Introduction


Connaissances générales sur le comportement administratif des cadres

      La nature du travail managérial continue de susciter de nombreux débats dans les milieux de la gestion. Le cadre nouvellement embauché dans une organisation commence par observer le travail de son ou ses pairs afin de maîtriser les caractéristiques de sa(ses) fonction(s) c'est-à-dire les prescriptions de rôles. Cette façon de faire du cadre rappelle bien la métaphore de l'apprenti-artisan (Boisvert,. 1980) qui n'apprend son métier qu'en observant un modèle. Cette approche par modélisation évoque la difficulté pour l'apprenti de cerner dans le détail tous les aspects du travail. Ceci a fait dire à certains praticiens tel que Mintzberg (1990) que la gestion est aussi un art.

      Cependant, les écoles de gestion se sont efforcées de démontrer que la gestion est malgré tout une science (Boisvert, 1980; Girard, 1987). Elles ont donc formé des générations de managers qui sont considérés par Mintzberg (1990) comme ayant une vision de la pratique de la gestion plutôt mince et superficielle.

      La littérature relative à la gestion depuis Fayol (1916) jusqu'à aujourd'hui a beaucoup insisté sur ces acronymes POPDCORB (Planification, Organisation, Personnel, Direction, Coordination, Rapport, Budget) en vue de rendre compte du travail des cadres c'est-à-dire ce qu'ils font, peuvent faire, ou doivent faire. Toute cette littérature possède des attributs de type normatif et prescriptif (Pépin, 1986). Citant Halpin (1957), Mintzberg (1973), Stewart (1976), Boisvert (1980), Hunger et al. (1981), Pépin (1986) souligne que ces concepts loin de donner une idée exacte sur ce que font réellement les cadres ne nous permettent seulement que de comprendre le processus de gestion, d'une part; et, d'autre part, indiquent les buts qui doivent orienter le travail du cadre.

      Mintzberg (1973) a noté que ces fonctions nous disent ce en quoi devrait consister le travail du cadre mais pas le travail réel. Celui-ci précise qu'elles empêchent une véritable compréhension de son travail.

      Voulant savoir ce que font réellement les cadres, Mintzberg (1973, 1984) a proposé une réflexion alternative (Boisvert, 1980) sur le travail de ces derniers. Basé sur une observation structurée de cinq dirigeants d'organisations, son modèle a fait ressortir le caractère bref, varié et fragmenté de leur travail. Emboîtant le pas à l'auteur, différents chercheurs ont jusqu'ici étudié différents types d'organisations tels que écoles, collèges, universités, hôpitaux, églises, armée, entreprises privées ou publiques.

      Ces deux approches théoriques constituent deux représentations qui ont été opposées l'une à l'autre. Mais elles semblent constituer des approches complémentaires: l'une étant une perspective d'action à long terme (Fayol) et l'autre, une approche (Mintzberg) permettant d'appréhender le court terme (Boisvert, 1980).

      Comme l'a fait remarquer Pitcher (1994), le court, le moyen et le long termes sont autant de visions utiles aux organisations. Celles-ci rejoignent les tendances centrales chez les êtres humains qui doivent être fusionnées et se retrouvent chez l'artiste, l'artisan et le technocrate.


Place de la théorie des rôles dans les sciences administratives

      Toute organisation impose à ses membres des normes qui standardisent leurs modes de conduite et leurs comportements, soit la formalisation de ceux-ci, qui constitue un paramètre de conception de la structure organisationnelle (Mintzberg, 1981, 1991). Ce paramètre indique «  le degré de spécificité des prescriptions de rôle  » et son contraire «  la marge de manoeuvre légitime  » (Mintzberg, 1991).

      Ces comportements se traduisent par des rôles joués par une personne dans son poste. Derrière ces rôles, il existe des valeurs, des normes qui constituent leur base idéologique (Katz et Kahn, 1978). Par l'apprentissage de celles-ci , lors de sessions de formation réalisées par l'organisation, le nouveau cadre est donc socialisé (Mintzberg, 1991; Savoie et Forget, 1983). Par ce biais, la personne découvre les rôles que l'organisation attend de lui dans l'exercice de sa fonction.

      Ces rôles sont induits par d'autres acteurs entourant le titulaire formant ainsi autour du titulaire ce que Savoie et Forget (1983) appellent une constellation de rôles (role-set in Katz et Kahn, 1978, p.190). Ils vont définir les comportements attendus de la personne-cible, leurs modes d'évaluation, et les sanctions positives, ou négatives. Cette constellation sera composée, selon le poste, des supérieurs, des pairs, des clients.

      L'organisation peut donc être considérée comme un ensemble de constellations de rôles, qui sont autant de réseaux sociaux plus ou moins informels qui fonctionnent au niveau de l'échelle hiérarchique où elles se trouvent (Kahn et al. , 1964; Katz et Kahn, 1978; Savoie et Forget, 1983). Les liens entre ces diverses constellations ne sont pas définis par l'un ou l'autre des auteurs précités. A l'image des constellations de travaux de Mintzberg (1981,1991), on peut s'attendre à trouver malgré tout un processus de communication formelle ou informelle et les comportements attendus à l'intérieur de ces constellations, avec le sommet stratégique facilitant ainsi la communication entre elles.

      Poursuivant notre comparaison, on peut admettre que ces constellations peuvent se greffer sur l'organigramme. Du centre opérationnel au sommet stratégique en passant par la ligne hiérarchique, la technostructure, et le support logistique, un rapport étroit entre les unités organisationnelles et ces constellations; chacune de ces unités constituant une constellation en liaison avec le reste de l'organisation. Il y aurait donc autant de constellations que d'unités de l'organigramme.

      Les rôles ont une importance stratégique aussi bien pour l'organisation que pour ses membres (Savoie et Forget, 1983). En effet, suggèrent les auteurs, ils sont à la base de toute évaluation , déterminant le jugement qui sera porté. Cette évaluation formelle ou informelle, dans le cadre de la gestion des ressources humaines, conditionne le maintien ou l'éviction de la personne-cible dans l'organisation.

      Quant à l'organisation, le processus de socialisation a un impact majeur dans le cadre de la perpétuation de la culture, des valeurs, des traditions, des croyances, bref de l'idéologie (Mintzberg, 1990, 1991). Et les rôles en sont donc la base par laquelle se transmet cette idéologie. Savoie et Forget (1983), pour illustrer le poids des rôles, rapportent, à titre d'exemple:

«  on n'a qu'à songer un moment à la remarquable consistance de l'église catholique romaine au cours des deux millénaires  » (p.128).

      Mintzberg (1981, 1991) cite à ce sujet Anthony Jay, dans Machiavel et le Management (1970) au sujet de la socialisation par l'église catholique:

Saint Augustin a édicté la seule règle que doive suivre un chrétien: «  Aime Dieu et fais ce qu'il te plaît  ». Ce qui est sous-entendu ici est bien sûr, que si vous aimez Dieu, vous ne voudriez faire que ce qui Lui est agréable. De la même façon, les jésuites ne sont pas contrôlés constamment et la Société ne leur envoie pas de mémos tous les jours. La formation longue et intense qu'ils ont reçue à Rome garantit que; où qu'ils aillent ensuite et quelle que soit la durée pendant laquelle ils ne voient pas d'autre jésuite, ils agiront en conformité avec les normes de la Société (p.70)  ».


Les besoins de notre champ de recherche

      L'enseignement supérieur haïtien traverse une crise majeure et nécessite une grande réforme en profondeur, entre autres au niveau administratif pour qu'il devienne une université moderne (MENJS, 1997, p.XIX). Parmi les recommandations de cette étude sur l'enseignement supérieur en Haïti, on y retrouve la nécessité de doter l'Université d'État d'Haïti (UEH) d'une réelle structure administrative en vue d'une gestion efficace et compétente, d'un personnel administratif bien formé, d'une affiliation à l'Association internationale des administrateurs d'université (MENJS, 1997, pp.XX-XXII). Cette étude a souligné que "les professeurs, à partir d'élections prennent les commandes des organes de l'UEH [sans] compétence managériale" (MENJS, 1997, p.XX).

      Selon Cornesky, McCool, Byrnes, et Weber (1991, p.7 in Mech, 1994, p.4), les problèmes courants de l'enseignement supérieur peuvent être attribués au manque de vision, d'habiletés et même à la formation sur le tas en gestion de nombreux administrateurs.

      Comme solution aux problèmes de l'enseignement supérieur, Bensimon, Neuman et Birnbau (1989, cités par Mech, 1994, p.2) ont suggéré un leadership fort alors que Keller (1983, cité par Mech, 1994, p.2) a proposé l'adoption de techniques et de méthodes managériales nouvelles. Pour Bass (1990, p.384, in Mech, 1994, p.3) le leadership constitue l'élément le plus important de la gestion. Mech (1994, p.4) a fait remarquer que de nombreux ouvrages ont été écrits pour expliquer comment planifier, faire du marketing, gérer les finances ainsi que d'autres techniques de gestion pour améliorer les chances de survie de l'organisation universitaire face aux changements démographiques, aux coûts élevés, et au contrôle rigoureux du gouvernement et du public.

      March (1974, in Dill, 1984, p.70), traitant des administrateurs universitaires, a noté que la difficulté persistante pour améliorer l'efficacité administrative réside dans le fait que les efforts en ce sens sont souvent non reliés à l'organisation ordinaire et à la conduite de la vie administrative.

      Mais que font les administrateurs? Des réponses à cette question ont été données, entre autres, par l'identification de traits caractéristiques. D'autres écrits ont indiqué ce que devraient faire les administrateurs, mais peu ont décrit ce qu'ils font actuellement. Mintzberg (1984), dans son étude sur le travail du manager au quotidien, a signalé que la position statutaire d'un cadre dans une organisation lui confère de l'autorité légitime et, à ce compte, il est appelé à jouer un certain nombre de rôles administratifs au nombre de dix.

      L'utilisation des modèles de Mintzberg (1984) et de Kahn et al. (1964) (pour les problématiques de rôles) permettra de fournir une compréhension additionnelle de la nature du travail des administrateurs universitaires ainsi que de donner des suggestions indicatives tant pour la recherche que la pratique (Dill, 1984, p.94)


Quelques définitions terminologiques

      Le concept de rôle de gestion est relié à d'autres notions ayant un rapport étroit avec l'organisation formelle, nous avons donc jugé nécessaire de définir certains termes qui seront utilisés couramment dans la présente recherche.

organisation formelle:
Réseau de fonctions et de rôles tenus par des acteurs en interaction pour la poursuite d'au moins un objectif officiel (Tessier et Tellier, 1973, p.429).
rôle de gestion:
Ensemble organisé, normatif de modes de conduite et comportements pour un individu en poste Il constitue une combinaison de fonctions et de tâches rattachées à un poste(Sarbin et Allen, 1968; Mintzberg, 1973,1984, p.65; Savoie et Forget,p.127, 1983).
activité de gestion:
Unité de comportement, mesurable et observable, définie lorsque le cadre entre en interaction avec d'autres personnes, soit directement (face à face) ou à travers un médium utilisé dans le cadre de son travail (Mintzberg, 1984, p.185).
Cadre:
Personne responsable d'une organisation formelle ou de l'une de ses sous-unités (Mintzberg, 1984, p.180).
Fonction:
Sur le plan organisationnel, il peut référer à l'une des grandes fonctions de l'entreprise: finance, personnel, production, ventes...

Du point de vue occupationnel (qui nous intéresse dans la présente recherche), ce terme signifie un regroupement homogène de tâches (Savoie et Forget, 1983, p.126).
Tâche:
Unité de base pour organiser les différentes activités de travail (Savoie et Forget, 1983, p.126).
Poste:
Groupe plus ou moins homogène de tâches exécutées par une personne et visant à la réalisation d'un but organisationnel précis (Brunet.al., 1985, p.52).
Dimension:
Environnement tant matériel, physique, climatique et humain ou caractéristiques stables de l'individu qui influencent le travail des cadres (Savoie et Forget, 1983, p.124).
Administrateur universitaire:
Toute personne assumant une responsabilité de gestion académique importante dans une université comme président, recteur, vice-recteur, doyen ou autre...(Albright, 1970, p.109 ; Hurtubise, 1973, p.121)
Constellation de rôles:
Expression désignant l'ensemble des rôles du tenant d'une position (Brunet et al., 1985, p.53).

Aperçu du plan de l'étude

      Notre étude comporte trois parties. La première partie est consacrée à la problématique de la recherche et comprend deux chapitres. Le chapitre premier traite de l'historique de l'enseignement supérieur en Haïti et de ses structures administratives et le second se rapporte à l'état de la question.

      La deuxième partie de l'étude a trait à la revue de la littérature sur les deux concepts fondamentaux de la recherche soit: les rôles de gestion et les conflits de rôles. Elle comporte deux chapitres. Le premier traite des caractéristiques du travail de gestion des cadres. Le deuxième porte sur l'historique du concept de conflit de rôles.

      La troisième partie consacrée au processus de la recherche est subdivisée en trois chapitres dont le cadre conceptuel, le cadre méthodologique de l'étude et l'analyse des résultats. Le premier présente les différentes théories de rôles, la typologie de Mintzberg, et la théorie des conflits de rôles de Kahn et al. (1964).. Le deuxième a trait à une description de la méthodologie utilisée pour étudier le travail des administrateurs universitaires haïtiens. Le troisième expose la procédure d'analyse des données (qualitatives et quantitatives) ainsi que la discussion et l'interprétation de celles-ci.

      En dernier lieu, les conclusions comporteront un résumé de la présente étude, de même que les implications et les prospectives qui en découlent pour les chercheurs et les administrateurs scolaires.


PREMIÈRE PARTIE: PROBLÉMATIQUE DE L'ÉTUDE


CHAPITRE PREMIER: LE CAS À L'ÉTUDE

      Le but de ce premier chapitre est de présenter la République d'Haïti, les différents niveaux d'enseignement, les structures chargées de la gestion du système éducatif, un historique de l'enseignement supérieur en Haïti, les structures et le fonctionnement des institutions universitaires.


1.1. Brève présentation de la République d'Haïti

      La République d'Haïti est située entre 18o et 20o de latitude Nord, ainsi que 71o 30 et 74o 30 de longitude Sud. Elle est baignée au Nord par l'Océan atlantique et au Sud par la Mer des Caraïbes. Elle a une superficie de 27.750 km2 (soit le tiers de l'île); la République Dominicaine occupant les deux autres tiers. Le relief est au trois quart montagneux - avec des sommets atteignant plus de 2.000 m. (Cornevin, 1982, pp.7-14).

      Haïti a 7 millions d'habitants - 180 habitants au km2 -, mais la capitale Port-au-Prince compte à elle seule 1 million d'habitants. Elle a une population à prédominance rurale et une économie ouverte. Avec un produit intérieur brut (PIB) per capita estimé à 250$ US en 1995 (1$ US = 16 gourdes 50; la gourde étant la monnaie locale), Haïti est la plus pauvre de l'hémisphère occidental. La population, avec un taux net d'émigration de 0,5%, a une croissance estimée à 1.9%. Durant 1es années 1980-91, la population a vu ses standards de vie déclinés, avec un produit intérieur brut per capita chutant à 2 pour cent par an. L'instabilité politique depuis les années 1980 a mis un frein à l'expansion industrielle, l'assistance externe, et par conséquent à la croissance (Banque mondiale, 1996).

      Le coup d'état de septembre 1991, a entraîné trois années de mauvaise gestion économique et un embargo international qui ont provoqué un dramatique déclin des standards de vie. Haïti a arrêté son service de la dette. En octobre 1994, le président renversé est retourné et un nouveau gouvernement a été mis en place. En décembre 1994, les arriérés dus aux agences multilatérales ont été annulés. Le nouveau gouvernement a poursuivi un programme de stabilisation fiscale et de réformes structurales supportées par le Fonds monétaire international (FMI). Des élections parlementaires et présidentielles ont été tenues en 1995.

      Les dépenses d'éducation en pourcentage du PIB s'élèvent à 1,9%. 14,7% des dépenses de l'État sont consacrées au ministère de l'Éducation nationale et à l'Université d'État d'Haïti (U.E.H.), respectivement 12,3% au ministère et 2,4% à l'UEH. Le budget de l'UEH (tableau 1.1) a augmenté substantiellement de 1993 à 1996, soit de 40.000.000 de gourdes à plus de 82.000.000 de gourdes (MENJS, 1997, p.10). Le budget par étudiant à l'UEH s'élève en moyenne à 15.000 gourdes.

      
Tableau 1.1 : Dépenses de l'Université d'État d'Haïti, 1990/91 à 1994/95
Catégorie 1990/91 1991/92 1992/93 1993/94 1994/95
En gourdes(millions)          
Total 20.420,30 31.727,20 39.317,40 39.934,70 84.552,00
personnel 18.867,80 29.787,90 -- -- 59.621,60
fonctionnement 1.552,50 1.939,30 -- -- 24.930,40

Source: MENJS, 1995

1.2. Les niveaux d'enseignement

      Le système éducatif haïtien comprend six niveaux:

  1. le préscolaire
  2. le fondamental
  3. le secondaire
  4. l'enseignement technique et professionnel
  5. l'enseignement normal
  6. l'enseignement supérieur.

1.2.1 Le préscolaire

      Le préscolaire haïtien présente les caractéristiques suivantes:

  • une forte croissance de 1986 à 1989 passant de 130.320 élèves à 327.884
  • constitutif d'un tiers des effectifs scolaires
  • une forte présence du privé (90% des effectifs)
  • clé d'entrée la plus efficace dans l'enseignement pour les familles haïtiennes (MENJS, 1990, p.49).

      Il existe environ 210 centres publics préscolaires à travers tout le pays, tous reliés à des écoles nationales primaires. De plus, on dénombre 1.018 centres préscolaires privés pour l'ensemble du pays. Selon les données disponibles, en 1993-94 14% seulement des enfants d'âge préscolaire fréquentaient les établissements préscolaires privés avec un pourcentage équivalent de surâgés.


1.2.2 Le fondamental

      L'enseignement fondamental d'une durée de dix ans est subdivisé en trois cycles:

  • un premier cycle de quatre ans
  • un deuxième cycle de trois ans
  • un troisième cycle de trois ans (D.E.N., 1982, pp.25-31).

      Le premier cycle comprend quatre niveaux: les 1ere, 2eme, 3eme et 4eme années fondamentales constituent un cycle de formation de base, incluant la maîtrise de la lecture et l'écriture, les quatres opérations fondamentales de base en mathématiques et des notions de sciences sociales et en sciences expérimentales.

      Le deuxième cycle de deux ans consiste en un renforcement et une consolidation des apprentissages réalisés au premier cycle.

      Le troisième cycle permet soit d'approfondir les acquisitions générales et les aptitudes nécessaires à l'entrée dans l'enseignement secondaire général, soit de conférer des compétences techniques dans des écoles d'enseignement professionnel du premier degré.

      Selon les données disponibles jusqu'en 1992, il appert que le nombre d'écoles et des effectifs au primaire a augmenté de 2% avec un accroissement annuel de 6% du nombre de salles de classe, imputables surtout au secteur privé. D'après ces données, il existe quatre établissements primaires privés pour un établissement public et une répartition urbain/rural de 6 pour 4. Les écoles primaires des milieux suburbains et ruraux constituent 75% des effectifs du secteur privé (MENJS, 1995, p.27). Le taux net de scolarisation en milieu urbain est d'environ 90%.

      Des 1.156.937 enfants scolarisés en 1994/95, presque 67% se retrouvent dans des écoles privées - une constante depuis 1987.


1.2.3. Le secondaire

      L'enseignement secondaire d'une durée de trois ans est constitué en deux filières:

  1. La filière classique qui prépare aux divers baccalauréats classiques dont leur obtention donne accès à l'université
  2. La filière technique qui prépare aux divers baccalauréats techniques dont leur obtention donne accès aux études supérieures/universitaires et au marché du travail avec un profil de cadre technique moyen.

      La filière classique est ce qui fonctionne, étant la survivance du secondaire traditionnel. La filière technique telle que conçue est à l'état d'expérimentation.

      L'enseignement secondaire -type classique - se fait dans 776 établissements répartis en 116 lycées pour le public et 660 collèges pour le privé. Les effectifs sont passés de 160.608 en 1987/88 à 181.230 en 1991/92, ce qui constitue un accroissement de 13%, soit approximativement 3,2% par an avec un taux d'augmentation dans les lycées publics légèrement plus élevé dans les établissements privés. Plus de 81% des effectifs se retrouvent dans des établissements privés (MENJS, 1995, p.27).


1.2.4 L'enseignement technique et professionnel

      Selon le document de la réforme éducative (1982), l'enseignement secondaire technique et professionnel (formellement) est divisé en deux niveaux:

  • un premier niveau de trois ans auquel on peut accéder à la fin du 2eme cycle fondamental. Il correspond dans le système traditionnel à l'actuelle École d'enseignement professionnel (EEP) délivrant un certificat d'aptitudes professionnelles (CAP)
  • un second niveau faisant partie du nouveau secondaire offre quatre filières: une d'enseignement normal, une classique, et deux techniques dont l'une correspond aux actuelles Écoles d'enseignement technique (EET) (MENJS, 1995, p.56).

      Bourdon et Perrot (1990, p.73, in MENJS, 1990) ont relevé 4.242 élèves en 1981-82 pour l'enseignement technique reconnu. En ce qui a trait au secteur commercial, le secteur privé est le seul fournisseur de ces formations et ont eu 5.179 élèves en 1981-82.


1.2.5 L'enseignement normal

      L'enseignement normal dure trois ans avec un recrutement à partir de la classe de rhétorique (première). En 1985-86, on comptait dix établissements dont deux du secteur privé reconnu. 857 élèves fréquentaient ces établissements.

      En 1990, les écoles normales d'instituteurs (ENI) comptaient 1.091 étudiants et 113 enseignants. Pour les dix ENI, il sort en moyenne entre 250 et 300 instituteurs diplômés chaque année (MENJS, 1990, pp.74-75).


1.2.6 L'enseignement supérieur

      Le nombre d'établissements au niveau de l'enseignement supérieur totalise 13 universités et 46 écoles/instituts, répartis ainsi une université et six écoles/instituts publics, 12 universités et 40 écoles/instituts privés. La population étudiante de l'Université d'État d'Haïti (tableau 1.2) s'élève approximativement à 10.000 (MENJS, 1997, p.31) et celle des institutions privées d'enseignement supérieur (IPrES) se chiffrerait également à 10.000 - certains établissements n'ayant pas fourni leurs effectifs au bureau du projet d'élaboration du Plan national d'éducation 2.004 -

      
Tableau 1.2 : Évolution des effectifs étudiants à l'UEH
  1978-79 1981-82 1984-85 1986-87 1989-90 1993-94 1995-96
Effectif 3.081 3.597 4.893 5.204 6.278 10.446 9.133

Source: MENJS, 1997, p.125

1.3. La gestion du système éducatif

      Légalement, l'Éducation relève du ministère de l'Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports (MENJS). Le ministère a pour mission de formuler et d'appliquer la politique du pouvoir exécutif dans les domaines de l'éducation (décret du 5 juin 1989, Le Moniteur). Il est important de noter que quelques ministères organisent et gèrent en tout ou en partie certains sous-systèmes d'éducation.

      La structure du MENJS ressemble à une structure bureaucratique à l'intérieur de laquelle on retrouve une composante divisionnalisée caractérisée par les Directions départementales. Le MENJS comporte les instances suivantes:

  • le bureau du ministre
  • le bureau des secrétaires d'État
  • la Direction générale
  • les structures décentralisées
  • les projets d'éducation
  • les organismes consultatifs

      Si le ministre et les secrétaires d'État représentent l'instance politique du ministère, la Direction générale en constitue, du point de vue technique, le coeur de l'institution. Cette dernière a la responsabilité des directions de l'administration centrale, des directions centrales techniquement déconcentrées, des directions territorialement déconcentrées.

      L'administration centrale est composée des:

  1. Directions d'enseignement
    • Direction d'enseignement fondamental
    • Direction d'enseignement secondaire
    • Bureau de l'enseignement préscolaire
  2. Directions de support logistique
    • Direction des Affaires administratives
    • Direction du Personnel
    • Direction du Génie scolaire
    • Bureau de l'Enseignement privé
    • Bureau national des examens d'État
  3. Directions de type «technostructurel»
    • Direction de la Planification et de la coopération externe
    • Direction de la Formation et du Perfectionnement

      Parmi les directions centrales techniquement déconcentrées, on retrouve uniquement l'Institut national de Formation professionnelle (INFP). Les directions territorialement déconcentrées sont constituées par les Directions départementales d'Éducation, au nombre de dix, chargées de la supervision de l'application des normes dans les établissements publics et privés, de proposer des plans départementaux et de suggérer des modifications de curricula en foncton de la spécificité du département géographique.


1.4. Historique de l'enseignement supérieur en Haïti

      L'enseignement supérieur a fait son apparition avant l'indépendance en 1804 dans l'île d'Haïti à Santo Domingo par la création d'une université privée. Cette université était réservée aux élites (Bernard, 1989).

      Sous le gouvernement du roi Henri Christophe, il a été décidé, par décret, de créer trois écoles militaires de santé, qui seront les précurseurs de la Faculté haïtienne de médecine (Improving the Efficiency the Education System, 1987, vol. 3, 8-5, in Bernard, 1989). Seulement une école militaire a été fondée en 1811. En 1815, le roi Christophe a jeté les bases de la fondation de l'Académie royale devant regrouper les écoles de médecine, de chirurgie, de pharmacie, des arts et métiers, et un embryon d'école d'agriculture (Improving the Efficiency of the Education System, 1987, vol. 3, 8-5, in Bernard, 1989).

      Bernard souligne aussi que, malgré l'illétrisme du roi qui pouvait à peine écrire son nom, celui-ci allait devenir le "père" de l'enseignement supérieur dans la nouvelle République.

      Selon Bunn et Gut (1946, in Bernard, 1989), l'enseignement supérieur a formellement débuté en 1823 par l'inauguration de l'Académie d'Haïti qui n'a connu, malheureusement, qu'une brève existence; seulement l'école de médecine s'est poursuivie sans interruption.

      Daudet et Blanc (1984, in Bernard, 1989) ont indiqué qu'avant l'occupation américaine en 1915, Haïti avait quatre grandes institutions universitaires (médecine; pharmacie et dentisterie; droit; génie et agriculture). Durant l'occupation américaine, mis à part la construction de l'école de médecine, l'enseignement supérieur n'a pas progressé (Bunn et Gut, 1946, in Bernard, 1989).

      Il a fallu attendre 1940 pour voir apparaître une prise en charge par le gouvernement d'Élie Lescot de l'enseignement supérieur par le décret (in Journal officiel, Le Moniteur, 1943, art. 2) instituant l'Université d'Haïti. Selon ce décret, cette université devait s'établir le 23 décembre 1944 à Port-au-Prince. Un Conseil de l'université sera créé par décret présidentiel afin de coordonner les diverses facultés, contrôler les examens d'admission et établir des standards pour l'enseignement supérieur en Haïti. Ce conseil était composé du recteur comme président, de tous les doyens et des directeurs des écoles affiliées ou instituts (Bunn et Gut, 1946, in Bernard, 1989).

      L'autonomie relative dont bénéficiait l'enseignement supérieur ne dura pas longtemps à l'arrivée au pouvoir du président François Duvalier en 1957.

