nombreuses atteintes aux droits des détenteurs de noms de domaine est bien réel (2).

1) L’imposition du fardeau de la preuve aux titulaires de marques de commerce

34. Lorsque le titulaire d’une marque de commerce décide de contester l’enregistrement d’un nom de domaine auprès d’un organisme accrédité par l’I.C.A.N.N., il doit établir dans sa demande que les trois conditions édictées à l’article 4 a) des Principes directeurs U.D.R.P. sont réunies[88].

35. Ces trois conditions sont cumulatives, ce qui signifie que la Procédure U.D.R.P. ne peut pas aboutir à un transfert ou à une annulation du nom de domaine si l’une ou l’autre des trois conditions n’est pas remplie. Selon la Procédure U.D.R.P., le fardeau de la preuve revient donc entièrement aux titulaires de marques de commerce. Cependant, il est important de souligner que les dispositions de l’article 4 a) des Principes directeurs U.D.R.P. établissant les conditions nécessaires à l’obtention du transfert ou de l’annulation d’un nom de domaine ne s’interprètent pas isolément, mais bien en tenant compte aussi des parties b) et c) de ce même article.

36. L’article 4 b) des Principes directeurs U.D.R.P. prévoit les situations dans lesquelles la preuve de l’enregistrement et de l’utilisation de mauvaise foi d’un nom de domaine pourra être établie. Ces situations, dont la liste n’est ni limitative ni exhaustive, sont les suivantes[89]:

37. Sur ce point, il est à noter que l’article 4 b) des Principes directeurs U.D.R.P. exige à la fois la preuve d’un enregistrement et d’une utilisation de mauvaise foi. Il s’agit de conditions cumulatives. Le fardeau de preuve qui revient au titulaire de la marque de commerce est lourd.

L’article 4 c) des Principes directeurs U.D.R.P. prévoit les circonstances dont le détenteur du nom de domaine devra faire la preuve pour établir qu’il a un intérêt légitime quant à l’utilisation de ce nom. Ces situations, dont la liste n’est ni limitative ni exhaustive, sont les suivantes[90]:

38. David Lametti, qui a siégé au sein de commissions constituées par eResolution, s’est livré à une étude très détaillée et fort intéressante de la mise à l’épreuve des trois conditions imposées par l’article 4 a) des Principes directeurs[91]. Selon lui, la première condition édictée par l’article 4 a) de ces Principes et relative au danger de confusion avec une marque de produits ou de services sur laquelle le titulaire de la marque de commerce a des droits ne soulève pas de difficultés particulières. Le titulaire de la marque de commerce doit faire la preuve qu’il a un droit sur la marque de commerce ou de service objet du litige. S’il est titulaire d’une marque de commerce déposée ou enregistrée, cette preuve se fera grâce au certificat d’enregistrement. Dans le cas contraire, il devra faire la preuve qu’il détient une marque de common law.

39. Sur ce dernier point, A. Mickael Fromkin[92] ajoute une nuance aux propos de David Lametti. Puisqu’en sa rédaction actuelle, dit-il, la Procédure U.D.R.P. exclut la possibilité de contre-interrogatoire, de preuve par experts ou d’enquête, elle rend difficile l’établissement de la preuve quand il s’agit de marques de commerce de common law. Par contre, s’agissant des deuxième et troisième conditions posées à l’article 4 a) des Principes directeurs U.D.R.P. – elles sont relatives au droit et à l’intérêt légitime du défendeur ainsi qu’à l’utilisation et à l’enregistrement de mauvaise foi du nom de domaine –, D. Lametti estime qu’elles sont beaucoup plus délicates en terme de fardeau de preuve pour le titulaire de la marque de commerce. En tant que praticien, cet auteur insiste surtout sur le fait qu’il s’agit de notions distinctes qui doivent être traitées et prouvées de manière différente. Selon lui, « the lack of understanding of the distinction between « legitimate connection » and « bad faith » is the most substantive problem »[93]. Il a constaté que dans les dossiers qui lui ont été soumis, les praticiens avaient de la difficulté à discerner ces deux notions entre lesquelles une différence existe pourtant. La notion d’intérêt légitime suppose un examen objectif du dossier et du lien entre le détenteur du nom de domaine et le nom de domaine même. Par contre, la notion de mauvaise foi renvoie aux circonstances pouvant révéler les intentions du détenteur du nom de domaine, intentions qui sont parfois clairement indiquées ou qui peuvent être déduites soit des actes du détenteur du nom de domaine, soit de l’ensemble du dossier. Selon David Lametti encore, « regarding both « legitimate interest or right » and especially for « bad faith », the practical problem, which is mirrored in the unsatisfactory wording of the UDRP, is simply that the respondent in many if not most circumstances is the best party to adduce evidence of both legitimate interest or right and good faith »[94]. Cet auteur poursuit en posant la question suivante :

How can one encourage the obtaining or even require the furnishing of this critical information without overtly or subtly shifting the burden of proof onto the respondent? Moreover if the respondent does enter evidence on these two points, the evidence may be novel to the complainant, who at least formally does not have a right to reply under the UDRP.[95]

40. En leur présente formulation, les Principes directeurs U.D.R.P. peuvent donc créer au titulaire de la marque de commerce de sérieuses difficultés en termes de preuve. Ces difficultés seront d’autant plus grandes qu’en principe, le titulaire de la marque de commerce ne peut pas répliquer après réception de la réponse faite par le détenteur du nom de domaine.

41. À ce propos, il est intéressant de noter que la Politique de règlement des différends[96] rendue publique le 29 novembre 2001 par l’A.C.E.I. – cet organisme a vocation à trancher des litiges relatifs à l’enregistrement de noms de domaine dits « nationaux » – montre qu’on a tiré les enseignements livrés par la mise en œuvre de la Procédure U.D.R.P. La question de la preuve, et plus particulièrement celle de la preuve de l’intérêt légitime, y est abordée de manière nuancée. Le plaignant doit prouver la confusion à craindre et la mauvaise foi selon la prépondérance des probabilités[97], ce qui est près de la norme prévue aux Principes directeurs U.D.R.P.[98]. Par contre, en matière d’intérêt légitime, le plaignant doit fournir des éléments de preuve, sans plus[99]. Le fardeau de preuve est donc moins lourd ici, et il est plus facile de s’en décharger que ce n’est le cas selon les Principes directeurs. Le titulaire de la marque de commerce n’a pas à faire une preuve négative.

42. En termes de fardeau de preuve, la seule formulation des Principes directeurs U.D.R.P. peut entraîner des difficultés pour les titulaires de marques de commerce dans les litiges qui les opposent aux détenteurs de noms de domaines. Ces difficultés sont de moindre importance cependant que celles que connaissent les détenteurs de noms de domaine.

2) Les atteintes aux droits des détenteurs de noms de domaine ou les obstacles à l’obtention de décisions justes et équitables

43. Même s’il est vrai que le fardeau de preuve qui repose sur les titulaires de marques de commerce paraît lourd, l’examen de la Procédure U.D.R.P. montre que pour leur part, les détenteurs de noms de domaine sont soumis à de très nombreuses contraintes. En fait, la Procédure U.D.R.P. ne garantit nullement à ces derniers que le procès sera juste et équitable.

44. La principale critique qui peut être faite à l’encontre de cette Procédure a trait à la brièveté des délais accordés aux détenteurs de noms de domaine. La plainte que dépose le titulaire de la marque de commerce doit être transmise au détenteur du nom de domaine suivant les coordonnées de courrier postal, de télécopieur et de courriel recueillies par le registraire accrédité lors de l’enregistrement du nom de domaine[100]. Le moment de l’expédition de la plainte au détenteur du nom de domaine par l’organisme accrédité choisi est aussi celui où commence à courir le délai de réponse qui appartient à ce dernier. Une fois la plainte du titulaire de la marque expédiée, le détenteur du nom de domaine dispose d’un délai de vingt jours pour transmettre sa réponse à l’organisme chargé de trancher le litige[101], mais, il faut le répéter, ce délai commence à courir dès l’envoi de la plainte : c’est une dérogation par rapport à ce qui est le cas pour les procédures judiciaires ordinaires. S’agissant d’une éventuelle et souhaitable notification de l’existence de la demande, A. Mickael Fromkin déplore que « adopting one of the worst features of WIPO’s proposal, the UDRP does not require actual notice to respondents, only attempted notice for a relatively short period[102]». Selon lui, cette pratique peut s’expliquer par le fait qu’on a craint que les détenteurs de noms de domaine les moins scrupuleux donnent de fausses coordonnées pour ne pas être rejoints. Par contre, il proteste vigoureusement contre le fait que le délai de réponse ne soit que de vingt jours. Il estime en effet que « [t]he short deadlines, on the other hand, are completely unfair, even if ICANN’s twenty days is up from the ten days in the WIPO proposal. »[103] Cet auteur va même jusqu’à affirmer que « running a procedure of this sort without actual notice or a method reasonnably calculated to achieve notice prior to the commencement of the proceedings must be contrary to the public policy of all civilized nations » et il conclut : « It risks producing results that are, or at least should be, unenforceable in the courts of all civilized nations. »[104] Ce délai de réponse place donc le détenteur du nom de domaine dans une position délicate. Comme le souligne à juste titre ce même auteur, autant le titulaire de la marque de commerce aura eu tout son temps pour préparer son dossier, autant le détenteur du nom de domaine devra agir très rapidement et dans un délai très bref. La brièveté de ce délai constitue un handicap certain pour les détenteurs de noms de domaine qui sont de simples particuliers. Fromkin insiste : « [w]hile twenty days (minus time to actually get the notice) is plenty of time for a large corporation with lawyers on call to do all this, it is not very long for smaller organizations and ordinary individuals who have the misfortune to register a name that someone else covets. »[105] Les détenteurs de noms de domaines sont donc placés dans une postion très inconfortable dès le début de la procédure.

