Mondex : phénomène caché

Patrice GLADU


 

Introduction

Commerce électronique

Paiement électronique

Normes théoriques

Sécurité

Système Mondex

Historique du projet

Projets pioltes de Swindon et de Guelph

Évolution du principe

Caractéristiques physiques

Système fermé et les acteurs

Aspect sécuritaire

Analyse de Mondex en rapport aux normes théoriques

Aspect de la vie privée

Comparaison avec SET

Effets de l’utilisation de la monnaie électronique

Seigneuriage

Impact fiscal

Valeur monétaire légale de Mondex

Conclusion

 


Introduction

Le commerce a récemment emprunté la voie de l’informatisation afin d’évoluer en diapason avec l’ensemble de l’activité humaine. Cette mutation des pratiques commerciales ne peut se faire du jour au lendemain car, dans un premier temps, des barrières importantes doivent être franchies du point de vue technologique. Bien que cette étape d’adaptation purement technologique soit en voie d’être réalisée en ce moment même, une autre barrière plus mystérieuse se dresse devant la progression du commerce électronique. Cette dernière repose à l’intérieur même des futurs utilisateurs de cette technologie. Effectivement, un tel bouleversement commercial aura des répercussions énormes sur la vie quotidienne de l’ensemble de la population des pays industrialisés.

Le bouleversement le plus tangible pour la masse des consommateurs se situera au niveau des modalités de paiement que le commerce électronique instaurera afin d’assurer son fonctionnement. L’argent traditionnel devient donc une relique dans un monde centré sur les échanges commerciaux à vocation internationale. Le propre du commerce électronique est de réduire les distances qui, auparavant, étaient quasi infranchissables pour un simple consommateur. Des distances qui autrefois se calculaient en dizaines, voir même en milliers de kilomètres, ne se calculent plus dorénavant qu’en secondes. Le monde s’ouvre et continuera à s’ouvrir à la consommation directe.

Nécessité obligeant, notre argent sous sa forme de papier devra céder le pas à une forme d’argent électronique permettant l’accès à la nouvelle facette du monde de la consommation et à des échanges à teneur commerciale. Nous nous pencherons donc sur l’analyse du phénomène des modes de paiement électroniques.

Nous débuterons par un survol de l’évolution qui nous a amené vers le commerce électronique, puis nous cernerons le nœud de cet environnement d’échanges, soit le paiement électronique. Nous scruterons les normes théoriques mises en place afin de pouvoir apprécier la validité et l’efficacité des modes de paiement électroniques. À l’intérieur de ces normes, celle de la sécurité ressort comme étant le point central. En conséquent, nous lui apporterons une attention toute particulière.

Cette mise en place des divers concepts entourant le commerce électronique nous amènera vers une analyse plus détaillée d’un mode de paiement en particulier. Nous nous concentrerons donc sur le système proposé par Mondex. L’évolution historique et une description plus physiologique du projet nous permettront d’envisager avec plus de facilité les fondements technologiques rattachés à ce système en pleine évolution. Comme Mondex représente une forme de paiement potentielle au sein du commerce électronique, nous porterons une vive attention à l’aspect sécuritaire du projet. Comme nous le verrons, cette analyse de la sécurité nous amènera directement vers des questions relatives à la protection de la vie privée entourant Mondex.

Afin d’avoir une vue d’ensemble du commerce électronique, nous présenterons une comparaison du système Mondex avec un autre projet, soit SET. Ce dernier, quoique n’étant pas un mode de paiement qui engendre la création d’une monnaie virtuelle, tente d’agir à titre de norme industrielle dans le domaine du paiement par carte de crédit sur l’Internet.

Nous terminerons par un survol des effets relatifs à l’utilisation de la monnaie électronique sur le seigneuriage et la fiscalité en général. Car, comme nous le verrons, le commerce électronique basé sur l’utiliation de cartes à puce génératrices d’argent électronique comme Mondex engendre plusieurs répercussions pour les divers paliers du gouvernement et indirectement, sur chaque contribuable canadien. Nous terminerons cette partie par une analyse de la valeur légale de l’argent électronique au Canada.

 

Commerce électronique

Depuis que l’homme vit en société, l’activité qui consiste en l’achat, la vente, l’échange de marchandises, de denrées, de valeurs et de services s’amplifia considérablement et évolua par la même occasion. Le commerce est né.

L’apparition de la monnaie n’a fait que simplifier le commerce. En substituant une valeur fictive à un objet pré-choisi, l’introduction de la monnaie permet ainsi de franchir le stade du troc rudimentaire et d’élargir les possibilités d’échanges sans dépendre du besoin d’autrui. Les historiens découvrirent que les premiers transferts bancaires datent de 1200 ans av. J.-C.. Il va sans dire qu’au fil des années, les méthodes de commerce se sont développées. L’apparition du chèque, autorisation via un ordre écrit, au XIIIe siècle et l’avènement du télégramme électrique durant le XIXe siècle ont rendu les transferts quasi instantanés et firent donc progresser le commerce (1) . L’expansion du commerce est une composante critique du processus de modernisation des sociétés. Cette étroite relation se transpose aux moments marquants de la modernisation qui furent engendrés par une importante progression du commerce. Nous n’avons qu’à penser à la Révolution Industrielle débutant au XVIIIe siècle, qui modernisa considérablement les aspects de la vie quotidienne et qui fut canalisée en grande partie par le commerce. Ce dernier façonne la face même du monde.

 

Notre siècle fut marqué par l’apparition d’un nouveau moyen de faire des transactions commerciales courantes, soit la carte de crédit. Cette dernière permettant l’accès à un crédit immédiat, accentua ainsi la rapidité de transiger avec des tiers commerçants. Ceci, jumelé à l’expansion rapide de l’Internet (on prévoit que pour les États-Unis, 100 millions de consommateurs seront branchés à cette infrastructure technologique à l’aube du XXIe siècle (2) ), à l’échange de données informatisées (EDI) et à la mondialisation des marchés (3) sont, depuis dix ans, les fondements même d’une révolution du commerce. Cette révolution, c’est le commerce électronique.

Étant donné son rôle prédominant dans l’accroissement du commerce électronique, nous voudrions clarifier ce qu’est l’Internet. Deux aspects font de l’Internet un outil totalement différent des autres médias utilisés pour le commerce. Premièrement, l’Internet permet une communication bidirectionnelle et deuxièmement la structure repose sur une norme ouverte (open standard TCP/IP). L’Internet se présente donc sous la forme d’un réseau qui est lui-même construit à partir de l’interconnexion de sous-réseaux. L’évolution débuta dans les années 60 lorsque le United States Departement of Defense subventionna la création d’un projet qui aboutit au développement de la communication en réseaux pour relier ses diverses branches d’activités. Ce projet fondé par la Defense Advanced Research Projets Agency (DARPA) était connu sous le nom d’Arpanet. Le travail accompli dans la mise sur pied de ce projet produisit deux normes spécifiques pour la transmission d’informations. TCP (Transmission Control Protocol) et IP (Internet Protocol) qui à eux seuls représentent une norme pour la couche de transport. Cette couche permet d’assurer la fiabilité de la transmission.

 

Le terme révolution est peut-être mal choisi comme le souligne Lawrence H. White (4) "what has been changing over centuries is the usual method of authorizing the transfer of balances from one account to another". Mais peu importe si nous sommes confrontés à une évolution ou une révolution, nous ne pouvons passer sous silence le phénomène du commerce électronique qui grandit constamment et qui attire les regards des grands du monde financier. Malgré notre bonne volonté de refuser de voir dans ce simple geste une orientation définitive du commerce, ces joueurs sont de taille et, à eux seuls, ils choisiront la destinée du commerce. Ceci rend donc encore plus importante la compréhension de ce phénomène commercial.

 

À l’heure actuelle, l’évolution du commerce électronique est phénoménale. Elle se présente sous diverses formes et se base sur une multitude de technologies. Le commerce électronique "désigne en général toutes les formes de transactions liées aux activités commerciales, associant tant les particuliers que les organisations, et reposant sur le traitement et la transmission de données numérisées, notamment texte, son et image. Il désigne aussi les effets que l’échange électronique d’informations commerciales peut avoir sur les institutions et sur les processus qui facilitent et encadrent les activités commerciales" (5) . Cette définition large du commerce électronique permet d’englober à la fois l’Internet, les réseaux fermés et les réseaux hybrides. Il s’agit donc d’un nouvel environnement pour le commerce nourri, entre autres, par la croissance de l’Internet. Il nous faut cependant rappeler que le commerce électronique, outre sa branche rattachée au média qu’est Internet, compte parmi ses ramifications tout le phénomène des cartes à mémoires (aussi appelées porte-monnaie électroniques). Cette tendance incite donc les entreprises et les consommateurs à utiliser cette nouvelle voie pour les transactions commerciales.