      Le 16 décembre 1960, par décret, Duvalier mettait l'université sous coupe réglée. Selon ce décret, le choix des membres du Conseil de l'université était fait par le président de la République sur recommandation du ministre de l'Éducation nationale (Journal officiel, Le Moniteur 16 décembre 1960, art. 4-5). Par cette décision, l'Université d'Haïti changeait d'appellation et devenait l'Université d'État d'Haïti (UEH). Dans cette loi, toute doctrine de nature communiste était interdite au sein de l'université. Il est important de noter qu'un communiste se définissait comme toute personne qui était en désaccord ou contre Duvalier. Quiconque participait à une grève contre Duvalier était considéré comme communiste (Bernard, 1989).

      Selon ce nouveau décret, toutes les inscriptions déjà effectuées étaient annulées et les étudiants régulièrement inscrits à l'université devaient être ré-enregistrés durant la période en cours. Cette mesure visait les étudiants qui étaient en grève à l'époque contre le régime Duvalier. Roger Gaillard, recteur, et professeur à l'université d'Etat indique que la liste des admis venait directement de Duvalier lui-même (Bernard, 1989).

      Le professeur Pierre-Charles (1973) décrit l'admission en ces termes: «  En 1960-1961, durant la grève des étudiants, l'admission à l'université était subordonnée à une profession de foi au régime Duvalier au lieu d'un examen d'entrée  ».

      Non seulement Duvalier choisissait les membres du Conseil mais aussi tous les professeurs enseignant dans les facultés. Bernard (1989) indique que, la plupart du temps, les personnes choisies n'étaient pas qualifiées pour ce travail.

      A partir des années 1970, commença à se développer timidement un secteur privé de l'enseignement supérieur. Les années 80 virent les institutions privées d'enseignement supérieur (IPrES) s'accroître rapidement. Selon un rapport du rectorat de l'UEH (1995), l'incapacité de recevoir les postulants de plus en plus nombreux à ses portes faute de structures d'accueil liées à une baisse de la qualité, favorise, depuis 1986, la multiplication des IPrES. Cette croissance continue de ce secteur est confirmée par le Diagnostic technique du système éducatif haïtien (Ministère de l'Education, de la Jeunesse et des Sports, Haïti, 1995) et, qui se trouve renforcée par la «  faible probabilité d'investissements publics dans ce système  ». Ce rapport du rectorat souligne l'existence d'un vide juridique devant réglementer le fonctionnement de ces institutions.


1.5.- Structures et fonctionnement des institutions universitaires en Haïti

      L'étude des structures et du fonctionnement des institutions universitaires en Haiti méritent d'être réalisée à plusieurs niveaux, notamment de manière synoptique et à celui des unités formant ce sous-secteur du système éducatif.

      Globalement, les institutions d'enseignement supérieur se présentent comme un ensemble complexe où les différentes entités entretiennent des relations de complémentarité fonctionnelle et tentent de répondre aux besoins de la société haitienne, en particulier à ceux des jeunes finissants désireux d'avoir une bonne formation afin d'agir sur leur environnement immédiat.et participer ainsi au développement voulu par tous (Romain, 1987).


1.5.1 Structures de l'Université d'Etat d'Haïti

      Selon un document de travail inédit (1995) constituant un projet de circulaire ministérielle soumis au ministre de l'Éducation nationale, l'Université d'Etat d'Haïti (UEH) regroupe 11 établissements d'enseignement. On peut citer:

  1. La Faculté de linguistique appliquée (FLA)
  2. L'Ecole normale supérieure (ENS)
  3. La Faculté d'agronomie et de médecine vétérinaire (FAMV)
  4. La Faculté de droit et des sciences économiques (FDSE)
  5. La Faculté d'Ethonologie (FDE)
  6. La Faculté de médecine et de pharmacie (FMP)
  7. La Faculté d'odontologie (FDO)
  8. La Faculté des sciences (FDS)
  9. La Faculté des sciences humaines (FASCH)
  10. L'Institut d'études et de recherches africaines d'Haïti (IERAH)
  11. L'Institut national d'administration, de gestion et des hautes études internationales (INAGHEI).

1.5.1.1 L'UEH avant 1986

      D'après Romain (1987), l'enseignement supérieur a fonctionné jusqu'en 1985 suivant un schéma global développé à travers le temps par l'Université. Selon ce schéma, le Rectorat comprend:

  • Un Recteur;
  • deux Vice-Recteurs dont l'un au curriculum et à la recherche, l'autre à l'administration;
  • un Secrétaire-Général qui fait aussi office de Secrétaire du Conseil de l'Université.
  • un Comptable-Administrateur
  • un Conseil de l'Université d'Etat d'Haiti constitué du Recteur, des Vice-Recteurs, des Doyens des Facultés, des Directeurs d'Instituts, d'Ecoles et Centres Supérieurs rattachés à l'Université;
  • un Personnel administratif d'appui.

      Le Rectorat coordonne et supervise les institutions publiques mais aussi celles du secteur privé. Avec le Ministère de l'Education nationale, il assume presque toute la responsabilité de la bonne marche de l'enseignement supérieur. Il est chargé de l'octroi de reconnaissance à toute institution supérieure privée oeuvrant dans le pays, voire de l'homologation des diplômes délivrés. Il faut noter que certaines entités publiques relèvent d'autres ministères tels la Faculté de Médecine et de Pharmacie, celle d'Agronomie et de Médecine Vétérinaire, l'Ecole de Technologie Médicale, le Centre de Techniques de Planification et d'Economie Appliquée (Romain, 1987).


1.5.1.2 L'UEH après 1986

      Romain (1987) mentionne « que depuis les récents événements politiques vécus par le pays (1986) la direction interne des institutions (lisez publiques) d'Enseignement Supérieur évolue vers une tendance participative où la voix des étudiants est plus écoutée ».

      En effet sous la pression étudiante, on va assiter à l'apparition d'une structure collégiale (3 ou 4 membres) de direction à tous les organes de décision de l'UEH, y compris le rectorat. Selon le doyen Alvarez (1996), de la Faculté de médecine, certaines facultés allaient malgré tout conserver l'ancienne structure de direction (doyen et vice-doyens): six (6) facultés sur cinq (5). Parmi elles, on peut énumérer le Centre de Linguistique appliquée, les Facultés de Droit et des Sciences Economiques, d'Agronomie, de Médecine, d'Odontologie, d'Ethonologie.

      Gaillard R. (1995), ex-recteur souligne que le 7 décembre 1993, un texte officiel crée le conseil de direction à la tête du rectorat, appelé « Conseil exécutif provisoire de gestion » (CEPG) de l'UEH dont le nombre est fixé à trois: un coordonnateur assurant les tâches de représentation, avec rang de Recteur assisté de deux responsables, l'un académique, l'autre administratif. L'organigramme (voir p.38) du rectorat de l'UEH montre la présence d'un secrétaire général, et de deux directions (affaires académiques et administratives).

      Les articles 9 et 10 de la circulaire ministérielle (1993) sur l'université fixent les attributions et les tâches du Conseil exécutif provisoire. Les attributions sont les suivantes:

  1. assurer l'administration générale de l'UEH;
  2. proposer au Conseil de l'Université une affectation des ressources générales de l'UEH sur la base des demandes des différents établissements;
  3. promouvoir et maintenir une coordination efficace entre les services administratifs des différents établissements et ceux de l'Administration centrale;
  4. proposer au Ministre les nominations et les révocations à faire au sein de l'UEH;
  5. donner les suites nécessaires aux décisions du Conseil de l'Université;
  6. convoquer le Conseil de l'Université;
  7. représenter l'UEH tant au niveau national qu'international;
  8. stimuler le développement de la coopération universitaire.

      Les tâches sont les suivantes:

  1. coordonner l'inventaire des biens et ressources de l'UEH ainsi que l'évaluation de la gestion des responsables qui ont remplacé les directions élues dans les établissements concernés; évaluer la gestion des responsables de tous les autres établissements et celle des responsables du Rectorat au cours des deux dernières années;
  2. coordonner la préparation d'un budget d'urgence devant permettre aux différents établissements de faire face à leurs obligations;
  3. prendre toutes les dispositions susceptibles de débloquer les situations de crise à l'Université et, en particulier, veiller à la généralisation du processus d'élection de direction élues. A cet effet, chacun de ces établissements devra organiser les élections dans le plus bref délai après l'entrée en fonction du Conseil exécutif provisoire et sous la supervision de celui-ci; dans les établissements où ce processus n'aurait pas abouti dans le délai fixé, le Conseil exécutif provisoire procèdera aux élections sur la base d'un règlement électoral uniforme.

      Selon l'avant-projet de loi restructurant l'Université d'Etat d'Haïti et définissant le cadre de son autonomie (août 1995), le recteur:

  1. Anime et coordonne les travaux des divers organismes législatifs, consultatifs et exécutifs de l'Université ainsi que le travail des vice-recteurs;
  2. Participe à l'élaboration, l'adoption et la réalisation des politiques à court et à long terme touchant les objectifs de l'Université, ses programmes d'enseignement et de recherche, son rôle social, son personnel, ses étudiants, son administration et son expansion;
  3. Représente l'Université et parle officiellement en son nom;
  4. Convoque et préside les séances du Conseil de l'Université et du conseil exécutif;
  5. Exerce les pouvoirs et les fonctions des vice-recteurs dans le cas d'absence ou d'incapacité d'agir de ces derniers ou dans le cas de vacance de leur poste;
  6. Peut saisir tout organisme de l'Université de tout problème qui est de la compétence de ce dernier;
  7. Peut obtenir de toute personne relevant de l'Université les rapports et les renseignements qu'il demande;
  8. Signe les diplômes conjointement avec le Secrétaire général de l'Université et les doyens concernés.

      Dans cet avant-projet de loi, quatre vice-recteurs (affaires académiques, à l'administration, à la recherche scientifique et à l'extension universitaire, à la coordination régionale et aux affaires étudiantes) ont pour tâches:

      Pour le vice-recteur aux affaires académiques:

  1. Il est chargé, au nom de l'Université, du recrutement et de la promotion du personnel académique;
  2. Il s'occupe des conditions de travail du personnel académique;
  3. Il établit les besoins de l'Université en personnel académique selon les normes édictées par le Conseil de l'Université;
  4. Il tient à jour les dossiers du personnel académique;
  5. Il supervise l'application des programmes et des règlements pédagogiques;
  6. Il assure la coordination et la répartition des responsabilités d'enseignement et de recherche entre les facultés, écoles, départements, instituts et centres;
  7. Il voit à la mise en marche des nouveaux programmes.

      Pour le vice-recteur à l'administration:

  1. Il administre les biens matériels de l'Université;
  2. Il conçoit et coordonne les pratiques administratives de l'Université;
  3. Il établit les besoins de l'Université en personnel non-académique;
  4. Il engage, au nom de l'Université, le personnel non-académique;
  5. Il supervise les services et bureaux administratifs de l'Université;
  6. Il est responsable de la construction ou de la réfection des des édifices de l'Université.

      Pour le vice-recteur à la recherche scientifique et à l'extension universitaire:

  1. Il est chargé au nom de l'Université d'établir les besoins de recherche...;
  2. Il assure la stimulation, la promotion et le développement de la recherche au sein de l'Université;
  3. Il coordonne les programmes de recherche;
  4. il recherche le financement nécessaire au développement du secteur;
  5. Il participe à la réalisation et à la promotion des revues scientifiques au sein de l'UEH;
  6. Il définit et veille à l'application de la politique d'extension universitaire.

      Pour le vice-recteur à la coordination régionale, et aux affaires étudiantes:

  1. Il établit les contacts avec les directeurs généraux ministères et les responsables de planification et d'expansion du secteur productif privé;
  2. Il définit et hiérarchise les priorités pour le développement des unités en région;
  3. Il recherche les compétences nécessaires disponibles pour la formation;
  4. Il veille au bon fonctionnement des unités en région;
  5. Il tient à jour le dossier des unités en région;
  6. Il assure les relations de l'Université avec les étudiants.

      En se basant sur les règlements généraux de la Faculté de médecine et de pharmacie (1983) qui demeurent globalement en vigueur, le doyen a les attributions suivantes:

  1. Il a le haut contrôle et la responsabilité de toutes les activités de cette institution;
  2. Il fait chaque année un rapport au Conseil de l'Université et soumet opportunément tout autre rapport jugé nécessaire;
  3. Il convoque et préside l'Assemblée des enseignants.
  4. Il convoque et préside le Conseil des chefs de département;.
  5. Il nomme et convoque les comités spéciaux qui sont chargés de débattre des questions importantes de la Faculté.;
  6. Il signe les pièces officielles et les pièces comptable;.
  7. Il assure l'orientation et la bonne marche des études, en coopération avec le Conseil des chefs de département;
  8. Il est l'intermédiaire entre les membres du personnel et les personnalités ou instances officielles et les organisations internationales;
  9. Il représente la Faculté aux Assises internationales.

      Le vice-doyen assiste le doyen dans les activités générales de la Faculté comme suit:

  1. Il aide à la supervision des services administratifs tels que finances; secrétariat...et des services techniques tels que bibliothèque..;.
  2. Il coordonne les activités des différents départements d'enseignement;.
  3. Il connaît des problèmes des étudiants et sert d'intermédiaire entre ces derniers et la Faculté.

      D'autres facultés possèdent un Conseil de direction, organe exécutif, formé par trois professeurs dont l'un est responsable de la gestion administrative et financière, les deux autres responsables des affaires académiques et d'un administrateur, portant le titre de secrétaire général (in règlements intérieurs de la FDS, 1990 et dispositions transitoires, 1986).

      Le responsable de la gestion administrative et financière s'acquitte des tâches suivantes:

  1. diriger le secrétariat de la faculté: archives, informations, correspondances;
  2. diriger le service de scolarité: inscriptions, impression et reproduction des cours; attestations; diplômes;
  3. contrôler la comptabilité de la faculté: budget, recettes et dépenses, bourses de soutien, prévision, tenue de livres;
  4. superviser l'approvisionnement et l'entretien: consommables divers; locaux, matériels;.
  5. représenter la faculté le cas échéan;.
  6. exécuter toute mission confiée par le Conseil de direction.

      Quant aux responsables des affaires académiques, ils s'acquittent des tâches suivantes:

  1. superviser la gestion des ateliers et laboratoires, et des services de documentation;
  2. planifier l'organisation des stages, des sorties et visites et des projets de sortie;
  3. développer la coopération interne et externe: bourses d'études; échanges inter-universitaires, projets de recherche;
  4. préparer le calendrier et les horaires des activités académiques;
  5. superviser l'organisation des examens;
  6. définir et mettre en oeuvre une méthodologie d'évaluation du corps professoral;
  7. procéder à l'évaluation des et du curriculum et proposer des révisions éventuelles à court terme;
  8. définir les modalités d'évaluation des étudiants, de contrôle des connaissances et du concours d'admission;
  9. superviser le travail des commissions mixtes;
  10. représenter la faculté le cas échéant;
  11. exécuter toute mission confiée par le Conseil de direction.

      Quant au secrétaire général, travaillant sous le contrôle direct du Conseil, il s'acquitte des tâches suivantes:

  1. mettre en oeuvre les procédures administratives définies par le Conseil de direction;
  2. assurer le fonctionnement régulier du secrétariat et l'intendance;
  3. assurer la tenue de la petite caisse de la faculté et, à ce titre, effectuer toutes les opérations courantes entraînant des sorties ou des rentrées de fonds: achats divers, revenus de relevés de notes, d'attestations etc.;
  4. fournir aux coordonnateurs des programmes des études le support logistique nécessaire au bon déroulement des activités qu'ils supervisent en général et à l'organisation des examens en particulier;
  5. fournir le support logistique pour les activités académiques, culturelles et sportives
  6. fournir le support administratif nécessaire à l'organisation des stages, sorties et visites;
  7. sceller tout document officiel de la faculté et garder les sceaux de l'institution;
  8. publier les résultats des examens dans les délais fixés par le Conseil de direction;
  9. assurer la préparation et la délivrance des diplômes décernés par la faculté;
  10. s'assurer de la bonne tenue des archives de la faculté;
  11. s'enquérir des problèmes du personnel administratif et du personnel de service et s'efforcer de les résoudre;
  12. dresser un compte-rendu de chaque réunion de l'assemblée mixte et le communiquer sur demande à tout membre de l'assemblée mixte;
  13. assister le personnel de la faculté pour toute question administrative en rapport avec leur statut;
  14. fournir au Conseil de direction toute information réclamée sur sa gestion.

1.5.2 Les institutions universitaires privées

      Dans le répertoire (1995) publié par le rectorat de l'Université d'Etat d'Haïti, cinquante-huit (58) institutions privées d'enseignement supérieur (IPrES) ont été identifiées. Dans ce dossier, on a fait remarquer que ces IPrES, sur le plan qualitatif, se caractérisent par la diversité des statuts et des niveaux académiques... Le dossier du rectorat s'est donc interrogé sur la qualité de l'enseignement dispensé par certains établissements. En conséquence; il y a lieu pour nous, de tenir compte, dans cette étude, uniquement des établissements qui présentent les caractéristiques d'une université à l'instar de l'UEH.

      La structure de direction des universités privées se présente grosso modo comme suit:

  • les membres du rectorat composé d'un recteur, de deux ou trois vice-recteurs (affaires académiques, affaires administratives, et/ou de la recherche et de l'extension universitaire);
  • des doyens et/ou des coordonnateurs ayant rang de doyens;
  • et/ou d'un secrétaire général.

      Les tâches du recteur (extraits des statuts provisoires de l'université Quisqueya, 1990) sont les suivantes:

  1. il représente l'Université et parle en son nom;
  2. il fait partie du Conseil général ou du haut Conseil;
  3. il anime et coordonne les travaux du Conseil académique et des divers organismes consultatifs et exécutifs de l'université ainsi que le travail des vice-recteurs;
  4. il veille à ce que soient élaborées, adoptées et réalisées des politiques à court et long terme;
  5. il fait partie, sans droit de vote, des diverses commissions universitaires;
  6. il exerce les pouvoirs et les fonctions des vice-recteurs dans le cas d'absence ou d'incapacité d'agir de ces derniers ou dans le cas de vacance de leur poste;
  7. il peut saisir tout organisme de l'université de toute question qui est de la compétence de ce dernier;
  8. il peut obtenir de toute personne relevant de l'université les rapports et les renseignements demandés;
  9. il autorise les transactions financières de l'université;
  10. il signe les diplômes et certificats délivrés par l'université;
  11. il propose au haut Conseil les listes des candidats aux postes de vice-recteurs.

      Le vice-recteur (selon sa compétence) s'acquitte des tâches suivantes (extraits des statuts provisoires de l'université Quisqueya, 1990):

  1. il supervise l'application des programmes et des règlements pédagogiques, ou l'application des normes concernant la recherche;
  2. il assure la répartition des responsabilités d'enseignement entre les facultés, écoles; instituts, départements et autres unités; ou le développement de la recherche; ou des services d'aide aux chercheurs;
  3. il voit à la mise en marche des nouveaux programmes; ou à la conception et au développement de projets, d'entités ou d'activités d'extension à caractère rémunérateur pour l'université;
  4. il est chargé de l'engagement du personnel enseignant y compris les assistants;
  5. il supervise les tâches confiées au registraire de l'université...;
  6. il tient à jour les dossiers du personnel enseignant;
  7. il s'occupe des conditions de travail du personnel enseignant
  8. il assure les relations de l'université avec les étudiants;
  9. il est responsable de l'établissement des politiques générales et des programmes en matière de services à la communauté;
  10. il est responsable des services financiers de l'université;
  11. il conçoit et coordonne les pratiques administratives de l'université;
  12. il engage le personnel non enseignant de l'université;
  13. il est responsable de la gestion des services matériels et des services auxiliaires de l'enseignement et de la recherche;
  14. il établit les besoins d'espace, supervise la gestion de l'allocation des locaux et la gestion des terrains, installations et équipements de l'université.

      Le secrétaire général (extraits des statuts provisoires de l'université Quisqueya, 1990) doit notamment:

  1. enregistrer les délibérations, actes et décisions des conseils, et du rectorat;
  2. certifier tout extrait des registres;
  3. certifier les copies d'acte, de diplôme et de tous les autres documents officiels émanant de l'université, à l'exclusion des bulletins ou relevés de notes;
  4. signer tous les diplômes et attestations de diplômes délivrés par l'université et y apposer le sceau de celle-ci;
  5. attester des équivalences de diplômes;
  6. superviser l'application des procédures en vue de l'attribution des grades;
  7. éditer les répertoires de cours ou de programmes, les annuaires des facultés; écoles ou institutions; ainsi que toute autre publication officielle de l'université et assurer la distribution de ces publications;
  8. participer sous l'autorité du vice-recteur, chargé des études à l'organisation des opérations d'admission de nouveaux étudiants à l'université.

      Le doyen a pour fonction (extraits des statuts provisoires de l'université Quisqueya, 1990), sous l'autorité du recteur, de :

  1. voir à l'organisation et à la qualité de l'enseignement et de la recherche ainsi qu'à la bonne administration de la faculté;
  2. veiller à ce que soient observées dans la faculté les décisions des conseils;
  3. convoquer et présider les réunions de l'assemblée des professeurs, celles du conseil de la faculté;
  4. proposer au conseil les listes des candidats aux postes de vice-doyens.

      

Figure 1 : ORGANIGRAMME DE L'UNIVERSITÉ D'ÉTAT D'HAÏTI

      

Figure 2 : ORGANIGRAMME D'UNE UNIVERSITÉ PRIVÉE (un modèle)


CHAPITRE DEUXIÈME: ÉTAT DE LA QUESTION

      Le chapitre deuxième vise à faire état de la complexité de la gestion à laquelle doivent faire face les administrateurs universitaires. Pour ce faire, notre tâche consistera à mettre en évidence les paradoxes de la gestion ayant rapport avec le temps et les activités administratives, la délégation, les relations dans l'organisation, l'incertitude et la complexité, la gestion de l'institution universitaire.

      La complexité de la gestion

      «Diriger est un travail difficile, à temps plein et, comme je devais le savoir, il en va de même de l'enregistrement». Cette phrase de Mintzberg (1970, p.104) résume bien les difficultés rencontrées par toutes les recherches portant sur le travail des administrateurs de tous types d'organisations. Elle révèle aussi la complexité de la gestion dont la compréhension s'avère assez difficile. Elle montre également que le travail de ces administrateurs ne saurait être réduit à la formule suivante qui paraît très attractive de par sa simplicité, à savoir: planifier, organiser, coordonner et contrôler. Déjà l'étude du 'temps' de ces derniers à travers les différentes publications présente combien sont denses leurs activités courantes.

      Cette formule simple proposée par Fayol (1916), développée par Gulick (1937) sous l'acronyme POPDCORB, et popularisée par d'autres chercheurs (Drucker, 1954; Cordiner, 1965; Goodman, 1969; Strong, 1965; Courtois, 1961; et Stielglitz, 1968) cités par Mintzberg (1984, p.23) a tenté de définir un certain nombre de fonctions et de catégoriser les tâches administratives et activités du travail des cadres. Mais ces descripteurs n'ont pas pu donner une vue plus profonde sur le travail réel des cadres, au quotidien, dans les organisations.

      Un bref regard sur le travail d'un matin d'un président d'une grande organisation donne une idée claire du déroulement de ce qu'il fait :

Comme il entrait dans son bureau à 8h23, la secrétaire de direction lui fit signe de décrocher le téléphone. « Jerry, il y a eu un grave incendie à l'usine la nuit dernière ; les dommages s'élèvent à 30.000 dollars. Nous devrions relancer la machine au plus tard mercredi. J'ai cru que vous devriez en être informé. »

A 8h45, un certain M. Jamison est rentré dans le bureau du directeur. Ils discutent des projets de retraite de M. Jamison et sa maison de campagne dans le New Hampshire. Alors le directeur lui tendit un insigne commémorant ses trente-deux ans passés dans l'organisation.

La lecture du courrier s'ensuit. Sur une lettre d'apparence innocente, signée par un magistrat de Détroit, on peut lire : « Quelques-uns parmi nous ont décidé de n'acheter aucun de vos produits parce que vous avez utilisé ce Bill Lindell, anti-drapeau, anti-américain pinko pendant votre show télévisé de jeudi soir. » Le directeur dicta une réponse obligée.

La rencontre de 10h est programmée par un membre habitué de la commission. Il prétend que son supérieur hiérarchique, un vice-président de haut rang maltraite son équipe, et menace qu'ils vont tous démissionner si cet homme n'est pas congédié. Juste à la fin de la réunion, le directeur réorganise le programme pour enquêter sur la plainte et répondre à la crise. (Mintzberg, 1980, p. 158). 1 

      En lisant ce court rapport, on est en droit de s'interroger sur la portée de l'acronyme POPDCORB dans le cadre de la description du travail des administrateurs. Ils sont seulement des indicateurs qui nous permettent d'expliquer le travail de ceux-ci [Braybrooke, D. , 1964 cité par Mintzberg, 1980, p.159]. De plus, le premier paragraphe de cette description (la communication verbale via le téléphone) fait apparaître la multiplicité d'objectifs pour une même activité administrative, à savoir; transmettre des informations, donner des directives.

      Williamson (1987, p.3) indique que «mener une enquête sur ce que les musiciens pensent de la musique n'est pas une étude de la musique» et que ceci est tout aussi vrai pour comprendre le contenu du travail administratif. Elle constate que de nombreuses études sur les opinions, les valeurs, et les attitudes des administrateurs ne sont pas des études sur l'administration. Elle note aussi que, contrairement à la croyance de ces chercheurs, les opinions, les valeurs et les attitudes ne se reflètent pas nécessairement dans les comportements des administrateurs. Il y a donc inadéquation entre ce que font réellement les administrateurs et leurs attitudes. Elle cite (1987. p.5) à juste titre Haller et Knapp (1985, p.161) qui font remarquer qu'en mettant un accent disproportionné sur ...« les administrateurs, on a négligé...l'administration ».

      Pour répondre à la question «Que font les cadres?» (Mintzberg, 1984), on a présenté un modèle de gestionnaire pendant longtemps qui devrait posséder un certain nombre de traits caractéristiques pour être efficace (Mech, 1994; Bergeron, 1986). Bergeron (1986, p. 761) propose huit caractéristiques du gestionnaire efficace de l'avenir. De telles caractéristiques devraient permettre à ce dernier d'être efficient dans toutes les circonstances et organisations. Cependant cette approche par 'traits' perd de son intérêt dès que ces gestionnaires ne réussissent pas dans leurs nouveaux postes (Mech, 1994, p.5).

      Mintzberg (1979, p.584) et Williamson (1987, p.6) suggèrent que pour comprendre ce que font les cadres, les administrateurs ou gestionnaires, il serait mieux de recourir à un échantillon représentatif, restreint et à une observation sur le long terme et une analyse qualitative. Selon Mintzberg (1979, p. 584), une telle recherche permettra d'avoir une vue en profondeur de l'organisation au lieu d'étudier 100 organisations qui donneraient une vue superficielle sur 10000.

      Mintzberg (1984, p.67) a noté que le cadre a la responsabilité d'une organisation ou d'une partie de l'organisation. Il a l'autorité formelle pour diriger l'organisation c'est-à-dire 'l'unité'. Le cadre poursuit ainsi un certain nombre d'objectifs en vue d'assurer la viabilité de son organisation dans un milieu complexe, comme:

1. (...) s'assurer que son organisation atteint ses buts fondamentaux: la production efficace de biens ou de services;

2. (...) organiser les activités de son unité et en assurer la stabilité;

3. (...) assumer la responsabilité de l'élaboration de sa stratégie, et par là adapter de façon contrôlée son organisation à un environnement changeant;

4. (...) faire en sorte que son organisation serve les buts de ceux qui le contrôlent;

5. (...) servir de liens entre l'organisation et l'environnement, d'élément clef dans la transmission d'informations entre les deux;

6. (...) [ assurer] le fonctionnement statutaire [de son unité]. (Mintzberg, 1984, pp.106-107).