45. Aux termes des Règles d’application U.D.R.P., ce délai de vingt jours pour rendre réponse ne peut, en principe, être étendu que dans des circonstances exceptionnelles[106]. Ni les Règles d’application U.D.R.P. ni les Règles supplémentaires des organismes accrédités ne précisent ce qu’il faut entendre par « circonstances exceptionnelles ». L’appréciation de cette notion semble donc devoir se faire au cas par cas. Par contre, les Règles supplémentaires édictées par le N.A.F. imposent une condition supplémentaire à la prolongation du délai de réponse puisque cette prolongation est subordonnée au versement d’une somme de 100 $US[107]. Cette condition supplémentaire imposée aux détenteurs de noms de domaine est sujette à critique et elle met en évidence une autre difficulté soulevée par la Procédure U.D.R.P. : un organisme accrédité peut faire des ajouts à cette Procédure comme bon lui semble – même lorsque ces ajouts se font au détriment d’une des parties au litige – et sans risquer de faire l’objet de la moindre réaction ou sanction de la part de l’I.C.A.N.N.

46. La brièveté du délai de réponse a aussi des conséquences appréciables sur la manière dont est jugé le détenteur du nom de domaine. Si celui-ci ne répond pas dans les vingt jours, l’organisme accrédité tranche le litige en se fondant uniquement sur la demande qui lui a été présentée par le titulaire de la marque de commerce. On dit dans ce cas que la décision est rendue par défaut[108]. Or, les Principes directeurs U.D.R.P. et les Règles d’application U.D.R.P. ne prévoient aucune voie de recours contre une décision rendue par défaut. S’il veut contester une telle décision, le détenteur du nom de domaine doit éventuellement saisir les tribunaux de droit commun; il se trouve alors placé dans la même situation que le détenteur de nom de domaine qui a comparu, puis a fait l’objet d’une décision d’annulation ou de transfert du nom de domaine. Sur ce point, il est à noter que les Règles d’application U.D.R.P. placent, une fois de plus, les détenteurs de noms de domaine, qu’ils aient été jugés par défaut ou non, dans une situation plus défavorable que celle des titulaires de marques de commerce. Lorsque la décision de transfert ou d’annulation du nom de domaine est rendue par la commission, l’organisme accrédité doit dans les trois jours de son prononcé en informer les parties, l’I.C.A.N.N. et le registraire accrédité qui a enregistré le nom de domaine[109]. L’I.C.A.N.N. procède à l’exécution de la décision ordonnant le transfert ou l’annulation du nom de domaine dans les dix jours à compter du jour de la notification de cette décision[110]. Or la décision ordonnant le transfert ou l’annulation du nom de domaine n’est suspendue que si le détenteur du nom de domaine produit un document officiel attestant qu’il a introduit un recours devant un tribunal du lieu où est situé le registraire accrédité ou du lieu où il réside[111]. Le détenteur du nom de domaine qui veut obtenir la suspension de l’exécution de la décision d’annulation ou de transfert du nom de domaine doit donc agir très vite. Comme le souligne A. Mickael Fromkin, « the ten working-day filing period may be longer than WIPO’s seven day proposal, but it is no longer at all »[112]. Selon lui, « the United States and many European juridictions have relatively liberal rules of pleading » et « a rule that says rush to the courthouse, file in a hurry, and amend at leisure is not unjust in such a regime »[113]. À ce propos, cet auteur s’interroge à juste titre sur ce qui se passerait s’il n’était pas possible d’amender une demande qui aurait été déposée à la hâte devant un tribunal et sur les répercussions que cela aurait sur la Procédure U.D.R.P. Par contre, si l’on examine la situation du titulaire de la marque de commerce, on s’aperçoit qu’il n’aura aucune contrainte de délai s’il perd dans le cadre de la Procédure U.D.R.P. Il pourra saisir les tribunaux ordinaires quand bon lui semblera et après avoir pris tout le temps nécessaire pour préparer correctement son dossier. La brièveté des délais, l’absence de voies de recours internes en cas de défaut et l’obligation de saisir les tribunaux de droit commun « dans les dix jours » constituent autant d’embûches pour les détenteurs de noms de domaine. Les rédacteurs des Principes directeurs U.D.R.P. et des Règles d’application U.D.R.P. ne s’en sont aucunement souciés.

47. Ce déséquilibre flagrant dans la manière de traiter les titulaires de marques de commerce et les détenteurs de noms de domaine se retrouve aussi lorsque l’on aborde la question du Reverse Domain Name Hijacking (RDNH). Le phénomène RDNH est similaire à celui du « cybersquattage » puisqu’il s’agit dans les deux cas de titulaires de marques de commerce peu scrupuleux qui essaient de s’approprier un nom de domaine qui les intéresse alors que ce nom de domaine a déjà été enregistré dans des conditions tout à fait légitimes. Or comme le souligne A. Mickael Fromkin, « […] the UDRP continues WIPO’s tradition of providing no meaningful punishment for RDNH »[114]. Lorsque la commission chargée de trancher le litige constate qu’elle est en présence d’un phénomène de RDNH, elle doit mentionner dans sa décision que la plainte a été déposée de mauvaise foi par le titulaire de la marque de commerce et qu’elle constitue un abus de procédure[115]. Aucune sanction n’est prévue en cas de RDNH, et il est possible de soutenir comme le fait A. Mickael Fromkin qu’à cet égard, « section 15(e) of the UDRP has no deterrence value ». Rien n’empêche, en effet, un titulaire de marques de commerce peu scrupuleux de produire une contestation abusive et de tenter d’obtenir n’importe quel nom de domaine puisque de toute façon il sait qu’il ne sera pas sanctionné. La tentation sera d’autant grande que les cas de jugements par défaut sont très nombreux dans le cadre de la Procédure U.D.R.P.

48. L’analyse des dispositions pertinentes de la Procédure U.D.R.P. montre donc que ses rédacteurs ne se sont guère souciés de trouver un équilibre entre les droits et intérêts des titulaires de marques de commerce et ceux des détenteurs de noms de domaine. L’examen de la mise en œuvre de cette Procédure confirme la légitimité des craintes soulevées au vu desdites règles et met en évidence un déséquilibre flagrant en faveur des titulaires de marques de commerce.

II. La mise en œuvre de la Procédure U.D.R.P. ou la preuve de l’existence d’un déséquilibre flagrant en faveur des titulaires de marques de commerce

49. La mise en oeuvre de la Procédure U.D.R.P. met en évidence un déséquilibre flagrant en faveur des titulaires de marques de commerce (A). Il semble cependant que ce déséquilibre ne soit pas sans remèdes (B).

A. Le déséquilibre créé par la Procédure U.D.R.P. en faveur des titulaires de marques de commerce

50. L’analyse des décisions rendues sous l’empire de la Procédure U.D.R.P. révèle un déséquilibre flagrant au profit des titulaires de marques de commerce (1), déséquilibre dont il ne suffit pas de constater l’existence, mais dont il convient de trouver les causes (2).

1) Les données établissant l’existence d’un déséquilibre favorable aux titulaires de marques de commerce lors de la mise en œuvre de la Procédure U.D.R.P.

51. La Procédure U.D.R.P. a été arrêtée le 24 octobre 1999, et la première décision rendue sous son empire date du mois de décembre qui suit. En novembre 2000, soit pratiquement un an après la mise en vigueur de cette Procédure, Milton Mueller s’est livré à une première analyse des décisions rendues. Au 1er novembre 2000, la mise en œuvre de celle-ci avait donné lieu à 2166 décisions portant sur 3938 noms de domaine[116]. En examinant ces décisions, Mueller a constaté que :

52. Voici maintenant la distribution, par organismes décideurs, des résultats obtenus par les parties[120]:

53. Au mois de juillet 2001, le professeur Michael Geist a entrepris, à son tour, une étude des décisions rendues selon la Procédure U.D.R.P.[121]. Il a examiné les décisions rendues depuis le jour de la mise en vigueur de ce mécanisme jusqu’au 7 juillet 2001, soit 3094 décisions[122]. Il a constaté que :

54. Compte tenu de tous les cas soumis aux organismes accrédités, les titulaires de marques de commerce avaient gagné dans 60 % des cas lorsque la commission était composée de trois personnes[128], étant précisé que :

55. Le 18 février 2002, le professeur Michael Geist a procédé à une mise à jour de son étude[129]; il a alors tenu compte de 4332 décisions rendues en vertu de la Procédure U.D.R.P.[130]. Il a relevé que :

56. Devant une commission composée de trois personnes, les titulaires de marques de commerce gagnaient dans 58 % des cas (contre 60 % en août 2001), les disparités entre organismes accrédités étant les suivantes :

57. La manière d’attribuer les dossiers aux personnes composant les commissions n’avait pas changé et était même confirmée, que ce soit pour l’O.M.P.I. ou pour le N.A.F.[133] étant précisé que :

58. Les jugements par défaut représentaient 54 % des affaires et les titulaires de marques de commerce gagnaient alors dans 94 % des cas[134], étant précisé que devant le N.A.F., les titulaires de marques de commerce gagnaient dans 98 % des cas par défaut et que devant l’O.M.P.I. et eResolution, ces taux passaient à 92 et à 79 % respectivement;

La prise en considération des cas de défaut dans les statistiques ne changeait rien aux données relatives aux différences entre organismes accrédités ni aux données obtenues selon le nombre (un ou trois) de commissaires.