L’analyse du phénomène qu’est le commerce électronique peut se faire sous plusieurs angles. Entre autres, sous le plan juridique puisque son fondement repose sur une vente. Avant d’arriver à la vente, la situation du commerce électronique s’apparente à une offre de contracter. "Est une offre de contracter, la proposition qui comporte tous les éléments essentiels du contrat envisagé et qui indique la volonté de son auteur d’être lié en cas d’acceptation" (6). L’effet principal de l’offre est de permettre la formation du contrat par l’acceptation du destinataire(7). Le droit des contrats, dans le Code civil du Québec, est consensuel. La formation de ce dernier s’effectue par le seul échange de consentements entre des parties capables de contracter pourvu qu’il y ait à la base de ce contrat une cause et un objet licites(8). Ainsi, selon ma grand-mère, la vente résulte de l’échange de consentements sur un bien, un prix et certaines conditions(9) et ceci touche le commerce électronique dans son ensemble. Nous envisagerons l’analyse du commerce électronique sous l’angle de ses acteurs et sous l’aspect technologique principalement relié au mode de paiement de ce procédé.

Nous pouvons dire que le commerce électronique met en scène trois types d’acteurs : les entreprises, les consommateurs et les services publics. Voici un schéma qui illustre l’interaction entre ces acteurs (10) :

 

ENTREPRISES

 

SERVICES PUBLICS                 CONSOMMATEURS

 

Aujourd’hui, l’interaction du commerce électronique se situe essentiellement au niveau des applications interentreprises. Ces dernières utilisent l’EDI (Échange de Données Informatisées) pour des transactions avec leurs divers fournisseurs de services ou de biens. D’un autre côté, le commerce électronique est utilisé lors de transactions conclues entre les entreprises et les pouvoirs publics à l’occasion de la passation de marchés publics ou dans le cadre de fonctions administratives en rapport avec les douanes et les impôts indirects. Le commerce électronique permet d’intégrer et d’automatiser une grande partie des étapes distinctes intervenant normalement dans une transaction commerciale. Ceci représente pour l’État un avantage certain lorsque l’on regarde les diverses transactions effectuées par ce dernier. Donc, les pouvoirs publics sont directement intéressés par ce type de commerce étant donné que le secteur public est, dans la majorité des pays, le plus gros producteur de biens et de services, entre autres, par l’entremise de ses sociétés d’état. "Au sein des pouvoirs publics, l’évolution du concept d’administration électronique tend vers une relation presque symbiotique avec le développement du commerce électronique" (11) . Le développement ultime du commerce électronique se produira lorsque les consommateurs opteront massivement pour ce mode d’échange pour effectuer leurs transactions.

Le commerce électronique ne pourra que progresser car il permet d’atteindre des objectifs de rentabilité communs aux diverses formes d’entreprises. Ces objectifs se résument en la réduction du coût de distribution (diminution proportionnelle avec l’évolution des diverses infrastructures technologiques qui soutiennent le commerce électronique) et la faculté d’automatiser les transactions qui mènent à l’achat ou à la commande d’un bien ou d’un service tout en réduisant les intermédiaires de marché entre le producteur et le consommateur. L’infrastructure informatique stimule le commerce et, elle est vouée à jouer le rôle de pivot du système économique dans un avenir rapproché. Bref, le commerce électronique a des répercussions sur la nature du travail et sur la vie quotidienne en général.

Comme nous pouvons le constater, l’omniprésence du commerce électronique n’est plus un rêve, mais une réalité incontournable de l’évolution commerciale et son succès ne semble pas dépendre de son acceptation, mais plutôt de la rapidité avec laquelle les divers groupes participants pourront s’adapter. Le commerce dit traditionnel devra céder de plus en plus de terrain à cette nouvelle forme qui crée un nouveau type d’environnement pour les transactions commerciales supprimant tout contact physique lors de la conclusion d’un échange commercial. Ce développement doit donc nous préoccuper. La rapidité de sa progression nous pousse à analyser ce phénomène et à comprendre ses rouages car la face même du commerce sera inévitablement touchée par cette évolution.

"Les aspects technologiques du commerce électronique peuvent être répartis en trois groupes, correspondant aux trois fonctions fondamentales de tout environnement de marché : l’accès, la transaction et le soutien" (12) . Pour ce qui est de l’accès, cela représente la technologie utilisée afin de mettre en contact les divers acheteurs et vendeurs tout en représentant, d’un autre côté, les infrastructures utilisées pour diffuser les produits offerts. L’étape de la transaction, prise au sens large et non seulement comme l’acte lui-même, réfère aux technologies spécialisées "nécessaires pour permettre des formes spécifiques d’échanges d’informations structurées intervenant directement dans l’organisation et la conclusion des transactions commerciales et dans l’exécution d’obligations contractuelles" (13) . Finalement, le soutien regroupe entre autres les technologies d’archivage électronique, la vérification du crédit et l’authentification des identités des parties en présence lors de la transaction commerciale électronique.

Les deuxième et troisième étapes nous font réaliser que l’absence de tout contact entre les parties soulèvera de nombreux problèmes d’adaptation autant pour le consommateur que pour le commerçant. Les problèmes seront soulevés plus particulièrement au moment du paiement. La question du paiement revient ainsi régulièrement comme la dernière barrière bloquant le développement du commerce électronique. Les mécanismes de paiement font partie intégrante du commerce électronique et représentent la pierre angulaire du développement de ce type de commerce auprès de la masse d’utilisateurs potentiels. "L’exploitation du potentiel du commerce électronique ne peut devenir une réalité avant que les vendeurs, les acheteurs, les fournisseurs et les utilisateurs du crédit puissent légitimement avoir confiance dans l’intégrité, la fiabilité et la sûreté du système" (14) .

 

Paiement électronique

Au sein des aspects technologiques entourant le commerce électronique, et plus particulièrement aux étapes de la transaction et du soutien, la question du mode de paiement est centrale.

Confronté à la réalité même de ce nouveau type de commerce, l’argent traditionnel sous sa forme de papier ne peut pas convenir. Par conséquent, de nouveaux mécanismes doivent être conçus afin de s’adapter au commerce électronique. Les mécanismes de paiement adaptés au commerce électronique n’ont d’autres alternatives que de dématérialiser l’argent. La difficulté majeure des mécanismes de paiement consiste à assurer la sécurité des parties. "Il faut être en mesure d’éliminer tous les risques d’interception des informations lors des transactions. Néanmoins, si les risques d’interception ne peuvent pas être écartés, il faut rendre les informations inutilisables par un fraudeur." (15) Il faut donc réussir ce tour de force tout en permettant une utilisation conviviale de ce mécanisme de paiement.

 

Normes théoriques

Un mécanisme de paiement doit rencontrer le plus possible certains objectifs. Voici donc les exigences qui définissent un mode de paiement électronique susceptible d’être utilisé lors d’une transaction(16) .

  1. La flexibilité
  2. La flexibilité rattachée à un mode de paiement suppose une indépendance vis-à-vis un soutien physique particulier. Ce critère permet donc à l’usager d’effectuer une transaction à partir de l’endroit de son choix. Cet aspect englobe également la compatibilité des différentes plates-formes d’opérations que le mode de paiement peut rencontrer lors des diverses transactions réalisées.

  3. La facilité d’utilisation
  4. Malgré la nécessité absolue de remplacer l’argent traditionnel par le commerce électronique, nous devons conserver dans ce nouveau mode de paiement la facilité d’utilisation que l’argent en papier offre. Une complexité d’utilisation vouerait le mécanisme à une utilisation réduite. "La simplicité des paiements électroniques devrait en effet contribuer à leur utilisation massive […]. Leur convivialité ainsi que leur facilité d’opération et d’implantation seront des gages de succès" (17) .

  5. La divisibilité
  6. Cela représente la possibilité de faire des micro-paiements via ce mode de paiement. "Plus les unités sont susceptibles d’être divisées, plus il est facile d’encourager les transactions à faible valeur monétaire" (18) . Les fractions de cent seront des atouts majeurs, car elles permettront l’accès aux divers sites payants que le commerce électronique créera sur l’Internet.

  7. L’universalité
  8. L’universalité repose sur la possibilité d’utiliser le mode de paiement non seulement dans le cadre du commerce électronique via l’Internet, mais également l’utilisation de ce même mécanisme en dehors de cette infrastructure informatique comme pour des achats quotidiens qui normalement reposaient sur l’utilisation d’argent ou d’une autre forme de crédit. L’universalité passe également par l’adaptation des mécanismes aux échanges internationaux.

  9. La sécurité
  10. "La sécurité et la fiabilité des paiements électroniques jouent un rôle prépondérant dans le succès de son implantation et de son développement. À cet égard, la protection contre l’usurpation d’identité, la fraude et les atteintes à la confidentialité apparaît essentielle" (19) . L’objectif de la sécurité est donc le plus important des critères de performance d’un mécanisme de paiement, car pour les utilisateurs, la dématérialisation de leur argent représente l’enjeu central du commerce électronique.

     

Sécurité

La sécurité étant, comme nous l’avons mentionné précédemment, d’une importance capitale, nous lui consacrerons donc un peu plus d’attention. Suite à la croissance du commerce électronique, les compagnies offrant des procédures et des systèmes de sécurité sont en pleine expansion depuis quelques années. Le marché actuel renferme donc plusieurs types de systèmes qui tentent de percer le marché en se démarquant. Néanmoins, l’objectif commun de sécurité a créé des normes de performance que l’on peut qualifier d’uniformes. L’aspect de la sécurité varie donc d’un mode de paiement à un autre, étant donné les diverses composantes du système de sécurité propres à chacun. La sécurité peut néanmoins être atteinte en rencontrant une ou plusieurs normes telles, l’intégrité, l’authentification, la confidentialité, la disponibilité et la fiabilité. Plus ces normes seront atteintes efficacement et le tout dans un ensemble regroupant les objectifs prédéfinis ci-dessus, et plus le mode de paiement tendra vers une harmonie d’utilisation qui permettra son implantation massive.