      L'atteinte de ces objectifs nécessite que le cadre exerce des 'rôles' au nombre de dix identifiés par Mintzberg (1968). Celui-ci (citant Sarbin et Allen, 1968) définit le rôle comme «  un ensemble organisé de comportements appartenant à un poste de travail ou à une position identifiable ». Le travail de celui-ci ainsi décrit de manière variée permet de lui fournir des informations sur la réalité de sa fonction (Mintzberg, 1975, p.54) pour qu'il soit efficace. Mintzberg (1975, 1980, 1984) a regroupé ces dix rôles en trois grandes catégories , à savoir: les rôles interpersonnels, informationnels, et décisionnels. Ces rôles accomplis par les cadres de toutes les organisations sont influencés par quatre groupes de facteurs, tels:

      La personne en poste, placée dans un environnement et une situation donnés mettra donc l'emphase sur certains rôles plutôt que sur tels autres. En mettant cette emphase, le cadre dirigeant se trouve en butte à de nombreux paradoxes qui sont au nombre de cinq:

  1. Paradoxe de la gestion du temps et des activités administratives
  2. Paradoxe de la délégation
  3. Paradoxe de la gestion des relations dans l'organisation
  4. Paradoxe de la gestion de l'incertitude et de la complexité
  5. Paradoxe de la gestion d'une institution universitaire.

      Paradoxe de la gestion du temps et des activités administratives

      Mintzberg (1984, pp.189-190) a encouragé les cadres à procéder à une auto-analyse de leur travail en leur suggérant un certain nombre de questions (15 groupes) pour leur permettre de mieux le comprendre. Entre autres, parlant de la gestion du temps et des activités administratives, il formule les questions suivantes:

Y a-t-il des éléments systématiques dans la méthode que j'utilise pour établir mon emploi du temps, ou bien est-ce que je ne fais que réagir aux pressions du moment? Est-ce que j'ai un ensemble équilibré d'activités ou est-ce que j'ai tendance à me concentrer sur une fonction particulière juste parce que je la trouve intéressante? Suis-je plus efficace, dans certains types de travail, à un moment donné de la journée ou de la semaine? Si oui, est-ce que mon emploi du temps le reflète?

Est-ce qu'une autre personne (en dehors de ma secrétaire) peut prendre la responsabilité d'établir une bonne partie de mon emploi du temps et le faire de façon systématique? (Mintzberg, 1984, p.190)

      Ces questions montrent bien que l'utilisation du temps est la clef de voûte de la gestion des organisations. Pour accomplir les rôles administratifs, le cadre doit pouvoir bien gérer son temps s'il veut fournir un travail plus efficient. Le temps est la ressource à allouer la plus importante pour un cadre (Mintzberg, 1975, p.58). En tant que répartiteur de ressources (en particulier, la programmation du temps), le cadre dénote, par l'ordonnancement de ses décisions, un intérêt majeur pour telles décisions prioritaires, influençant ainsi ses employés (Mintzberg, 1984, p.96). Selon la manière qu'il programme son temps, il pourra établir un ensemble stable des activités et éviter de jouer constamment 'le rôle de pompier'.

      Williamson (1987, pp.9-10) note qu'un administrateur tourmenté, stressé, très occupé était vu comme quelqu'un de très productif, un bon exemple qui pourrait inspirer ses subordonnés contrairement à un autre qui termine plus tôt son travail et aurait du temps pour créer et jouer. Duignan (1980, p.21, in Williamson, 1987, p.10) appelle ce « culte de l'efficacité [artificielle] davantage un culte du superficiel ».

      Mintzberg (1984, p.42) fait remarquer que les cadres avaient un rythme soutenu du matin, lors de leur rentrée au bureau, au soir, au moment de leur départ. Il écrit:

Il y avait rarement des pauses. Ils prenaient le café pendant les réunions, et le déjeûner était presque toujours l'occasion d'une réunion formelle ou informelle. Dès qu'il y avait du temps libre, il était rapidement subtilisé par des subordonnés omniprésents. (p.43)

      Pépin (1985, p.315) a indiqué que les directeurs d'établissements secondaires font face à une surcharge quotidienne ou hebdomadaire de travail et insistent sur le manque de temps pour effectuer leurs activités.

      Cet état de choses a poussé Mintzberg (1984, p.43) à s'interroger sur le caractère soutenu du travail des cadres et, il a noté « l'absence de définition précise de [leur] travail ».

      Paradoxe de la délégation

      Mintzberg (1984, p.184) a posé le dilemme de la délégation auquel se trouve confronté tout cadre dans la gestion de l'organisation. Placé dans une position charnière, le cadre est à l'intersection de son unité et de l'environnement. Il joue ainsi un rôle d'agent de liaison; une position qui lui assure la possibilité de posséder des informations inédites grâce à ces contacts avec l'extérieur. En outre, il a aussi accès à toutes les informations internes.

      Ce double aspect de son rôle rend le cadre, de par sa position statutaire ou effet de position (Friedberg, 1993, p.46), une personne centrale au sein de l'organisation. Mais le manque de temps dont se plaignent les cadres (dans le texte ci-dessus) et aussi de moyens, les empêche de partager l'information avec d'autres entraînant ainsi l'impossibilité pour eux de déléguer des tâches à des subordonnés.

      Deal et Peterson (1994, p.50) ont souligné à juste titre ce paradoxe en indiquant aux directeurs d'école qu'ils se trouvent face au coeur du dilemme de leur travail, à savoir: «Déléguer aux autres - si nécessaire, faites tout vous-même».

      Paradoxe de la gestion des relations dans l'organisation

      Les différentes écoles de pensée (de l'approche classique à la politique) ont compris que gérer une organisation, c'est prendre en compte ses aspects humains (Bergeron et al., 1979); c'est, ce qu'écrit Genelot:

avant tout manager une communauté d'hommes pour les faire coopérer à une oeuvre commune, dans un champ de contraintes, internes et externes, très diverses. (1992, p.189)

      Ceci rend la gestion des relations très complexe. Le cadre doit à la fois gérer de manière harmonieuse cette oeuvre commune tout en tenant compte des projets personnels qui viennent se greffer sur celle-ci (Genelot, 1992, p.192). Le cadre, s'il veut être efficace, doit gérer son organisation en tentant, d'une part, de concilier le collectif et l'individuel; d'autre part, d'agir sur deux dimensions: l'individu et la tâche.

      Concilier le collectif et l'individuel reviendrait à mettre en place, comme l'écrit Brassard (1996, p.205), « un modèle de structure et de gestion fondé sur la conception CBH - centrée sur les besoins humains -  ». Or, précise-t-il, cette « mise en place (...) n'est jamais facile ». L'expérience a montré que l'application du modèle CBH nécessitant de la part des cadres beaucoup de savoir-faire relationnels n'a conduit qu'à des assouplissements du modèle mécanique déjà en place (Brassard, 1996, p.205). Par ailleurs, le cadre, pour augmenter l'efficacité de son organisation, a le choix de mettre l'accent dans sa gestion soit sur une seule dimension, l'individu ou la tâche (théorie X ou théorie Y de McGrégor), soit sur les deux dimensions en ayant la possibilité d'adopter un style de leadership allant de l'autoritaire au participatif, ou bien en choisissant un style convenant à chaque situation (leadership situationnel) [Bergeron et al., 1979, pp.231-286].

      Fiedler (1967; in Bergeron et al., 1979, p.276; Ethier, 1989, p.217) a souligné entre autres que le cadre, de par sa position hiérarchique, est en situation de pouvoir. Or, souligne Muller (1996, p.40), « le dirigeant est un sujet lui-même partagé, divisé, sujet de son ambivalence ». Face aux impératifs de l'organisation qui commandent l'atteinte des buts fixés, le cadre se trouve dans une position ambivalente, comme l'écrit Muller (1996):

bon-mauvais/hostile-amical/sécurisant-menaçant/plaisant-douloureux (p.41).

      De plus, le cadre dirigeant (l'acteur exerçant le pouvoir) et ses subordonnés (les cibles) ont des représentations (constructions mentales) sur les conditions de l'exercice du pouvoir, représentations qui peuvent influencer leur choix, donc leurs comportements (Bourgeois et Nizet, 1995). Le cadre doit se poser des questions sur les représentations de ses subordonnés au sujet de ses stratégies de pression ou de légitimation pour les obliger à adhérer à telle ou telle décision (Bourgeois et Nizet, 1995).

      Quel choix de gestion faire pouvant permettre à l'administrateur tout en atteignant les objectifs organisationnels de satisfaire les besoins des membres; tout en mettant l'accent sur la tâche , il en arrive à maintenir de bonnes relations interpersonnelles? Muller (1996,p.42) considère le dirigeant comme Janus, ce dieu aux deux faces, qui ne pouvait pas voir au même instant les mêmes choses.

      De plus, le cadre entre en relation avec des pairs de son organisation, des subordonnés et d'autres membres de la coalition externe. Tous ces gens forment autour de lui, ce que Kahn et al. (1969, in Savoie et Forget, 1983,p.128) appellent une constellation de rôle. Cette 'constellation de rôle' va lui transmettre un certain nombre d'informations qui peuvent occasionner des problèmes de rôle (soit par absence, ou par ajout à l'information de départ) tels les conflits de rôle, les ambiguïtés de rôle et les charges de rôle (Savoie et Forget, 1983, p.149). Cette problématique de rôle peut entraîner des situations confuses, erratiques dans l'organisation la rendant pratiquement ingérable [surveillance des activités de l'autre, développement de préjugés, communications tendues, accentuation de l'animosité et de l'agressivité, (Maillet, 1988, p.362)].

      Paradoxe de la gestion de l'incertitude et de la complexité

      Nombre d'auteurs (Weick, 1995, p.95; Friedberg, 1993, p.250; Genelot, 1992, p.78; Crozier et Friedberg, 1977, p.20) s'accordent sur le fait que 'l'incertitude' est un élément constitutif du monde. Weick (1995, p.95) et Genelot (1992, p.79) font remarquer que l'incertitude est due à l'ignorance sur le futur. Or la difficulté de prévoir le futur fait partie intégrante de la complexité croissante de la réalité (Genelot, 1992, p.78). Cette incapacité d'extrapoler des actions courantes et de prévoir leurs conséquences constitue une occasion pour 'la fabrication du sens' (Weick, 1995, p.99). Et cette occasion se manifeste dans des contextes où ce qu'on avait prévu (expected events) ne se réalise pas ou des événements inattendus (unexpected events) qui se produisent en dehors de toute planification (Weick, 1995, p.100). L'événement attendu n'arrivant pas et celui inattendu se produisant provoquent des interruptions dans tout le processus, voire administratif. L'administrateur est donc soumis au stress, selon le modèle de Mandler (1984, cité par Weick, 1995, p.101). Le cadre doit recentrer la question là où elle a été interrompue; une telle situation aura donc des conséquences négatives sur d'autres activités en cours ou futures. Il se trouve alors dans une situation où il est obligé de passer rapidement d'une activité à une autre: il joue le rôle de 'pompier' ou faisant du « Grasshopper administration » (Thomas, 1981, p.69 in Williamson, 1987, p.29).

      Dans ces circonstances, l'administrateur est obligé de prendre des décisions selon le modèle par ajustement a posteriori de Lindblom (cité par Crozier et Friedberg, 1977, p.268). Genelot (1992, p.222) indique que celui-ci doit pouvoir intégrer l'incertitude dans sa gestion, faisant du 'désordre', une occasion pour innover. Ceci suppose de la part du cadre une rupture conceptuelle dans ses représentations de la complexité inhérente à la réalité. Genelot (1992, p.158) suggère au cadre de distinguer et d'articuler des logiques différentes en vue d'avoir ce qu'il appelle une mobilité mentale pour appréhender l'organisation complexe (Genelot, 1992, p.155). Pauchant et Mitroff (1995, p.259) ont proposé aux gestionnaires d'être des gestionnaires préventifs, et apprenants de façon à mieux naviguer dans la complexité (p.247) et d'adopter une approche « héraclitienne de la complexité » (p.248).

      Paradoxe de la gestion d'une institution universitaire

      Crozier (1970, p.50) a affirmé que les universités sont des « caricatures d'organisation bureaucratique, au sens péjoratif du terme (...) ». Mintzberg (1982, pp. 309-335) a, pour sa part, présenté les institutions éducatives comme des modèles de 'Bureaucraties professionnelles'. Dans ce type de structures, le 'centre opérationnel' est très développé, dominé par des professionnels et constitue le point focal de l'organisation (Mintzberg, 1982, p.314). Vu son poids, certains proposent un organigramme renversé où le centre opérationnel est au sommet et le sommet hiérarchique devient la base (Mintzberg, 1982,, p.318). Parlant de 'l'Administrateur professionnel' (le différenciant de l'administrateur non professionnel responsable des unités de support), Mintzberg (1982, pp.318-322) a constaté qu'il est un gestionnaire de conflits, joue un rôle charnière entre les membres de l'organisation et la coalition externe, est tiraillé entre son rôle de professionnel et d'administrateur.

      La plupart des gens choisis pour être des administrateurs d'établissements éducatifs, en particulier universitaires ont rarement une formation en gestion (Mech, 1994, pp. 9-10; Williamson, 1987, p.31). Ils se retrouvent face à deux alternatives: soit se consacrer aux tâches administratives en restreignant les activités de leur profession, soit abandonner aux administrateurs certaines prérogatives décisionnelles (Mintzberg, 1982, p.322). Person (1985, pp. 2-3), cité par Mech (1994, pp. 9-10) note que certains directeurs de département (académiques, CAO's) adoptent leurs rôles professionnels à l'exclusion des rôles administratifs, tandis que d'autres hésitent à s'engager dans leur travail administratif tout en n'ayant pas la volonté pour exercer leur rôle d'administrateur.

      Choisir l'une ou l'autre de ces alternatives de Mintzberg a des conséquences majeures pour l'institution. Dans le premier cas (l'engagement), 'l'administrateur professionnel' va acquérir du pouvoir (Mintzberg, 1982, p.322); et, il accroît l'efficacité de son institution (Keller, 1983, p.144 cité par Mech, 1994, p.10). Par contre, s'ils rejettent ou ne s'engagent pas dans son rôle administratif, il en résultera une piètre performance, un gaspillage de ressources institutionnelles et un mauvais choix de personne pour le poste (Mech, 1994, p.10).

      En outre, l'administrateur peut être perçu comme le garçon de course des professionnels (Mintzberg, 1982, p.324) ou est vu comme « the servants » [les serviteurs] (Williamson, 1987, p.32) des enseignants et des étudiants. En tant que serviteur, il doit soutenir l'autonomie des professionnels face aux pressions externes (gouvernements, clients,etc...) (Mintzberg, 1982, p.321), d'une part; et, d'autre part, « (...) les enseignants considèrent qu'une responsabilité essentielle de l'administrateur consiste à obtenir pour eux le plus de ressources possibles » (Hills, cité par Melcher, 1976, p.333 in Mintzberg, 1982, p.321).

      Mintzberg (1982, p.318) a fait remarquer que les 'Bureaucraties professionnelles', telles les universités sont considérées comme des « organisations collégiales », à cause du pouvoir des professionnels dans le centre opérationnel. Ce caractère collégial des institutions universitaires est aussi partagé par Hardy (1992, pp. 74 -78 in Le Gourvernement des Universités) qui souligne « [leur] nature faiblement liée (Weick, 1976) et fragmentée (Friedberg et Musselin, 1989) » Ce même point de vue est partagé par Friedberg (1993, p.76). En s'interrogeant « sur les conditions de sa gouvernabilité en tant qu'institution » (Friedberg et Musselin, 1992, p.17), on peut se demander en paraphrasant Perrenoud (1988): « Comment maîtriser l'université? ».

      Crozier (1970, p.50) a souligné que l'université est un modèle particulier d'organisation, et, de ce fait, différent d'une entreprise ou d'une administration. Il a ajouté qu'on ne saurait y transposer le modèle de gestion des entreprises ou des administrations à l'université. Parenteau (1988, p.65, in Bertrand D.) a abondé dans le même sens que Crozier et a précisé que toute assimilation entre gestion des universités et celle des entreprises n'est pas la solution. Il a proposé de concevoir un « nouveau modèle de gestion » devant prendre en compte le caractère particulier de l'université Pour Crozier (1970, p.53), ce nouveau modèle résulterait de la domination de la contradiction « entre l'impossibilité de hiérarchiser les buts et le besoin de rationaliser les activités ».


2.1. Énoncé du problème

      La plupart des études sur la gestion et les administrateurs sont conduites dans des entreprises ou des institutions militaires (Mech, 1994, p.7), d'une part; et d'autre part, elles portent soit sur les rôles de gestion, soit sur les conflits de rôles et ambiguïtés de rôles. L'adjonction de ces deux aspects du travail managérial n'a presque pas fait l'objet de recherche. Peu d'études se sont intéressées aux comportements administratifs dans l'enseignement supérieur et certaines ont pu contribuer à améliorer la compréhension des rôles et des fonctions des administrateurs (Mech, 1994, p.7).

      Le choix de s'engager ou non dans son travail d'administrateur par le cadre aura un impact certain sur leurs organisations (Mech, 1994, p.10). Ceci crée une tension interne chez la personne focale mettant ainsi en exergue le caractère paradoxal du poste d'administrateur universitaire (rôle de professeur vs rôles de gestion). L'administration (y compris les administrateurs) a une influence majeure sur l'infrastructure pédagogique et sur les apprentissages réalisés en classe (Legendre, 1983, pp. 286-296; Legendre, 1979, pp. 191-193). Or l'efficacité (y compris l'efficience) des institutions universitaires seront influencées par les rôles des administrateurs. Ces derniers devraient pour bien appréhender leurs rôles, étudier la nature de leur travail dans leurs organisations - comment celles-ci la perçoivent ainsi que les milieux externes et internes à ces dernières (Mech, 1994, p.11).

      Mintzberg (1984, pp. 115-116), dans sa théorie contingente du travail, a noté que quatre groupes de variables influent sur les rôles de gestion. Ce sont: l'environnement - caractéristiques du milieu, l'organisation et la branche d'activité -; le poste - son niveau dans l'organisation et les fonctions supervisées -; la personne - sa personnalité, son style -; la situation - variations saisonnières du travail -.

      Savoie et Forget (1983, p. 136), traitant eux de la dynamique des rôles, font remarquer que les rôles joués par la personne en poste sont le résultat des codifications du poste, des attentes provenant des individus entourant le poste et des échanges entre la personne et ces individus.


2.2. Objet de l'étude

      L'objet de cette étude vise à identifier les rôles de gestion et les conflits de rôle chez les administrateurs universitaires haïtiens. Par ailleurs, elle met l'accent sur la dichotomie secteur privé et secteur public de l'enseignement supérieur en Haïti. Le cadre d'analyse sera celui préconisé par les auteurs suivants: Mintzberg (1982, 1984), Katz et Kahn (1978), Kahn et al. (1964).

      En outre, cette étude cherche à cerner la description des tâches des administrateurs universitaires? (leur emploi du temps - avec qui ils sont et les activités menées -) afin d'avoir une image précise de leur travail administratif en faisant de l'observation directe.

      De plus, elle vise à mettre en évidence la problématique de rôle chez ces mêmes administrateurs, à savoir les conflits de rôle et les ambiguïtés de rôle.


2.3. Pertinence de l'étude

      Dill (1984, p.92), cité par Mech (1994, p.13), a noté que, pour améliorer la gestion académique, une meilleure compréhension du comportement administratif est cruciale dans la mesure où la gestion est un processus ambigu et hautement intuitif. Or l'administration peut devenir une science au lieu d'être un processus intuitif par la formulation d'une théorie unique pour la science de l'administration de l'éducation en général, et de l'enseignement supérieur en particulier (Williamson, 1987, pp.36-37).

      Une connaissance scientifique de la nature de leur travail serait intéressante pour les administrateurs universitaires car elle leur permettrait de savoir comment se structurent leurs comportements et leurs organisations, et ce, de manière prévisible (Williamson, 1987, pp.37-38). En effet, l'efficacité dans la gestion à tous les niveaux dépend de la capacité de l'administrateur à apprendre les rôles de gestion requis pour exécuter le travail (Bass, 1990, p.405 in Mech, 1994, p.14). Les administrateurs dont les performances au niveau de leurs rôles vont de pair avec les besoins et les attentes de leurs organisations ont plus de succès que d'autres (Tsui, 1984; Tsui et Ohlott, 1988 in Mech, 1994, p.14).

      De plus, l'élaboration du modèle phénoménologique des rôles par Kahn et al. (1964) et son adaptation par Savoie et Forget (1983, pp. 147-148) ont pour but d'aider les administrateurs et les autres acteurs des organisations dans toute médiation et/ou prévention dans une problématique de conflit de rôle.

      Permettre une meilleure compréhension des rôles de gestion des administrateurs universitaires et de la problématique de rôle y découlant - le tout pouvant influer sur la performance de ceux-ci - répondra aux besoins de leurs institutions, facilitera la résolution des problématiques de rôle et de faire face au stress au travail. La connaissance de ces rôles vise aussi à guider la coalition dominante des institutions dans le choix, la formation et le maintien de la bonne personne à la bonne place.

      Dans la mesure où la structure administrative influe sur la structure pédagogique, toute amélioration de la qualité de la gestion des facultés contribuera à améliorer la qualité de l'éducation en Haïti, tel est l'un des objectifs poursuivis par la présente recherche. Même s'il existe d'autres études sur la question dans les pays du Nord, il n'en demeure pas moins vrai que celle-ci compte décrire des réalités socio-culturelles différentes qui influencent à coup sûr la définition des rôles exercés par les acteurs. De plus, les rôles et les problématiques y découlant n'ont jamais fait l'objet d'une étude en Haïti.

      Par ailleurs, une meilleure compréhension des rôles et des conflits de rôles vécus par les doyens permettra de leur faire des propositions concrètes en vue d'une meilleure gestion des établissements. Une réappropriation des propositions par les participants à l'étude les aidera à être plus efficaces dans leurs fonctions et, de ce fait, ils contribueront au développement social, économique, politique et culturel du pays en formant des individus non seulement ayant une science mais aussi une conscience citoyenne.

      La pertinence de cette étude résulte qu'elle ne se contentera pas à reprendre in texto des recherches occidentales, mais qu'elle tiendra compte de la réalité socio-culturelle du pays qui constitue un facteur majeur qui fera émerger de nouvelles facettes ignorées par la typologie de Mintzberg. Ces facettes indiquent la manière dont les nationaux coopèrent et communiquent entre eux dans le système humain que constitue une organisation facilitant ainsi une vue plus approfondie du travail des administrateurs.


2.4. Questions de recherche

      L'énoncé du problème et l'objet de l'étude nous amènent à poser les questions spécifiques de recherche suivantes dans le cadre de cette étude:

      Question générale:

      Quels sont les rôles administratifs exercés et les conflits de rôles rencontrés par les administrateurs universitaires haïtiens dans leurs activités?

      Questions spécifiques:

  1. Les rôles définis par Mintzberg (1973) sont-ils exercés par ces administrateurs universitaires haïtiens?
  2. L'exercice de ces rôles et leur fréquence diffèrent-ils selon le type d'institution?
  3. Combien de temps est accordé à chacun des rôles dans une semaine de travail?
  4. Dans quel contexte administratif ou organisationnel, ces rôles sont-ils joués par ces administrateurs?
  5. Les administrateurs universitaires haïtiens sont-ils confrontés à des conflits de rôle dans l'exercice de leur fonction?
  6. Dans leur contexte de travail, les administrateurs connaissent-ils des ambiguïtés de rôle?
  7. Les administrateurs universitaires haïtiens sont-ils surchargés ?
  8. Quels sont les caractéristiques et le contenu de leur travail?
  9. Quelles sont leurs perceptions à l'égard de leur travail et de leurs comportements administratifs?
  10. Ces perceptions permettent-elles de mieux cerner la nature de leur travail?

2.5. Limites de cette étude

      Les limites de cette étude tiennent aux aspects suivants au nombre de cinq:

  1. la manifestation temporelle des rôles;
  2. le champ particulier d'investigation;
  3. la méthodologie de recherche;
  4. le transfert du modèle de Mintzberg;
  5. les contraintes financières et de durée.

      1- la manifestation temporelle des rôles: Mech (1994, p.16) souligne la variation dans le temps des rôles de gestion des administrateurs, variation qui a été examinée par de nombreux théoriciens sous différents angles - traits, pouvoir et influence, comportemental, contingence, culturel et symbolique, cognitif -. Or cette étude vise à valider et à améliorer l'approche sur les rôles de Mintzberg, relative au travail des administrateurs afin de comprendre leurs comportements et activités de gestion. Comme toute étude, les résultats de celle-ci représentent une photographie de l'instant (hic et nunc).où elle a été effectuée -d'octobre à décembre 1997 -

      2- le champ particulier d'investigation: Cette étude se focalise sur deux institutions universitaires (une privée, et une publique). D'où un nombre limité de participants. La réplication du modèle de Mintzberg nécessite de par l'utilisation de l'observation structurée un groupe restreint de sujets, d'une part; et, d'autre part, l'observation réclame du temps et de l'énergie à consacrer par le chercheur. Vu le caractère limité de l'étude, les conclusions s'appliquent à notre groupe en observation seulement.

      3-la méthodologie de recherche: La méthode principale de collecte de données est l'observation structurée. Ce mode de cueillette présente un certain nombre de difficultés dont il faut en tenir compte. L'examen des documents d'archives des universités privée et publique haïtiennes soulève un problème majeur qui fait dire à Van der Maren (1995, p.304-305) que chacun des auteurs de ces matériaux produits parle de son point de vue selon la position occupée. Les entrevues ne sont pas exemptes de biais liés à l'interaction interviewer-interviewé, aux discours véhiculés qui sont socialement construits et à leurs conditions de production (Poupart, 1994, pp.101-105).

      En effet, Mintzberg (1970, p.103) a noté l'influence même mineure sur les données de la présence du chercheur c'est-à-dire 'd'effets Hawthorne'. Rosemary Stewart (1967), citée par Mintzberg (1970, p.100) a souligné les questions de codification complexe et de confidentialité de certaines activités. En outre, Mintzberg (1970, p.100) a signalé les problèmes de codification des activités tenues à l'extérieur de l'organisation au moment où le chercheur n'est pas présent et les problèmes de codification des conversations téléphoniques dont le chercheur ne prend connaissance qu'à la fin. Des mesures correctives ont été prises pour contourner certaines difficultés, entre autres la question d'objectivité.

      Par ailleurs, le temps accordé à chaque participant ne permet pas de recenser complètement toutes les activités entreprises par ces administrateurs universitaires durant une année scolaire.

      En outre, même avec l'utilisation d'un système catégoriel (grille d'observation), le chercheur ne saurait prétendre à une objectivité totale lors de l'enregistrement, de la condensation, et de l'interprétation des données.

      De plus, il est prévu pour des raisons de confidentialité, le retrait du chercheur au moment de certaines rencontres. Cette absence empêchera le chercheur de recueillir de manière complète de données déterminées.

      4- le transfert du modèle de Mintzberg: Cette typologie issue d'une étude effectuée en milieu nord-américain sert de cadre conceptuel pour comprendre les activités de gestion des administrateurs haïtiens. Il est important de prendre en compte cet aspect car les facteurs culturels qui président à la vie et la régulation des organisations ne sont pas les mêmes au Nord comme au Sud. D'où le problème de transférabilité transculturelle, situationnelle et temporelle (Postic et De Ketele, 1988, p.111) du modèle dans un milieu différent du contexte culturel nord-américain. Il faut donc se demander si les résultats obtenus dans un contexte socio-culturel donné (du monde anglo-saxon) à une époque sont transférables à un autre contexte socio-culturel (au monde haïtien - qui nous intéresse ici-). Réfléchir à ce problème de transférabilité permet d'éviter des erreurs de généralisation excessive (Postic et De Ketele, 1988, p.112).