59. Les études réalisées par Milton Mueller[135] et par le professeur Michael Geist[136] mènent à un double constat. D’une part, la mise œuvre des Principes directeurs U.D.R.P. et des Règles d’application U.D.R.P. se fait au détriment des détenteurs de noms de domaine, et donc au profit des titulaires de marques de commerce. Les résultats montrent bien que la Procédure U.D.R.P. favorise ces derniers : ce sont les grands gagnants, ils obtiennent beaucoup plus facilement gain de cause que les détenteurs de noms de domaine. D’autre part, les organismes accrédités qui se taillent la plus grande part du marché sont ceux dont les décisions sont le plus souvent favorables aux titulaires de marques de commerce, c’est-à-dire l’O.M.P.I. et le N.A.F. Bien sûr, les titulaires de marques de commerce qui ont un litige avec un détenteur de noms de domaine retiennent de préférence les services d’organismes que les compilations statistiques établissent comme leur étant favorables. Cela donne lieu à un phénomène de « forum shopping ».

60. Comme l’a souligné à juste titre le professeur Michael Geist[137], le « forum shopping » a fait sa première victime chez les organismes accrédités : eResolution, qui se démarquait de l’O.M.P.I. et du N.A.F. par des décisions moins avantageuses pour les titulaires de marques de commerce, a dû cesser ses activités le 30 novembre 2001.

61. En fait, la possibilité qu’un tel phénomène se produise avait été envisagée avant même que la Procédure U.D.R.P. ne soit mise à l’épreuve. Le professeur Michael Geist[138] nous rappelle que c’est en partie pour pallier ce risque que l’I.C.A.N.N. avait choisi d’accréditer plusieurs organismes chargés d’administrer sa Procédure. D’ailleurs, peu de temps après l’instauration de cette Procédure, des voix se sont élevées pour alerter l’I.C.A.N.N. quant aux risques bien réels de « forum shopping ». Au mois de janvier 2000, A.M. Fromkin et D.G. Post écrivaient à l’I.C.A.N.N. :

Complainant choice has the useful property of promoting price competition. Unfortunately, economic theory suggests that it also tends to promote other types of competition, including competition among dispute resolution service providers to be perceived as being most « complainant-friendly » in order to capture all, or a disproportionate share, of the market. We consider this to be a very serious issue, as even the appearance of partiality would so taint the U.D.R.P. as to call the entire enterprise into question.[139]

62. Manifestement, l’accréditation de plusieurs organismes n’était pas une mesure adéquate pour contrer le phénomène de « forum shopping » si l’on en juge par les résultats des différentes études dont nous venons de faire état. Le caractère préoccupant de ces résultats nous oblige à nous interroger sur les causes d’un tel phénomène.

2) Les causes de ce déséquilibre

63. La mise en œuvre de la Procédure U.D.R.P. engendre donc un déséquilibre certain entre les droits reconnus aux titulaires de marques de commerce et ceux qui appartiennent aux détenteurs de noms domaine. Comment cela?

64. Selon Milton Mueller[140], le phénomène de « forum shopping » tient au fait que les titulaires de marques de commerce peuvent choisir l’organisme accrédité qui administrera la Procédure U.D.R.P.[141]. Selon lui, celle-ci serait en quelque sorte tendancieuse dès le départ. A. Mickael Fromkin est du même avis. Il constate que « […] rather than both sides having equal input into who will decide the case, the complainant chooses the arbitral tribunal from a small list of approved providers maintained by ICANN ». Il estime aussi que « overall, the system gives dispute resolution providers an economic incentive to compete by being complainant-friendly »[142].

65. Le professeur Mickael Geist suit un autre raisonnement. Il part de l’idée qu’il existe des différences entre les organismes accrédités. Certaines de ces différences n’influent guère sur le choix effectué par les titulaires de marques de commerce[143]. Par exemple, le coût de la procédure n’entre pas vraiment pas en ligne de compte puisque à cet égard, les variations d’un organisme à l’autre sont minimes. De même, les commissaires potentiels – les personnes que les organismes accrédités désigneront pour former les commissions – satisfont de façon comparable aux critères de compétence établis. Le nom d’un même commissaire figure souvent sur la liste de plus d’un organisme accrédité et les candidats ont tous des titres et qualités similaires ou équivalents. Selon le professeur Michael Geist, « N.A.F. and eResolution have increased the international component of their panelist rosters narrowing the gap with W.I.P.O. and improving their ability to address cases in foreing languages and with non-US parties »[144]. Par contre, il existe des différences entre les organismes accrédités qui, elles, ont une très grande influence sur le choix fait par les titulaires de marques de commerce. Il en va ainsi de la politique commerciale des organismes. Un organisme tel le N.A.F. a adopté une politique beaucoup plus belliqueuse que ne l’ont fait l’O.M.P.I. et eResolution. Le N.A.F. a eu tendance à s’indigner de la disproportion des décisions favorables aux titulaires de marques de commerce. Le professeur Michael Geist indique avoir reçu, grâce aux bons soins de ce dernier organisme, le texte de dix articles de presse publiés entre mai et août 2001 et faisant état de décisions dans lesquelles les titulaires de marques de commerce avaient obtenu gain de cause[145].

66. Il faut voir aussi que les Règles supplémentaires édictées par les organismes accrédités présentent parfois des divergences[146]. Le professeur Michael Geist en donne un exemple : les Règles supplémentaires édictées par le N.A.F. exigent que le détenteur du nom de domaine verse 100 $US pour obtenir une prolongation de son délai de réponse[147]. A. Mickael Fromkin, qui est du même avis que le professeur Geist sur ce point, évoque une disposition tout aussi critiquable des Règles supplémentaires du N.A.F.[148]. L’article 7 de ces Règles dispose qu’une partie au litige peut signifier à l’autre partie une argumentation et des documents additionnels dans les cinq jours de la réponse moyennant le paiement d’une somme de 250 $US. La partie qui reçoit cette argumentation et cette documentation additionnelles peut faire de même, moyennant aussi le versement de 250 $US. Selon Fromkin, « it invites sandbagging-leaving, a key point for the unanswerable supplemental filing »[149]. En conclusion, ce dernier estime que « the sandbag rule saga reveals a more general problem: in the absence of supervision, the providers are able to use their supplemental rules to seek competitive advantage in ways that undermine the UDRP »[150]. En effet, ni les Principes directeurs U.D.R.P. ni les Règles d’application U.D.R.P. ne prévoient cette possibilité de notifier à la partie adverse, après sa réponse, une argumentation et des documents supplémentaires. Et il faut ajouter à tout cela que la teneur des décisions prononcées est très importante. Selon le professeur Geist, elle permet d’expliquer les écarts en termes de part de marché entre les organismes accrédités[151].

67. Cependant et comme le soulignait à juste titre le professeur Geist encore, il ne suffit pas de constater qu’il existe des différences entre les organismes accrédités, encore faut-il trouver comment ceux-ci parviennent, en pratique, à attirer devant eux les titulaires de marques de commerce[152]. Selon Scott Donahey, a priori,

No fair minded person could honestly believe that a provider would risk its reputation by selecting panelists who would decide cases in a pre-determined way. No panelist could hope to uphold her reputation, if she were to find for one party regardless of the law or the facts. Indeed, such conduct would be so transparent that users would lose all confidence in the process.[153]

68. Or même si Scott Donahey considère que « the UDRP procedure is far from perfect, but it is not unfair »[154], les données de toutes études consultées montrent que les organismes accrédités parviennent à attirer devant eux les titulaires de marques de commerce par leur façon de rendre leurs décisions. Pour rendre compte de cette situation, les professeurs Geist et Mueller avancent chacun une explication.