La confidentialité permet à une ou plusieurs parties de pouvoir transiger de manière confidentielle soit relativement à leur identité réciproque ou encore face au contenu de l’achat ou au montant et au lieu de la dite transaction lorsqu’un tiers de confiance entre en jeu. Ce type de paiement est nommé paiement "en ligne", ce qui suppose l’intervention active d’une banque ou d’un autre type d’intermédiaire pour l’accomplissement de la transaction. Une transaction qui se déroule sans l’intervention d’un tiers, donc de manière directe est dite "hors ligne". Néanmoins, une transaction qui ne nécessite pas l’intervention d’un tiers et qui est faite sur l’Internet demeure une transaction "hors ligne". Cette confidentialité permet donc de créer des transactions anonymes qui ne laissent aucune trace.

La disponibilité se traduit par une accessibilité de tout instant à ce mécanisme de paiement et est, par le fait même, étroitement reliée à la fiabilité du système global de paiement qui ne doit jamais laisser l’utilisateur dans le vide causé par une défaillance technique. L’utilisateur ne doit pas craindre la possibilité d’une perturbation entraînant la perte d’argent ou la rupture d’une transaction. Les composantes de la sécurité reposent sur les aspects "hardware" et logiciel, le terme sécurité logicielle fait référence à l’aspect "software" de la sécurité des procédures de paiement électroniques impliquées lors de transactions.

Pour leur part, l’intégrité et l’authentification se jumellent à un certain degré pour former la composante majeure de sécurité nécessaire au sein d’un mécanisme de paiement lors de transactions financières. Tout ce qui entoure l’étape du prélèvement d’une somme d’argent rattaché à un transfert informatisé ne doit pas pouvoir être altéré de quelque manière que ce soit et doit en plus contenir une autorisation expresse de l’acheteur qui vient confirmer l’achat fait. À ce niveau, l’introduction dans le mécanisme d’un tiers de confiance peut venir sécuriser l’étape du paiement pour les deux parties. En effet, ce tiers assure d’une part à l’acheteur qu’il transige avec un commerçant authentique qui jouit d’une certaine réputation étant donné l’acceptation du tiers de confiance d’approuver l’action de ce dernier. D’une autre part, le commerçant s’assure ainsi que le paiement sera bel et bien effectué et que l’acheteur a pleine capacité d’agir. Le phénomène du "double spending" doit être contré par les deux composantes de la sécurité précédemment mentionnées. Le "double spending" est ce que nous pouvons appeler la double utilisation, une sorte de contrefaçon électronique de la monnaie utilisée pour le paiement. Afin de prévenir le phénomène de la double utilisation lors des transactions de paiement "en ligne", le recours au tiers de confiance, généralement une banque qui garde une liste exhaustive de chaque unité de paiement déjà utilisée, est nécessaire. "Une telle méthode de vérification, bien appropriée au regard de sommes substantielles, comporte cependant une lourdeur inutile dans le cas de micro-paiements, comme par exemple l’achat d’un journal" (20) . Les systèmes de paiement "hors ligne" ont, pour leur part, recours à d’autres méthodes afin d’éviter la double utilisation.

Trois approches ont été réalisées pour remplir les critères de sécurité ci-haut mentionnés. La première approche est la vérification de la couche de transport. Toute transaction électronique dépend d’une infrastructure informatique physique. Nous n’avons qu’à envisager le cas où l’infrastructure choisie est l’Internet, la couche de transport sera TCP/IP. Cette couche de transport prouve que le message a été acheminé correctement d’un point A à un point B, mais ne peut pas assurer l’intégrité de la transaction.

La deuxième approche repose sur la certification par une tierce personne. Cette partie doit être impartiale et fiable afin de s’acquitter adéquatement de son objectif de sécuriser les transactions et plus spécifiquement, l’étape du paiement. Sa fonction est non seulement de prouver que le message a été reçu, mais également d’enregistrer le contenu du message en cas de conflit éventuel. Le rôle de cette tierce partie peut être plus actif si elle permet d’authentifier les parties et si elle permet de confirmer immédiatement l’intégrité de la transaction (allant ainsi plus loin que le simple archivage). Cette dernière possibilité n’implique pas nécessairement la connaissance même des termes convenus. Le mécanisme de la signature aveugle assure à l’acheteur une confidentialité totale et, du même coup, permet au tiers de confiance de pouvoir assurer l’intégrité de l’entente sans en connaître les termes.

Afin d’atteindre les critères de performance maximisant la sécurité, une dernière approche est nécessaire. Il s’agit de la cryptographie. Cette dernière est la "science qui a pour but de protéger le caractère confidentiel d’une information donnée" (21) . Il s’agit, en d’autres mots, de déguiser la transaction de manière à ce que seul le destinataire de cette dernière puisse voir au travers de ce déguisement.

 

Système Mondex

Après avoir brossé un tableau d’ensemble du phénomène qu’est le commerce électronique, nous analyserons spécifiquement un mode particulier de paiement qui pourrait faire en sorte que le trio de participants dans cette nouvelle forme de commerce se centralise autour des consommateurs. Comme nous l’avons mentionné, l’attraction de la masse des utilisateurs passera par un mécanisme de paiement fiable et sécuritaire. Le système Mondex tend-il vers ces normes sectorielles préétablies ? La réponse à cette question fondamentale sera le centre de notre analyse. Une présentation globale du phénomène Mondex incluant un aperçu historique agira comme base à cette analyse. Ensuite, nous enchaînerons avec une description physique de ce dernier, ce qui nous amènera à l’appréciation de la réussite possible du système Mondex comme mode de paiement dans le commerce électronique.

 

"The development of Mondex is at full speed, outpacing the traditional venues of academic and public discourse" (22) . Mondex est un mode de paiement électronique qui trouve support sur une carte à puce. Mondex est un consortium à caractère international, ce qui permet à ce dernier d’atteindre une cinquantaine de pays à travers le monde. La monnaie électronique Mondex fonctionne à l'aide d'un microprocesseur intégré à une carte de plastique. La puce enregistre la valeur de l'argent électronique, déduit les montants dépensés et peut être rechargée aux guichets automatiques ou par virement téléphonique. La monnaie électronique Mondex peut être utilisée en remplacement de l'argent comptant pour effectuer des transactions rapides et en toute commodité chez les marchands participants. Ce regroupement permet donc de joindre les avantages du paiement au comptant avec ceux du paiement via une carte. Tout comme l’argent, Mondex est anonyme, jusqu‘à un certain point, et n’engendre aucun coût de transaction(23) . Ce mode de paiement est introduit par des acteurs financiers très importants à l’échelle mondiale en association avec des partenaires technologiques de pointe.

 

Mondex peut être utilisé comme une alternative à l’argent traditionnel étant donné sa capacité d’utilisation polyvalente sur un réseau informatique et à l’extérieur de ce dernier. Cette puce est capable d'effectuer le traitement de cinq devises, ce qui permet aux utilisateurs d'acheter par Internet outre-frontières. Mondex permet également les paiements entre personnes directement, transactions préalablement qualifiées de "hors-ligne", sans l’utilisation des facilités bancaires grâce à des appareils tels les téléphones spécialement adaptés(24) . Ceci se traduit donc par une instantanéité des transactions effectuées via ce mode de paiement. Mondex représente donc une carte ayant la capacité d’emmagasiner de l’argent électronique spécifique au système Mondex. Au sein de cette dernière, la cryptographie joue un rôle essentiel. La carte Mondex fonctionne donc de manière "hors-ligne"; chaque transfert ayant lieu directement entre les parties impliquées. Comme chaque transaction entre les lecteurs est protégée par la cryptographie, la carte peut être utilisée sur un réseau ouvert comme l’Internet.

 

Historique du projet

Le phénomène Mondex n’en est pas à ses débuts comme en témoigne l’historique impressionnant qui suit (25)   :

1990 Mondex voit le jour grâce à ses inventeurs, Tim Jones et Graham Higgins, tous deux employés de NatWest (National Westminster Bank ) d’Angleterre.

1991 Cette année fut marquée par les nombreuses relations qui furent instaurées afin de structurer le projet qu’est Mondex. De multiples partenariats avec des piliers dans le domaine de l’informatique tels que Hitachi, Panasonic (Matsushita Electric) et OKI virent le jour. De plus, des études de marché à l’échelle planétaire furent également entreprises (Angleterre, États-Unis et autres.). Depuis 1991, ces études de marché détaillées ont pris le pouls de plus de 5 500 consommateurs. Dans ce même laps de temps, plusieurs cartes à puce furent implantées pour des tâches spécifiques afin de tester le système mis sur pied. Citons à titre d’exemple, la National Westminster Bank qui opta pour cette méthode de paiement, connu à l’époque sous le nom de "The Byte".

1993 Le partenariat avec la Midland Bank est annoncé. Mondex UK, filiale basée en Angleterre, est maintenant partagée à part égale entre cette dernière et Natwest.