      5- les contraintes financières: C'est une étude à budget limité obligeant le chercheur à concentrer sa recherche dans une même zone, soit la communauté urbaine de Port-au-Prince..

      Somme toute, ce qui est précédemment dit nous a permis de faire le point sur la problématique et le problème à l'étude - la gestion/gestion universitaire -, l'objet, la pertinence, les limites de l'étude, et les questions de recherche. Au prochain chapitre, nous mettrons l'accent sur la nature du travail de gestion des cadres.


DEUXIÈME PARTIE: RECENSION DES ÉCRITS


CHAPITRE TROISIÈME : LA NATURE DU TRAVAIL DE GESTION DES CADRES

      Ce chapitre présente la nature du travail de gestion des cadres qui se subdivise ainsi:

  1. Les caractéristiques du travail de gestion
  2. Les rôles de gestion
  3. Les habiletés managériales.

3.1- Les caractéristiques du travail de gestion

      Suite aux résultats de sa propre étude ainsi que d'autres recherches traitant du travail des cadres, Mintzberg (1984, pp.41-64) a relevé six groupes de caractéristiques qui constituent l'enveloppe de leur travail et qui seront présentées dans les pages suivantes. Il a constaté que le cadre:

  1. fourni[t] une grande quantité [de travail] à un rythme soutenu;
  2. [a des activités]caractérisées par la brièveté, la variété, la variété et la fragmentation;
  3. [préfère] la brièveté et l'interruption dans son travail;
  4. est attiré vers les éléments les plus actifs de son travail: ce qui est courant, actuel, spécifique, bien défini, non routinier;
  5. préfère clairement les trois moyens oraux de communication (téléphone, réunions non programmées, réunions programmées);
  6. [traite] rapidement le courrier et [utilise] généralement les moyens de communication informelle (téléphone et communication non programmée);
  7. consacre un temps de travail plus important aux réunions programmées;
  8. consacre (...) une faible partie de son temps [aux tournées];
  9. (...) est situé entre son organisation et un réseau de contacts extérieurs, qu'il relie de multiples façons;
  10. consacre entre un tiers et la moitié du temps [à ses subordonnés];
  11. [a, de par son travail,] des devoirs et des droits.

      Différents chercheurs dont Mintzberg qui en est à l'origine ont mis en évidence cet ensemble de caractéristiques chez divers administrateurs de tous types d'organisation [Donaldson et Kuhne (1995), Donaldson (1993), Hammons et Ivery (1988), Williamson (1987), Pépin (1986), Brunet et al. (1985), Kurke et Aldrich (1983), May (1984), Lau et Pavett (1980), Whitely (1978), Mintzberg (1973), Carlson (1951)] et à différents niveaux hiérarchiques. De plus, elles constituent un cadre descriptif pour l'analyse et l'interprétation des données et fournissent une base empirique pour catégoriser les activités du cadre et pour mettre en exergue les rôles de gestion accomplis par celui-ci (Pépin, 1986, p.21; Mintzberg, 1984, pp.66-67).


3.1.1 Quantité et rythme de travail soutenu du cadre

      Mintzberg (1984, pp.42-43) a noté que le rythme et la quantité de travail des cadres étaient très intenses. Il a observé que les cinq directeurs généraux observés avaient entre 28 et 53 heures par semaine de travail: Ceci lui a fait dire que « gérer une organisation était une activité prenante » (p.43). Ces résultats ont été confirmés par d'autres études portant aussi sur le travail des cadres. Carlson (1951, p.75) a indiqué que les cadres passaient, en moyenne, au total entre 8 ½ et 11 ½ heures par jour, soit environ 43 à 58 heures par semaine auxquelles il faut ajouter les heures de travail à la maison durant les fins de semaine.

      Lau, Newman et Broedling (1980, p.517) ont remarqué que, durant une semaine, les quatre cadres du secteur public américain observés ont consacré environ 52 heures par semaine au bureau et huit additionnelles par semaine à la maison. Appliquant le modèle de Mintzberg, Donaldson et Kuhne (1995, p. 148), observant des pasteurs protestants pendant une semaine, ont indiqué que ceux-ci consacraient 51 heures à leurs activités de travail.

      Quant aux administrateurs du secteur éducatif, ils ont un volume et un rythme très élevés de travail. Donaldson (1993), Williamson (1987), Hammons et Ivery (1988), Pépin (1986) ont constaté que ceux-ci faisaient entre 36 et 60 heures de travail par semaine. Williamson (1987, p.199) a noté que les présidents de collèges et d'universités aux Etats-Unis, étaient très occupés, travaillaient de longues heures durant la journée et avaient l'expérience de l'effort constant et intense. Elle a abondé ainsi dans le même sens que Mintzberg (1984, p.43), à savoir que les cadres ont un rythme constant et ininterrompu.

      Mintzberg (1984,p.43) s'interrogeant sur la raison qui pousse les cadres à adopter ce rythme et cette surcharge de travail, a signalé que leur travail n'était pas défini en termes précis. Pour expliquer ce fait, il a indiqué que, responsables du succès de leur organisation, ceux-ci doutaient de la certitude de leur réussite et étaient continuellement soucieux. D'où la nécessité pour eux de maintenir un rythme de travail soutenu.

      Mintzberg a souligné que les cadres de son étude accomplissaient entre 86 et 160 activités distinctes dans une semaine de travail, soit en moyenne 22 activités diverses par jour. Lau et al. (1980, p. 517) ont remarqué que leurs cadres réalisaient en moyenne 43 activités par jour. Donaldson et Kuhne (1995, p.148) ont signalé que les cinq pasteurs accomplissaient 41 activités distinctes par jour.

      Pépin (1986, p.313) a constaté que les quatre directeurs d'écoles secondaires observés ont obtenu une moyenne de 170.4 activités distinctes par jour. Donaldson (1993, p.5) a remarqué les six administrateurs universitaires étaient placés sur un continuum variant entre 67.7 et 110 activités par jour. Williamson (1987, p. 127) a noté que tous les présidents de collèges ou d'universités réalisaient 73.28 activités par jour et la moyenne pour un président variait entre 54.0 et 86.3.


3.1.2 - La brièveté, la variété et la fragmentation des activités

      Ce deuxième ensemble de caractéristiques décrites par Mintzberg (1984, pp.43-48) réfère au temps, à la quantité et à la succession des activités accomplies par les cadres. De par la nature de leur travail, les cadres ne peuvent pas avoir une activité répétitive comme leurs subordonnés. Cette seconde caractéristique est partagée par Carlson (1951, p.63).

      1- Variété et fragmentation: Mintzberg (1980, 1984) a mentionné que ces dernières apparaissent comme les caractéristiques d'une série d'activités dont les issues sont largement différentes en type et en contenu. Les cadres de son étude «avaient en moyenne 36 contacts écrits et 16 contacts verbaux par jour, pratiquement chacun ayant trait à un problème différent ». Il suggère qu'ils « doi[vent] (...) être prêt[s] à changer de registre fréquemment et avec rapidité » (p.45).

      Par ailleurs, Mintzberg (1984, p.47) a souligné que le travail du cadre était marqué par la fragmentation et qu'il préférait ne pas se défaire des coupures incessantes ou ne pas se libérer. Il en veut pour preuve le fait que:

(...) la tournée des installations est une activité qui ne pas être interrompue par le téléphone; et pourtant elle durait en moyenne 11 minutes. De plus; c'étaient les directeurs généraux, et pas leur interlocuteurs, qui mettaient fin à la majorité des réunions et des coups de téléphone; et il[s] leur arrivai[ent] fréquemment de quitter une réunion avant qu'elle ne soit terminée (p.47).

      Pour expliciter ce fait, Mintzberg (1984, p.47) propose deux explications: tout d'abord la tolérance des interruptions et, ensuite, le conditionnement lié à la surcharge de travail. Carlson (1951, pp. 71-74) a signalé que les directeurs généraux de son étude étaient constamment dérangés soit par des visiteurs ou des coups de téléphone.

      Les administrateurs scolaires réalisent aussi un travail très varié et fragmenté. Pépin (1986) a rapporté que les directeurs observés au cours de son étude passaient

d'une activité à l'autre et souvent même à l'intérieur d'une même activité, [évoluant] fréquemment à travers un large éventail de dimensions et exercent généralement une panoplie de rôles qui impliquent des habiletés diversifiées et un engagement émotif bien particulier (p.318).

      Williamson (1987, p.206) a noté des résultats semblables chez les présidents de collèges et universités dans sa recherche. Brunet et al. (1986, p.101) ont remarqué que les activités de leurs sujets étaient constamment interrompues ou servaient d'interruption. Donaldson (1993, p.5) ont démontré que le travail de leurs administrateurs universitaires était constamment interrompu obligeant à prendre sur leur temps de lecture à la maison au moment où les interruptions sont moins fréquentes.

      2- La brièveté: Mintzberg (1980, p.161; 1984, p.46) a montré que les activités du cadre étaient marquées par la brièveté. La moitié de celles-ci durait moins de neuf minutes et 10 pour cent seulement dépassaient une heure. Il a indiqué que le travail des niveaux hiérarchiques inférieurs était caractérisé par une grande brièveté.

      Donaldson et Kuhne (1995, p.152) ont obtenu des résultats similaires chez les pasteurs observés: près de 50% de leurs activités duraient moins de cinq minutes.

      La caractéristique de brièveté marque également les activités de travail des administrateurs scolaires. Pépin (1986, p.317) a noté que les directeurs d'écoles secondaires observés dans son étude s'engageaient dans des activités (89.4%) qui duraient moins de cinq minutes. Brunet et al. (1986, p.100) ont eu des résultats semblables dans leurs études. Donaldson (1993, p.5) a constaté que les administrateurs universitaires de son étude avaient en moyenne 29.3 sessions de travail par jour avec une durée moyenne de 4.2 minutes.


3.1.3 La préférence pour l'action

      Mintzberg (1984, p.50) a affirmé que, contrairement aux points de vue des tenants du POPDCORB (Planification, Organisation, Personnel, Direction, Coordination, Rapport, Budget), le cadre a une nette préférence pour des situations vivantes et concrètes, spécifiques et précises. A cause de la nature de son travail, le cadre a rarement un temps de solitude. Il a souligné que les cinq directeurs généraux observés ne séjournaient que 22% de leur temps dans leur bureau (1984, p.48). Lau et al. (1980, p.519)ont confirmé une situation similaire chez les administrateurs américains du secteur public. Donaldson et Kuhne (1995, pp.152-153) ont noté que les pasteurs observés priorisaient des actions concrètes et des réponses anticipées de situations de crises organisationnelles. Eraut (1985, p.178, cité par Donalson (1995, p.11) a souligné que la pression pour l'action est immédiate et a qualifié le travail des administrateurs d'« actions chaudes » (hot actions).

      Par ailleurs, Mintzberg (1984, p.48) a signalé que les cadres considéraient la correspondance comme un fardeau à cause de son caractère « non interactif ».

[Cependant] le courrier relié (...) à des problèmes en cours et des opportunités à saisir de suite, était généralement traité de la façon la plus active (Mintzberg, 1984, p.48).

      Mintzberg (1984, p.49) a constaté que les cadres manifestaient une prédilection pour certaines sortes d'informations qualifiées de « chaudes » et informelles comme « les bruits, les rumeurs, les on-dit ». Il a annoté que:

Ce type d'information avait la priorité, venait souvent interrompre les réunions, et passait facilement le barrage de la secrétaire d[es] directeur[s] généra[ux]. Souvent ces derniers réaménageaient leur journée de travail ou réorientaient une réunion à cause d'une « communication instantanée » qu'ils avaient reçue (Mintzberg, 1984, p.49).

      Cette propension pour ce type d'information est si forte que Mintzberg (1984, p.48) a ajouté qu'« un directeur général (...) [recevait] les indices d'écoute et de satisfaction d'une émission télévisée vingt-quatre heures après sa diffusion ».

      La gestion du temps est faite si minutieusement que Carlson (1951, p.71) a écrit que les cadres ont le « complexe de l'agenda » tant ils « se sentent perdus [si celui-ci] n'est pas à portée de [leur] main », car tout ce qui y est inscrit à la chance d'être réalisé.

      Du côté des administrateurs scolaires, les conclusions de Mintzberg ont été confirmées. Pépin (1986, p.332) a remarqué que les directeurs d'écoles de son étude consacraient 29.5%de leur temps de travail seul au bureau. Mieux, ils préféraient utiliser ce temps pour des rondes d'inspection, de surveillance et des sessions de travail au bureau. Brunet et al (1986, p.102) ont abondé dans le même sens que Pépin dans leurs études.

      Williamson (1987, p.137) a signalé, dans son étude, que les sujets observés passaient seulement 26.8% de leur temps dans la solitude qui ne durait en moyenne que 5.4 minutes. Ils consacraient plus de temps à effectuer des « tournées, surveillances et observations ». Donaldson (1993, p.5) a constaté que les administrateurs universitaires de son étude consacraient 22 pour cent au travail de bureau qui ne durait que 4.2 minutes.


3.1.4 Prédilection pour la communication verbale

      Mintzberg (1980, p.162; 1984, p.50) a remarqué que le cadre dispose de cinq moyens de communication: la correspondance, le téléphone, les rencontres informelles, les réunions formelles et les rondes d'inspection. Ceci est confirmé par toutes autres études empiriques sur le sujet. Mintzberg (1980, p.162; 1984, p.51) a constaté une prédominance de la part des cadres pour les formes verbales de communication. Il a noté que ceux-ci consacraient 78% de leur temps et 67% de leurs activités à des interactions verbales. Lau et al. (1980, p.519) ont fait la même constatation chez leurs sujets étudiés, à savoir qu'ils passaient plus de 70% de leur temps à interagir avec d'autres.

      Les administrateurs scolaires en font autant selon différentes études. Pépin (1986, p.327) a remarqué que les quatre directeurs d'écoles de son groupe ont consacré 68.9% de leur temps et 81.5% de leurs activités dans des interactions verbales. Brunet et al.(1986, p.104) ont confirmé ces résultats. Donaldson (1993, p.6) a abondé dans le même sens dans sa recherche où les sujets ont passé une majorité de leur temps (70.7%) et de leurs activités (65%) en contact avec d'autres. Williamson (1987, p.132) a signalé que 70% du temps des présidents de collèges et d'universités dans son étude étaient consacrés au contact avec les gens.

      Parmi les médias verbaux, le téléphone et les réunions informelles sont les plus utilisés par les cadres, soit deux-tiers de leur temps, avec une moyenne de six à douze pour chacun, a commenté Mintzberg (1980, p.163); 1984, p.53). Les cadres et leurs subalternes usaient préférentiellement ces médias parce qu'on pouvait fournir ou obtenir des informations rapidement. Carlson (1951, p.87) a remarqué que « les rencontres ad hoc entre les dirigeants et leurs subordonnés prenaient une grande place de par leur fréquence et leur consommation en temps ». Donaldson et Kuhne (1995, p.153) ont constaté que le téléphone et les réunions ad hoc étaient un élément central dans le travail de leurs sujets.

      En outre, Mintzberg (1980, p.163; 1984, p.53) a noté que les rencontres formelles étaient non seulement de longues durées (68 minutes dans son étude) mais aussi prenaient 59% du temps des cadres. C'était une occasion pour interagir avec de grands groupes lors de « cérémonies, d'élaboration de stratégie et [de] négociation ». Elles étaient consignées à l'avance dans l'agenda des cadres contrairement aux réunions informelles.

      Le traitement de la correspondance était marqué par une grande brièveté de la part des cadres (plus de trente pièces à l'heure), a noté Mintzberg (1984, p.52). Ce comportement s'explique, a fait remarquer Mintzberg, par le fait que celle-ci (87%) ne débouche pas sur une action immédiate. Néanmoins, malgré ce traitement descriptif, le cadre y est très soucieux, car:

(...) quelque peu important que soit son contenu, le courrier doit être traité en continu si le cadre veut éviter d'être noyé sous le papier (Mintzberg, 1984, p.52).

      Quant aux visites d'inspection, le cadre néglige ce puissant médium de communication (3% du temps) pour obtenir de l'information (Mintzberg, 1980, p.163). Elles sont très courtes d'environ 11 minutes.

      Chez les administrateurs universitaires, cette activité a consisté en 2.0% des activités et 11.4 minutes (Williamson, 1987, p.134) et 3.1% du temps (Donaldson, 1993, p.6).

      Quel que soit le type d'administrateur, on constate une forte préférence pour les médias de communication verbale plus que les formes écrites.


3.1.5 Un réseau de contacts

      Mintzberg (1984, p.56) a souligné que le cadre entretient des contacts avec trois catégories d'individus internes et externes (latéraux, horizontaux, verticaux), à savoir respectivement: les supérieurs (tels les membres du Conseil d'administration) et les subordonnés, et les personnes d'autres organisations. Les groupes internes absorbaient près de 75% des contacts verbaux du cadre (les subordonnés à eux seuls représentaient 65%).

      Par ailleurs, Mintzberg (1984, pp.58-59) a noté que les contacts entre cadre et subordonnés prennent beaucoup d'importance tant par le volume que par le contenu: 39% de la correspondance reçue, 55% de la correspondance envoyée, 65% d'interactions verbales et 48% de la durée des interactions).

      Carlson (1951, pp.87-88) a remarqué que, parmi les visiteurs des cadres, la grande majorité était constituée par les membres de l'organisation. Ce type de contact informel était vu comme un complément important et efficace aux autres canaux formels de communication.

      Chez les administrateurs scolaires, différentes études ont fait le même constat. Pépin (1986, p.334)a observé dans son étude que les quatre directeurs entretenaient 90.4% de leurs contacts avec leurs subordonnés. Brunet et al.(1986, p.104) ont noté que 93.8% des contacts des quatre sujets étaient faits avec les personnes internes à l'organisation scolaire. Williamson (1987, p.138) a remarqué que tous leurs sujets passaient 48.9% de leur temps avec le personnel de l'organisation universitaire. Donaldson (1993, p.7) a constaté que les sujets de son étude réalisaient 42.2% de leurs contacts avec leurs subordonnés qui occupaient 34.8% de leur temps.

      Par ailleurs, Mintzberg (1984, p.59) a montré que les cadres, outre d'avoir des interactions familières avec différents groupes de subalternes, avaient tendance à court-circuiter vers le bas l'organigramme parce que cela leur permettait de s'informer plus rapidement et efficacement. Cette opinion est partagée par Carlson (1951, p.88).

      De plus, Mintzberg (1984, p.59) a constaté que les cadres passaient peu de temps avec leurs supérieurs: contacts verbaux peu fréquents, communications écrites faibles et formelles. Carlson (1951, p.85) a noté que les directeurs généraux de son étude ne considéraient comme « prenante la communication avec le conseil et les personnes qui le composaient ».

      Le même phénomène a pu être observé chez les administrateurs scolaires. Pépin (1987, p.346) a découvert que les sujets de son étude quoiqu'ayant 9.7% de contacts avec leurs supérieurs passaient 1.7% de leur temps avec eux. Brunet et al. ont abondé dans le même sens eux aussi. Donaldson (1993, p.7) a remarqué également que les administrateurs universitaires dans son étude avaient 2.7% de contacts avec leurs supérieurs et leur consacraient 3.8% de leur temps.

      Mintzberg (1984, pp.57-58) a montré que les cadres avaient de nombreux contacts externes à qui ils consacraient 23% de leurs interactions. Quant aux administrateurs scolaires, la plupart des études confirment ce point de vue. Williamson (1987, p.138) a remarqué que les sujets de son étude consacraient 24.5% de leur temps aux personnes externes à l'organisation. Donaldson (1993, p.7) a constaté qu'en dehors des contacts avec les autres universités les sujets observés avaient 10.7% de leurs contacts avec des personnes externes à qui ils consacraient 30.3% de leur temps. Cependant chez les directeurs d'écoles secondaires observés par Pépin (1987, p.354) n'entretenaient presque pas de contacts avec des individus externes à l'établissement.


3.1.6 Un mélange de droits et de devoirs

      Mintzberg (1980, p.162; 1984, p.62) a considéré comme erroné le fait de percevoir le cadre comme une marionnette, comme le pensait Carlson (1951, p.52). Il croit plutôt que ce dernier est en contrôle de ses propres affaires sous deux dimensions: d'abord, de par sa position statutaire, c'est lui qui définit ses engagements sur le long terme, qui sont ses droits; ensuite, en exploitant certaines situations, il se soumet à des obligations qui deviennent des devoirs. Selon l'angle sous lequel on le regarde oeuvrer, on dira qu'il est soit un chef d'orchestre, soit une marionnette.

      Se basant sur ces deux axes, Mintzberg a pu démontrer que: dans 42% des cas, il était passif; dans 31% des cas (élaboration de stratégie, négociation, transmission d'information, tournées des installations, demandes faites par le cadre), il était actif; et, dans 27% des cas (analyses de situations, programmation, travail lié au Conseil d'administration), il n'était ni actif, ni passif. Au regard de ces données, on peut affirmer que le cadre (27% des cas) ont une emprise limitée sur leurs activités. Pour leur part, Donaldson et Kuhne (1995, p.154) ont observé que les pasteurs, dans leur étude, étaient plus pro-actifs que réactifs au point qu'ils initiaient eux-mêmes plus de 54% des contacts verbaux contre 23% pour les autres.

      Des observations similaires ont été faites dans des organisations scolaires. Pépin (1987, p.356) a constaté que les quatre sujets ont initié 46.7% des tâches. Il a noté que « les directeurs d'école secondaire n'exercent qu'un contrôle limité sur le contenu même de leur travail » (p.357). Ce point de vue est partagé par Brunet et al.(1986, p.106). Cependant Williamson (1987, pp.144-145), Donaldson (1993,, p.8) ont constaté que leurs administrateurs universitaires ont surtout initié les contacts avec d'autres, respectivement dans les proportions de 72.1% et 62.1%.

      Somme toute, ces différentes études montrent que si certains cadres sont réactifs, d'autres sont plutôt pro-actifs. Néanmoins, comme l'a souligné Mintzberg (1984, p.63), ceux qui ressemblent à des marionnettes ne le semblent pas tout à fait car « certains décident qui tirera les ficelles et comment ».


3.2 Les rôles de gestion

      Mintzberg (1980, pp.164-170; 1984, pp.65-111), se basant sur ses observations, a indiqué que les rôles de gestion proviennent d'une catégorisation précise des différentes activités du travail du cadre, qui sont caractéristiques à tous les cadres quelque niveau qu'il soit. Il s'est posé la question suivante: « Pourquoi le cadre agit-il ainsi? ». Ce questionnement lui aura donc permis de faire émerger une typologie assez satisfaisante approfondissant ainsi la nature du travail de gestion du cadre. Il a illustré ceci par les propos ci-après:

      Un cadre assiste à une réunion d'un comité externe dont il est membre. A son retour dans l'organisation, il va immédiatement au bureau d'un subordonné, raconte une conversation qu'il a eue avec un autre membre du comité et conclut en disant: « Il semble que nous allons obtenir ce contrat » (Mintzberg, 1980, p.165).

      En se demandant pourquoi il a agi ainsi, Mintzberg (1980, p.165) a affirmé que deux aspects du travail managérial apparaissaient, à savoir: premièrement, le rôle de: liaison, à cause de son statut et, deuxièmement, celui de diffuseur, en redistribuant l'information apprise sur son organisation. Toutes les activités lors de son étude ont été regroupées par Mintzberg (1980, p.165; 1984, pp.67-68) en dix rôles subdivisés en trois catégories fondamentales (voir figure 3): interpersonnels, informationnels et décisionnels.

      

Figure 3 : Les rôles de gestion selon Mintzberg (1984, p.70)

      Par ailleurs, Mintzberg (1984, p.68) a fait des remarques importantes relatives au concept de rôle. Tout d'abord, il a affirmé que « chaque rôle est observable », car décrit à partir d'activités observables. Deuxièmement, il a souligné que « ...tous les contacts entre personnes et toutes les communications écrites peuvent être décrites à l'aide des dix rôles » (p.68). Il a insisté au passage sur le fait que toute activité exécutée par un cadre est partie intégrante de son travail et doit être comprise comme telle. Troisièmement, Mintzberg (1984, p.68) a précisé que, quoique présentés séparément, ces rôles ne sont pas isolés et forment, ce qu'il appelle, un gestalt c'est-à-dire « un ensemble dont les parties sont indissociables les unes des autres ». En effet:

un cadre qui, par exemple cesserait de jouer son rôle d'agent de liaison perdrait tout accès aux informations externes, et ne pourrait plus diffuser de bonnes informations ni prendre les décisions stratégiques efficaces (Mintzberg, 1984, p.69).

      Enfin, il a argumenté que « ces dix rôles sont tenus par tous les cadres » (p.66).

      En outre, Mintzberg (1984, p.115) par l'élaboration d'une théorie contingente du travail des cadres, a mis en évidence les différences entre ceux-ci en prenant en compte le type de poste et la taille de l'organisation. Ces derniers mettront l'emphase sur des rôles en fonction de l'environnement (milieu, branche d'activité), du poste (niveau, fonction), de la personne (personnalité, style), de la situation (variation du travail dans le temps) (Mintzberg, 1984, p.116). Aux caractéristiques personnelles, Brassard et al. (citant Campbell et al., 1970) ont souligné entre autres les aptitudes, les connaissances, le tempérament, les préférences, les attentes qui ont pu modifier la façon d'exercer les rôles ou l'attention accordée par les sujets de leur étude.


3.2.1. Recherches sur les administrateurs universitaires

      Différentes recherches empiriques ont appliqué le modèle de Mintzberg (1984) aux organisations scolaires, et en particulier aux institutions universitaires. Le nombre d'études sur les collèges et les universités est très restreint (Mech, 1994, p.38). Elles concernent les cadres académiques des collèges, les doyens d'universités, les directeurs des affaires étudiantes, les directeurs de bibliothèques et les directeurs académiques et les présidents des collèges et des universités.

      Dill (1984, p.75) a indiqué que la nature du travail managérial est identique à celle du travail administratif dans les entreprises. Il a ajouté que des études ont montré des différences intéressantes et des ressemblances dans les rôles aussi par institution qu'au niveau administratif (p.75). Moskowitz (1986, p.458) a constaté que les directeurs de bibliothèques de son étude mettaient l'accent d'abord sur les rôles de gestion internes. Cependant, ces directeurs exercent plus les rôles externes (liaison et moniteur) que leurs pairs des collèges, et ceux des institutions publiques jouent beaucoup plus le rôle interne de régulateur que les cadres des institutions privées.

      Dans la même lignée, Mech (1990, p.420) a abondé dans le même sens que Moskowitz au sujet de l'emphase mise par les directeurs de bibliothèques sur les rôles managériaux internes. Toutefois il a constaté qu'il existe des différences significatives entre les profils de rôles managériaux des directeurs par rapport à leurs types d'institutions (doctorales, polyvalentes, premier cycle et deux ans). Les directeurs des polyvalentes exercent plus significativement le rôle de moniteur, de régulateur que ceux des collèges et de premier cycle. Les directeurs des polyvalentes passaient plus de temps dans les rôles internes que les directeurs d'études doctorales et plus de temps dans les rôles internes que ceux des autres niveaux (premier cycle, et collèges). Mech (1990, pp.420-424) a noté qu'il n'y avait pas de différences entre l'accent mis par les directeurs sur les rôles interpersonnels; par contre, les directeurs des polyvalentes mettaient plus de temps et d'effort sur les rôles informationnels que ceux des centres universitaires de premier cycle).