69. Le professeur Geist part d’un constat. Selon lui, « although the ICANN rules and provider supplemental rules indicate how panelists are selected, little is known about how providers determine precisely which panelists serve on what cases »[155]. À ce propos, il note que les Règles supplémentaires de eResolution étaient les seules à mentionner qu’il était tenu compte, lors de la composition de la commission, de la nationalité de la ou des commissaires, de leur lieu de résidence ou des liens qu’ils pouvaient avoir avec le pays d’origine des parties[156]. Or, son étude montre d’une part que lorsque l’organisme accrédité choisit un commissaire – et que la commission sera constituée d’une seule personne –, les titulaires de marques de commerce gagnent dans 83 % des cas et, d’autre part, que lorsque l’influence d’une personne au sein de la commission diminue – ce qui est le cas lorsque la commission est composée de trois personnes –, les titulaires de marques de commerce gagnent seulement dans 60 % des cas. De plus, il constate que « in addition to the dramatic difference in outcome between single and three-member panels, the study finds that case allocation appears to be heavily biased toward ensuring that a majority of cases are steered toward complainant-friendly panelists »[157]. Ce qui lui permet d’en arriver à la conclusion que « following a review of over 3000 cases, the answer becomes clear. The critical issue does not rest with the roster of panelists per se, but rather with how the roster is deployed »[158]. En réalité, certains organismes accrédités tirent parti du fait que les textes de la Procédure U.D.R.P. sont muets quant à la manière de désigner le ou les membres de la commission chargée de trancher le litige : il est ainsi possible de rendre des décisions plus favorables aux titulaires de marques de commerce et, conséquemment, de « fidéliser » ces derniers. La seconde étude réalisée par le professeur Michael Geist a confirmé le bien fondé de cette explication[159]. Elle montre que cette tendance s’est maintenue. Le N.A.F. et l’O.M.P.I. désignent de façon récurrente les personnes qui siègent aux commissions.

70. Milton Mueller[160] avance une autre explication. Il est d’avis que les organismes accrédités attirent devant eux les titulaires de marques de commerce grâce à l’interprétation qu’ils font des règles de la Procédure U.D.R.P. Ils s’appuient pour ce faire dit-il sur la notion de précédent. Son constat est le suivant :

Our data show that UDRP decisions cite other UDRP decisions more than half of the time. The majority not only cite other cases but rely on precedent extensively to reason out and support their decisions. What is perhaps more significant is that the complaints and responses of the parties always cite decisions in other cases as precedents or justifications for their arguments. This is significant because the precedents being established via the UDRP may evolve into a global trademark law for cyberspace.[161]

71. Au moment où il s’est livré à cette étude, les vingt décisions les plus citées en ce domaine étaient toutes des décisions favorables aux titulaires de marques de commerce. Parmi ces vingt décisions, toutes sauf quatre avaient été rendues par défaut. Bien mieux, parmi les cinquante décisions les plus fréquemment citées, seules deux décisions avaient été favorables à un détenteur de nom de domaine et trente-huit avaient été rendues par défaut. Compte tenu de ces données, il est possible de conclure comme le faisait Milton Mueller, que « apparently, many of the principles used to resolve disputes are derived from cases in which the Respondent not only lost, but was not represented and was not capable of disputing the assertions or interpretations of the Complainant ». Il ajoutait : « We can only conclude that the legal discourse surrounding the UDRP is largely centered around articulating reasons to take names away from registrant. »[162] Selon Milton Mueller, cette tendance à donner aux Principes directeurs U.D.R.P. et aux Règles d’application U.D.R.P. une interprétation favorable aux titulaires de marques de commerce apparaît très nettement lorsque l’on aborde la notion d’enregistrement ou d’utilisation de mauvaise foi du nom de domaine. Au moment de la rédaction des dispositions de la Procédure U.D.R.P., on s’était demandé si la notion de bonne foi devait ou non y être explicitée et développée ou, au contraire, soumise à l’appréciation des commissions. On a convenu qu’il suffirait de donner des exemples de mauvaise foi dans l’enregistrement d’un nom de domaine, mais qu’il n’était pas nécessaire d’en dresser une liste exhaustive ou limitative. Or, selon Milton Mueller, « it is now apparent that discretion has been utilized vigorously, perhaps too vigorously »[163]. Son étude montre, en effet, que dans pratiquement 20 % des cas, la notion d’enregistrement et d’utilisation de mauvaise foi du nom de domaine n’a rien à voir avec les exemples que donnent les Principes directeurs U.D.R.P.[164]. La notion de « précédent » a servi à asseoir les extrapolations qu’ont faites à cet égard les commissaires. Désormais, le fait de détenir un nom de domaine sans l’utiliser, celui d’enregistrer en pleine connaissance de cause une marque de commerce comme nom de domaine ou celui de fournir des informations mensongères en vue de l’enregistrement du nom de domaine ou encore celui de ne pas donner suite à une demande d’informations présentée par le titulaire de la marque de commerce litigieuse sont autant de situations qui permettent aux commissaires de conclure qu’ils sont en présence d’un enregistrement ou d’une utilisation de mauvaise foi du nom de domaine[165]. De toutes ces situations, la plus sujette à caution est celle qui a trait au défaut du détenteur de nom de domaine de produire une réponse. Comme le souligne Milton Mueller, au N.A.F., on agit souvent comme si le fait pour le détenteur du nom de domaine de ne pas répondre « permits the inference that the complainant’s allegations are true and that the respondent is admitting his bad faith »[166]. Par contre, et à la différence du N.A.F., les commissions qui rendaient des décisions dans des procédures administrées par eResolution ont toujours insisté sur le fait que ce n’est pas parce que le détenteur de nom de domaine n’a pas produit de réponse que le titulaire de la marque de commerce se trouve délesté du fardeau de preuve. C’est ainsi que Milton Mueller a pu constater que les détenteurs de noms de domaine, bien que n’ayant pas produit de réponse, gagnaient néanmoins dans 22 % des cas[167]. Dans ces conditions, on comprend pourquoi, soucieux de respecter les règles et l’esprit de la Procédure U.D.R.P., eResolution a eu des difficultés à s’implanter sur le marché.

72. A. Mickael Fromkin tire les mêmes conclusions que Milton Mueller s’agissant de l’élargissement de la notion de mauvaise foi. Il constate aussi que « some arbitrators, however, have succumbed to the temptation to cut corners »[168]. Il donne l’exemple d’offres d’acquisition de noms de domaine faites par des titulaires de marques de commerce auprès de détenteurs de noms de domaine : l’acceptation de telles offres a mené certains commissaires à la conclusion qu’il y avait eu mauvaise foi de la part des détenteurs de noms de domaine et « cybersquattage »[169].

73. Les études de Michael Geist et de Milton Mueller montrent bien que la Procédure U.D.R.P. doit faire l’objet d’une révision.

B. Les modifications à apporter à la Procédure U.D.R.P.

74. Les modifications qu’il faudrait apporter à la Procédure U.D.R.P. devraient avoir pour but de faire disparaître le phénomène de « forum shopping » (1) et de rendre plus équitables les décisions rendues sous l’empire de celle-ci (2).

1) Les réformes qui devraient permettre d’atténuer ou de faire disparaître le « forum shopping »: la révision des dispositions de la Procédure U.D.R.P.

75. A. Mickael Fromkin affirme catégoriquement que « the UDRP’s built-in tendency to reward arbitration service providers for being « complainant friendly » must be redressed »[170]. Il faut mettre un terme au « forum shopping » parce qu’il a pour effet de saper la Procédure U.D.R.P. Pour ce faire, il faudra mettre en place des réformes qui toucheront à la fois les organismes responsables de l’administration des mécanismes que cette Procédure instaure et la composition des commissions chargées de trancher les litiges. Une révision préalable des dispositions de la Procédure U.D.R.P. s’impose; il faut leur donner une transparence qui leur fait défaut actuellement.

76. Tout ce train de mesures passe initialement par la modification du mode de désignation des organismes chargés d’administrer la Procédure. Certains auteurs – dont A. Mickael Fromkin[171] et Milton Mueller[172] – proposent de modifier la règle actuelle selon laquelle seuls les titulaires de marques de commerce ont voix au chapitre lors de l’accréditation des organismes en question[173]. Ces deux auteurs suggèrent que ces organismes soient désignés par les registraires de noms de domaine.

77. Selon Mueller[174], les registraires de noms de domaine sont placés dans une situation de compétition. Comme ils sont chargés de faire les enregistrements de noms de domaine, ils n’ont pas intérêt à ce que ceux qu’ont demandés les détenteurs de noms de domaine soient annulés sans raison valable. Comme d’autre part les titulaires de marques de commerce représentent pour eux des clients importants aussi, les registraires ne peuvent négliger de protéger les droits de ceux-ci. Il est donc dans l’intérêt même des registraires de concilier les droits et intérêts des uns et des autres. Selon Milton Mueller, il ne peut en résulter qu’une saine émulation. L’I.C.A.N.N. garderait pour sa part la main haute sur l’accréditation des organismes prêts à se charger de tout le processus et pourrait veiller à ce que le système demeure juste[175]. Dans sa première étude, publiée en novembre 2000, Mueller avait envisagé deux autres mesures, à savoir la possibilité de choisir au hasard parmi les organismes accrédités celui qu’il faudrait retenir dans un cas donné et l’instauration d’une procédure d’appel. Il a finalement écarté ces deux approches au motif que le processus d’appel pourrait avoir pour conséquence de ralentir le déroulement de la Procédure U.D.R.P. et de la détourner de son but initial, qui était de créer un processus expéditif de règlement des conflits. De plus, il a estimé que mettre en place un processus de sélection « au hasard » des organismes reviendrait à confier le choix à un organisme ou à l’I.C.A.N.N. et à courir ainsi le risque d’accroître l’étendue des fonctions de ce dernier intervenant. En bout de ligne, les coûts augmenteraient[176].