1994 La première série de spécifications pour les produits fut annoncée. Cela permis donc aux divers manufacturiers d’entamer le développement des produits compatibles avec Mondex. L’année 1994 marqua également l’attribution du prix ESCAT (European Smart Card Applications & Technology) pour la carte à puce la plus innovatrice. Des droits de franchise furent également vendus pour la région asiatique (Hong Kong, Chine, Inde, Indonésie, Philippines, Singapour et la Thaïlande) à la Hongkong and Shanghai Banking Corporation Limited.

Sur le plan technologique, Hitachi créa une version spéciale du microprocesseur de la série H8/310.

1995 L’implication de la Bank of Scotland dans le projet Mondex fut annoncée pour le volet britannique de ce dernier. Les droits de franchise pour le Canada furent acquis par la Banque Royale de Canada et par la CIBC (Canadian Imperial Bank of Commerce). Bell Canada se joignit par la suite aux partenaires. Le siège social de Mondex Canada est établit à Toronto (Commerce Court Postal Station).

Le projet pilote de Swindon, Angleterre, débuta. À la fin de 1996, plus de 13 000 utilisateurs employaient la carte Mondex dans cette région qui compte environ 700 commerçants aptes à recevoir ce type de paiement. Plusieurs infrastructures furent instaurées pour ce projet pilote tels des téléphones publics et résidentiels et des guichets informatisés.

1996 Le projet pilote de Guelph, en Ontario, fut annoncé au cours de cette année (13 février 1997).

L’implantation de franchises s’est poursuivie dans la région du Pacifique, principalement en Australie et en Nouvelle-Zélande.

Mondex fut établi comme une organisation de paiement indépendante, Mondex International Limited. Sa propriété repose dans un consortium de 17 propriétaires répartis sur quatre continents. La franchise des États-Unis fut acquise par Wells Fargo Bank et Citibank.

Un développement conjoint entre Mondex International et CyberCash permet l’utilisation de la carte Mondex sur l’Internet. Gemplus devient le fournisseur de cartes à puce pour l’implantation globale du projet Mondex.

Le 18 novembre, Mastercard International signe une entente pour l’acquisition de 51% de Mondex International, transaction qui s’achèvera le 23 février 1997. Mondex devient ainsi un produit de Mastercard International.

Création de Mondex USA (Citibank, Chase Manhattan, Discover Financial Services, First Chicago NBD, MasterCard international, Michigan National Bank et Well Fargo).

1997 Le projet de Guelph progresse rapidement. Après un mois, une personne de la région sur vingt possède une carte Mondex.

Toujours au Canada, le Credit Union Central of Canada se joint au projet Mondex.

AT&T annonce une solution pour le paiement sur l’Internet du projet. Cette solution fut la première à utiliser la technologie "chip-to-chip" de Mondex pour l’Internet. De plus, Hyercom International permet dorénavant aux marchands d’accepter le paiement via Mondex grâce à des appareils adaptés. Dot Matrix Limited développe le DOT terminal, adapté pour recevoir le paiement de Mondex, et inclut un nouveau système de sécurité intégré. De plus, Rejectors Inc et SmartMove développeront des lecteurs de cartes Mondex et d’autres appareils connexes.

Le consortium MAOSCO (Dai Nippon Printing, Gemplus, Hitachi, Keycorp, MasterCard International, Mondex International, Motorola et Siemens) se forme afin d’introduire MULTOS (Multi-Application Operating System).

La Banque de Montréal, le Canada Trust, Le Mouvement des Caisses Desjardins et la Banque Nationale du Canada se joignent à la CIBC et à la Banque Royale du Canada dans Mondex Canada. Au cours de l’année, la Banque Scotia s’intègre au groupe.

Open Trading Protocols voit le jour et a pour but d’instaurer un standard pour toutes les formes de transactions sur Internet (Actra, British Telecom, CyberCash, Dot Matrix, Hitachi, IBM, Nokia, Oracle, Sun Microsystems, Unisource et Verifone).

Lancement de la première carte multi-usages à l’Université d’Édimbourg, en Écosse. Un projet pilote pour l’année 1998 est annoncé à Sydney, Australie.

Nouveau processeur d’Hitachi (H8/3109).

Syntellect et Amdahl apportent une technologie pour l’adaptation des réseaux bancaires aux cartes Mondex.

Introduction de paramètres Mondex dans le projet de Guelph (Canada).

1998 Open Trading Protocols est disponible.

Les standards de MULTOS sont franchisables.

Le premier test d’application du support de plusieurs devises est complété. L’échange impliquait des dollars de Hong Kong qui furent transformés en dollars américains.

Premier anniversaire du projet pilote de Guelph (26 février). Celui-ci fut reconnu comme un des projets de monnaie électronique les plus avancés au monde regroupant 560 marchands, 12 000 membres et plus de 2 millions en argent électronique. Annonce d’un projet pilote futur dans la région de Sherbrooke (26) (Québec, Canada).

Affiliation de Fujitsu Ltd, ICL et Amdahl Group au projet MULTOS. MULTOS est entrevu comme un marché émergent pour la technologie des multi-applications.

 

Projets pilotes de Swindon et de Guelph

Cette rétrospective historique nous démontre la façon empirique sur laquelle Mondex se fonde pour développer son nouveau produit aux aspirations mondiales. De cette méthode, nous remarquons l’emphase portée sur l’aspect pratique, principalement grâce aux divers projets pilotes, et aux analyses. Étant donné l’importance des projets pilotes pour définir les chances d’implantation mondiale, nous regarderons plus attentivement les projets pilotes de Swindon, première application de Mondex, et de Guelph, représentant le premier projet ayant ses assises sur le nouveau continent.

Premièrement, le projet de Swindon. Une multitude de facteurs tant économiques que sociaux guident tout d’abord les choix géographiques des divers projets pilotes et Swindon n’y fait pas exception. Les tests dans cette région de l’Angleterre ont débutés le 3 juillet 1995 et furent initialement prévus pour une durée de deux ans. L’inauguration du projet marquait un point important dans l’évolution de Mondex et représentait une occasion idéale d’offrir une vitrine du projet au reste du monde afin de faciliter l’implantation future. Les préparatifs d’adaptation de la ville nécessitèrent plusieurs mois de dur labeur. Le projet impliquait donc le besoin de nouvelles facilités de paiement, entre autres, vingt guichets automatiques, plus de quatre-vingt lecteurs installés dans le réseau de transport en commun et plusieurs téléphones adaptés. Le point central de ce projet est le magasin Mondex qui fournit les divers renseignements utiles à la réalisation du projet et agit également comme support technique dans l’application.

Les résultats initiaux du projet pilote Swindon sont les suivants :

Le projet pilote a permis d’analyser les besoins des consommateurs et d’adapter des solutions concrètes afin de les régler définitivement. Seules quelques critiques négatives comme par exemple, le besoin plus grand d’espace requis pour les appareils de paiement est à noter. Il nous faut souligner que l’utilisation de la carte Mondex lors de ce projet pilote n’entraînait aucun déboursé de la part des divers groupes de participants. Le 31 juillet 1998 marqua la fin du projet pilote de la communauté de Swindon qui, aux dires de Mondex, rencontra l’ensemble des objectifs fixés.

Deuxièmement, le projet de Guelph. Cette ville a fait l'objet du premier projet pilote Mondex au Canada pour ses caractéristiques socio-économiques, notamment, parce que la ville de Guelph est située au centre du triangle économique et stratégique canadien. Le projet pilote de Guelph s'est fortement inspiré de celui qui a prévalu à Swindon en Angleterre entre autres en ce qui concerne la méthode d’implantation d’un Centre Mondex, situé au 32 rue Wyndham, qui a officiellement ouvert ses portes au public le 5 décembre 1996.

Le 31 décembre 1998 marqua l'achèvement, à Guelph en Ontario, d'une importante étude de marché d'une durée de vingt-deux mois sur le système de monnaie électronique Mondex. Ce projet pilote, lancé en février 1997, avait pour objectif de fournir à l'Association Mondex Canada, aux institutions financières participantes ainsi qu’à ses partenaires tels que Bell Canada, des données exhaustives sur les besoins des consommateurs et des marchands participants, ainsi que des renseignements sur les améliorations à apporter au système de paiement électronique en pleine évolution. À Guelph, plus de 12 000 résidents ont transigé pas moins de trois millions de dollars en utilisant leur carte à puce Mondex et ce, auprès de 560 marchands et points de vente participants. Afin de voir l’ampleur de l’implantation au niveau des marchands, se référer à l’Annexe II. De plus, durant le projet pilote, les résidents de Guelph ont utilisé leur carte Mondex auprès de 36 guichets automatisés compatibles Mondex à l'aide de 250 appareils téléphoniques Millénium et 2 500 appareils téléphoniques à écran-afficheur Vista 360.