      Hammons et Ivery (1988, p.26) ont signalé que la typologie de Mintzberg pouvait être utilisé pour décrire et analyser le travail des présidents des centres universitaires de premier cycle, ce malgré les différences observées entre les cinq sujets et cinq cadres Mintzberg.

      Fain (1987, pp.7-8) a montré que les administrateurs des systèmes de centres étatiques universitaires de premier cycle étaient d'accord sur le degré d'importance des rôles, mais ils passaient plus de temps sur des rôles choisis variant selon la taille du système et leur fonction. Alors qu'il y a un consensus sur l'importance de chaque rôle, il existe certaines différences par rapport au temps passé dans chaque rôle.

      Donaldson et Kuhne (1994) ont indiqué que la typologie de Mintzberg appliquée aux administrateurs universitaires d'éducation permanente diffère de celle identifiée pour les autres administrateurs, par suite de l'influence des variables de position sur l'importance des rôles et leur fréquence d'exercice et qu'il n'existe pas de congruence parfaite entre les rôles de gestion, les domaines fonctionnels, et les compétences de ces administrateurs. Les sujets considèrent tous les rôles sauf un (symbole) comme très importants et que tous sauf un (diffuseur) sont exercés plus de trois heures par semaine. A la typologie de Mintzberg, ils ont ajouté un autre rôle issu des résultats, celui de « fournisseur de ressources »(resource securer). Les résultats ont confirmé que cette typologie est globalement applicable aux administrateurs universitaires d'éducation permanente (1994, p.33).

      Williamson (1987, p. 207) a remarqué que les présidents des collèges privés d'arts libéraux et d'universités publiques de recherche passaient plus de temps dans les rôles de symbole et de moniteur que les autres. Elle a signalé que le bureau du président ne représente pas seulement le « centre nerveux » de l'organisation mais plutôt le « coeur » par le fait qu'il pompe l'enthousiasme et la vision à travers le corps - par analogie avec la physiologie humaine -.

      Mech (1994, p.113) a observé que les administrateurs académiques des polyvalentes et des universités mettaient l'emphase sur les rôles de leader, de répartiteur de ressources, et de diffuseur. Il a constaté que la surface de contrôle et la taille de l'organisation sont des facteurs déterminants dans l'accent mis sur les rôles interpersonnels (pp.113-114). Les caractéristiques organisationnelles (surface de contrôle, taille et affluence) sont des paramètres importants dans la définition de la nature du travail des administrateurs et le type de comportement de gestion requis pour être efficace dans leur position (p.114). La typologie de Mintzberg (y compris celle d'Alexander) constituent des outils conceptuels importants pour examiner et comparer les comportements de gestion des administrateurs académiques.

      Ces rôles de gestion exercés par les cadres nécessitent de leur part un certain nombre d'habiletés ou d'aptitudes qui leur permettent d'être plus performants dans leur travail. L'acquisition ou le développement de celles-ci aideront les cadres à être plus efficaces, à être plus habiles pour accomplir les dix rôles de gestion.


3.3- Les habiletés managériales

      Mintzberg (1975, p.61; 1984, pp.201) s'est interrogé sur le concept de gérer pris comme enseignement ou vu comme une profession. Il a indiqué que les écoles de gestion ont donné des diplômes plutôt qu'enseigner comment gérer. Il suggère que celles-ci devraient donner aux étudiants cadres un ensemble spécifique d'« aptitudes »(p.201). Ces aptitudes pourraient être apprises par trois voies: l'apprentissage cognitif au cours duquel l'étudiant effectue des lectures et assiste à des cours sur une aptitude donnée; l'apprentissage par simulation où l'étudiant apprend placé dans une situation artificielle avec rétroaction sur les acquis; l'apprentissage en situation, où l'étudiant applique dans son milieu l'aptitude acquise en effectuant son autocritique et bénéficiant des suggestions des autres (1984, p.202).

      Se basant sur l'étude des dix rôles, Mintzberg (1984, pp.203-207) a formulé huit ensembles principaux d'aptitudes à enseigner aux cadres:

  1. Les aptitudes aux relations avec les pairs: il s'agit pour le cadre d'être apte à « créer et maintenir de façon efficace des relations non hiérarchiques » en développant avec d'autres des relations implicites contribuant aux besoins réciproques, en construisant et entretenant des réseaux d'informateurs et en communiquant avec ses pairs sur les plans formel et informel; en négociant et échangeant des ressources en temps réel; en gérant une relation de conseil; en ayant des aptitudes « politiques associées au conflit et aux luttes internes dans les grandes bureaucraties ». Pour ce faire, on devrait apprendre les relations contractuelles entre individus, le concept de diagnostic, le comportement de négociation, la théorie des jeux, et les 'cas de confrontation'; tout cela fondé sur l'enseignement par expérience.
  2. Les aptitudes au leadership: elles ont rapport à la capacité du cadre à établir des interactions avec ses subalternes en les motivant, les formant, les aidant à faire face aux problèmes reliés à l'autorité et la dépendance, etc...Pour ce faire, il doit être éduqué en y associant une formation participative.
  3. Les aptitudes à la résolution des conflits: le cadre doit être capable de jouer le rôle de médiateur dans une situation de conflits et traiter des perturbations. Pour ce faire, une formation en technique de jeu de rôle où le cadre se trouve placé en situation de tension.
  4. Les aptitudes au traitement de l'information: le futur cadre doit pouvoir mettre en place des réseaux informels d'information, identifier des sources et choisir l'information nécessaire, la valider, l'assimiler et construire des cadres conceptuels efficaces. Il doit être capable de diffuser l'information, s'exprimer efficacement et le faire aussi comme représentant d'organisation. Par conséquent, le cadre doit être formé à extraire « l'information non structurée et non écrite », développer ses capacités verbales, et utiliser adéquatement les moyens de communication tels le téléphone, les réunions programmées et non programmées, la tournée, le courrier.
  5. Les aptitudes à la prise de décision sous ambiguïté: un contexte non structuré requiert de la part du cadre un certain nombre d'habiletés qui l'emmènent à poser un diagnostic, à trouver des alternatives, évaluer les conséquences, et sélectionner l'une d'entre elles. Pour cela, il faut lui montrer les processus utilisés par les technocrates.
  6. Les aptitudes à la répartition des ressources: répartir les ressources nécessite de la part du cadre qu'il fasse un choix entre des demandes concurrentes, qu'il décide de la programmation de leur agenda, qu'il définisse les tâches des subordonnés et le cadre de travail et porter un jugement sur le support organisationnel à apporter à certains projets. Il faut fournir au cadre des outils sur la gestion de son temps, les prises de décision sur des sujets complexes, le traitement d'un groupe de dossiers.
  7. Les aptitudes entrepreneuriales: il s'agit pour le cadre d'identifier des problèmes et des pportunités et de mettre en place un changement contrôlé dans l'organisation. Il faudra don encourager l'esprit d'entreprise, la prise de risque raisonnable et l'innovation.
  8. Les aptitudes à l'instrospection: le cadre devra avoir une connaissance approfondie de son travail, avoir conscience de son impact sur l'organisation et pouvoir apprendre soi-même. Pour ce faire, il faut encourager l'auto-apprentissage en activité de service, les rencontres entre cadres pour un échange honnête (et confidentiel) sur leurs comportements de gestion.

      Somme toute, Mintzberg (1975, p.61) a noté que le temps est venu d'arrêter le folklore autour du travail managérial et d'étudier la difficile tâche d'y apporter des améliorations significatives. Il a ajouté que:

le développement des aptitudes sera probablement - et devait être - la prochaine révolution dans la formation à la gestion (1984, p.207).

      Katz (1974, p.71) s'est également penché sur la formation des administrateurs. Aussi propose-t-il trois habiletés (aptitudes) fondamentales à développer en identifiant des traits spécifiques et qui fournissent un moyen pour examiner et comprendre le processus administratif.

      Ces habiletés se regroupent en trois catégories: les habiletés techniques, les habiletés humaines, et les habiletés conceptuelles.

  1. Les habiletés techniques: cela implique une compréhension et une compétence dans un type spécifique d'activité, particulièrement en maîtrisant les méthodes, les processus, les procédures ou les techniques (p.91).
  2. Les habiletés humaines: Ce sont les capacités d'un cadre à travailler efficacement comme membre d'un groupe et de développer un esprit de coopération dans l'équipe qu'il dirige. En acceptant l'existence de points de vue, de perceptions et croyances différentes du sien, il est apte à comprendre ce que les autres expriment réellement par leurs mots et comportements. Il est encore plus habile en communiquant aux autres, dans leur prore environnement, ce qu'il exprime par son comportement (p.91).
  3. Les habiletés conceptuelles: elles comprennent l'aptitude à voir l'organisation globalement; cela inclut également la reconnaissance de la dépendance des différentes fonctions de l'organisation l'une de l'autre, et la manière dont les changements dans une partie affectent les autres; et d'étendre sa vision à la relation entre les affaires individuelles et l'industrie, l'économie, la communauté, et les forces politiques, sociales et économiques d'une nation entière (p.93).

      En outre, Katz (1974, p.94) a souligné qu'en fait ces trois habiletés sont étroitement interreliées et qu'il est difficile de déterminer la première et la dernière. Il a précisé ces aptitudes varient en importance relative selon les degrés de responsabilité, même si elles sont importantes à tous les niveaux administratifs. En effet, il a signalé que les habiletés techniques ont une grande importance pour les faibles paliers de l'administration, les habiletés humaines concernent tous les paliers et les habiletés conceptuelles sont très indiquées pour le sommet hiérarchique. En conséquence, il importe de redéfinir les objectifs des programmes de formation des cadres, de reconsidérer la place de ceux-ci dans l'organisation et de revoir les procédures pour sélectionner les futurs cadres.

      Aux trois habiletés managériales de Katz, Lau et Pavett (1989, p.171) ont proposé de les compléter par le groupe d'habiletés politiques qu'ils considèrent comme importantes pour le succès administratif et elles impliquent des comportements politiques. Ces habiletés conviendraient le plus aux administrateurs de niveau intermédiaire. Elles permettent aux administrateurs de concilier et de réconcilier les forces politiques complexes agissant sur l'organisation, de négocier durant les périodes de conflit et les luttes internes dans les bureaucraties et de former des coalitions (Mech, 1990, p.423). Mech (1990, p.423), dans son étude sur les directeurs de bibliothèques universitaires a constaté qu'eux tous classent les habiletés politiques comme les plus importantes pour leur travail que les habiletés techniques.

      Sarbin et Allen (1968, p.514) ont fait remarquer qu'une personne remplissant un rôle peut être vu comme exécutant une tâche, qui doit être réalisée selon les attentes de rôle. Pour ce faire, elle doit avoir à sa disposition des habiletés adéquates. Ils définissent une habileté comme étant une volonté physique et psychologique d'accomplir cette tâche suivant le niveau de compétence donné (1968, p.514). Les composantes des habiletés de rôle sont divisées en cognitive et motrice.

      La composante cognitive consiste en des habiletés cognitives générales qui facilitent l'exercice du rôle. Elle inclut la capacité à inférer validement les signaux reçus de la position sociale de l'autre, et de soi-même, et d'inférer de manière appropriée les attentes de rôle pour la position. Un important aspect de cette capacité est de reconnaître les nuances dans les réponses des autres qui fournissent souvent des signaux subtils concernant le rôle de l'autre (Sarbin et Allen, 1968, p.515). La seconde composante est la motricité car l'exercice d'un rôle requiert une posture appropriée, des mouvements, une expression faciale, et un ton de la voix. Il est clair que cela demande à un individu d'avoir une grande habileté en contrôlant les intonations de la voix et les comportements physionomiques des autres (Sarbin et Allen, 1968, p.517).

      Anderson (1984), cité par Dill (1984, p.72) a suggéré que le lien entre les catégories de Katz et le comportement des cadres de Mintzberg donne une vision intéressante pour la compréhension du comportement managérial.

      En référence au cadre de travail pour le comportement administratif basé sur Katz et Mintzberg proposé par Dill (1984, p.73) à partir d'Anderson, nous avons adapté pour les besoins de notre étude en le complétant avec les habiletés politiques de Lau et Pavett (1983) [voir tableau 2].

      
Tableau 3.1 : Cadre pour le comportement administratif basé sur Katz, Lau et Pavett, et Mintzberg
Katz Lau et Pavett Mintzberg
Habiletés de relations humaines   Comportement relationnel avec les pairs
    Comportement de leadership
    Comportement de résolution de conflits
     
Habiletés conceptuelles   Comportement relié à l'information
    Comportement de prise de décision
    Comportement de distributeur de ressources
    Comportement entrepreneurial
    Comportement introspectif
     
Habiletés techniques   Comportement relié à la profession
     
Habiletés politiques   Comportement de générateur, de constructeur de coalitions et d'alliances

SOURCE: Adapté de Dill (1984). The nature of administrative behavior in higher education. Educational Administration Quarterly. Vol.20, No.3, pp.69-99

      Il importe de souligner que les habiletés politiques de Lau et Pavett signifient que l'administrateur développe certains types de comportements reliés soit à la médiation, à la conciliation et/ou la réconciliation, soit à la création, la génération de coalitions et d'alliances. Nombre de comportements décrits par Mintzberg (p.ex. résolution des conflits, leadership, relation avec les pairs, prise de décision) peuvent se retrouver dans la première partie de la définition. Mintzberg (1986),dans son livre sur le pouvoir dans les organisations, traite de coalitions d'acteurs internes et externes (pp.64-69). Cette modalité de l'exercice du pouvoir, à savoir la maîtrise d'habiletés politiques précisée par sa composante: générateur, producteur de coalitions et d'alliances constitue un élément important pour le succès d'un administrateur, et en particulier d'un administrateur universitaire tel que le confirment Lau et Pavett (1983), Mech (1990).

      Bordeleau (1992, p.58) a proposé un modèle à quatre dimensions des facteurs de succès des gestionnaires performants comprenant les volets suivants: intrapersonnel, interpersonnel, travail/organisation et contexte de vie. Sous certains aspects, les sous-dimensions regroupées dans les quatre volets pré-cités se retrouvent dans notre cadre. Toutefois, la dimension contexte de vie (les facteurs hors du contrôle du gestionnaire, la vie paraprofessionnelle) et les sous-dimensions relatives aux qualités personnelles, aux attitudes face à la carrière, à la capacité physique constituent des vues complémentaires nécessaires au succès, à la réussite d'un gestionnaire dans son milieu de travail.

      A la lumière de ce qui précède, il est évident que les administrateurs, pour mieux accomplir leurs rôles, doivent posséder des compétences gestionnelles en termes d'habiletés ou d'aptitudes. Cependant ils doivent prendre en compte leur contexte de vie, s'ils veulent augmenter leurs chances de réussite dans leur travail. Nous croyons que, pour pouvoir bien jouer ces différents rôles, tout gestionnaire doit avoir non seulement des compétences managériales et gestionnelles, mais aussi tenir compte de la qualité de leur vie paraprofessionnelle, prendre soin de leur santé et avoir une philosophie positive de la vie. Nous estimons que le bon cadre est celui qui se réalise en tant qu'individu sur tous les plans : cognitif, affectif, psychomoteur et conatif..


TROISIÈME PARTIE: PROCESSUS DE RECHERCHE


CHAPITRE QUATRIÈME : CADRE CONCEPTUEL

      Ce chapitre a pour but de présenter brièvement la dimension historique du concept de conflit de rôles.. En d'autres termes, nous tenterons de voir l'évolution du concept de conflit de rôles. Il introduit aussi d'autres perspectives du concept de rôle, une définition opérationnelle des rôles, la typologie de Mintzberg, et la théorie des conflits de rôles de Kahn et al. (y compris les apports de Katz et Kahn, et de Savoie et Forget).


4.1 Dimension historique du concept de rôle

      Parler du concept de conflit de rôle revient à parler de la théorie du rôle, ou plus précisément du terme « rôle » comme terme et concept. En effet, Biddle et Thomas (1966, p.4), en traitant de la vision occidentale du comportement humain, ont identifié des philosophes sociaux influents et des scientifiques béhavioristes qu'on peut qualifier de 'précurseurs' de la théorie du rôle à cause de leurs contributions importantes au concept de rôle dans les premiers moments jusqu'à l'émergence dans les années 1930 et plus tard. Parmi ces contributeurs on retiendra, entre autres, Dewey, Durkheim, Mayo, Janet, Binet, Parsons, Sarbin, Festinger, Merton, Stouffer.

      Biddle et Thomas (1966, p.5) ont fait remarquer que les psychologues, les anthropologues, les philosophes sociaux américains et européens, y compris les sociologues européens se sont intéressés dès la fin du 19e siècle à la question des rôles. Il a fallu attendre le début du 20e siècle pour voir les sociologues américains s'y préoccuper à leur tour sans discontinuer. Par contre, entre les années 1901-1910, les psychologues européens ne se sont pas penchés sur la théorie de rôle. Avant la deuxième guerre mondiale, il y eut peu de contributeurs à la théorie de rôle. Après la deuxième guerre, on peut constater des auteurs de plus en plus nombreux apportant leur contribution à la théorie de rôle.

      Comme l'ont indiqué Biddle et Thomas (1966, p.12), les termes 'conflit de rôle' relèvent des vocables courants utilisés et ont des significations précises dans la théorie du rôle. Selon ces derniers (p.16), le premier article sur la question est dû à Stouffer (1949) et peut-être la première étude empirique. Trois autres groupes d'auteurs Getzels et Guba (1954, 1955) , Kahn et al.(1964), ainsi que Katz et Kahn (1966, 1978) qui vont y être des contributeurs émerites. De nombreuses études depuis lors se sont appuyé sur le modèle théorique de Kahn et al., ou de Katz et Kahn pour observer de nombreux sujets. On peut citer entre autres: Savoie et Forget (1983), Missaoui (1984), Brunet et al. (1986), Beauchamp (1987), Ugnat (1990), Bouchard (1993).


4.2- Présentation du concept de rôle

      Le concept de rôle vient directement du théâtre (Sarbin et Allen, 1968, p.489). Goffman (1973, p.227) a traité de la question des rôles dans les organisations sociales d'un point de vue dramaturgique. En jouant un rôle, l'acteur arrive à une maîtrise des impressions par l'utilisation de certaines techniques, à donner une définition propre de la situation. Goffman (1973) a écrit:

Quand un acteur joue le même rôle pour un même public en différentes occasion, un rapport social est susceptible de s'instaurer. En définissant le social role (tel quel dans le texte) comme l'actualisation de droits et de devoirs attachés à un statut donné, on peut dire qu'un social role recouvre un ou plusieurs rôles (parts) et que l'acteur peut présenter chacun de ces rôles dans toute une série d'occasions, à des publics du même type ou bien à un seul public constitué par les mêmes personnes (p.24).

      Pour Goffman (1973, pp.226-227), on peut étudier les organisations sociales selon les approches suivantes: technique, politique, structurale, culturelle, et dramaturgique, et, l'adoption de l'une d'entre elles a pour conséquence « une hiérarchisation différente des faits ».

      Sarbin et Allen (1968), dans leur article sur la théorie du rôle, ont abordé certains aspects tels le degré d'implication organisationnelle, la situation de rôle, la congruence du rôle avec soi et les effets de l'exercice du rôle sur l'identité sociale. Le degré d'implication organisationnelle réfère à un continuum échelonné sur huit niveaux, définissant l'intensité avec laquelle le rôle est joué (du degré zéro - non implication- à une implication maximale) [Sarbin et Allen, 1968, pp.492-496]. La situation de rôle a trait aux signaux reçus de la conduite des personnes en interaction l'une l'autre. La précision avec laquelle une personne enregistre ces signaux et tire ses conclusions sur le rôle de l'autre est directement reliée à la précision avec laquelle elle localise sa propre position (Sarbin et Allen, 1968, p.510). La congruence du rôle avec soi réfère à des inférences de la personne au sujet d'elle-même; c'est une structure cognitive qui est issue de l'expérience passée avec d'autres personnes et d'autres objets (Sarbin et Allen, 1968, pp.522-523). Les effets de l'exercice de rôle sur l'identité sociale de quelqu'un sont basés sur un modèle à trois dimensions comprenant: le statut, corrélé à avec le pouvoir légitime et l'estime sociale; la valeur reliée à une estimation faite par les autres sur la performance de la personne; l'implication a rapport au temps passé dans le rôle et au degré d'effort accompli (Sarbin et Allen, 1968, pp.551-554).

      Alexander (1979) a développé une approche du comportement managérial et des dix rôles de Mintzberg en proposant trois groupes de catégories, à savoir: les rôles stratégiques, les rôles opérationnels et les rôles d'interface. Cette proposition a été faite en consultation avec Mintzberg (Mech, 1994, p.26). Le groupe de rôles stratégiques (moniteur, entrepreneur, répartiteur de ressources) relie l'organisation à son environnement, détermine les buts et les politiques, identifie les opportunités majeures de croissance à exploiter, et répartit les ressources rares (Alexander, 1979, p.32, in Mech, 1994, p.26). Le groupe des rôles opérationnels (leader, diffuseur, régulateur) implique la direction quotidienne des zones fonctionnelles, la résolution des problèmes inattendus et des crises, la dissémination de l'information nécessaire au personnel approprié et l'administration des programmes et politiques en cours (Alexander, 1979, p.33, in Mech, 1994, p.27). Le groupe des rôles d'interface (symbole, liaison, négociateur, et porte-parole) regroupe les relations de l'organisation avec les personnes et les groupes internes et externes (Alexander, 1979, pp.33-35, in Mech, 1994, p.27).

      Crozier et Friedberg (1977), abordant l'étude du jeu comme instrument de l'action organisée, ont proposé une autre définition du terme rôle qu'ils ont défini comme:

un état d'équilibre relativement stable entre, d'une part, une ou plusieurs stratégies prioritaires, état d'équilibre défini par un seuil au-delà duquel il y aurait basculement, une nouvelle stratégie dominante prenant la place de l'ancienne avec toutes les conséquences que cela comporte pour le jeu, et, partant pour l'ensemble (p. 96).

      Cette redéfinition inscrit le rôle dans un contexte plus dynamique car la perspective classique du rôle avait une vue plutôt adaptative et passive, oubliant le caractère autonome des acteurs c'est-à-dire leur marge de liberté (Crozier et Friedberg, 1977, p. 97).

      Les travaux de Savoie et Forget (1983), basés sur ceux de McGrath (1979), montrent que les comportements organisationnels s'expriment au travers des rôles qu'ils qualifient d'ocucpationnels (p.123). Adoptant une position interactionniste, Savoie et Forget (1983, p.124) ont présenté trois grandes dimensions sous-tendant ces comportements: la dimension physique-technologique, la dimension sociale et la dimension personnelle. La figure 4 met en évidence les éléments contributifs à la définition des rôles occupationnels. La première dimension réfère à l'environnement matériel, physique, climatique dans lequel se réalise le travail; la deuxième a rapport à l'environnement humain et aux relations interpersonnelles; la troisième a trait aux caractéristiques individuelles tels les aptitudes et les traits de caractère, aux modes d'apprentissage et de communication.

      

Figure 4 : Les dimensions conditionnant le comportement dans les organisations

Tiré de Savoie et Forget (1983, p.123)

4.3- Définition opérationnelle des rôles

      Avant de présenter la typologie de Mintzberg, nous croyons utile de présenter une définition opérationnelle des rôles de gestion, basée sur celle proposée par Brunet et al. (1985, pp.49-50):

Les rôles représentent la dimension interpersonnelle des fonctions dans un poste. Ils représentent un ensemble organisé plus ou moins explicite des comportements et des modes de conduite d'un individu en poste dans une organisation (système social), saisis dans leurs traits essentiels et persistants (Katz et Kahn, 1978; Mintzberg, 1973; Owens, 1981; Graen, 1976; Deutsch et Krauss, 1972).

      Enfin, nous reprenons certaines précisions apportées par Brunet et al. (1985, pp.50-51) qui concernent les termes ci-après: ensemble organisé, comportements, en poste, dans une organisation (système social).

Ensemble organisé: le concept de rôle comprend plusieurs comportements qui sont liés les uns aux autres, qui forment un modèle ou un « pattern » de comportements. Un ensemble organisé pourra être le produit de plusieurs sous-ensembles de telle sorte qu'on pourra parler des rôles reliés à un poste ou à un office et du rôle comportant ces différents rôles. On parlera alors de la constellation de rôles.

Comportements: le comportement se définit comme tout mouvement observable ou mesurable d'un organisme ou d'une partie d'organisme (Côté et Plante, 1977). Dans une situation de travail, le comportement s'exprime par des paroles, des gestes, des actions de la part de l'employé en réponse aux demandes de sa tâche ou de son environnement.

En poste: les comportements du rôle ne sont pas attribuables à l'individu mais à la position qu'il occupe dans le système social ou l'organisation. À cet égard, le concept de rôle est un concept qui permet de faire le lien entre le comportement individuel et le comportement social. L'appartenance au poste (ou à la position) indique que les comportements consistent en des activités organisationnelles étant reliées avec les activités des autres acteurs du même système social. Le rôle définit l'individu comme un acteur et implique que les comportements sont récurrents et donc persistants, dans leur appartenance au poste indépendamment de l'individu qui l'occupe même si celui-ci peut contribuer à déterminer le rôle. Bref, le poste est un terme du langage administratif et désigne une position occupée par un individu.

Dans une organisation (ou un système social): d'une façon générale, on devrait parler d'une position dans un système social. D'une façon plus particulière, on parle ici d'une position (et d'un poste) dans une organisation formelle, celle-ci étant en fait un système social.


4.4- La typologie de Mintzberg

      La typologie de Mintzberg est la mieux connue, la plus dynamique et a provoqué « un grand intérêt et un usage subséquent » (Bass, 1990, pp.33-34, 398, cité par Mech, 1994, p.20). Selon Dill et Fullagar (1987, pp.394-395) cités par Mech (1994, p.21), les recherches subséquentes « ont permis de mieux comprendre le processus du travail managérial ».

      Les trois grandes catégories de rôles sont les suivantes: rôles interpersonnels ayant rapport avec les relations interpersonnelles (symbole, liaison, leader); les rôles informationnels ayant trait au transfert d'information (moniteur, diffuseur, porte-parole); rôles décisionnels se référant à la prise de décision (entrepreneur, régulateur, répartiteur de ressources, négociateur).

      Les rôles interpersonnels découlent de la position statutaire (et d'autorité) de l'administrateur dans l'organisation. Ces rôles leur permettent de développer des relations interpersonnelles.

Symbole: chef symbolique, obligé de remplir un certain nombre de devoirs routiniers de nature légale ou sociale. Assiste à des cérémonies, est l'objet de demandes faites à cause du statut, de sollicitations. (Mintzberg, 1984, p.103)

Leader: responsable de la motivation et de l'activation des subordonnés, responsable des affectations, de la formation, etc... Pratiquement de toutes les activités du cadre impliquant les subordonnés. (Mintzberg, 1984, p.103)

Liaison: crée lui-même, puis entretient un réseau de contacts externes et d'informateurs qui lui apportent faveurs et informations. Accuse réception du courrier; participer à des conseils d'administration externes; autres activités impliquant des personnes externes. (Mintzberg, 1984, p.103)

      Les rôles informationnels ont trait à la réception et à la diffusion de l'information, faisant le centre nerveux de leur organisation. Tous ces rôles ont une composante interactive, mais l'information ne sert pas à prendre des décisions.