78. Mickael Fromkin est du même avis que Milton Mueller au sujet du rôle que devraient jouer les registraires de noms de domaine quant à la désignation de l’organisme à charger du déroulement de la Procédure. Il considère lui aussi que ceux-ci sont les mieux placés pour créer une compétition entre organismes[177]. Tout comme Mueller, il a envisagé d’autres solutions, dont l’attribution par tirage au sort des affaires à entendre aux organismes accrédités ou encore l’abandon aux parties au litige du choix en question. Il s’est finalement rallié et s’est dit d’avis aussi qu’il valait mieux confier la tâche aux registraires reconnus de noms de domaine[178].

79. Mickael Fromkin suggère encore en cette matière de donner la possibilité aux parties de remettre en cause le choix de l’organisme accrédité au motif que ce dernier ne serait pas impartial[179]. Cette remise en cause n’est pas possible en vertu de la Procédure U.D.R.P. Le fait qu’un organisme accrédité puisse avoir un lien avec une des parties est bien réel et se pose notamment au sujet de l’O.M.P.I., qui a une relation particulière avec ses États membres. En réalité, la réforme du mode de désignation des organismes accrédités préconisée par Mueller et Fromkin permettrait de créer une saine émulation entre ces organismes. Selon Fabien Gélinas, « [l]a logique qui justifie de mettre les fournisseurs en concurrence en est une d’amélioration de la qualité des prestations, de contrôle des prix par les lois du marché et de liberté de choix pour tous les utilisateurs »[180]. Par contre, et à la différence des professeurs Geist et Mueller, le professeur Gélinas suggère d’« impliquer les parties demanderesses et défenderesses dans le processus de sélection du fournisseur, ce qui exigerait un plus grand nombre de fournisseurs, et le recours à un tiers (ou aux hasards d’un algorithme) en cas de blocage »[181].

80. Une fois la réforme relative à l’accréditation et à la sélection des organismes réalisée, il faudra aussi veiller à ce que ceux-ci ne puissent plus faire d’ajouts aux Principes directeurs U.D.R.P. ou à leurs propres Règles supplémentaires, ce que par exemple le N.A.F. ose (pour ce qui est de cette dernière éventualité) en prolongeant le délai relatif à la réponse et celui qui a trait à la demande de documents additionnels[182]. Comme le souligne A. Mickael Fromkin, « either ICANN needs to decide that the rule violates the existing rules of procedure, or the rules of procedure need to be rewritten to ensure that if a party introduces a supplemental brief of any kind, the other party, automatically and without extra payment, shall have an equal right to respond »[183].

81. La réforme de la Procédure U.D.R.P. doit aussi passer par une réforme du processus de sélection des commissaires. Le professeur Michael Geist fait valoir que cette réforme est la seule qui puisse permettre de s’attaquer à la « racine du mal », pour reprendre son expression[184]. Le professeur Geist considère, en effet, que le processus de sélection des personnes qui composent les commissions chargées de trancher les litiges est la source de toutes les difficultés. Il estime que « if providers continue to maintain exclusive and unchecked authority over the selection of panelists in 90 % of all UDRP cases, no reforms to the rules nor how a provider is selected will remove the potential for bias in panelist allocation »[185]. Ces commissions devraient donc être systématiquement composées de trois personnes, ce qui permettrait de réduire l’influence des organismes accrédités sur les commissaires et d’assurer une meilleure qualité des décisions, en obligeant chaque commissaire à répondre de son raisonnement devant ses deux collègues. À ce propos, il convient de souligner que les Règles de l’A.C.E.I. relatives au règlement des différents portant sur les noms de domaine dits « nationaux » semblent faire écho aux propositions du professeur Geist. Les comités chargés de trancher ces derniers litiges sont composés de trois personnes, qui seront désormais choisies, en principe, par les parties au litige[186]. Le professeur Geist suggère de recourir au même mode de désignation pour les trois membres des commissions U.D.R.P., étant précisé que le titulaire de la marque de commerce et le détenteur du nom de domaine choisiraient chacun une personne et que la troisième personne serait désignée par l’organisme accrédité à partir d’une liste dressée par les parties. Les frais de règlement seraient entièrement à la charge des titulaires de marques de commerce. Cela ne devrait pas poser de problème dans la mesure où, en ce moment, les titulaires de marques de commerce optent plus facilement pour une commission composée de trois personnes et acceptent de payer des frais élevés. Bien qu’il soit l’organisme accrédité dont les frais sont les plus élevés, l’O.M.P.I. tranche en ce moment 58 % des cas qui se règlent sous l’empire de la Procédure U.D.R.P.[187]. De plus, le professeur Geist suggère qu’on veille à attribuer un nombre minimal et un nombre maximal de dossiers à chacune des personnes susceptibles de siéger aux commissions chargées de trancher les litiges. Cette mesure permettrait de pallier les inconvénients de la pratique actuelle voulant que certains organismes, dont le N.A.F., confient leurs dossiers toujours aux mêmes personnes[188]. David Lametti ne partage pas l’opinion du professeur Geist. Il considère que le fait de s’en tenir à des commissions composées de trois personnes ne ferait pas disparaître le phénomène du « forum shopping ». Il préconise une solution dans laquelle le choix des organismes accrédités serait laissé aux titulaires de marques de commerce, mais en leur associant les détenteurs de noms de domaine[189]. La position de David Lametti n’est pas très à point et s’avère quelque peu difficile à saisir. Cependant, ce dernier insiste beaucoup sur le fait que les organismes accrédités devraient tour à tour faire le choix des personnes susceptibles de siéger aux commissions et rendre des comptes sur la manière dont ces désignations sont faites[190]. Effectivement, ces précautions sont indispensables. S’agissant des commissions, A Mickael Fromkin suggère, en outre, de mettre en place un mécanisme de récusation des membres desdites commissions, mécanisme qui n’est aucunement prévu dans la procédure actuelle[191]. Il soulève également la question de la compétence des commissaires et considère que « any system that replaces the current on must allow arbitrators to be selected from lists that do not only include trademark lawyers, but people with other backgrounds, including civil liberty lawyers »[192]. Cette dernière recommandation paraît très judicieuse.

82. Bien entendu, la réforme des organismes accrédités et celle de la composition des commissions chargées de trancher les litiges doit aller de pair avec une révision des dispositions de la Procédure U.D.R.P. qui conférerait une plus grande transparence à celle-ci et garantirait la compétence des commissaires. Les professeurs Michael Geist et David Lametti appellent une telle révision de tous leurs vœux. Selon le premier, l’« ICANN, in conjonction with the providers should make the availability of greater and more useful UDRP data a priority. Increased transparency in the entire process, from panelist selection to decision-making process, will only enhance public confidence in the system. » À l’heure actuelle, et même s’il est vrai que les décisions sont publiées, il est parfois difficile d’obtenir des informations précises lorsque l’on fait des recherches, par exemple, selon le critère des personnes désignées pour constituer les commissions ou selon la façon dont on forme les commissions. De la même manière, il serait nécessaire, toujours selon cet auteur, que les organismes accrédités adoptent un processus de vérification de la compétence visant les titres et qualités des éventuels commissaires, comme l’avait fait eResolution[193]. Chaque année, eResolution analysait le travail des personnes ayant siégé aux commissions : en une seule année, le nom de dix d’entre elles dut être rayé de la liste qu’avait dressée cet organisme, car elles n’avaient respecté ni les délais imposés ni les règles de la Procédure U.D.R.P. Toujours dans un souci de transparence, Michael Geist suggère que cet examen du rendement des commissaires soit public, que l’on sollicite les commentaires et observations du public et que celui-ci ait connaissance des mesures prises par les organismes accrédités à l’encontre des personnes fautives dont le nom figurait sur leurs listes de personnes susceptibles de siéger dans des commissions[194]. A. Mickael Fromkin, qui est tout à fait d’accord avec les professeurss Geist et Lametti sur ce point, estime que c’est là la seule solution si l’on veut être en mesure d’évaluer la Procédure U.D.R.P. d’une manière rationnelle plutôt qu’anecdotique[195].

83. Les réformes qui toucheraient les organismes accrédités et les commissions chargées de trancher les litiges sont déjà des réformes essentielles; la révision en profondeur de la Procédure U.D.R.P. aurait quant à elle pour but de rendre les procès en la matière justes et équitables, ce qui est loin d’être le cas actuellement.

2) Comment faire en sorte que la Procédure U.D.R.P. devienne garante d’un règlement équitable des litiges?

84. Les dispositions actuelles de la Procédure U.D.R.P. devront être soumises à une indispensable révision si l’on veut que le processus devienne vraiment juste et équitable. Au moins quatre aspects importants sont à revoir : les délais, la langue des débats, le phénomène du « Reverse Domain Name Hijacking » et le caractère définitif de la décision rendue.