L'une des plus importantes constatations du programme de Guelph a été sans contredit la confirmation d'un potentiel important en ce qui a trait aux besoins d'utilisation de la monnaie électronique à travers le Canada. Le succès du projet pilote de Guelph pourra fournir des statistiques permettant d’évaluer le succès de ce dernier en se basant sur les informations recueillies tout au long du programme. Actuellement, les statistiques offertes sont peu significatives. Notons tout de même que le volume d’argent transigé par le système Mondex est de l’ordre de 15 000$ quotidiennement. La ville de Guelph est à l'origine de l'implantation de la monnaie électronique incluant les paiements reliés au système de transport en commun, aux parcomètres, aux guichets automatiques; les paiements se rapportant aux services de livraison à domicile, aux téléphones publics, aux appareils de chargement à domicile, aux transactions personne à personne et à celles effectuées par les marchands. De surcroît, c'est plus de 8 000 personnes qui ont visité la ville de Guelph afin d'évaluer le système de monnaie électronique en action. Nous voudrions ouvrir une courte parenthèse sur le projet pilote de Sherbrooke. Depuis son annonce officielle, très peu de renseignements sont disponibles; la page web consacrée à ce projet chez Mondex Canada n’est qu’une feuille blanche.

Nous avons donc, après ce survol rapide, une meilleure idée de ce que représente le système de paiement Mondex. Mais derrière cette simple carte de plastique se cache tout un aspect technologique complexe qui permet d’atteindre les finalités qu’impose le secteur des modes de paiement électroniques. Malgré l’étendue de ce consortium, il faut garder à l’esprit que Mondex est un système privé et fermé. Donc, l’accès à l’information essentielle à l’analyse du produit est difficile, voire presque impossible à obtenir étant donné la finalité lucrative du projet Mondex. Nous enchaînerons donc avec cette analyse plus profonde de Mondex.

 

Évolution du principe

La brève introduction à ce "nouveau" moyen de paiement électronique nous permet de déduire la nature même de ce dernier, soit un porte-monnaie électronique. Examinons maintenant la progression de ce moyen de paiement jusqu’à Mondex.

 

L’évolution de ce mécanisme de paiement prend sa source à même la carte de crédit. Cette dernière vit le jour chez nos voisins du sud au cours des années ’30 et fut par la suite largement utilisée à travers le monde. Lorsque la carte de crédit est utilisée, le nom et le numéro de compte de l’acheteur ainsi que le lieu et le montant de l’achat sont compilés. Les informations sont alors acheminées à l’établissement qui émet le crédit. Physiquement, la carte de crédit constitue un mode d’emmagasinage de données passif via sa bande magnétique qui peut être lue et changée.

"These cards normally have three tracks for the storage of information, one of wich is used in a read-only mode for identification and verification purposes. Another track can be used in a read-write mode and its contents change each time the card is employed. It is worth noting that verification of personnal identification number (PIN) is done by the card-reading terminal in an off-line transaction" (27) .

Suite au progrès, les cartes à puce virent le jour. Cette invention nous vient de France alors qu’en 1974, Roland Moreno inventa le concept de cette nouvelle forme de carte communément appelée "smart card". "the Smart Card can be defined as a portable data storage device with intelligence and provisions for identity and security" (28) . Au Canada, les premiers essais reliés à l’utilisation d’une carte à puce furent ceux de la Royal Bank’s Information Centre afin de régulariser et de contrôler l’accès à l’édifice torontois (29) . La structure interne de la carte à puce peut être décrite comme suit :

"[t]he microprocessor chip in the card is specialized and custom-designed, with specific and patented control and protection circuits. Certain data, primarily related to the security of the card, can be entered only at the time of manufacture. Another type of information, placed in what is sometimes termed the "secret zone" of the card’s memory, can be entered only at the time of purchase of the card; in the case of a financial transactions card, this would include the customer’s PIN and account number. Finally, other data, such as a record of transactions, are stored in the card each time it is used" (30) .

Les cartes à puce prirent également une autre tangente que celle de simple identification, soit la fonction de retenir un montant pré-payé afin d’accomplir une fonction définie et unique, par exemple les cartes téléphoniques. Nous qualifions ces deux modèles de cartes à puce de passives, car elles ne permettent pas l’interaction que la carte Mondex permet. Cette dernière mérite donc pleinement le titre de carte à puce active. Ceci explique donc pourquoi nous utilisons la terminologie de porte-monnaie électronique afin de définir Mondex. Ce dernier permettant une utilisation multiple directement proportionnelle au nombre de marchands membres de la communauté Mondex. De plus, la possibilité de transferts personnels entre deux cartes et celle de pouvoir posséder jusqu’à cinq devises simultanément apportent donc encore plus à la dimension active de cette carte à puce. Donc, nous sommes en présence d’un porte-monnaie électronique distribuant une monnaie virtuelle conçue par Mondex.

Aux dires de Tim Jones, administrateur en charge de Mondex International, ce porte-monnaie électronique qui reprend délibérément les caractéristiques de l’argent traditionnel en général, s’accaparera d’environ 60 % du volume de transactions de l’argent à travers le monde d’ici 15 ans(31) .

 

L’aspect multi-applications de Mondex est, de plus, renforcé par le Multi-Application Operating System (MAOS) qui permet à la carte Mondex de contenir une panoplie d’applications distinctes et sécuritaires basées sur un même microprocesseur. MULTOS se veut une norme ouverte pour l’industrie qui vise à développer des outils reliés aux applications. MULTOS représente un tremplin idéal pour l’utilisation du mode de paiement de Mondex. MULTOS permet donc de retrouver sur une même carte des applications telles : la possibilité de commander et de payer des biens via le mode de paiement Mondex, l’authentification du propriétaire de la carte sous la forme de carte d’identité classique, des programmes de loyauté commerciale (par exemple Burger King (32) ), des fonctions traditionnelles de crédit, des documents personnels (permis de conduire, carte d’assurance-maladie et dossier médical par exemple) et bien d’autres.

 

L’utilisation de la carte Mondex est assortie de plusieurs périphériques électroniques afin d’assurer une accessibilité constante et universelle dans un environnement facile d’accès pour l’utilisateur. À titre d’exemple, le portefeuille électronique activé par la carte elle-même (illustration du Key Fob Balance Reader) et le lecteur de cartes relié à l’ordinateur personnel, permettant ainsi le paiement lorsque les transactions ont lieu sur l’Internet. Ce dispositif de lecteur de cartes permet donc de transformer la résidence familiale en guichet bancaire afin de recharger la carte Mondex à l’aide d’un compte bancaire. De plus, l’utilisation de téléphones spéciaux, comme ceux du projet pilote de Guelph, pourra permettre de faire des transferts entre deux cartes lorsque mises en communication réciproque.

 

Caractéristiques physiques

Abordons donc les caractéristiques physiques intrinsèques à la carte Mondex, soient ses fondements technologiques.

Tout d’abord, la carte se présente sous la forme d’un circuit intégré. Une carte de plastique conventionnelle au sein de laquelle un microprocesseur, d’Hitachi, agit en guise de cœur et de cerveau arfiticiels. "Le micro-processeur (33) [sic] est tel qu’il est impossible de faire l’analyse physique (reserve engineering) et la manipulation du décodage asymétrique de point, d’où la sécurité de la méthode" (34) . Voici l’interaction entre les diverses composantes clés du microprocesseur de la carte Mondex:

"[t]he Contact Plate, which provides electronic acces to the chip itself. The chip, connected to the Contact Plate by Interconnect Wires, has an 8 bits CPU, a 16 K ROM, 512 bytes of RAM (and 8 K EEPROM for data storage). Compared to a PC which typically can run at above 100Mhz, the Mondex chip has a clock speed of up to 10 Mhz and is less than 20 mm square. The Packing Material is Epoxy Based resin to bind the chip, Contact Plate and interconnections together. The Card body is made of PVC or similar plastic material and holds all of these components" (35) .

La carte satisfait aux normes ISO 7816, standard international relatif aux circuits intégrés.

Grâce à la puce, chaque carte contient les informations nécessaires à l'identification de son propriétaire. Le porte-monnaie électronique peut être verrouillé à l’aide d’un numéro d’identification personnel (NIP ou en anglais PIN) de 4 chiffres. Ce verrouillage de la carte Mondex restreint ainsi l’accès au montant contenu sur la carte à l’utilisateur seulement. Ainsi, la personne trouvant une carte verrouillée ne pourra pas dépenser l'argent qui y est emmagasiné. Une carte perdue et retournée à Mondex pourra alors être retournée à son propriétaire sans que celui-ci ne perde d'argent. Dans le système Mondex, il faut toujours se rappeler la tangente qui soutient le projet, soit l’assimilation de l’argent traditionnel. Ce but ultime explique pourquoi la carte, dans son état original, n’est pas verrouillée, tout comme de l’argent en papier n’est pas relié à un utilisateur unique. D’un point de vue plus pratique, les cartes Mondex furent conçues afin d’être résistantes aux écarts extrêmes de températures, aux interférences électriques, aux rayons X et à l’humidité.

"Once money has been transferred into the Mondex system it can circulate freely within that system. It lies in the authorithy of Mondex franchisee to decide to whom the card is issued. In principale, each Mondex card is issued to an individual and tied to his or her account with the issuing institution. The connection between the card owner and the account is made by a 16 digit personnal identification number that is placed on the card. This number regulated the access to the owner’s account when transferring money into the Mondex card or back into the account and identified the owner. However, the card can be used by anyone (sous réserve du verrouillage par NIP)" (36) .