Moniteur: cherche et reçoit une grande variété d'information spéciale (la plupart d'entre elles d'actualité) pour développer une compréhension approfondie de l'organisation et de l'environnement; émerge comme le centre nerveux de l'information interne et externe de l'organisation. S'occupe de tout le courrier et de tous les contacts ayant principalement trait à l'information (par exemple périodiques, tournées des installations). (Mintzberg, 1984, p.103)

Diffuseur: transmet aux membres de l'organisation des informations reçues de personnes extérieures ou d'autres subordonnés; une partie de l'information concerne des faits, une autre a trait à l'interprétation et à l'intégration de diverses valeurs des sources d'influence pesant sur l'organisation. Fait suivre le courrier dans l'organisation dans un but d'information; transmission verbale d'information à des subordonnés (par exemple sessions de passage en revue des informations, communication instantanée). [Mintzberg, 1984, p.103]

Porte-parole: transmet à des personnes extérieures des informations sur les plans, les politiques, les actions, les résultats, etc. de l'organisation; sert d'expert dans le domaine d'activité de l'organisation. Participe aux conseils d'administration; traite du courrier et des contacts concernant la transmission d'information à des personnes extérieures. (Mintzberg, 1984, p.104)

      Dans les rôles décisionnels, les administrateurs, de par leur position d'autorité légitime, ont accès à certaines informations qui leur permettent de participer dans leur organisation à des processus de prise de décision.

Entrepreneur: recherche des opportunités dans l'organisation, et prend l'initiative de «projets d'amélioration» pour effectuer des changements, supervise aussi la conception de certains projets. Consacre des sessions à l'examen de la situation et à l'élaboration de la stratégie; conçoit des projets d'amélioration. (Mintzberg, 1984, p.104)

Régulateur: Responsable des actions correctives qu'il faut prendre lorsque l'organisation fait face à des perturbations importantes et inattendues. Consacre des sessions relatives au traitement des perturbations et des crises. (Mintzberg, 1984, p.104)

Répartiteur de ressources: Responsable de la répartition des ressources organisationnelles de toutes sortes; prend ou approuve toutes les décisions importantes de l'organisation. Gère l'emploi du temps, les demandes d'autorisation; toute activité touchant au budget et à la programmation du travail des subordonnés. (Mintzberg, 1984, p.104)

Négociateur: Doit représenter l'organisation dans les négociations importantes. (Mintzberg, 1984, p.104)


4.5- Critiques de la typologie de Mintzberg

      Il importe de souligner un certain nombre de critiques faites à l'endroit de la typologie de Mintzberg (1984) par différents chercheurs (Bristol, 1979; Willis, 1980; Martin, 1980; Morris et al., 1981; Lemaître, 1994), ce, malgré l'intérêt manifeste pour l'explicitation des comportements de gestion des administrateurs scolaires. Ces critiques portent soit sur le degré d'applicabilité de la théorie, soit sur le bien-fondé de cette typologie dans le domaine scolaire (Brassard et al., 1986, p. 9), soit sur la méthodologie utilisée et les conclusions tirées de l'étude.

      Pour Willis (1980, p.345, cité par Brassard et al., 1986, p.10), les rôles mis de l'avant par Mintzberg n'aident pas à la clarification du travail des directeurs d'école tant par sa complexité la variété des tâches et les difficultés à déterminer le but des activités. Bristol (1979) a noté qu'il a été très difficile pour un groupe d'étudiants ayant reçu une formation pour les aider à apprivoiser la typologie des rôles administratifs de Mintzberg de déterminer des buts analogues à des comportements analogues. Pour leur part, Morris et al. (1981, p.189, in Brassard et al., 1986, p.10) ont fait remarquer que la frontière se révèle floue entre la fin d'un rôle et le début d'un autre.


4.6- La théorie des conflits de rôles

      La dynamique organisationnelle est marquée entre autres par les problématiques des rôles c'est-à-dire les conflits et ambiguïtés de rôle (Kahn et al., 1964; Katz et Kahn, 1978; Savoie et Forget, 1983).


4.6.1. Le modèle de Kahn et al.

      Kahn et al. (1964, p.26), pour décrire les interactions entre la personne focale et les membres de sa « constellation de rôle » ont proposé un modèle théorique présentant des relations entre divers groupes de variables. Un tel modèle a été qualifié d'« épisode de rôle » (fig.5).

      

Figure 5

      Le modèle de Kahn et al. (1964, p.26). L'épisode de rôle (tiré de Laurin, 1977, p.16)

      Les quatre boîtes représentent les événements qui forment l'« épisode de rôle ». La flèche (1) reliant les deux boîtes implique une relation de causalité. Les pressions par les émetteurs de rôles (la constellation de rôle) prennent leur origine dans leurs attentes envers la personne focale. Ils ont aussi des perceptions au sujet de la façon dont cette personne se comporte. Ils établissent des corrélations entre les deux, puis, exercent des pressions pour que la performance de la personne soit conforme à leurs attentes. Ces pressions induisent chez la personne une expérience qui a un double aspect perceptuel et cognitif et provoque certaines réponses adéquates ou inadéquates. Les réponses de l'individu-cible sont décodées par les émetteurs de rôle, et leurs attentes vont s'ajuster en retour. L'épisode commence avec l'existence d'un ensemble d'attentes de rôle de la part des émetteurs au sujet de la personne focale et son comportement dans le travail. Ceci peut engendrer un conflit ou une ambiguïté de rôle (Kahn et al., 1964, pp.26-27).

      Les attentes des émetteurs de rôles sont des « prescriptions et des proscriptions » à l'endroit du titulaire du poste ((Kahn et al., 1964, p.14). Elles se rapportent aux activités à accomplir, aux fonctions à remplir, à leur caractère interactif, aux prescriptions pouvant les affecter et aux contextes de réalisation (Brunet et al., 1985). Ces normes et ces interdictions formulées par les émetteurs constituent ce que Kahn et al. (1964, p.14) appellent: les rôles attendus.

      Brunet et al. (1985,, p.58) rejoignant Kahn et al.(1964, p.14), Sarbin et Allen (1968, p.503) ont produit certaines remarques au sujet des attentes développées par les acteurs, à savoir: tout d'abord, elles ne sont pas forcément similaires et sont parfois conflictuelles; ensuite, elles sont évolutives; elles peuvent être formelles; elles ne sont pas toujours clairement exprimées; elles sont énoncées de manières diverses par les acteurs; et enfin, elles peuvent être contradictoires. Sarbin et Allen (1968, p.499) ont mentionné, outre le caractère formel des attentes, leur côté informel.

      Les attentes ne restent pas dans la tête des membres de la constellation de rôle. Elles seront communiquées de différentes façons: soit directement, soit indirectement transformant les membres en émetteurs de rôle et leurs attentes en rôles transmis (Kahn et al., 1964, p.15). Pour paraphraser Sarbin et Allen (1968, p.503), nous pouvons parler de la clarté des rôles transmis.

      Cette clarté pourrait être définie comme la différence entre la quantité optimale d'information nécessaire au sujet des rôles et la quantité présentement valable à la personne focale. D'où la possibilité pour que cette information soit mal comprise ou déformée. Le comportement fourni comme réponse va entraîner de nouvelles interprétations et, certainement, des pressions de la part des émetteurs pour obliger la personne focale à se conformer. Chaque pression exercée peut provoquer chez l'individu une force psychologique d'une certaine magnitude et direction, force appelée par Kahn et al. (1964, p.16) forces de rôle (rôle forces). Ces forces peuvent accroître soit la motivation, soit la résistance de la personne.

      Les habiletés de l'individu-cible à décoder efficacement les messages, la manière dont ils sont reçus, tout cela lié à ses propres attentes, à sa culture vont constituer ses propres perceptions de la situation. Celles-ci forment le troisième concept de l'épisode de rôle, savoir: les rôles perçus. Suite aux interactions avec les autres, la personne focale détermine ce qu'il perçoit comme applicable à sa conduite (Savoie et Forget, 1983,, p.138). Cette décision provient de cinq facteurs concurrents difficilement séparables, tels:

  1. les attentes émises par les autres acteurs telles que reçues par la personne focale
  2. ses attributs personnels
  3. sa perception propre du rôle
  4. sa perception des facteurs organisationnels (sa définition de la situation)
  5. ses objets et ses intérêts (Brunet et al., 1985, pp.59-60)

      Finalement la personne agit; elle exerce un rôle, démontrant une combinaison d'une certaine conformité ou de non conformité avec les attentes des émetteurs. D'où l'expression de comportements appelés par Kahn et al.: les rôles exercés.

      Ces quatre concepts doivent être vus comme des événements en cours et interdépendants formant un processus cyclique (Katz et Kahn, 1978, p.195). Les deux premiers (rôles attendus et rôles transmis) indiquent les motivations, les cognitions, et les comportements des membres de la constellation de rôle; les deux autres (rôles perçus et rôles exercés) constituent les motivations, les cognitions et les comportements de la personne focale (Katz et Kahn, 1978, p.195). Ce processus cyclique sus-cité n'est pas isolé et est conditonné par d'autres facteurs: individuels, interpersonnels, et organisationnels. Selon Katz et Kahn (1978: voir Ugnat, 1990, p.24), leur modèle de l'épisode de rôle possède un caractère réducteur parce qu'il schématise un processus très complexe qui ne respecte pas forcément la séquence proposée d'une part, et, d'autre part, les quatre concepts sont présentés comme des entités uniformes et consistantes. Toutefois, des complications au niveau du déroulement apparaissent du fait des divergences dans les attentes et perceptions lors de l'épisode de rôle. La figure 6 tirée de Laurin (1977, p.18) illustre le modèle théorique des facteurs impliqués dans la formation des rôles organisationnels, proposé par Kahn et al. (1964, p.30), puis repris et amélioré par Katz et Kahn (1978, p.196).

      

Figure 6

Modèle théorique impliqué dans la prise du rôle organisationnel de Katz et Kahn (Tiré de Paul Laurin, 1977, p.18)

      L'organisation détermine des exigences pour le titulaire d'un poste de travail donné. Entre autres, elle met en place un «processus par lequel sont acquises [l]es normes...» (Mintzberg, 1982, p.110). Ce processus représente un des paramètres de conception du poste que Mintzberg (1982, p.111) appelle la socialisation, concept partagé par Katz et Kahn (1978, p.218). Traitant de l'apprentissage des rôles, Sarbin et Allen (1968, p.547) ont noté que le terme socialisation convenait plus à l'enfance et ont proposé le concept de « enculturation » pour désigner l'acquisition de rôles et de positions dans une société. Selon eux, à cette étape, la personne apprend, par exemple les statuts d'un policier, d'un enseignant et de parents, et apprend ainsi les rôles appropriés à la position (son propre rôle et des rôles complémentaires).

      St. Germain (1997, pp.145-152) considère l'organisation comme un ensemble de sous-cultures qui déterminent la normalisation des rôles. L'acteur se trouve en butte non seulement à seulement à ses propres attentes mais aussi à celles de la sous-culture . L'individu est soumis à des pressions de la part de la sous-culture pour produire un comportement (rôle normalisé) ou à des résistances internes pour exprimer son comportement (rôle personnalisé). La combinaison de ces deux rôles chez la personne focale donne lieu à un rôle intégré.

      4.6.2. Les problématiques de rôles

      De ce qui précède, il apparaît que la personne en poste est l'objet d'attentes qui sont clairement formulées, précises, mais aussi conflictuelles, contradictoires, exprimées de manières diverses par les acteurs, et également informelles. Ces signaux multiples, parfois divergents, ou voire incompatibles provoquent chez la personne focale autant de réponses qui peuvent être mal perçues par les membres de la constellation de rôles, occasionnant des problématiques de rôle tels: le conflit de rôle, l'ambiguïté de rôle.

      Le conflit de rôle est défini par Kahn et al. (1964, p.19) comme la présence simultanée de deux (ou plus) ensembles d'attentes/demandes de telle manière que la conformité à l'une rende plus difficile la conformité à l'autre. Dans des cas extrêmes, la conformité de l'une des demandes exclut complètement la possibilité de se conformer à l'autre; les deux groupes de demandes sont mutuellement contradictoires (Kahn et al., 1964, p.19). Kahn (1980, p.421) a précisé que ces demandes, logiquement incompatibles, sont faites à quelqu'un par deux ou plusieurs personnes dont le travail dépend fonctionnellement de celui-ci.

      Sarbin et Allen (1968, p.540) ont identifié deux types de conflits de rôle: a) le conflit interrôle qui est dû à l'occupation simultanée de deux ou plusieurs positions ayant des attentes de rôle incompatibles; b) le conflit intrarôle qui peut résulter des attentes contradictoires de deux ou plusieurs groupes d'émetteurs observant le même rôle ou des attentes contradictoires simultanées d'un seul groupe pour un rôle.

      Rizzo et al.(1970, p.155) ont indiqué que le conflit de rôle est issu d'une non conformité dans les comportements attendus de l'individu cible. Il résulte: d'une incompatibilité entre les valeurs de la personne focale et celles du rôle à jouer; d'une demande pour jouer de multiples rôles pour un même individu et de changements de comportements en fonction du contexte; de demandes conflictuelles à cause de politiques, de demandes ou de critères d'évaluation incompatibles au sujet des conflits de rôle; d'un manque de temps, de ressources ou de capacités de la part de l'individu pour le rôle. Ils ont précisé que cette compatibilité/incompatibilité ou cette congruence/incongruence se manifeste dans différents types de conflits, à savoir: conflit entre les valeurs de la personne focale et les rôles transmis, conflit au niveau du temps, des ressources, ou des capacités de la personne et les rôles définis, conflit entre plusieurs rôles requérant des comportements incompatibles, conflits entre les attentes de l'organisation, les requêtes des autres et les standards d'évaluation (Rizzo et al.,1970, p.155).

      Kahn et al.(1964, pp.9-10) ont eux aussi proposé une typologie des conflits de rôle au nombre de cinq. Cette typologie englobe celle de Sarbin et Allen (1968). On peut citer: 1) le conflit intra-émetteurs (intra-sender conflict) résultant des différentes prescriptions et proscriptions incompatibles provenant d'un même émetteur; le conflit inter-émetteurs (inter-sender conflict) où les pressions d'un émetteur s'opposent à celles exercées par un ou plusieurs autres membres de la constellation de rôle; 3) le conflit inter-rôle (inter-role conflict) où il y a opposition entre des demandes simultanées adressées à une même personne focale jouant de multiples rôles; 4) le conflit personne-rôle (person-role conflict) arrive dans des circonstances où la personne focale est soumise à des demandes qui violent ses valeurs, son code d'éthique, ses croyances; 5) la charge de rôle (role overload) peut être vue comme une situation où la personne focale est incapable de satisfaire différentes demandes dans des délais donnés, d'établir des priorités et de décider celle à ignorer.

      Les trois premiers conflits proviennent des émetteurs de rôles. Ils sont transmis à la personne focale; ils sont donc d'ordre extrinsèque. Cependant ils provoqueront chez la personne en poste des conflits psychologiques. Le quatrième conflit est le résultat d'une combinaison des pressions exercées et des forces internes (Kahn et al.,1964, p.20); il est d'ordre intrinsèque.

      Savoie et Forget (1983, pp.147-148) ont réalisé une adaptation du modèle de Kahn et al.(1964) par l'ajout aux quatre rôles, des rôles préférés qui sont « l'ensemble des attentes propres au titulaire du poste relevant directement des besoins et des aspirations personnelles du titulaire ». Cette modification s'explique par le caractère actif de la personne en poste dans le processus d'adoption de rôle. Ils ont donc proposé un modèle phénoménologique des rôles (fig.7) tout en

      reconnaissant comme fondés l'influence des facteurs organisationnels et les effets modérateurs des facteurs interpersonnels ainsi que les attributs de la personnalité sur l'épisode de rôle.

      Découlant de cette problématique de rôle, il se produit un certain nombre d'éléments révélateurs de malaise, appelés « indices phénoménologiques », tels les énoncés suivants : « je désire faire autre chose que ce que je fais  » ; « je ne fais pas ce que l'on (ou comme) me dit de faire » ; « je perçois que leurs attentes à mon égard sont nébuleuses » (Savoie et Forget, 1983, p.149). Ces indices sont explicités dans les problématiques ci-après. Elles ont rapport avec le vécu de la personne focale et/ou avec la dynamique organisationnelle.

      L'ambiguïté de rôle est étudiée par Kahn et al.(1964, p.21) comme un symptôme du conflit de rôle. Par contre, Savoie et Forget (1983, p.139) la présente comme une des problématiques de rôle. Elle dépend du processus de communication et de distribution de l'information à l'intérieur d'une organisation. Aussi la personne en poste doit posséder certaines informations lui permettant d'accomplir adéquatement son travail, et ce en répondant aux attentes des membres de sa constellation de rôles.

      Kahn (1980, p.426) conçoit l'ambiguïté de rôle comme un écart entre l'information possédée par une personne et l'information requise pour jouer adéquatement son rôle. Kahn et al.(1964, p.22) ont indiqué que l'ambiguïté peut être soit objective correspondant à une condition dans l'environnement; soit subjective comme étant un état de la personne.

      Selon Rizzo et al.(1970, p.155), l'ambiguïté de rôle peut résulter d'une mauvaise définition des tâches d'une personne. Ceci peut entraîner la possibilité pour l'individu d'être anxieux, insatisfait vis-à-vis de son rôle, de déformer la situation et d'être moins efficace.

      Brunet et al.(1985, pp.66-67) ont défini quatre groupes de conflits de rôle: conflits intrapersonnels, conflits interpersonnels, conflits extrapersonnels, conflits organisationnels.

  1. Les conflits intrapersonnels
    • Le rôle exercé ne correspond pas au rôle préféré: ce que l'on fait est différent de ce que l'on voudrait faire;
    • le rôle exercé ne correspond pas au rôle perçu: ce que l'on fait n'est pas ce que l'on pense que les autres attendent de nous;
    • le rôle perçu ne correspond pas au rôle préféré: ce que l'on croit que les autres attendent de nous n'est pas ce que nous voulons faire.
  2. Les conflits interpersonnels
    • Le rôle exercé est différent du rôle prescrit: le travail que l'on fait ne correspond pas à celui qu'on nous a demandé de faire;
    • le rôle préféré ne correspond pas au rôle attendu: ce que nous voudrions faire est différent des attentes (secrètes) des supérieurs;
    • le rôle perçu n'est pas en accord avec le rôle prescrit: ce que l'on croit que l'on attend de nous est différent de ce qu'on nous a dit de faire.
  3. Les conflits extrapersonnels
    • Le rôle prescrit n'est pas réellement le rôle prescrit: les supérieurs ont des définitions différentes du rôle que nous avons à jouer;
    • le rôle attendu n'est pas le rôle prescrit: les supérieurs attendent quelque chose de nous mais nous communiquent autre chose;
    • le rôle exercé est différent des perceptions des autres membres: ce que nous faisons n'est pas ce que les autres perçoivent;
    • le rôle attendu ne correspond pas aux perceptions du rôle exercé par autrui: le travail que nous faisons n'est pas celui que les supérieurs veulent que nous fassions.
  4. Les conflits organisationnels
    • Le rôle exercé correspond au rôle préféré mais n'est pas le rôle prescrit. L'individu fait un travail qu'il aime mais ce travail ne correspond pas à celui qui doit être fait. Le résultat est désavantageux pour l'organisation.
    • Le rôle exercé n'est pas le rôle préféré ni le rôle prescrit. Ici, l'individu et l'organisation sont tous deux perdants.
    • Le rôle exercé n'est pas le rôle préféré mais il correspond au rôle prescrit. L'individu fait un travail qui lui plaît plus ou moins mais c'est celui qu'il doit faire. Ici, seule l'organisation est avantagée.

      En outre, comme mentionné au chapitre trois, le cadre, pour exercer valablement ces rôles et faire face aux conflits de rôles, a besoin d'acquérir de nombreuses habiletés. Tout ceci concourt à atteindre les missions de l'organisation dans lequel le cadre évolue, bref des objectifs de celle-ci.

      Notre cadre conceptuel se résume ainsi dans la figure 8 ci-après :

      

Figure 8 : CONTEXTE DE VIE - SANTÉ PHYSIQUE ET MENTALE

Sources : Brunet et al. (1985) ; Mintzberg (1984) ; Dill (1984) ; Katz (1974) ; Kahn et al. (1964)

CHAPITRE CINQUIÈME : CADRE MÉTHODOLOGIQUE DE LA RECHERCHE

      Ce chapitre explique la méthodologie - qualitative et quantitative - qui sera utilisée pour permettre la cueillette des données sur le travail de gestion des administrateurs universitaires haïtiens. Les instruments suivants sont utilisées: l'observation systématique structurée, les entrevues semi-structurées, le questionnaire. Le mode d'enregistrement et le traitement des données sont exposés dans la présente section.

      Cette étude se veut à la fois exploratoire et descriptive. Elle vise à observer, décrire et analyser les comportements administratifs de doyens d'universités privée et publique et de faire ressortir les caractéristiques de leur travail. Ce regard sur la nature du travail de gestion des administrateurs démontrera que leur travail présente un certain nombre de caractéristiques; différents rôles sont joués par ceux-ci requérant diverses habiletés et ces derniers sont confrontés à des conflits de rôles. Tout ceci se réalise en vue de l'atteinte d'objectifs organisationnels déterminés.

      Notre étude tente d'apporter des éléments de réponse aux questions suivantes :

  1. Que font les administrateurs universitaires haïtiens dans leur travail ?
    1. Quel est le contenu de leur travail (leurs activités : nature, but, durée, lieux de déroulement, origine, nombre et identification des participants ; les rôles exercés) ?
    2. Quelles sont les caractéristiques de leur travail (dimensions de ce dernier, les moyens de communication utilisés, les relations interpersonnelles, la structure des activités, les obligations) ?
  2. Comment ces administrateurs perçoivent-ils leur travail (le contenu, les caractéristiques, l'influence de l'environnement socio-culturel haïtien, le poste, la situation, les problématiques de rôle) ?
  3. Les perceptions de ces administrateurs de leurs comportements administratifs permettront-elles de mieux cerner la nature de leur travail ?

5.1 Mode d'investigation

      A cette étape de notre travail, il s'agit pour nous de présenter, ce que Van der Maren (1995, p.382) appelle « un énoncé de la forme opérationnalisée [des hypothèses de recherche] ». Notre mode d'investigation privilégie « l'étude multi-cas » qui fixe le cadre instrumental de notre cueillette de données (Lessard-Hébert et al., 1996, pp.109-112). Dans ce chapitre, nous justifierons ce mode d'investigation et les techniques de collecte de données subséquentes en vue de réaliser les objectifs visés par notre étude. Celle-ci se trouve axée sur: le sujet (perceptions), l'intentionnalité du chercheur (exploratoire), et une méthodologie (qualitative) [Gélinas et Bouchard, 1990, pp.127-134].

      Comme l'ont souligné Lessard-Héberd et al.(1996, p.62), nous nous situons donc dans un « contexte de la découverte comme contexte de départ de notre recherche, [auquel] est associée l'approche inductive ». Ce choix s'explique ainsi:

      le monde social est significativement (ou radicalement) différent du monde naturel et qu'on ne saurait lui appliquer les méthodes d'observation du monde naturel (Laperrière, 1994, p.46).

      De plus, une telle approche nous permettra d'avoir une compréhension plus approfondie de la question des rôles et des conflits de rôles chez des administrateurs universitaires haïtiens, question n'ayant jamais fait l'objet de recherche. Par l'observation de ceux-ci sur leurs lieux de travail et des entrevues, nous obtiendrons de la part de ces administrateurs de haut rang - acteurs privilégiés - des informations qui nous aideront à faire la lumière sur la nature de leur travail. Notre présence dans le milieu organisationnel nous donne la possibilité de jeter un regard critique sur le vécu des acteurs qui rend possible l'exploration de leurs rôles et les problématiques inhérentes. Nous avons retenu comme mode principal de collecte des données, l'observation structurée à laquelle sera adjointe une instrumentation complémentaire comprenant les notes d'observation, les agendas et tout matériel fournissant de l'information sur l'établissement universitaire, des enquêtes à partir d'entrevues semi-structurées et de questionnaires.


5.2 Définition et délimitation du terrain d'étude

      La présente étude se réalise dans la capitale de la République d'Haïti, Port-au-Prince. Elle s'intéresse à un ordre d'enseignement, le niveau supérieur qui est géré par l'Université d'État d'Haïti (UEH), des institutions publiques externes à l'UEH 2  et des institutions privées (MENJS, 1997, p.4).

      Le choix de la capitale se justifie par le fait que : 1) l'Université d'État d'Haïti y est présente ; 2) la majeure partie des institutions privées s'y trouve. Notre collecte de données s'effectuera dans les secteurs public et privé de l'enseignement supérieur. Deux institutions universitaires une privée et une publique sont choisies comme étant les lieux qui nous aideront à observer les doyens sur leurs lieux de travail. Ces institutions sont toutes situées au centre-ville de Port-au-Prince. Dans chacun de ces établissements, nous avons privilégié l'observation intra-site. Deux doyens seront observés par institution pour étudier leurs comportements administratifs dans différentes situations (réunions, visites, travaux de bureau, tournées...) et divers processus (prise de décision, relations humaines...).


5.3. Méthodes de collecte des données


5.3.1 L'observation structurée

      L'observation structurée, décrite dans la littérature comme une observation directe systématique, peut être définie comme un ensemble de procédures, de techniques rigoureuses d'observation, de notation et de codification permettant l'enregistrement de comportements dans leur contexte naturel (De Ketele et Roegiers, 1991 ; Pourtois et Desmet, 1988 ; De Ketele, 1987a, 1987b).

      Mintzberg (1970, p.89) a affirmé que ce mode de cueillette à l'avantage de focaliser l'étude sur l'utilisation du temps et permet au chercheur d'analyser les intrants et les extrants de toutes sortes. De plus, il a souligné que l'observation structurée:

...combine la flexibilité de l'observation ouverte avec la discipline de chercher certains types de données structurées. Le chercheur observe l'administrateur au fur et à mesure qu'il accomplit son travail. Chaque événement observé (un contact verbal, ou pièce de correspondance reçue ou expédiée) est catégorisé par le chercheur de différentes façons (par exemple, la durée, la participation, le but) comme dans la méthode de l'agenda mais avec une différence majeure. Les catégories sont développées à mesure que l'observation prend place. En effet, le chercheur est influencé dans son processus de codification, non par la littérature courante et par ses expériences passées, mais par l'événement unique se déroulant devant lui. De plus, en catégorisant les événements, le chercheur est en mesure d'enregistrer l'information anecdotique et de collecter les matériaux anecdotiques (par exemple, les copies de lettres) [Mintzberg, 1970, pp.89-90].

      Pour Mintzberg (1970), c'est la «  méthode  » pour étudier le travail managérial. De nombreux chercheurs (Donaldson, 1993; Williamson, 1987; Pépin, 1986; Brunet et al., 1985-1986; Willower, 1979; Morris, 1979; March, 1974) ont tenté de comprendre la nature du travail de gestion des administrateurs scolaires en répliquant ce mode de collecte de données suggéré par Mintzberg.


5.3.2. Utilité et inconvénients de l'observation structurée

      Reprenant la typologie de Evertson et Green (1986) sur les systèmes d'enregistrement des données d'observation, Lessard-Hébert et al. (1996, pp.97-100) ont considéré l'observation structurée comme des systèmes catégoriels fermés car « les catégories ou unités d'observation sont toujours qualitativement ou quantitativement prédéterminées ». Pour ces auteurs, le chercheur identifie le sens d'un comportement dès qu'il se manifeste. En l'utilisant, on enregistre des comportements directement observables. Ces derniers peuvent facilement passer de données qualitatives à des données quantitatives, permettant l'uniformité de l'observation dans le temps et l'espace (fidélité instrumentale).