85. Les délais accordés aux détenteurs de noms de domaine sont extrêmement courts, qu’il s’agisse du délai à l’expiration duquel leur réponse sera vue comme nulle et non avenue[196] ou de celui dont ils disposent pour saisir les tribunaux de droit commun en cas de transfert ou d’annulation du nom de domaine en litige[197]. Comme le souligne A. Mickael Fromkin, « [t]he U.D.R.P. effectively gives a respondent only twenty days to do what would take severals months in an ordinary federal lawsuit, even though the complainant has had as long to prepare what he wanted »[198]. Selon lui, le délai de réponse devrait être de soixante jours et il ne devrait commencer à courir qu’au moment où la demande est effectivement reçue par le détenteur du nom de domaine[199]. De plus, il estime que les titulaires de marques de commerce qui ont recours aux « pièces jointes » pour contourner les Règles supplémentaires limitant la taille de la demande relativement au nombre de mots qu’elle peut comporter devraient être sanctionnés et devraient même l’être doublement s’ils joignent à leur demande des documents papiers. Cet auteur va jusqu’à suggérer que le délai de réponse du détenteur de nom de domaine soit prolongé de cinq jours pour les cinq premières pages de documents joints, exception faite de la preuve pour l’enregistrement d’une marque de commerce, et de jours supplémentaires pour chaque page additionnelle, étant précisé que la pénalité serait doublée pour les documents papiers et les documents non numérisés[200]. Il insiste : dans les procédures en Cour fédérale, même si les délais sont de vingt jours en théorie, ils font presque toujours l’objet de prolongations, lesquelles la Procédure U.D.R.P. n’admet pas. En outre, devant une Cour fédérale, les procédures font pratiquement toujours l’objet d’amendements. En réalité, Fromkin estime qu’un délai de soixante jours demeure un mininum pour monter un dossier sérieux et que la brièveté du délai explique peut-être qu’il y ait un si grand nombre de jugements par défaut dans ces affaires. On devrait prolonger aussi le délai de dix jours qui est alloué aux détenteurs de noms de domaine déboutés pour saisir un tribunal de droit commun. La justice serait mieux servie ainsi, surtout rappelle Fromkin si l’on garde à l’esprit que les titulaires de marques de commerce ont, eux, tout leur temps pour ce faire lorsqu’ils n’ont pas obtenu gain de cause dans le cadre de la Procédure U.D.R.P.[201].

86. À l’heure actuelle, il n’existe qu’une seule version, en langue anglaise, des Principes directeurs U.D.R.P. et des Règles d’application U.D.R.P. Or, comme le souligne Fabien Gélinas, « les usagers s’adressent de plus en plus à des registraires situés dans leur pays pour enregistrer leurs noms de domaine ». Selon lui, cet unilinguisme soulève une difficulté dans la mesure où « les législations nationales relatives à la protection du consommateur sont parfois réticentes à l’idée d’un contrat qui, assujetti au droit interne, lierait le consommateur dans une autre langue que la sienne »[202]. A. Mickael Fromkin fait exactement le même constat que Fabien Gélinas[203]. Cependant, Fabien Gélinas va plus loin dans le raisonnement et soulève une autre question. Selon lui, « au delà de la protection du consommateur, il n’est pas inutile de rappeler que la langue d’une procédure peut facilement avoir un impact sur le respect des principes du procès équitable » et « le seul fait pour une personne d’arriver à enregistrer un nom de domaine en remplissant les blancs d’un formulaire Internet en anglais ne prouve aucunement que cette même personne peut comprendre ses droits et valablement les faire valoir dans le cadre d’une procédure en anglais dont les textes constitutifs sont en anglais ». Il conclut qu’« il serait tout à fait irréaliste de penser qu’Internet pourra continuer de rendre justice dans une seule langue »[204].

87. Le fait que le phénomène du RDNH ne soit pas sanctionné dans le cadre de la Procédure U.D.R.P. crée inévitablement un déséquilibre entre titulaires de marques de commerce et détenteurs de noms de domaine. Les titulaires de marques de commerce ne font l’objet d’aucune sanction même si la procédure qu’ils ont diligentée est frivole. Selon A. Mickael Fromkin, les « caprices » de la Procédure U.D.R.P. rendent encore plus tentantes de telles poursuites. Aussi, il suggère qu’on demande au titulaire de la marque de commerce qui s’apprête à lancer une procédure de verser une somme de 5000 $US en guise de cautionnement pour frais en quelque sorte. Cette somme serait remise au détenteur du nom de domaine dans l’hypothèse où la commission chargée de trancher le litige conclurait à l’existence d’un phénomène de RDNH[205]. Milton Mueller fait le même constat que A. Mickael Froomkin et considère que « in sum, the UDRP has made it too easy to mount challenge to domain name registrations for wrong reasons[206]. » De plus, il estime que la Procédure U.D.R.P. présente un très grand nombre de défauts. Aussi suggère-t-il, pour sa part, qu’on exige du titulaire de la marque de commerce un cautionnement pour frais de 1000 $US lors du dépôt de la demande. Ce cautionnement lui serait remis dans l’hypothèse où il sortirait gagnant. Sinon, ce cautionnement pour frais serait attribué au détenteur du nom de domaine. Mueller envisage donc la notion du cautionnement pour frais dans un contexte encore plus large que ne le fait Fromkin.

88. Enfin et s’agissant des décisions rendues par les organismes accrédités, A. Mickael Fromkin suggère que les règles de la Procédure U.D.R.P. soient modifiées de sorte qu’un titulaire de marque de commerce ne puisse présenter plus d’une demande devant un organisme accrédité donné, ce dont ne font aucune mention ni les Principes directeurs U.D.R.P. ni les Règles d’application U.D.R.P.[207]. Selon lui, la Procédure U.D.R.P. devrait être réservée aux cas de « cybersquattage ». Les tribunaux de droit commun ne devraient intervenir que si les faits sont complexes. Il considère en effet que « it is bad enough that trademarks owners get two bites at the apple – one in the UDRP and one in court. They do not need a whole barrel of bites before having to face a real judge ». Dans le même ordre d’idée, il indique qu’il ne devrait pas être possible pour le titulaire de marques de commerce de diligenter sa procédure devant les tribunaux de droit commun, quitte à se présenter ensuite, en cas d’échec, devant un organisme accrédité par l’I.C.A.N.N., et ce à défaut d’accord entre les parties. Selon lui, « Complainants Should Take Their two Bites In the Right Order »[208].

Conclusion

89. Comme l’a souligné Milton Mueller[209], née dans la controverse, la Procédure U.D.R.P. a fait immédiatement l’objet de très nombreuses critiques, que ce soit de la part des titulaires de marques de commerce ou des détenteurs de noms de domaine. Les uns considéraient que cette Procédure ne pourrait jamais remédier aux atteintes portées aux droits des titulaires de marques de commerce par des enregistrements abusifs de noms de domaine. Les autres mettaient déjà chacun en garde contre les risques de voir apparaître un droit global des marques de commerce qui ne permettrait plus aux usagers d’Internet de communiquer librement.

90. Quelques années ont passé depuis sa mise en œuvre, mais la Procédure U.D.R.P. suscite toujours de vives critiques, quoiqu’elles soient maintenant de nature différente. Les résultats de toutes les études le confirment : sous l’empire de la Procédure U.D.R.P., les titulaires de marques de commerce obtiennent plus facilement gain de cause devant certains organismes accrédités tels l’O.M.P.I. et le N.A.F., les organismes accrédités favorables aux titulaires de marques de commerce obtiennent la plus grande part du marché et les commissaires siégeant le plus souvent aux commissions gérées par ces organismes sont ceux qui rendent des décisions favorables surtout aux titulaires de marques de commerce. Comme le faisait remarquer Fabien Gélinas, « toutes ces données se sont confirmées avec le passage du temps[210]»; la dernière étude du professeur Michael Geist, parue en février 2002, n’échappe pas à cette constante. La Procédure U.D.R.P. est devenue synonyme de « forum shopping » et de procès qui peut s’avérer injuste et inéquitable lorsqu’il est mené devant certains organismes accrédités par l’I.C.A.N.N.

91. Plusieurs explications ont été avancées pour expliquer cet état de fait; elles mettent en cause soit les dispositions de la Procédure U.D.R.P., soit l’interprétation qui en est faite par les organismes. Il y a une autre explication, moins technique celle-là, que seul A. Mickael Fromkin a eu le courage d’évoquer ouvertement. Selon lui, « the UDRP is as bad as it is because primary drafting authority was in the hands of groups dominated by trademark partisans who were very, perhaps overly, concerned about cybersquatting[211]» et il en conclut que « the subsequent ICANN process was, and remains, captured by a coalition of trademark interests and other businesses who believed that they needed to appease the trademark interests to achieve their goal of getting clearance to create additional top-level domains »[212]. Dans ces conditions, il n’est pas surprenant que la Procédure U.D.R.P. puisse être vue comme étant tendancieuse dès le départ et qu’un organisme accrédité tel eResolution ait dû fermer ses portes, tout simplement parce que « ses décideurs […] s’en tenaient plus à la lettre qu’à l’esprit des textes » comme le déplorait Fabien Gélinas[213].