 

Système fermé et les acteurs

Nous venons de constater, dans la citation précédente, que le système Mondex est fermé. Nous pouvons sur ce fait le comparer à la carte de crédit classique qui nécessite une attache physique à une institution financière. Le système proposé par Mondex met en relation divers acteurs à des niveaux différents.

Premièrement, l’"originator" représente le haut du schéma hiérarchique de Mondex dans les diverses branches. Il est à noter qu’il existe un "originator" par branche du système, nous entendons par le terme branche une entité tel Mondex Canada ou Mondex USA. Ce dernier est ce que nous pouvons qualifier la tête du système. Il veille principalement à deux types de fonctions, soit la création de la monnaie virtuelle Mondex et sa distribution dans les diverses institutions financières affiliées, et d’autres parts, la planification sécuritaire du projet et sa tranquillité d’opération. Fait à noter, au dessus de l’"originator" se trouve le consortium de Mondex International qui pour sa part supervise le fonctionnement général du système mondial et coordonne les transferts internationaux.

Deuxièmement, la structure de la distribution de Mondex passe par les diverses institutions financières. Ces dernières trouvent donc dans ce système deux sources de revenus additionnels. Dans un premier temps, le fond de roulement monétaire que possède une banque n’a pas à sortir de cette dernière. Du point de vu du consommateur ceci ne représente rien de concret car, la banque honorera toujours l’actif présent à son compte. Mais, l’effet de la stabilité du fond de roulement de la banque, aspect du seigneuriage, entraîne la possibilité d’activités de financement autres, engendrant des revenus supplémentaires. La deuxième source de revenu est dérivée de la position intermédiaire des institutions financières dans l’organigramme de Mondex. Tout en réaffirmant l’absence de frais par transaction, les banques peuvent néanmoins utiliser divers autres aspects tels les émissions initiales des cartes, les dépôts des commerçants et le rechargement monétaire afin de percevoir des frais inhérents à l’utilisation. En plus des recettes tirées de Mondex, les institutions financières en retirent une réduction des différents coûts d’opérations reliés aux manipulations physiques de l’argent (comptage et transport) et une réduction des dépenses engendrées par le maintient et l’amélioration du système de guichets automatiques car les terminaux résidentiels seront à portée de la main des consommateurs.

Regardons maintenant l’influence de Mondex du côté des marchands. L’incitatif véritable pour ces derniers est la commodité. Lorsque le paiement via Mondex est utilisé, le processus entourant l’acte même du paiement est significativement accéléré car aucune approbation ou signature n’est nécessaire à l’accomplissement de l’acte. Mondex permet également d’éviter les erreurs lors de la remise de la monnaie et vue l’absence d’argent sur les lieux, une diminution des infractions de vol. De plus, une réduction des coûts d’opération naît de l’utilisation du système. Cette dernière se reflète dans la gestion automatique des caisses et la centralisation des opérations.

Finalement, regardons du côté du consommateur les divers avantages reliés à l’utilisation de Mondex. L’avantage marquant du système Mondex repose, encore ici, sur sa commodité générale. Il permet des transactions aussi "vraies" que celles effectuées à l’aide de monnaie traditionnelle dans une multitude de devises, sans le tracas de la monnaie exacte et sans les craintes inhérentes à l’utilisation d’argent en papier telles le vol ou la perte. La carte offre la possibilité d’être rechargée à divers endroits accessibles en plus de la résidence familiale. Pour le consommateur, l’absence de frais lors d’une utilisation représente un attrait certain lorsque nous regardons la situation actuelle des frais par transaction rattachés à l’utilisation des cartes Interac.

 

L’interrelation qui existe entre les différents niveaux du processus Mondex peut s’illustrer de la manière suivante :

 

 

 

 

Aspect sécuritaire

Comme nous l’avons mentionné précédemment lorsque nous avons abordé l’étape cruciale du paiement dans le cadre du commerce électronique, la sécurité est le point central de tout le processus. Étant donnée cette importance capitale, nous analyserons l’aspect sécuritaire du mode de paiement Mondex.

L’aspect sécuritaire est la pierre angulaire de tout mécanisme de paiement électronique et Mondex n’échappe pas à cette réalité. L’utilisateur potentiel d’un tel mécanisme doit pouvoir se sentir en sécurité totale ou du moins pouvoir apprécier les risques inhérents reliés à l’utilisation d’une telle technologie. Cette appréciation doit être objective, et pour se faire, elle doit se fonder sur des informations adéquates et pertinentes. Étant donnée la nature même de la compagnie Mondex, soit l’équivalent d’une entreprise à but lucratif, cette dernière protège son produit des concurrents éventuels et du même fait, les informations relatives à sa constitution. Ross Anderson, professeur en sciences informatiques à l’Université de Cambridge, expert en cryptographie et dans la sécurité des systèmes bancaires, n’est pas convaincu de la sécurité de la carte Mondex à cause de l’hermétisme entourant le projet(37) . Les seules informations sur la structure reliée à la protection des données emmagasinées sur la carte et à leurs accès viennent directement et exclusivement de Mondex. Ce dernier a refusé systématiquement de faire tester leur produit par une partie indépendante du projet. Dans le domaine de la sécurité, et plus particulièrement de la cryptographie, une telle méthode de travail, axée sur l’individualisme et le secret, n’a pas par le passé porté fruit.

 

Néanmoins, voici donc la conception de la sécurité de la carte Mondex. La stratégie en est une basée sur trois lignes de défense comme l’indique John Beric, responsable en chef de la sécurité chez Mondex International (38) . Les lignes de défense sont : la prévention, la détection et la récupération.

Premièrement, analysons la prévention. Cette dernière repose, aux dires de M. Beric, sur la "tamper-resistance and the cryptography" (39) qui agissent comme des barrières, empêchant ainsi l’accès au système en lui-même. L’aspect de la "tamper-resistance" du microprocesseur peut être représenté par l’analogie suivante : nous pouvons comparer le microprocesseur à une tour de blocs dans laquelle le support d’un bloc quelconque dépend de tous les autres. Lorsque nous voulons prendre un bloc tout s’écroule, tout atteinte à l’intégrité du microprocesseur entraîne la destruction des données. Le système Mondex utilise la fine pointe de la technologie disponible au plan de la cryptographie et dans la structure interne des microprocesseurs. Ceci est possible étant données les diverses affiliations engendrées par le projet global. Le besoin d’une technologie d’avant-garde s’explique car si une carte pouvait être valablement forgée et introduite dans le système fermé de Mondex, il serait impossible de détecter la fausse monnaie. Cela explique le constant besoin d’améliorer et explique également le mystère qui entoure le projet Mondex. Cette technologie de pointe rend, par le fait même, très difficile le piratage du système et demande pour se faire un apport monétaire considérablement élevé. Tout ceci établit "the height of the wall" (40) .

"Security begins with the two basic elements in the Mondex system –the hardware of the chip (tamper-resistance) embedded in the card and the software (cryptography) witch controls the mouvement of value between cards. The Mondex chip has been specifically designed to protect the data from unautorised disclosure and modification. This design process is ongoing and Mondex is contunually upgrading the protection techniques, using increasing powerful chip technology to create increasingly sophisticated security." (41)

La cryptographie à laquelle fait référence l’analyse globale de la sécurité se situe dans le "Value Transfer Protocol". Comme son nom nous l’indique, ce mécanisme mis en fonction lorsque le transfert d’argent électronique à lieu à l’intérieur du système fermé de Mondex. La cryptographie impliquée à cette étape est du type algorithme à clé publique, incluant également l’aspect signature. "Based on non-disclosed identifying features the cards establish a secure communication using digital signatures for transaction and receipt" (42) . Ce procédé d’échange est en deux étapes :

"Step I - Registration: Information from the customer's chip card is validated by the shopkeeper's card stored in the Mondex terminal. Similarly, the shopkeeper's card is validated by the customer's card.

Step 2 - Value transfer: The shopkeeper's terminal requests payment of, say, [$]5 and transmits a digital signature with the request. Both cards check the authenticity of each other's message. The customer's card checks the digital signature and, if satisfied, sends acknowledgment, again with a digital signature.

Only now after the [$]5 has been deducted from the customer’s card – is value added to the card in the shopkeeper’s terminal. This is to prevent the possibility of duplication or unauthorised creation of value. The digital signature from this card is checked by the customer’s card and if OK, the transaction is complete" (43) .

 

La prévention emprunte une autre avenue, soit l’examen formel des transactions ("audit trail"). L’examen est fait sur une base constante périodique. Chaque carte Mondex contient trois types de "logs".

"A user transaction log, which records data (such as value, counterparty card, transaction number, etc.) currently for the last 10 transactions which can be viewed using Mondex wallets, phones or ATMs. A pending log, which records the state of the current transaction which can enable automatic error recovery if a transaction has not been successfully completed for some reason. A exception log which records data of unsuccessful transactions - while allowing further transactions to take place. When this log is full the card is effectively disabled until examination and reset by a Member bank." (44) .

Pour ce qui est de la carte du marchand Mondex, le "user transaction log" permet l’enregistrement des 300 dernières opérations effectuées. L’enregistrement dans l’historique des paiements, autant du côté des consommateurs que des marchands, est essentiel afin de vérifier la totalité de la transaction.

De plus, chaque transaction est identifiée par un numéro unique. Cette identification est le seul lien qui, une fois enregistré, permet de référer à une certaine transaction. Cette unicité empêche donc la double utilisation de la monnaie électronique.