      Pour sa part, Van der Maren (1995, p.298) a fait remarquer que le fait d'utiliser un intermédiaire méthodique (la grille) aide à rendre crédible l'observation; bref, à faire de celle-ci une observation « objective ». En outre, la possibilité par différents chercheurs se servant de la même technique ou pour un même chercheur d'observer plusieurs situations avec la même grille, et, ce systématiquement, constitue une garantie pour la valeur des faits présentés. L'intermédiaire technique assurerait aux données une « fiabilité instrumentale certaine: (...) le résultat de l'observation dev[ant] correspondre aux faits... ».

      Donaldson (1993, p.3) a noté que l'observation structurée, utilisée pour étudier différents administrateurs scolaires fournit une base de comparaison et a été fréquemment employée par différents chercheurs (Kmetz et Willower, 1982 - pour le travail des principaux d'écoles secondaires et élémentaires -; Duignan, 1980 - les principaux et les surperintendants-; Chung et Misket, 1989 - les principaux travaillant dans différentes cultures- ).

      Malgré son utilité, l'observation structurée présente un certain nombre de limites. Lessard-Hébert et al. (1996, p.100) ont indiqué que:

le rôle de l'observateur est limité à l'enregistrement des seuls items apparaissant dans la liste des variables prédéfinies..

      Van der Maren (1995) a noté que:

...l'observateur même armé d'une grille, même encadré par un système d'observation, est toujours un témoin intentionnel.. (p.296).

      Il a fait ressortir les problèmes de définition d'une même situation par plusieurs observateurs, du caractère approximatif de l'événement observé, du nombre d'éléments différents observés (une quinzaine, nombre plutôt faible vu le degré de complexité des situations à observer), de perturbation des rapports entre l'observateur et le(s) sujet(s) observés (Van der Maren, 1995, pp.299-301).

      Par ailleurs, la généralisabilité des résultats est soulevée à cause du nombre restreint de sujets dans ce type d'étude. Ce petit nombre de sujets s'explique par le fait que, pour une compréhension approfondie du travail des administrateurs, une accumulation de faits et d'évidences permettant de dresser un tableau précis des rôles de gestion des participants, de la réalité organisationnelle. Il s'avère donc nécessaire de faire ce choix. Il est à souligner qu'une telle technique de collecte requiert du temps et de l'énergie de la part du chercheur et constitue par le fait même une sérieuse limite pour la participation d'un grand nombre de sujets.

      Pépin (1986, pp.112-113) traitant de la généralisation de son étude a proposé deux voies, à savoir: - la représentativité des participants (la possession de caractéristiques socio-professionnelles comparables à celles d'un échantillon représentatif); - la comparaison de l'étude avec d'autres similaires facilitant l'extension de sa portée. Ces deux aspects seront pris en compte respectivement dans une section de ce présent chapitre et dans le chapitre sur l'analyse et l'interprétation des données. En outre, Brunswick (1956, cité par Pépin, 1986, p.113) a souligné que :

...l'échantillonnage adéquat des situations et des problèmes peut, en dernière analyse, s'avérer plus important que l'échantillonnage adéquat des sujets compte tenu du fait que dans l'ensemble, les individus sont probablement beaucoup plus identiques que ne le sont les situations entre elles (cité dans Bouchard, 1976, p.367).

      Laperrière (1994, p.62), traitant des généralisations, a adopté le terme de transférabilité, suggéré par Lincoln et Guba (1985, cité par Laperrière, 1994). Elle a signalé que, pour que cette transférabilité ou validité externe du plan de recherche soit possible, il faut:

1) accorder une attention particulière à la description du groupe étudié (thick descriptions), des procédures d'échantillonnage et des étapes de l'analyse, afin que d'autres chercheurs soient en mesure de juger du degré de similitude du contexte de réception et du contexte d'origine;

2) de diversifier systématiquement les sites et les cas ouverts par l'échantillon théorique, en vue d'augmenter le degré de généralité et donc, le potentiel de transférabilité des résultats de recherche (Laperrière, 1994, p.62).


5.3.3. Rôle du chercheur

      Lors de la présente étude, le chercheur a joué un rôle « d'un simple observateur  » (complete observer) qui est décrit par Gold (1958, cité par Adler et Adler, 1994, p.379) comme un chercheur qui est fondamentalement retiré du cadre de son observation. Ce rôle se rapprocherait idéalement de l'observateur « objectif ». Cette position a été adoptée afin de prendre une certaine distanciation par rapport à l'observé, pour ne pas l'influencer dans son comportement ou ses activités.

      Laperrière (1994, p.51) a souligné la nécessaire prise en compte du caractère interactif de la recherche. Ceci a été confirmé par certains auteurs tels que Kmetz, (1982), Martin, (1980), Morris et al., (1981), Willis, (1980), in Pépin (1986, pp.113-114). Laperrière (1994, p.51) a ajouté que « l'observation change (...) l'objet observé, et vice-versa ». Elle a proposé qu'au lieu de chercher à neutraliser à tout prix la relation observateur-observé, il faut investir dans la qualité de l'interaction entre ces derniers.

      De plus, Pépin (1986, pp.115-116) a indiqué qu'il serait mieux pour les chercheurs d'avoir une interaction limitée avec les observés durant l'observation, de s'en tenir à des commentaires généraux de courte durée. Il a noté des avantages certains suite à ces interactions limitées, savoir: éclaircissement du contenu de certaines activités complexes et problématiques, socialisation de l'observateur, réduction des effets dus à l'observateur.


5.3.4.Les effets de la présence du chercheur

      Adler et Adler (1994, p.382) ont signalé que toutes les méthodes d'observation engendrent des effets dus à l'observateur de différentes façons sur les sujets et éviter l'influence n'est qu'une improbabilité idéale. Ils ont appuyé l'idée de Philipps (1985) d'avoir une certaine simplicité, liée à sa non-directivité, faisant de celle-ci la technique la plus discrète possible.

      Certains auteurs (Bouchard, 1976; Kerlinger, 1973; Brandt, 1972) cités par Pépin (1986, pp.117-118) ont proposé de se faire accepter comme une personne, se faire discret et d'éviter de porter des jugements à l'endroit de l'observé, rechercher la confiance du sujet, bien faire connaître son rôle, son identité et de bien clarifier les objectifs de sa recherche.

      A l'instar de Pépin (1986), le chercheur a prévu lors d'une rencontre préalable de faire les arrangements ci-après:

1. informer chaque sujet du but de l'étude (annexe.2), de la nature du processus d'observation (annexe 2), du contenu du protocole et de l'instrument d'observation (annexe 2), de l'utilisation subséquente des données recueillies et du rôle de l'observateur;

2. impliquer chaque sujet dans la détermination du calendrier d'activités majeures (entrevue préliminaire, période d'essai, période d'observation) de notre recherche;

3. vérifier auprès de chaque sujet l'interprétation des événements paraissant obscurs ou complexes pour le chercheur;

4. rassurer les sujets sur l'anonymat du rapport de recherche;

5. formuler peu de demandes et effectuer de courts échanges pour des clarifications;

6. obtenir la permission et le soutien des supérieurs hiérarchiques des universités;

7. établir une « relation de confiance » avec les participants et faire en sorte que l'étude ne soit pas une menace pour eux;

8. montrer sa disponibilité à fournir à chaque sujet une brève description de son travail comme doyen après la semaine d'observation et offrir la possibilité de faire parvenir les résultats de l'étude une fois terminée (pp.118-119)

      Par ailleurs, suivant les recommandations faites par Pépin (1986) et Berman (1982), le personnel sera informé par mémo de la nature de l'étude en cours et des raisons de notre présence. Il sera demandé au personnel d'« ignorer » sa présence au sein de l'organisation et d'interagir le plus naturellement possible avec le doyen/coordonnateur. Selon Pépin (1986, p.119) une telle mesure n'a pas incommodé les échanges entre les administrateurs scolaires de son étude et les membres de l'établissement.

      De plus, en vue de diminuer l'influence de la présence du chercheur, Pépin (1986, p. 119) a suggéré de se familiariser de manière discrète et rapide aux participants, à leurs collaborateurs principaux, aux procédures et mécanismes d'opération des établissements visités.


5.3.5. Instrumentation complémentaire

      Des méthodes variées d'investigation sont utilisées pour avoir des informations les plus complètes possibles sur la nature du travail des administrateurs universitaires haïtiens, en l'occurrence les doyens (leurs rôles et leurs conflits de rôles): entrevues, questionnaires, documents invoqués (agenda et tout matériel fournissant des informations détaillées sur l'organisation (historique, structure, politiques, programmes, clientèle, personnel, etc...). Une telle approche vise à accroître la rigueur de nos observations (Adler et Adler, 1994, p.382) et à effectuer une triangulation croisée des sources et des modes de cueillette des données en vue de leur validation (Laperrière, 1994, p.59), et d'établir la fidélité des traces (Van der Maren, 1997, p.10).


5.3.6. Enquête par entrevue

      Au début et à la fin de chaque semaine d'observation, chaque sujet est sollicité lors d'entrevues structurées (annexe 2). Le contenu de ces instruments s'inspire de ceux mis au point par Pépin (1986) pour les fins de son étude auprès des directeurs d'écoles secondaires québécoises. Ces instruments visent à décrire non seulement chaque sujet sur le plan personnel et professionnel mais aussi à colliger leurs commentaires en vue de pouvoir nuancer l'interprétation des données empiriques sur les rôles de gestion des doyens et d'avoir une idée plus précise sur le contexte de travail.

      L'entrevue préliminaire vise à établir une relation de confiance avec le sujet, à présenter son profil personnel et professionnel, et à se familiariser avec le milieu de travail. La première partie porte sur les thèmes suivants: description de l'établissement, description du travail, cheminement professionnel, situation personnelle (annexe 2). Dans la deuxième partie, la permission est sollicitée pour consulter tout document pouvant fournir des informations sur :

  1. l'établissement (histoire, structure, politiques, personnel, programmes);
  2. la clientèle (statistiques démographiques et socio-économiques)

      L'entrevue finale (annexe 2) présente deux parties: la première où les sujets expriment leurs attitudes face à leur travail, leur vision comme doyen et le temps consacré et à consacrer aux aspects de leur travail et aux groupes d'individus rencontrés; la deuxième, basée sur les dimensions de l'approche conceptuelle de Mintzberg (1984) des rôles de gestion, où le participant livre ses impressions sur les flux d'informations dans l'établissement, son leadership et son degré d'implication sur le processus de prise de décision dans la faculté, et la perception de la période d'observation.


5.3.7. Documents invoqués

      Dans cette partie, se retrouve tout document utile comme les notes d'observation, les agendas et le matériel donnant des informations complètes sur l'établissement universitaire. Les notes d'observation colligent non seulement toute information ou situation anecdotique sur des incidents ou faits intéressants mais aussi toute activité en décrivant le moment et le lieu de l'action, le contenu, l'identité et le nombre de personnes présentes, le moyen de communication ou le matériel employé. Ces notes contiennent le(s) mode(s) d'interaction (annexe.2) de Bales (1950) utilisé(s) par Pépin (1986). Bales (cité par Pépin,1986), suite à ses observations et analyses, a décomposé le comportement verbal en deux domaines répartis en douze sous-catégories: le premier domaine orienté sur la tâche (soit six catégories), le second sur l'aspect socio-émotif (également six) de l'interaction. Pour ce faire, le chercheur devra enregistrer systématiquement et compter le nombre de fois où le sujet manifeste l'un ou l'autre des sous-catégories comportementales. Pépin (1986, pp.122-123) a indiqué l'intérêt qu'a le chercheur d'utiliser un tel système surtout pour mesurer l'aspect socio-émotif, d'une part, pour voir l'attention accordée par les administrateurs scolaires à celui-ci dans leurs interactions, mais, d'autre part, s'il imprègne sous tous les angles le rôle de l'administrateur ou s'il faut le confiner dans le volet «interpersonnel» comme le dit Mintzberg (1984), donc de l'éliminer des autres aspects de ce rôle dans une théorie des rôles de gestion.

      La méthode de l'agenda (Stewart, 1967; Pépin, 1986) est utilisée pour fins de confidentialité là où le chercheur ne peut enregistrer lui-même les faits et gestes des sujets. Pour ce un formulaire prévu à cette fin est rempli par le sujet (annexe.2).


De la validité interne

      Outre le souci de validité externe des activités de recherche, la prise en compte de la validité interne ou crédibilité (selon Guba, in Van der Maren, p.1997, p.7) fait partie des précautions relevées. Elle suppose la correspondance entre notre cadre conceptuel et les conclusions tirées des données (Laperrière, 1994 ; Van der Maren, 1997). A cette étape, nous avons tenté d'établir une cohérence programmatique entre notre discours argumentatif (problématique et revue de la littérature) et notre cadre méthodologique. L'existence de ces liens se trouve expliciter par la cohérence de notre logique et la complémentarité qui se manifestent dans les différentes étapes de notre travail.


5.3.9. Entrevue par questionnaires

      Deux types de questionnaires sont utilisés: l'un portant sur la perception du contexte du travail et l'importance des activités de gestion, l'autre sur les conflits et ambiguïtés de rôle.

      Questionnaire 1

      Le premier questionnaire renferme deux parties (annexe.2):

      - la première où chaque doyen-sujet exprime sa perception du contexte de travail. Chaque question est représentée par un court énoncé et une échelle (style Likert) de cinq points allant « de fortement en désaccord » à « fortement d'accord ». Le contenu de ces énoncés provient principalement des travaux de Pépin (1986) sur les administrateurs scolaires;

      - la deuxième où le participant choisit, sur une échelle à cinq points de Likert, l'importance relative accordée à certaines activités de gestion identifiées par Pépin (1986), Martin (1980), Berman (1982) et Kmetz (1982) lors de leurs études sur des administrateurs scolaires, et doit faire des commentaires pour préciser leur position par rapport aux items.

      Questionnaire 2 (Rizzo et al., 1970)

      Présenté à l'annexe (2),ce questionnaire comporte une note introductive pour expliquer la procédure, une partie portant sur les renseignements généraux (statut personnel et données socio-démographiques, taille de l'établissement, secteur...). Le questionnaire utilisé dans le cadre de notre recherche est une traduction française de cet instrument (en anglais), faite par Brunet et al. (1984).

      Ce second questionnaire employé pour évaluer le conflit de rôle et l'ambiguïté de rôle a été construit par Rizzo et al. (1970, pp.150-163). Il comporte 30 énoncés dont 15 ont rapport au conflit de rôle (nombres impairs) et 15 autres à l'ambiguïté (nombres pairs) qui ont été administrés à deux groupes comprenant des gestionnaires et des techniciens d'une organisation. Chacun des groupes A et B renfermait respectivement 199 et 91 sujets. Deux facteurs ont été mis en évidence par Rizzo et al. après l'analyse factorielle des données: le Facteur I (le conflit de rôle - huit énoncés - et le Facteur II (l'ambiguïté de rôle - six énoncés -).

      Selon ces auteurs (1970, p.158), les coefficients de fidélité sont 0,81 pour le conflit de rôle 0,78 pour l'ambiguïté de rôle; les corrélations sont de 0,25 et 0,01 entre les résultats de deux échelles (I, II) pour les deux groupes. De multiples corrélations significatives ont été obtenues avec d'autres variables liée au travail comme la satisfaction au travail.

      Rizzo et al. (1970) ont indiqué que quatre des cinq formes définies par Kahn et al. (1964) pour le conflit de rôle se retrouvent dans leurs items. Le conflit de rôle est décomposé en deux dimensions: conformisme (compatibilité) et non conformisme (incompatibilité) par rapport aux demandes de rôle. Le non conformisme ou l'incompatibilité peut engendrer des conflits:

  1. 1. conflit entre les valeurs personnelles du titulaire et le comportement du rôle défini (items 3, 5, 27, 29). D'où un conflit extra-personnel.
  2. 2. conflit entre le temps, les ressources, les capacités du titulaire et le comportement du rôle défini (items 1, 11, 15, 17, 25). D'où un conflit extra-personnel.
  3. 3. conflit entre plusieurs rôles chez la personne focale provoquant des comportements différents (items 7 et 19). D'où une surcharge de rôle.
  4. 4. les attentes conflictuelles et les demandes organisationnelles incompatibles (items 9 et 13); les demandes conflictuelles venant des autres (item 21) et les standards incompatibles (item 23). [Missaoui, 1984, pp.62-63]

      Quant à l'ambiguïté de rôle, Rizzo et al. (1970, cités par Bouchard, 1993, p.) ont signalé que leurs énoncés expriment :

  1. la certitude concernant les responsabilités, l'autorité, l'allocation du temps et les relations avec autrui;
  2. la clarté ou l'existence de guides, de directives et de politiques;
  3. la capacité, pour le titulaire concerné, de prédire les résultats des réactions au comportement de quelqu'un (items 8, 16, 24, 30).

      Les sujets devaient choisir sur une échelle du type Likert à sept points (de très faux à très vrai), les situations décrites par les énoncés correspondant à des expériences vécues au travail. En ce qui a trait aux réponses aux items sur l'ambiguïté de rôle, elles sont inversées pour mettre en évidence le côté ambigu des rôles (Bouchard, 1993, p.56).


5.3.10. Critiques des échelles de Rizzo et al.

      Malgré leur courante utilisation, les échelles de Rizzo et al.(1970) ne semblent pas faire l'unanimité parmi les chercheurs (Bouchard, 1993, pp.60-71). Si, pour Jackson et Schuler (1985), Murphy et Gable (1988) - cités par Bouchard (1993) - ces instruments sont satisfaisants pour mesurer le conflit de rôle et l'ambiguïté de rôle, par contre, d'autres ont de sérieuses réserves et réclament même un moratoire quant à leur utilisation (Harris, 1991; Tracy et Jackson, 1981; McGee et al., 1989; King et King, 1990, in Bouchard, 1993, pp.55-71).

      Ces critiques peuvent être regroupées en six points:

  1. remise en cause de la signification sous-jacente des structures factorielles des échelles et mise en doute des interprétations de Rizzo et al.(1970) [Tracy et hohnson, 1981; Harris, 1991];
  2. faible pourcentage de la variance expliquée par les facteurs conflit et ambiguïté de rôle (Tracy et hohnson, 1981; Harris, 1991);
  3. instabilité des composantes factorielles produites par Rizzo et al. (1970) qui en ont trouvé deux alors que Murphy et Gable (1988) en ont trouvé huit (Bouchard, 1993, p.66).
  4. non unanimité sur les coefficients d'homogénéité des énoncés;
  5. problèmes de pertinence et de représentativité des énoncés; donc de validité de contenu;
  6. manque de validité convergente et discriminatoire des échelles: atteinte à la validité de construit des deux variables de rôle.

      En dépit de ces critiques, le questionnaire de Rizzo et al.(1970) n'a jamais pu être réfuté complètement et par conséquent demeure un instrument valable, valide et utile pour mettre en évidence les problématiques de rôles, savoir conflit de rôle, ambiguïté de rôle et surcharge de rôle. Il représente un outil intéressant pour étudier le conflit de rôle et l'ambiguïté de rôle d'une manière plus empirique et opérationnelle.


5.4. Choix des sujets

      Du fait que l'observation structurée requiert de l'énergie et du temps, il est apparu nécessaire au chercheur de réduire la taille de l'échantillon. A l'instar du précurseur Mintzberg (1984), tous les autres chercheurs répliquant le modèle n'ont observé qu'un groupe restreint de sujets dans leurs études. Il en est de même dans la présente recherche. Un groupe de quatre doyens (deux du secteur privé de l'éducation et deux secteur public) de facultés appartenant à deux universités de la zone métropolitaine de Port-au-Prince a été sélectionné pour être observé durant une période de cinq jours consécutifs, soit une semaine de travail dans le cadre de cette étude.

      Le choix de ces administrateurs universitaires s'est fait en se basant sur deux critères:

  1. leur pertinence, c'est-à-dire leur capacité à produire l'information en rapport avec le problème en question;
  2. leur contribution à la modélisation, c'est-à-dire la possession de caractéristiques qui en font des éléments importants dans la construction d'une maquette (ou modèle réduit) de la population étudiée (Van der Maren, 1997, p.9).

      Notre choix des doyens a été aussi influencé par : 1) leurs activités administratives qui donneraient une image complète de la gestion organisationnelle et permettraient de déterminer les variables administratives telles qu'elles existent ; 2) la position charnière occupée dans l'organisation ; 3) le niveau de gestion académique qui est d'un intérêt professionnel pour le chercheur.

      Par ailleurs, comme l'a souligné Kapferer (1980, cité par Pépin, 1986, p.126), l'accès au site de recherche constitue une étape déterminant du succès ou de l'échec d'une étude sur le terrain. En effet, le chercheur a déjà effectué, en juillet-août 1996, une première étude de terrain pour rencontrer différents acteurs (responsables du Ministère de l'Éducation nationale, recteur/rectrice, directeurs administratifs et académiques, doyens) pour les sensibiliser à son étude (annexe 1). Une correspondance a été adressée aux recteur/rectrice, au secrétaire général des universités pour solliciter leur appui (annexe 1). Outre, les quatre doyens déjà identifiés, treize autres appartenant aux mêmes institutions universitaires de notre recherche auront répondu à notre questionnaire sur le conflit de rôle et l'ambiguïté de rôle de Rizzo et al.(1970).


5.4.1 Profil des participants

      Les quatre doyens de la présente étude appartiennent à deux institutions publique (les doyens D1 et D2) et privée (les doyens D3 et D4). Le doyen D1, détenteur d'un doctorat, est responsable depuis sept ans d'une faculté fréquentée par 700 étudiants et ayant un personnel professoral constitué par 134 personnes. C'est le seul qui a deux adjoints formels - chargés chacun d'un volet. Il a été professeur-chercheur, chef de département d'enseignement et chef de service.

      Le doyen D2, détenteur d'un doctorat, s'occupe depuis dix-neuf ans d'une faculté recevant 500 étudiants encadrés par 103 professeurs. C'est un chercheur, professeur depuis plus de dix ans, coordonnateur de recherche, membre de comité scientifique international, s'est familiarisé à la gestion administrative.

      Le doyen D3, détenteur d'une maîtrise, gère, depuis cinq ans, une faculté ayant 900 étudiants et 48 professeurs - 8 à temps plein et 40 chargés de cours -. Il a reçu une formation en cours d'emploi relative à la planification de programmes, formation offerte par un organisme international, qui devait toucher tous les aspects de l'administration universitaire. Il a enseigné pendant dix ans et a eu également des responsabilités administratives.

      Le doyen D4, détenteur d'une maîtrise, est responsable, depuis environ cinq ans, d'une faculté de 400 étudiants encadrés par 42 professeurs - quatre à temps plein, huit à temps partiel, et 30 chargés de cours -. Il a bénéficié d'un perfectionnement portant sur la pédagogie universitaire. Il a préalablement occupé des postes de direction dans d'autres organisations publiques.


5.5. Période d'essai

      A l'instar de Pépin (1986), le chercheur a cru bon dans le but de s'approprier la méthode d'observation structurée de séjourner au moins durant une demi-journée sur les lieux de travail de chacun des participants. Cette période constitue un moment d'entraînement afin de pouvoir développer des aptitudes à observer les comportements de gestion in situ et à prendre systématiquement des notes. Elle vise aussi à initier le processus d'observation avec les sujets, à renforcer les rapports avec ceux-ci, de se rendre plus familier avec l'établissement et le personnel et d'exposer de manière explicite la procédure d'observation.


5.6. Période d'observation

      Les nombreux chercheurs ayant utilisé la méthode d'observation pour l'étude des rôles de gestion ont, pour la plupart comme Mintzberg (1984), observé chacun de leurs sujets durant une période de cinq journées consécutives complètes de travail - du lundi au vendredi -. Au cours de vingt journées d'observation, le chercheur observe et enregistre chacune des activités que les sujets accomplissent dès leur entrée dans l'établissement jusqu'à leur départ en fin de journée.

      Durant les observations, le chercheur est pourvu d'un crayon et d'un cartable où se trouvent des feuilles d'enregistrement des événements (annexe.2), d'une montre à affichage numérique (heures, minutes, secondes) placée près du cartable pour déterminer la durée de chaque activité.

      Certaines procédures sont prévues pour faciliter l'enregistrement de certaines données comme le but des conversations téléphoniques ou du courrier reçu ou expédié par le participant. Comme Mintzberg (1984), Sproull (1978), Pépin (1986), le chercheur sollicite du sujet un résumé succint de l'interaction: but et identité de l'autre partie. Il est également prévu: au début de la période d'observation, un compte-rendu sous forme d'agenda des activités ayant précédé celle-ci; le participant doit soumettre un compte-rendu des activités de travail durant la soirée précédente au début de chaque journée, puis un résumé de celles fixées pour la présente journée.

      Comme Pépin (1986), le chercheur a mis en place certaines mesures devant lui permettre d'obtenir des informations complémentaires relatives à un événement ou une activité complexe ou problématique. Se contentant de noter l'événement ou l'activité en question, au moment de la rencontre de la fin de la journée de travail - d'une durée de 1 heure à 1 heure 30 -, il demande au participant des précisions.


5.7. Enregistrement des données

      La cueillette complète des données s'échelonne sur trois mois d'octobre à décembre 1997 inclusivement. Un mois et demi est prévu pour réaliser l'ensemble des observations des quatre doyens. La date des observations est déterminée conjointement avec les sujets lors d'une réunion initiale.

      Emboîtant le pas à Pépin (1986), le chercheur a décidé d'enregistrer : toutes activités d'ordre personnel des sujets sans faire une analyse poussée; toutes interactions entre les participants et leurs secrétaires. Les interactions du genre salutations sociales - bonjour, ou salut - entre les sujets et d'autres personnes ne sont pas enregistrées.

      En outre, des notes d'observations sont prises par le chercheur pour décrire la nature réelle du travail de gestion des participants. Schatzman et Strauss (1973, cités par Pépin, 1986, p.147) définissent ainsi les notes d'observation:

[Elles] sont des énoncés qui se rapportent aux événements vécus principalement en surveillant et en écoutant. Elles contiennent le moins d'interprétation possible et sont aussi fidèles que l'observateur peut les élaborer... Et une note d'observation est le Qui, le Quoi, le Quand, le Où et le Comment de l'activité humaine (p.100).

      Pépin (1986), suite aux recommandations de certains auteurs Bickman (1976), Bouchard (1976), Lofland (1971) et Lutz et Iannaccone (1969) a proposé des mesures pour faciliter la précision et l'exhaustivité des notes d'observation:

  1. ..enregistrer ses notes sur les lieux mêmes de l'observation, au fur et à mesure du déroulement des événements;
  2. ...lors de l'enregistrement, utiliser un système de symboles et d'abréviation pour décrire chaque situation le plus rapidement possible;
  3. ...rédiger ses notes dans des termes aussi concrets que possible, en décrivant ce qui s'est réellement passé au lieu de faire des inférences sur le comportement;
  4. ...demander aux participants, à la fin de chaque journée d'observation, de fournir de l'information susceptible de compléter et de corroborer le contenu de certaines activités qui n'ont pu être que partiellement décrites par le chercheur.

      Pépin (1986, p.147) a souligné que, décrire une situation d'observation dans sa globalité, n'est pas chose aisée. Il a ajouté que le chercheur, soit à cause du déroulement rapide des événements ou la fixation sur certains aspects peut manquer d'indices pour établir une description complète de la situation.

      De plus, en ce qui a trait au choix des activités à observer et observées, Pépin (1986, p.148) a fait remarquer la nécessité pour le chercheur de se donner un cadre conceptuel pour la cueillette des données. Baribeau (1996, p.588) a abondé dans le même sens en signalant l'intentionnalité a priori d'ordre idéologique et philosophique du chercheur au moment où il doit procéder à la description et l'interprétation des données et qu'il ne saurait y échapper comme un logiciel ayant quitté inopinément l'écran.