92. Quoi qu’il en soit, depuis l’audition de la première affaire entendue sous l’empire de la Procédure U.D.R.P. en décembre 1999, les organismes accrédités par l’I.C.A.N.N. ont tout de même administré plus de sept mille affaires, mettant en cause plus de douze mille noms de domaine[214]. Cette procédure « sui generis » pour reprendre l’expression de Fabien Gélinas[215] avait à l’origine pour but de résoudre les conflits engendrés par le phénomène du « cybersquattage » en faisant fi des conflits de juridictions et des droits nationaux; elle s’est s’imposée et a pris beaucoup de place. Et, comme le relève ce dernier auteur, « le système de règlement des différends mis sur pied par l’ICANN, en d’autres termes, a toujours la vie devant lui » et « on aurait tort en effet d’imaginer qu’il s’agit d’un outil que l’on pourra reléguer aux oubliettes aussitôt que le phénomène ponctuel auquel il était destiné aura fini de s’estomper[216]. »

93. Au mois de janvier 2003, seulement cent trente-six procédures ont été déposées, ce qui est le nombre le plus bas en deux ans[217]. Le phénomène de « cybersquattage » perd du terrain et comme le remarquait Milton Mueller en juin 2002, « the DNS land rush is over »[218]. Cependant, ce n’est pas parce que le nombre de litiges diminue qu’il faut renoncer à reviser la Procédure U.D.R.P. Milton Mueller considère qu’au contraire, cette baisse du nombre des poursuites doit rendre la question encore plus pertinente[219]. Selon lui, « in the future, UDRP cases are less likely to deal with obvious forms of abusive registration and more likely to deal with complex, conflicting rights claims among more well-established users »[220]. Ces réformes s’imposent d’autant plus que, selon lui, la Procédure U.D.R.P. déborde sur des questions beaucoup plus larges, celle de la liberté d’expression, par exemple. En effet, les noms de domaine peuvent être considérés soit comme des références nominatives ou descriptives permettant de communiquer, soit comme des marques de commerce. À l’heure actuelle, les noms de domaine sont plutôt vus comme étant des marques de commerce, et cela n’est sans doute pas étranger au fait que les membres des commissions chargées de trancher les litiges sont souvent des professionnels des marques de commerce. Or, Milton Mueller estime que de ce point de vue, « the UDRP will represent a small but significant threat to free and robust expression on the Internet »[221].

94. Il est possible de remanier la Procédure U.D.R.P., mais ici encore A. Mickael Fromkin se montre très prudent. Qui dit réformes dit volonté de les mettre en place. Or, selon cet auteur ressemblant quelque peu ici et peut-être malgré lui à un censeur, « the conditions that caused the UDRP are still present today in the ICANN domain name servicing organization and the ICANN Board, so substantial reform from within the ICANN process is far from obvious »[222]. Il n’hésite pas à conclure que « it remains the case that if you put a committee of foxes in charge of a chicken coop, you tend to get a lot of happy foxes and dead chickens »[223].

95. Le scepticisme de Fromkin semble largement fondé. À ce jour, et malgré la mise en place du second processus de consultation de l’O.M.P.I.[224] qui a donné lieu à la publication d’un Rapport final le 3 septembre 2001, la Procédure U.D.R.P. proprement dite n’a pas encore été révisée de manière à éradiquer le phénomène de « forum shopping », ou à lui conférer valeur d’assurance d’un procès juste et équitable. Ce Rapport a été soumis aux États membres de l’O.M.P.I. et aux participants de cette saga Internet, dont l’I.C.A.N.N. Lors d’une assemblée générale des États membres de l’O.M.P.I. qui a eu lieu du 24 septembre au 3 octobre 2001, on a convenu que ledit Rapport serait soumis à une analyse complète du Comité permanent du droit des marques, des dessins et modèles industriels et des indications géographiques. Des discussions sur un certain nombre de questions sont toujours en cours devant ledit Comité permanent. Cependant, il ne faut pas pour autant perdre tout espoir, quoique le chemin à parcourir est peut-être encore long.

96. Comme l’écrivait David Post au mois de septembre 2000,

[t]he UDRP, though, is just the opening wedge, the first step in what will likely be a long journey towards the design of the new set of legal institutions that will be setting rules and creating a degree of order for the global network. For better or for worse, this private law-making model is likely to serve as a template for other, more complex and more significant issues, whether administered through ICANN and the domain name system or otherwise. We'll be sorry – very sorry, I think – if we don't get it right.[225]



Notes

[*]L’auteure est avocate chez Mathieu et Associés et complète une maîtrise en droit des technologies de l’information (LL.M.) à l’Université de Montréal.

[1]DavId G. Post, « Juries and the UDRP », 06 September 2000 (U.D.R.P. : sigle formé à partir des mots Uniform Domain Name Dispute Resolution Policy), http://www.icannwatch.org/archive/juries_and_the_udrp.htm 3.

[2]Charles Morgan, « Noms de domaine et marques de commerce utilisés sur Internet – Survol des enjeux actuels – Perspective canadienne », (2002) 14 C.P.I. 793, 796.

[3]Ci-après I.C.A.N.N.; le site Internet de l’I.C.A.N.N. est à l’adresse suivante : http://www.icann.org/.

[4]Ci-après A.C.E.I.; le site Internet de l’A.C.E.I. est à l’adresse suivante : http://www.cira.ca/fr/home.html.

[5]Pierre Trudel, France Abran, Karim Benyekhlef et Sophie Hein, Droit du cyberespace, Montréal, Les Éditions Thémis, 1997, p. 17 - 1.

[6]Id.

[7]Charles Morgan, loc. cit., note 2, 795.

[8]Milton Mueller, « Success by default: a New Profile of Domain Name Trademark Dispute under ICANN’s UDRP », June 24, 2002, http://dcc.syr.edu/reports.htm, 3 et 4.

[9]Id., 4.

[10]Id.

[11]Id., 5.

[12]Cette expression est de Pierre-Emanuel Moyse qui l’a employée dans « Les noms de domaine : un pavé dans la marque », (1997) 4 C.P.I. 591.

[13]Ci-après I.A.N.A.

[14]Ci-après I.A.H.C.

[15]International Ad Hoc Committee & Internet Society, « Generic Top Level Domain Memorandum of Understanding », http://www.gtld-mou.org/.

[16]Ci-après O.M.P.I. ou WIPO en anglais.

[17]Office mondial de la propriété intellectuelle, « La gestion des noms de domaine et adresses de l’Internet : questions de propriété intellectuelle », Rapport final concernant le processus de consultations de l’O.M.P.I. sur les noms de domaine de l’Internet, 30 avril 1999, http://wipo2.wipo.int.

[18]Ci-après Principes directeurs U.D.R.P., http://www.icann.org/udrp/udrp.htm.

[19]Ci-après Règles d’application U.D.R.P.; Rules for Uniform Domain Name Dispute Resolution Policy, http://www.icann.org/dnrd/udrp/uniform-rules.htm.

[20]Ci-après Procédure U.D.R.P.

[21]Le site Internet de l’O.M.P.I. est à l’adresse suivante : http://www.wipo.org/index.html.fr.

[22]Ci-après N.A.F. Le site Internet du N.A.F. est à l’adresse suivante : http://www.arbforum.com/.

[23]Le site Internet du C.P.R. Institute for Dispute Resolution est à l’adresse suivante : http://www.cpradr.org/.

[24]Le site Internet du Asian Domain Name Dispute Resolution Center est à l’adresse http://www.adndrc.org/adndrc/index.html.

[25]Le site Internet de eResolution est à l’adresse http://www.udrpinfo.com/eres/.

[26]Les Règles supplémentaires des organismes accrédités sont disponibles sur leurs sites Internet respectifs.

[27]Principes directeurs U.D.R.P., article 4 a) [traduction libre, paraphrase].

[28]Principes directeurs U.D.R.P., article 5.

[29]Fabien GÉLINAS, « U.D.R.P. : Utopie de la Décision RapIde et Pondérée ou Univers du Droit Réduit au Pragmatisme? », dans Vincent GAUTRAIS (dir.), Droit du commerce électronique, Montréal, Les Éditions Thémis, 2002, 577, 585.

[30]Règles d’application U.D.R.P., article 3.

[31]Id., article 5.

[32]Id., article 12.

[33]The National Arbitration Forum’s Supplemental Rules to ICANN’s Uniform Domain Name Dispute Resolution Policy, articles 4 a) et 5 a).

[34]Règles supplémentaires édictées par l’O.M.P.I., article 10, a) et b).

[35]Fabien GÉLINAS, loc. cit., note 29, 585.

[36]Règles d’application U.D.R.P., article 13.

[37]Id.

[38]Id., article 11 a).

[39]Principes directeurs U.D.R.P., article 4 (i).

[40]Il convient de se reporter aux Règles supplémentaires édictées par les organismes accrédités par l’I.C.A.N.N.

[41]A. Mickael FROMKIN, « ICANN’s Uniform Dispute Resolution Policy – Causes and (Partial) Cures », Brooklyn Law Review, vol. 67, Spring 2002, No. 3, disponible à l’adresse http://www.miami.edu/froomkin/articles/udrp.pdf, 670.

[42]Fabien GÉLINAS, loc.cit., note 29, 585.

[43]Id., 585.

[44]Principes directeurs U.D.R.P., article 4, et surtout 4 d); Règles d’application U.D.R.P., article 3.

[45]Règles d’application U.D.R.P., article 4 a).

[46]Id., article 4 b).

[47]Id., article 3.

[48]Id., article 3 b) (iv).