Passons maintenant à la deuxième ligne de défense, soit la détection. Lorsqu’une carte Mondex vient en contact avec l’institution financière qui l’a émise, un flux d’informations est acheminé vers l’établissement. De ces informations "a comprehensive behavioural analysis of the card usage can be done. This provides an ability to determine the profile of individual cardholders (being updated on a regular basis), but also to provide comparative portfolio analysis of such transaction flows with other similar types of customers" (45) . Cette faculté d’analyse réside sur deux paliers différents. Premièrement, le microprocesseur possède ses propres mesures d’analyse de risque. Les diverses cartes du système ("originator", institutions financières, marchands et consommateurs) possèdent des valeurs fondamentales différentes qui tempèrent l’autorégularisation des transactions. À titre d’exemple, dans les divers projets pilotes, les cartes des consommateurs sont limitées à une certaine quantité d’argent électronique. Notons que le montant pour les cartes canadiennes des consommateurs est limité à 1 000$(46) . Les cartes Mondex peuvent donc réagir à une conduite inhabituelle, par exemple un grand nombre de transactions soudaines, en ne permettant plus de transiger temporairement. Ce blocage de la carte et non du système peut prendre fin lors d’un contact futur avec l’institution émettrice. Cette faculté de blocage automatique repose sur les facteurs intrinsèquement implantés sur la carte. Une limite monétaire par transaction fixée par rapport à la bourse originalement contenue ou potentiellement envisagée constitue un tel frein. Un autre exemple est qu’un nombre limite de transactions ou un montant stratégique est fixé et, lorsqu’il est atteint, verrouille la carte immédiatement. Deuxièmement, à un niveau supérieur et sur une échelle de temps plus longue, une analyse plus profonde des transactions recherche des signes statistiques d’une activité anormale de l'utilisateur. "This analysis provides the basis for an immediate drill-down capacity to identify individual customers […] which are undertaking exceptional or disproportionate levels of value redemption" (47) .

Finalement, analysons la dernière ligne de défense du système de la carte Mondex. La dernière ligne de défense est le recouvrement. "If there’s a real meltdown – mass counterfeiting of chip-card – what we’d do is what’s called a cut-off. We’d bring down that particular generation of Mondex and in parallel bring up a new generation, with completely different silicon and completely different cryptography."" (48) Cette possibilité de créer une toute nouvelle génération de cartes se fait de manière imperceptible pour l’utilisateur et donc, sans l’introduction de nouvelles cartes sur le plan physique.

"When cards are issued, each contains two different and separate security schemes, A and B, each comprising one or more "keys" or more cryptographic algoritms – or other security features. Initialy the card will be set to operate on scheme A but will have the potential to switch over to scheme B when instructed" (49) .

Ce changement peut prendre comme origine la mise en marché d’un petit nombre de cartes ayant comme système de sécurité les plans B et C. Par un effet de réactions successives les cartes A/B, lorsque mises en contact avec une carte B/C changeraient leur sécurité du plan A au plan B. La possibilité de changer de plan de sécurité pourra ainsi évoluer lorsque le changement routinier (date d’expiration) des cartes A/B sera fait par Mondex et que de nouvelles cartes C/D serviront à remplacer les anciennes. Ce mode de propagation du nouveau standard de sécurité est similaire en tout point au monde actuel de renouvellement des cartes de crédit traditionnelles. Mondex mentionne que les cartes identifiées comme non-autorisées ou rapportées volées peuvent être déconnectées immédiatement du système bancaire auquel ces dernières sont rattachées. Cela n’empêche pas la connexion continuelle au système général de valeurs Mondex.

En plus du système de migration, il est possible d’introduire des ajouts au logiciel de sécurité implanté sur la carte par l’entremise des guichets automatiques. Ces ajouts seront transmis à toute carte entrant en contact avec la carte mutée.

L’ensemble du système de sécurité de Mondex est hautement critiqué. D’un côté, l’aspect confidentiel du développement que nous avons relevé précédemment fait l’objet de vives critiques étant donné le manque de succès historique d’une telle méthode de développement. "The Mondex pilot version, for exemple has been broken, according to a report which is anonymous but taken seriously by cryptologists" (50) . Cette éventualité d’une faille est appuyée par le spécialiste Ross Anderson qui estime le coût d’une telle opération de démantèlement du système Mondex à environ 100 000$ et qui prendrait de deux à quatre semaines de travail intensif pour une firme spécialisée dans le domaine (51) . Tout ceci laisse planer un doute sur la sécurité de la carte Mondex. Ce doute peut, à plus forte raison faire craindre le pire pour l’avenir de Mondex, mais nous devons rappeler que les joueurs derrière ce système sont de taille et, il serait surprenant que l’ensemble du projet impliquant des millions de dollars soit aussi facilement ébranlé. Nous émettons donc, par conséquent, une réserve sur cette affirmation d’insécurité du mode de paiement électronique de Mondex. Afin d’éviter une telle catastrophe, nous ne pouvons qu’espérer qu’avant une mise en marché massive de la carte Mondex, la compagnie de cette dernière laissera un tiers indépendant tester son produit. Ce test, et ses conclusions positives, s’il y a lieu, auront un effet positif sur les consommateurs insécures.

Le système de Mondex étant maintenant bien ancré dans notre esprit, nous comparerons ce mode de paiement électronique avec les normes théoriques énoncées précédemment.

 

Analyse de Mondex en rapport aux normes théoriques

Comme nous le savons, les aspects technologiques du commerce électronique sont répartis en trois groupes fondamentaux propre à l’environnement de marché. L’accès, la transaction et le soutien.

Pour ce qui est de l’accès, il faut rappeler tout d’abord que le système Mondex est fermé. Les franchises, majoritairement les institutions financières, possèdent donc un droit de veto sur l’accessibilité du public au système. Les limites régissant l’accessibilité ne sont pas fixées. Si nous envisageons que le critère principal d’émission de la carte est l’étude du crédit de la personne, l’actif de cette dernière ou simplement la possession d’un compte bancaire ( rappelons que "[f]or security reasons it is necessary that each card comes in contact with a banking system regularly, for example, through the usage of ABM" (52) ), certaines personnes n’auront pas accès à ce mode de paiement qui pourtant vise à remplacer l’argent en papier. De plus, afin de transiger, l’accès à divers appareils doit exister en nombre suffisant et en des lieux divers. Cette dépendance physique est le propre du commerce électronique qui utilise un nouvel environnement de transactions. Lorsque nous regardons les diverses publications entourant le projet Mondex, aucune mention n’est spécifiquement faite sur le degré d’implantation nécessaire pour l’infrastructure opérationnelle de ce dernier. Malgré ce fait, nous pouvons constater le travail nécessaire à l’émergence des divers projets pilotes de grande échelle. La venue de Mondex implique un bouleversement physique des lieux de transactions.

Tout ceci influence donc la rentabilité du projet global, finalité ultime de Mondex, et, par le fait même, influencera les coûts rattachés à l’utilisation de ce système définissant ainsi les futurs utilisateurs.

"The clear danger is that those with relatively low incomes will be further marginalized within society. This can come about in two ways. First, with the widespread substitution of e-cash for coins in conventional payment situations (e.g. public pay telephones, transit) those without access to the cards will be disadvantaged in some key areas of everyday activities. However, a problem of much greater significance in the long run comes from the central role e-cash is likely to play on-line. As electronic commerce develops, the character of the Internet will change. More and more commercial information will be available online and access to this information will become a critical part of being able to participate fully in the Information Society. Therefore, everyone will need access to the appropriate payment systems. In the physical world, at least one payment system, cash, is accessible to anyone without any costs or any requirements to meet. This needs to be assured for the electronic world too if an integrative character of the society is to be maintained." (53)

Donc, l’accessibilité au mode de paiement reste donc une zone obscure à clarifier.

Nous avons vu que le point central des étapes de la transaction et du soutien est principalement orienté vers le mode de paiement. L’étape de la transaction, prise au sens large et non seulement comme l’acte lui-même, réfère aux technologies spécialisées nécessaires au fonctionnement global de la conclusion des transactions commerciales et, de son côté, le soutien regroupe entre autres les technologies d’archivage électronique, de vérification du crédit et d’authentification des identités des parties en présence lors de la transaction. Par conséquent, nous analyserons le système Mondex en relation avec les critères normatifs des mécanismes de paiement.

La flexibilité

La flexibilité de Mondex est remarquable étant donnée la possibilité de faire des transactions sans intermédiaire, transactions qualifiées de "hors-ligne". De plus, un aspect innovateur de ce système est l’échange direct entre deux membres Mondex. Il est certains que la flexibilité n’est pas optimale étant donnée la dépendance vis-à-vis un soutien physique particulier. Ce support physique, qui trouve appuie dans les divers appareils, permet néanmoins à l’usager d’effectuer une transaction à partir de l’endroit de son choix. Finalement, la nature fermée du système ne peut être évitée mais atténue la flexibilité dans un monde de concurrence des modes de paiement électroniques.

La facilité d’utilisation

L’utilisation de cette carte semble très simpliste, devançant même la carte de crédit qui demande une étape de signature supplémentaire. L’utilisation est toutefois reliée à plusieurs types d’appareils à première vue conviviaux. Ceci peut représenter une certaine barrière technologique pour des générations anciennes.

La divisibilité

"What might be the single most important feature is its multi-functionality: it can be used in a number of different situations, such as traditional, physical payment situations, in store or peer-to-peer, but also as a means of electronic payment over all kinds of networks and it can be used for large payments and also for micropayment. A card can store several hundred $ while the lowest threshold for Mondex is somewhere around a few cents. At the current stage is optimized to be used for medium sized payments. Functions as the storing capability of the last 300 (or 10) transactions make no sense if the payment size is very small. However, Mondex is adaptable in this regard." (54)

Cette possibilité d’effectuer et d’adapter Mondex au paiement de très petites sommes encouragera son utilisation dans le réseau ouvert que représente Internet.

L’universalité

Mondex permet, à l’aide de dispositifs adéquats, de transiger autant dans un environnement comme Internet que dans un environnement purement physique. De plus, Mondex peut être utilisé autant à l’échelle nationale et internationale grâce à la fonction des cinq devises intégrées au système de paiement.

La sécurité

Depuis sa fondation, Mondex fait de la sécurité sa préoccupation principale. Mondex utilise la technologie la plus sophistiquée afin d’offrir un mode de paiement sécuritaire, fiable et polyvalent. Le but ultime d’obtenir une alternative à l’argent traditionnel impose cette rigueur. Mondex emploie donc une cryptographie à clé publique pour protéger la monnaie électronique contenue sur la carte et les divers transferts rattachés au système.

La fiabilité, composante de la sécurité, est assurée par l’historique obligatoire terminant chaque transaction entièrement complétée. Mondex utilise également un mécanisme qui empêche la double utilisation de la monnaie virtuelle.

Les seules ombres au tableau pour l’aspect sécurité sont l’hermétisme de la conception du système de protection et la tolérance interne du système en ce qui concerne la fraude. Sur ce sujet, nous voudrions souligner l’analyse faite par David Jones (55) des réponses entourant la sécurité émissent par M. Beric :

""Let's be honest -- no system is fraud-proof. If I were to claim Mondex is fraud-proof, you'd say I was an idiot. And you'd be right. We don't claim that. The system has to be built to tolerate a loss. If you don't design your system like that, you've had it. We've designed a system that will tolerate loss." It would be interesting to learn whether Canadian banks have evaluated the size of "loss" they are willing to "tolerate" and whether they have their own contingency plan for a Mondex economy, with several millions of dollars flowing through it, suffering a "meltdown." "

Cette vue d’ensemble du système Mondex permet donc de constater que ce dernier tend vers les normes subjectives édictées pour les divers modes de paiement électroniques. Mondex n’est pas parfait, mais l’influence économique des joueurs impliqués dans ce projet nous laisse présager que Mondex est là pour rester et à plus fortes raisons, se démarquer des autres mécanismes de paiement qui gravitent autour du commerce électronique.

 

Aspect de la vie privée

Depuis le début de notre analyse, nous constatons que l’utilisation du système Mondex requiert, comme tout type de paiement, un certain niveau d’échanges. Une transaction au comptant requiert donc l’échange de la monnaie tout simplement. Lorsque nous passons à un autre niveau de paiement, soit la carte de crédit ou le paiement direct, encore là, des informations, ici plus substantielles, sont échangées et enregistrées. Mondex n’échappe pas à cette réalité. Nous l’avons également constaté dans l’analyse de la sécurité qui nécessite, entre autres, un enregistrement historique des dix dernières transactions du consommateur afin de s’assurer de la globalité et de l’intégrité de la transaction. Cette collecte de données des utilisateurs et des commerçants soulève des problèmes au niveau de la vie privée. Nous regarderons donc l’aspect de la vie privée lors de l’utilisation de la carte Mondex.

Au début, Mondex, lors de son projet pilote de Swindon, se présentait comme totalement anonyme par son slogan "just like cash". Cette anonymat représentait donc, aux vues des utilisateurs, la non-utilisation des données possiblement obtenues lors des transactions. Après une plainte de Privacy International (56) , Mondex admit que le système n’était pas anonyme :

"Mondex is an electronic cash payment card which has been designed to balance practicality, privacy and the prevention of fraud. ... Mondex does not aim to provide 'Total Anonymity' but much the same level of privacy involved in using cash to buy goods in a shop - just like with physical cash when you use Mondex your bank manager does not get to know where you are spending your money - but the retailer can recognize you (or the card you are using) at the point of sale. Mondex is private but not anonymous." (57)

 

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Lex Electronica     volume 5, numéro 1 (printemps 1999)


Notes

 

1 Stratégie canadienne sur le commerce électronique http://e-com.ic.gc.ca/francais/ecom_fr.pdf

2 La réduction des tarifs de douanes à l’échelle de la planète (GATT) et l’expansion continue du commerce international au cours de notre siècle dictent la mondialisation des marchés.

3 L.H . WHITE, loc. cit., note 1, 15.

4 OCDE, STI (Science Technologie Industrie), Le commerce électronique opportunités et défis pour les gouvernements, 1997, Les Éditions de L’OCDE, Paris, 13.

5 Code civil du Québec, L.Q. 1991, c.64. Article 1388 C.c.Q. Ci-après cité C.c.Q.

6 L’étape intermédiaire de la promesse est envisageable s’il y a mutation de la personne. Cette dernière passerait du stade du public à celui de la "personne déterminée". À ce sujet consulter Adrian POPOVICI, "Les avant-contrats", (1995) C.P. du N. 129 et Denys-Claude LAMONTAGNE, Droit de la vente, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 1995.

7 Art.1385 C.cQ.

8 Art.1708 C.cQ.

9 Schéma basé sur celui de J. Kokuryo, Graduate School of Business Administration, Keio University, Yokohama.

10 Op. cit., note 5, p.73.

11 Id. ,note 5, p.38.

12 Id., p.38.

13 http://www.can.ibm.com/affaires_publiques/electronic/finance.html

14 http://rambit.qc.ca/plamondon/consider.html

15 Pierre TRUDEL, France ABRAN, Karim BENYEKHLEF et Sophie HEIN, Droit du cyberespace, 1997, Les Éditions Thémis, Montréal, p.19-33 – 19-36.

16 Id., p.19-34.

17 Id., p.19-34.

18 Id., p.19-35.

19 Id., p.19-36.

20 Politique cadre en matière de cryptographie aux fins du commerce électronique – Pour une économie et une société de l’information au Canada http://strategis.ic.gc.ca/sc_mrksv/cryptography/burst.html

21 http://www.fis.utoronto.ca/research/iprp/dipcii/workpap8.htm (Exploring Policy of Electronic Cash : The Mondex Case, par Felix Stalder et Andrew Clement).

22 http://www.mondex.com/mxi/cgi-bin/printpage.pl?english+global&technology_internet.html

23 http://www.mastercard.com/smartcard/mondexdemo.html (Afin de voir un exemple de transaction avec Mondex).

24 Nous présentons les faits marquants de l’évolution de Mondex (sources : http://www.mondexusa.com, http://www.mondex.com et http://www.mondexinternational.com .)

25 http://www.newswire.ca/releases/March1998/11/c2524.html

26 Gerald STUBER, The Electronic Purse : An overview of Recent Developments and Policy Issues, Ottawa, Bank of Canada, 1996, p.3.

27 Gordon JENKINS et Ray LANCASHIRE, Electronic Commerce Handbook, 1994, EDI Council of Canada Library Publication, p.37.

28 Id., p.39.

29 Op. cit., note 27, p.3.

30 J. PARTRIDGE, "U.K. Cash-Card Firm Targets U.S." dans le Globe and Mail (13 mai 1995, B3).

31 Voir à ce sujet http://www.mondexusa.com

32 Référence au microprocesseur H8/310 d’Hitachi.

33 http://rambit.qc.ca/plamondon/mondex.htm

34 http://mondex.com

35 Felix Stalder, Electronic Money : Preparing the Stage

36 http://theconvergence.com/columns/djones/07121997/3.shtml

37 http://www.idg.co.nz/interview/Beric.htm

38 Loc. cit., note 37.

39 Loc. cit., note 38.

40 http://www.mondex.com

41 Op. cit., note 36.

42- http://www.mondex.com

43 Idem

44 Idem

45 http://www.mondex.ca/mondex-francais/foireauxquestions3.html

46 Op. cit., note 22.

47 http://www.theconvergence.com/columns/djones/07121997/6.shtml

48 http://www.modex.com

49 Op. cit., note 22. Voir http://www.jya.com/ (Mondex’s Pilot System Broken)

50 Id. et Anderson: The Unmaking of Mondex, Computerworld, May 12, 1997.

51 http://www.fis.utoronto.ca/research/iprp/dipcii/workpap8.htm (Exploring Policy of Electronic Cash : The Mondex Case, par Felix Stalder et Andrew Clement).

52 Idem

53 Felix Stalder : Electronic Money : Preparing the Stage   http://www.fis.utoronto.ca/~stalder/html/e-cash1.html

54   http://www.theconvergence.com/columns/djones/07121997/6.shtml

55 Voir http://www.privacy.org/pi/activities/mondex/mondex_release.html

56 http://www.mondex.com

57 Op. cit., note 52.


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