[49]Id.

[50]Id., article 6 a).

[51]Id., article 19 a).

[52]Id., article 19 b).

[53]Id., article 19 c).

[54]Id., articles 2 a) et 4 a).

[55]Id., article 4 d).

[56]Id., article 5 a).

[57]Id., article 5.

[58]Id., article 5 b) (iv) et (v).

[59]Id., article 5 b) (iv).

[60]Id., article 5 b) (v).

[61]Id., article 6 b).

[62]Id.

[63]Id., article 6 e).

[64]Id., article 6 c).

[65]Id., article 6 d).

[66]Id., article 6 c).

[67]The National Arbitration Forum’s Supplemental Rules to ICANN’s Uniform Domain Name Dispute Resolution Policy, article 9 c).

[68]Règles d’application U.D.R.P., article 6 f).

[69]Id., article 9.

[70]Id., article 10 a).

[71]Id., article 7.

[72]Id.

[73]Id.

[74]Id., article 10 b).

[75]Id., article 10 c).

[76]Id., article 12.

[77]Id., article 13.

[78]Id., article 10 d).

[79]Id., article 15 c).

[80]Id., article 15 d).

[81]Id., article 15 b).

[82]Id., article 15 e).

[83]Id.

[84]Id.

[85]Id., article 16 a).

[86]Id.

[87]Id., article 16 b).

[88]Principes directeurs U.D.R.P., article 4 a) [traduction libre, paraphrase déjà vue plus haut, p. 9 (note 27)].

[89]Id., article 4 b) [traduction, paraphrase].

[90]Id., article 4 c) [traduction, paraphrase].

[91]DavId Lametti, « The Form and Substance of Domain Name Arbitration », printemps 2002, vol. 7, Lex Electronica, http://www.lex-electronica.org/articles/v7-2/lametti.htm.

[92]A.M. Froomkin, loc. cit., note 41, 698.

[93]D. Lametti, loc. cit., note 91, 7.

[94]Id., 9.

[95]Id.

[96]La Politique de règlement des différends de l’A.C.E.I. est disponible à l’adresse http://www.cira.ca.

[97]Politique de règlement des différends de l’A.C.E.I., article 4.1, a) et b).

[98]Principes directeurs U.D.R.P., article 4, a) et b).

[99]Politique de règlement des différends de l’A.C.E.I., article 4.1 c).

[100]Règles d’application U.D.R.P., article 2 a).

[101]Id., article 5 a).

[102]A.M. Fromkin, loc. cit., note 41, 674.

[103]Id, 674 et 675.

[104]Id., 675.

[105]Id.

[106]Règles d’application U.D.R.P., article 5 d).

[107]The National Arbitration Forum’s Supplemental Rules to ICANN’s Uniform Domain Name Dispute Resolution Policy, article 6 a) (v).

[108]Règles d’application U.D.R.P., articles 5 e) et 14.

[109]Id., article 16 a); Principes directeurs U.D.R.P., article 4 j).

[110]110]Principes directeurs U.D.R.P., article 4 k).

[111]Règles d’application U.D.R.P., articles 1 et 3 (xiii).

[112]A.M. Fromkin, loc. cit., note 41, 684.

[113]Id.

[114]Id., 666.

[115]Règles d’application U.D.R.P., article 15 e).

[116]Milton Mueller, « Rough Justice, An Analysis of ICANN’s Uniform Dispute Resolution Policy », November 2000, http://dcc.syr.edu/reports.htm, 1

[117]Id.

[118]Id., 10.

[119]Id., 2.

[120]Id., 11.

[121]Michael Geist, « Fair.com?: An Examination of the Allegations of Systemic Unfairness in the ICANN UDRP », August 2001, http://www.udrpinfo.com.

[122]Id., 17.

[123]Id.

[124]Id., 6.

[125]Id.

[126]Id., 17.

[127]Id., 18.

[128]Id., 18 et 19.

[129]Michael Geist, « Fundamentally Fair.Com?: An Update On Bias Allegation and the ICANN UDRP », 2002, http://www.udrpinfo.com.

[130]Id., 5.

[131]Id.

[132]Id., 6.

[133]Id.

[134]Id., 6.

[135]M. Mueller, loc. cit., note 8 et note 116.

[136]M. Geist, loc. cit., note 121 et note 129.

[137]M. Geist, loc. cit., note 129, 4.

[138]M. Geist, loc. cit., note 121, 3.

[139]A. Mickael Fromkin et DavId Post, « Fromkin and Post Send Letter to ICANN Board », 26 January 2000, http://www.icannwatch.org/archive/post_froomkin_udrp_letter.htm, 1

[140]M. Mueller, loc. cit., note 8, 2.

[141]Principes directeurs U.D.R.P., article 4 a); Règles d’application U.D.R.P., article 3 a).

[142]A.M. Fromkin, loc. cit., note 41, 671 et 672.

[143]M. Geist, loc. cit., note 121, 3 et 4.

[144]Id., 4.

[145]Id.

[146]Id., 5.

[147]Supra, p. 16 et suivantes.

[148]A.M. Fromkin, loc. cit., note 41, 676.

[149]Id.

[150]Id., 677.

[151]M. Geist, loc. cit., note 121, 6.

[152]Id., 3.

[153]Scott Donahey, « 2001, BNA International, Inc. », Vol. 6, No. 34, Electronic Commerce & Law Reports, 937, 4.

[154]Id., 4.

[155]M. Geist, loc. cit., note 121, 7.

[156]Règles supplémentaires eResolution, article 8.

[157]M. Geist, loc. cit., note 121, 8.

[158]Id., 8.

[159]M. Geist, loc. cit., note 121, 6.

[160]M. Mueller, loc. cit., note 8, 19.

[161]Id.

[162]Id.

[163]M. Mueller, loc. cit., note 8, 21.

[164]Id., 22.

[165]Id., 21 et 22.

[166]Id., 22.

[167]Id., 15.

[168]A.M. Fromkin, loc. cit., note 41, 696.

[169]Id., 697.

[170]Id., 688.

[171]Id.

[172]M. Mueller, loc.cit., note 116, 19.

[173]Principes directeurs U.D.R.P., article 4, 4 d); Règles d’application U.D.R.P., article 3.

[174]M. Mueller, loc.cit., note 116, 19 et 20.

[175]Id., 20.

[176]Id., 19.

[177]A.M. Fromkin, loc. cit., note 41, 672 et 673, 692.

[178]Id., 691.

[179]Id., 690.

[180]F. Gélinas, loc. cit., note 29, 605.

[181]Id., 605.

[182]Supra, PARTIE I, B 2), note 107.

[183]A.M. Fromkin, loc. cit., note 41, 703, 704.

[184]M. Geist, loc. cit., note 121, 28.

[185]Id.

[186]Politique de règlement des différends relatifs aux noms de domaine de l’A.C.E.I., article 6.

[187]M. Geist, loc. cit., note 121, 29.

[188]Id.

[189]D. Lametti, loc. cit., note 91, 5.

[190]Id.

[191]A.M. Fromkin, loc. cit. note 41, 689.

[192]Id., 607.

[193]M. Geist, loc. cit., note 121, 31.

[194]Id., 30.

[195]A.M. Fromkin, loc. cit., note 41, 708 et sv.

[196]Supra, p. 16.

[197]Supra, p. 17.

[198]A.M. Fromkin, loc. cit., note 41, 703.

[199]Id., 702.

[200]Id., 702 et 703.

[201]Id., 705 et 706.

[202]F. Gélinas, loc. cit., note 29, 590 et 591.

[203]A.M. Fromkin, loc. cit., note 41, 708.

[204]F. Gélinas, loc. cit., note 29, 591.

[205]A.M. Fromkin, loc. cit., note 41, 692 et sv.

[206]M. Mueller, loc. cit., note 8, 18.

[207]A.M. Fromkin, loc. cit., note 41, 699 et sv.

[208]A.M. Fromkin, loc. cit., note 41, 700.

[209]M. Mueller, loc.cit., note 8, 1.

[210]F. Gélinas, loc. cit., note 29, 604.

[211]A.M. Fromkin, loc. cit., note 41, 716.

[212]Id.

[213]F. Gélinas, loc. cit., note 29, 604.

[214]I.C.A.N.N., « Statistical Summary of Proceedings Under Uniform Domain Name Dispute Resolution Policy », http://www.icann.org/udrp/proceedings-stat.htm.

[215]F. Gélinas, loc. cit., note 29, 584.

[216]Id., 599.

[217]Tamara Loomis, « Domain Name Disputes Decline as Internet Matures », New York Law Journal, 02-07-2003, http://www.law.com/index.shtml.

[218]M. Mueller, loc. cit., note 8, 3.

[219]Id.

[220]Id.

[221]Id., 27.

[222]A.M. Fromkin, loc. cit., note 41, 716.

[223]Id.

[224]O.M.P.I., « La reconnaissance des droits et l’utilisation des noms de domaine dans le système de l’Internet : Rapport concernant le deuxième processus de cosultations de l’OMPI sur les noms de domaine de l’Internet », 3 septembre 2001, http://wipo2.wipo.int/process2/index-fr.html.

[225]D.G.Post, loc. cit., note 1, 5.

 

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