      Les notes d'observation prises sur le terrain décrivent systématiquement chaque activité des sujets, soit lors d'interactions verbales, ou du traitement de leur courrier. Ces notes subissent une phase de condensation en les intégrant dans trois types de fichiers:

  1. le fichier chronologique (tableau 5.1) indiquant la séquence, l'heure, la description, et la durée de l'activité en cours comporte des références à ces mêmes activités colligées dans les fichiers ci-après;
  2. le fichier de contact (tableau 5.2) présentant les contacts verbaux où les doyens sont impliqués durant l'observation couvre, pour chaque interaction verbale, le médium utilisé, l'identité de(s) interlocuteur(s), l'endroit, le(s) but(s) de chaque activité et la durée de celles-ci, l'identité de la (des) personne(s) initiatrices de l'interaction;
  3. le fichier de correspondance (tableau.5.3) présentant chaque pièce de correspondance reçue (intrant) ou envoyée (extrant) par les doyens durant leurs activités. Il décrit chaque élément par rapport à son format, l'expéditeur ou le destinataire, le but, l'attention accordée et l'action y découlant.

      
Tableau 5.1 : Un fichier chronologique
Numéro Heure Description Référence Durée (min.: sec.)
  1 7:38 Échange 1 0:08
  2 7:39 Activité d'ordre personnel 2 1:23
  3 7:41 Échange 3, A 0:43
  4 7:42 Rencontre informelle 4, B 3:19
  5 7:45 Échange 5 0:50
  6 7:46 Échange 6 0:13
  7 7:46 Rencontre informelle 7 4:35
  8 7:51 Échange 8 0:25
  9 7:51 Échange 9 0:17
  10 7:52 Travail de bureau C 0:56
  11 7:53 Échangea 10 0:04
  10a 7:53 Travail de bureaub D 1:02
  12 7:54 Échange 11 0:08
  13 7:54 Échange 12 0:57
  14 7:55 Annonce 13 0:13
  15 7:55 Rencontre informelle 14, E-F 0:33
  16 7:56 Téléphonea 15 0:57
  15a 7:57 Rencontre informelleb 14a 0:56
  17 7:57 Téléphone 16 0:42
  18 7:58 Rencontre informelle 17 1:22
  19 8:00 Échange 18 0:25
  20 8:00 Échange 19 0:40
  21 8:01 Échange 20 0:59

      aActivité au moyen de laquelle une autre personne a interrompu l'activité en cours
bReprise de l'activité en cours

      
Tableau 5.2 : Un fichier de contact
Numéro Médium Initiation Participants Endroit(s) But(s) Durée
(min.:sec.)

1

échange

D

secrétaires

secrétariat

contact social

0:08
2 activité d'ordre personnel D seul cafétéria activité personnelle 1:23
3 échange A professeur bureau reçoit une suggestion;
approuve
contact social
0:43
4 rencontre informelle A professeur bureau reçoit de l'information
demande de l'information
donne de l'information
3:19
5 échange A collaborateur secrétariat reçoit de l'information
donne de l'information
0:50
6 échange D autre secrétaire secrétariat demande de l'information 0:13
7 rencontre informelle A professeur bureau reçoit une question
reçoit de l'information
donne son opinion
demande de l'information
donne de l'information
donne des directives
contact social
4:35
8 échange A étudiant corridor reçoit une requête
donne une directive
0:25

      
Tableau 5.2 (suite) : Un fichier de contact
Numéro Médium Initiation Participants Endroit(s) But(s) Durée
(min.:sec.)

9

échange

D

professeur

salle de conférence

donne de l'information

0:17
10 échange I étudiant salle de conférence donne de l'information
contact social
0:04
11 échange D professeur secrétariat reçoit une question;
donne une directive
contact social
0:57
12 échange A étudiant secrétariat donne une directive 0:13
13 annonce D étudiant bureau reçoit une requête
autorise
0:33
14 rencontre informelle A 2 étudiants bureau reçoit une question
donne de l'information
contact social
0:57
15 téléphone I professeur bureau reçoit une question;
donne de l'information;
contact social
0:57
14a rencontre informelle A 2 étudiants bureau donne une directive 0:56
16 téléphone D collaborateur bureau demande de l'information;
donne une directive;
contact social
0:42

      
Tableau 5.2 : (suite) Un fichier de contact
Numéro Médium Initiation Participants Endroit(s) But(s) Durée
(min.:sec.)
17 rencontre informelle D secrétaire personnelle autre bureau donne de l'information;
donne une directive;
contact social
1:22
18 échange A étudiant bureau reçoit de l'information 0:25
19 échange D professeur secrétariat demande de l'information 0:40
20 échange A professeur secrétariat reçoit de l'information
contact social
0:59

      
Tableau 5.3 : Un fichier de correspondance
Numéro Format Envoyeur/Destinataire But(s) Attention Action
Intrants
C cahier faculté donner de l'information étudie converti en extrant
D cahier faculté donner de l'information étudie converti en extrant
Extrants
A note lui-même liste de travaux écrit retient pour s'en servir plus tard
B note lui-même liste de travaux écrit retient pour s'en servir plus tard
E-F formulaires étudiants donner une autorisation écrit et signe fait suivre

      
Tableau 5.4 : Formule d'agenda Page:_____
Date Début
(heure)
Fin
(heure)
Brève description de l'activité Initiation
         
         
         
         
         
         
         
         
         
         
         

      Ces traces que nous fournissent ces différents fichiers sont structurées, systématisées. Cependant Bickman (1976) et Lofland (1971), cités par Pépin (1986, p.188) ont mentionné que les inférences, les analyses et les données anecdotiques, clairement indiquées, ont leur place dans les notes d'observation. Mintzberg (1979) a insisté sur le fait que:

...[si] les données systématiques créent le fondement de nos théories, ce sont les données anecdotiques qui nous permettent d'en dresser la charpente. La formation d'une théorie nécessite une description riche, la richesse provenant de l'anecdote. Nous découvrons toutes sortes de relations avec nos données «dures», mais c'est seulement en utilisant ces données «molles» que nous sommes capables de les expliquer, et l'explication est, bien entendu, le but de la recherche (p.587) [traduction Pépin, 1986, p.158].

      Grawitz (1990), traitant de l'observation et de ses problèmes, a fait état des différences de codage entre observateurs et, par là, de la nécessité de connaître:

à quel niveau, [les observateurs] doivent juger et dans le cas où ils peuvent interpréter les observations, quels indices ils doivent retenir (p.924)?

      Grawitz a posé le délicat problème du « niveau d'inférence » dans les notes d'observation. Pépin (1986, p.160), Brassard et al. (1986) ont proposé de combiner deux approches: l'une à faible niveau d'inférence, l'autre à degré élevé d'inférence. La première répond à la question: « Qui fait quoi, avec qui, où, quand et comment? »; la seconde vise à l'enrichissement du contenu des traces et à les traduire conceptuellement sur le plan théorique.


5.8. Procédure d'analyse des données

      Comme sus-cité, deux grandes catégories de données sont recueillies lors de cette recherche: celles issues des observations des rôles administratifs et celles issues de l'administration du questionnaire sur le conflit de rôle et de l'ambiguïté de rôle.


5.8.1. Données recueillies des observations des rôles

      Ces données sont classées par niveau d'inférence (faible et élevé). Les données à faible niveau d'inférence comportent celles enregistrées dans les trois fichiers et leurs catégories, à l'exception des catégories désignant le(s) but(s) des activités ou des pièces du courrier. Les données à niveau élevé d'inférence comprennent les notes théoriques et l'analyse de ces buts.


5.8.1.1.L'analyse des données à faibles niveau d'inférence

      Ces données provenant des trois fichiers aident à l'élaboration des profils d'activités de chaque doyen. D'où les indications sur le temps consacré aux activités de gestion mentionnées par Mintzberg (1984) et d'autres chercheurs. De plus, ces données permettent de déterminer un « profil comportemental » de gestion des administrateurs universitaires haïtiens.


5.8.1.2. L'analyse des données à degré d'inférence élevé

      Les données à degré d'inférence élevé se divisent en deux groupes: a) les notes théoriques du chercheur, et b) le(s) but(s) reliés aux contacts verbaux et écrits des sujets.

      a) les notes théoriques: Schatzman et Strauss (1973, cités par Brassard et al. , 1986, p.81; Pépin, 1986, p.162) ont suggéré au chercheur de rédiger ses inférences à propos des événements observés sous forme de « notes théoriques ». Elles rappellent les données anecdotiques de Mintzberg (1979). Elles servent pendant et après la période d'observation pour expliquer et interpréter les événements observés. Brassard et al. (1986, p.81) ont indiqué que:

L'élaboration de [celles-ci] consiste à interpréter les faits, à émettre des suppositions, à avancer des hypothèses, et parfois, à élaborer des nouveaux concepts qu'il s'agit de relier à d'autres concepts déjà connus. [Leur] développement (...) s'apparente en quelque sorte à un processus de modélisation au cours duquel des activités isolées sont regroupées en un modèle qui leur donne cohérence, forme et signification (p.81).

      b) l'analyse du ou des but(s) de chaque activité: elle permet de décrire la nature du travail des doyens et de répondre à la question suivante: Pourquoi le doyen fait-il telle activité?. Les réponses à cette question dans des catégories logiques permettent l'émergence des dix rôles du cadre, selon Mintzberg (1984, p.66).

      A l'instar de Pépin (1986), Brassard et al. (1986), le chercheur a adopté la méthode d'analyse constante et comparative de Glaser et Strauss (1967) pour le regroupement des incidents critiques ayant des affinités entre eux. Selon cette méthode, les données empiriques doivent être vues sous quatre angles séparés: 1) classification et comparaison des incidents dans des catégories; 2) comparaison entre les propriétés des catégories et de ces catégories elles-mêmes; 3) délimitation de la théorie et 4) formulation de la théorie. Brassard et al. ont suggéré l'utilisation d'une telle méthode dans toute recherche similaire.


5.8.2. Données issues de l'administration du questionnaire de Rizzo et al.(1970)

      Notre groupe de répondants pour l'administration du questionnaire de Rizzo et al. (1970) relatif au conflit de rôle et à l'ambiguïté de rôle comprend 17 personnes. Du fait qu'il soit en deçà de 30 répondants, le chercheur a choisi d'utiliser les méthodes de l'analyse statistique non paramétrique suivantes pour étudier les données sur les conflits de rôles:

  • l'analyse de la médiane à partir des fréquences;
  • le coefficient de corrélation de Spearman.

5.9 La fidélité et la validité des résultats

      L'approche qualitative à l'instar de la recherche quantitative doit démontrer que les techniques, les instruments de collecte sont fidèles, et les données obtenues représentent bien ce qu'on prétend observer, donc valides.

      Pour ce faire, dans le cadre de la présente recherche, nous avons adopté les mesures suivantes :

  1. L'explicitation des procédures d'observation qui seront consignées dans les notes de terrain (Lessard-Hébert et al., 1996, p.54).
  2. La similarité d'observations consistantes au cours d'un même intervalle temporel, observations reliées aux intentionnalités du chercheur [Kirk et Miller (1986, cités par Lessard-Hébert et al., 1996, p.53)].
  3. La relation entre les construits du chercheur et les données obtenues, relation qui peut être soit reprise par d'autres, soit produite à nouveau dans des conditions semblables [Laperrière (1994, p.63)].
  4. La « cohérence programmatique » de la recherche à savoir la correspondance entre le discours argumentatif [Van der Maren (1987, p.10)], les données et les résultats (Laperrière, 1994, p.57; Lessard-Hébert et al., 1996, p.45).
  5. La corrélation entre les résultats obtenus avec l'instrument à valider et ceux obtenus avec un autre instrument ou d'autres indicateurs déjà validés [Laperrière (1994, p.56)].
  6. Les liens inférentiels entre les faits d'observation et les modèles théoriques qui y sont reliés [Laperrière (1994, p.60)].
  7. Les données seront recueillies auprès d'un seul groupe d'informateurs: les quatre doyens (Brassard et al., 1986, p.84).

      Somme toute, il appert que chacune des approches (quantitative, qualitative) doit faire face à des problèmes de validité et de fidélité. La première procède par réduction des procédures de scientificité et la seconde par explicitation de ces procédures. Le filtrage des mesures pour en faire les mesures « idéales » nous porte à nous interroger sur : - le degré de pertinence par rapport au réel d'une telle procédure; - la généralisabilité des résultats obtenus. En effet, nous partageons avec Laperrière (1994, p.61) la réflexion suivante, à savoir que le paradigme quantitatif « en recourant aux données contextuelles enfreint ses propres postulats ». Quant à l'approche qualitative - entre autres, l'observation structurée -, elle est confrontée à des problèmes de validité externe, plus précisément de transférabilité, liés aux questions culturelles, situationnelles et temporelles.


CHAPITRE SIXIÈME : ANALYSE ET INTERPRÉTATION DES DONNÉES

      Le présent chapitre se base sur une analyse des données d'observation et perceptuelles, sur celles obtenues grâce aux questionnaires sur les comportements administratifs et les conflits de rôles, fournit une description des comportements de gestion des administrateurs universitaires haïtiens, en l'occurrence les doyens et traite des conflits de rôles auxquels ils sont confrontés. Pour ce faire, le chapitre se divise deux grandes parties: les activités colligées durant l'observation incluant l'analyse des données quantitatives et qualitatives issues de l'observation et de la passation des questionnaires comprenant les activités de gestion et leur traduction dans la réalité, une analyse des fichiers chronologique, de contact et de correspondance, les caractéristiques du travail de gestion, les rôles administratifs et les conflits de rôles; l'interprétation de celles-ci pour pouvoir dégager des propositions sur le travail de gestion des doyens. Il importe de souligner que les données issues des entrevues ont été intégrées dans l'analyse ci-dessous.


6.1 Les activités colligées durant l'observation

      Lors des périodes d'observation, les quatre doyens ont travaillé en moyenne 48.6 heures par semaine à la faculté excluant les heures de travail soit à la maison le matin très tôt, ou avant les heures d'ouverture des bureaux, ou durant les soirées, ou les fins de semaine. Le nombre d'activités observées, consignées et analysées au total est de 777, soit une moyenne de 38.8 activités par jour.

      Les catégories d'activités répertoriées se basent sur celles de Mintzberg (1973, 1984) et identifiées par d'autres chercheurs tels que Brassard et al. (1986) et Pépin (1986) durant une observation structurée. Elles sont au nombre de dix. Les sujets ont été impliqués dans un total de 777 activités pour une moyenne de 38.8 par jour. Leur durée moyenne est de 10.3 minutes. Cinquante-sept pourcent de toutes les activités ont duré en moyenne moins de neuf minutes et seize pourcent plus de 60 minutes. Le tableau 6.1 indique le nombre total d'activités exécutées par les quatre doyens, le pourcentage des activités, le temps consacré, et le pourcentage de temps.

      Les catégories d'activités suivantes ont été relevées lors la période d'observation:

  1. Travail de bureau: C'est une activité au cours de laquelle les sujets sont seuls derrière leur bureau traitant le courrier reçu ou expédié, les activités planifiées, le classement, la lecture, la rédaction et la signature de documents. 156 sessions de bureau ou 19.7 pourcent des activités ont été enregistrées durant la période d'observation. Dans le tableau 6.1, les sessions comptent pour 24.4% du temps des sujets. Elles ont duré 13 minutes en moyenne. Ces sessions ne sont pas continues, mais ont été plutôt interrompues systématiquement soit par des appels téléphoniques, soit par des visites, soit par des rencontres informelles, soit par des déplacements à l'intérieur de la faculté. C'est pour cette raison que nos sujets préfèrent, soit arriver avant l'ouverture des bureaux - pour les doyens du secteur privé - ou travailler chez eux pour terminer certains travaux de bureau.
  2. Appels téléphoniques: Ils incluent les interactions réalisées par l'intermédiaire du téléphone tant au moyen de l'interphone, tant au moyen du circuit téléphonique externe. 126 appels téléphoniques ont été effectués et reçus par les quatre doyens. Le téléphone compte pour 15.9% de toutes les activités, mais occupe 6.8% du temps des sujets. Ils y passent en moyenne 4.6 minutes par appel.
  3. Rencontres formelles: Ce sont des contacts face-à-face déterminés à l'avance par les doyens et/ou les interlocuteurs. Ils ont participé à 29 réunions formelles. Elles ont compté 3.6% de toutes leurs activités, mais elles ont occupé 34.4% de leur temps. La durée moyenne de celles-ci est de 97.9 minutes.
  4. Rencontres informelles: Ce sont des contacts face-à-face spontanés, non annoncés, et non planifiés avec un ou plusieurs autres individus. 95 rencontres informelles ont été dénombrées au total. Elles ont représenté 12% des activités globales et occupé 12.2 du temps des doyens. Elles ont durée en moyenne 10.9 minutes.
  5. Échanges: Contacts face-à-face brefs durant une minute maximum entre les doyens et une autre personne. 218 sessions ont été enregistrées. Les échanges ont compté 27.5% dans toutes leurs activités, mais 3.1% du temps des doyens. Leur durée moyenne a été de 1.26 minutes.
  6. Tournées d'inspection: Activité dans laquelle les sujets abandonnent leurs bureaux pour se rendre compte du fonctionnement général des classes. 79 tournées ont été réalisées par les sujets. Elles ont représenté 9.9% du total des activités et 12% du temps des doyens. Elles ont duré en moyenne 12.7 minutes.
  7. Les activités d'ordre personnel: Ce sont des périodes au cours desquelles les doyens se reposent, réfléchissent, s'entretiennent avec un membre de leur famille ou des amis, effectuent des sorties pour régler des affaires personnelles. 35 activités ont été réalisées par les sujets. Elles ont représenté 4.4% de l'ensemble de leurs activités, et 6.9% de leur temps. Leur durée moyenne a été de 16.9 minutes.
  8. Support clérical: Ce sont des petits travaux dévolus à la secrétaire ou au personnel de soutien, mais effectués par le doyen tels: polycopie, dactylographie, classement. 15 travaux de ce type ont été effectués. Ils ont constitué 1.8% du total des activités et 1% du temps des doyens. Ils ont duré en moyenne 6.9 minutes.
  9. Cours dispensés: Ce sont des activités d'enseignement-apprentissage auxquelles se consacrent tous les sujets. Ils ont réalisé 14 sessions de cours. Ils ont constitué 1.7% de l'ensemble des activités, mais ils ont compté 21.6% du temps des doyens. Leur durée moyenne a été de 128.6 minutes.
  10. Déplacements hors de la faculté: Ce sont des déplacements effectués pour représenter la faculté dans des réunions externes. 24 sessions ont été effectuées. Ils ont représenté 3% du total des activités, mais ils ont constitué 33.9% du temps des sujets. Ils ont eu une durée moyenne de 117 minutes.

      
Tableau 6.1 : La répartition des activités de gestion exécutées par les doyens en nombre et pourcentage d'activités et en temps et en pourcentage de temps passé
Type d'activités Nombre d'activités Pourcentage des activités Durée moyenne (min) Pourcentage de temps passé dans les activités
Travail de bureau 156 19.7 13 24.4
Appels téléphoniques 126 15.9 4.6 6.8
Rencontres formelles 29 3.6 97.9 34.4

      
Tableau 6.1 (suite) : La répartition des activités de gestion exécutées par les doyens en nombre et pourcentage d'activités et en temps et en pourcentage de temps passé
Type d'activités Nombre d'activités Pourcentage des activités Durée moyenne (min) Pourcentage de temps passé dans les activités
Rencontres informelles 95 12 10.9 12.2
Échanges 218 27.5 1.26 3.1
Activités d'ordre personnel 35 4.4 16.9 6.9
Tournées d'inspection 79 9.9 12.7 12.1
Support clérical 15 1.8 6.9 1
Cours dispensés 14 1.7 128.6 21.6
Déplacements hors de la faculté 24 3 117 33.9


6.2 Analyse du fichier chronologique

      Le tableau 6.2 (Annexe 1) fournit une description complète du fichier chronologique de chacun des quatre doyens. Il indique, en premier lieu, que ceux-ci ont travaillé en moyenne 34.25 heures par semaine, soit entre 30. 5 (Doyen D1) et 38.3 heures (Doyen D4) dans les heures régulières d'ouverture des facultés. Ils ont consacré des heures supplémentaires totalisant en moyenne 17 heures, soit entre 12 (Doyen D1) et 20 heures (Doyen D3). D'où un travail hebdomadaire s'élevant en moyenne à 51.25 heures.

      Comme le montre le tableau 6.3, ce temps de travail est légèrement inférieur aux 53.8 heures rapportées par Martin (1980) mais supérieur aux études respectives de Berman (1982) et Pépin (1986). Cette charge de travail est aussi inférieure aux 59.9 heures mentionnées par Willis (1980, in Pépin, 1986, p.179) mais supérieure aux 44.8 heures des directeurs d'école secondaire de O'Dempsey (1976, in Pépin, 1986, p.179).

      Le tableau 6.2 (annexe 1) indique par ailleurs que ces doyens ont exécuté entre 66 (Doyen D2) et 296 activités (Doyen D3), soit un nombre moyen d'activités de l'ordre de 181 par semaine ou un nombre moyen de 36.2 activités quotidiennes chacun. Comparées aux données du tableau 6.3, on constate que les activités de nos doyens sont nettement inférieures à celles rapportées par les autres études: 149.2 activités quotidiennes pour Martin (1980), 84.0 chez Berman (1982), 169.5 chez Pépin (1986). En outre, chez O'Dempsey (1976), les résultats ont démontré que les sujets ont effectuée en moyenne 172.9 activités quotidiennes, et chez Willlis (1980), ils ont indiqué que ceux-ci ont accompli en moyenne 60.4 activités par jour.

      
Tableau 6.3 : Comparaison du fichier chronologique dans trois autres études
Catégories Martin (1980)* Berman (1982)* Pépin (1986)* Notre étude
Totaux
Nombre total d'heures de travail observées
Heures supplémentaires
Total heures de travail hebdomadaire
Nombre moyen d'activités
Nombre moyen d'activités quotidiennes

42.2
11.0
53.8
746.0
149.2

29.6
12.0
49.2
336.0
84.0

32.0
11.6
47.6
847.5
169.5

34.2
17.0
51.2
181.0
36.2
Travail de bureau
Pourcentage du temps
Durée moyenne (minutes)
Pourcentage des activités

16.0
9.4
6.8

16.2
5.2
20.4

12.3
5.5
5.5

24.4
13.0
19.7
Appels téléphoniques
Pourcentage du temps
Durée moyenne (minutes)
Pourcentage des activités

5.8
2.2
10.5

8.9
3.3
16.1

7.6
1.9
10.4

6.8
4.6
15.9
Réunions formelles
Pourcentage du temps
Durée moyenne (minutes)
Pourcentage des activités

17.3
22.2
3.1

30.4
35.4
4.9

23.6
31.3
1.9

34.4
97.9
3.6
Réunions informelles
Pourcentage du temps
Durée moyenne (minutes)
Pourcentage des activités

27.5
3.4
32.1

22.1
4.7
26.6

30.5
3.7
21.3

12.2
10.9
12.0
Échanges
Pourcentage du temps
Durée moyenne (minutes)
Pourcentage des activités

9.0
1.0
36.3

4.2
1.0
23.9

6.8
0.4
46.6

3.1
1.3
27.5

      
Tableau 6.3 (suite) : Comparaison du fichier chronologique dans trois autres études
Catégories Martin (1980)* Berman (1982)* Pépin (1986)* Notre étude
Activités d'ordre personnel
Pourcentage du temps
Durée moyenne (minutes)
Pourcentage des activités

5.1
5.8
3.6

2.8
10.0
2.0

12.1
5.5
5.4

6.9
16.9
4.4
Tournées d'inspection
Pourcentage du temps
Durée moyenne (minutes)
Pourcentage des activités

7.7
13.2
2.3

6.7
10.3
3.8

6.5
6.6
2.5

12.0
12.7
9.9
Support clérical
Pourcentage du temps
Durée moyenne (minutes)
Pourcentage des activités

-
-
-

-
-
-

1.3
1.2
2.7

1.0
6.9
1.8
Enseignement
Pourcentage du temps
Durée moyenne (minutes)
Pourcentage des activités

0.1
9.0
0.05

-
-
-

-
-
-

21.6
128.6
1.7
Déplacements hors de l'organisation
Pourcentage du temps
Durée moyenne (minutes)
Pourcentage des activités

2.2
29.7
0.2

2.3
9.3
1.3

4.0
4.7
2.1

33.9
117.0
3.0

*Source: Pépin (1986), pp.180-183

      Différentes explications peuvent être avancées pour expliquer ces différences entre les études, à savoir: le niveau de fréquentation scolaire, le pourcentage du temps et la durée moyenne des réunions formelles, des activités d'enseignement et des déplacements hors de l'organisation, l'absence de certaines activités tels les annonces, le contrôle des présences, l'observation des professeurs en classe, la surveillance. En effet, quant à la fréquentation scolaire dans les quatre facultés observées, elle se situe en moyenne autour de 562.5 étudiants. Ce nombre est nettement inférieur à ceux des autres études dans les écoles américaines et québécoises dont le nombre varie entre 810, 1243 et 1810 élèves. En outre, les pourcentages du temps et les durées moyennes des réunions formelles, des activités d'enseignement, et des déplacements hors de l'organisation sont nettement supérieurs respectivement 34.4 et 97.9, 21.6 et 128.6, 33.9 et 117.0.

      Un examen comparatif des études démontre que nos doyens se sont engagés dans dix activités distinctes de gestion contre 14 pour les autres recherches tels les annonces, le contrôle des présences, l'observation des professeurs en classe, la surveillance (Pépin, 1986, pp.180-183).

      Le tableau 6.3 fournit la possibilité d'effectuer des comparaisons entre les activités de gestion des directeurs d'écoles secondaires américains et québécois et notre étude. Chaque catégorie est décrite en termes de pourcentage de temps et des activités, de durée moyenne que les sujets ont consacré durant la période d'observation.

      Pendant les sessions de travail de bureau, les deux doyens du privé (D3 et D4) ont réalisé plus de sessions que leurs collègues du public (D1 et D2), respectivement 63 et 67 contre 17 et 9, soit 21.2% et 28.1% contre 8.9% et 13.6% du total des activités (tableau 6.2). Deux des quatre doyens (D1 et D2 du public) ont estimé que le travail de bureau est extrêmement important pour eux, un seul (D4) l'a trouvé très important contre un seul qui le trouve peu important (Doyen D3). Deux des doyens (D3 et D1) ont admis que ce travail constitue un fardeau pour eux, sauf un (D4) qui n'est pas d'accord et un autre (D2) qui est plutôt incertain. Les données d'observation montrent que ce travail, pour les doyens D1 et D2, a un faible poids dans leurs activités contrairement à ce qu'ils ont déclaré quant à l'importance de cette activité pour eux. Cet intérêt pour le travail de bureau peut s'expliquer par les préférences manifestes pour lesquelles de leur travail: en atteste ces propos du doyen D2, incertain, qui croit que cela dépend de l'activité en cours.

      Dans l'ensemble, les quatre doyens ont passé 24.4 pourcent de leur temps à cette activité de gestion. Les sujets des trois autres études présentées au tableau 6.3 y ont consacré moins de temps: 16.0 pourcent (Martin, 1980), 16.2 pourcent (Berman, 1982), 12.3 pourcent (Pépin, 1986). Les sujets de Morris et al. (1981, cités par Pépin, 1986,, p.187) ont passé 45.0 pourcent dans ce genre d'activités, soit près de la moitié de leur temps. Donaldson (1993, p.9) fait remarquer que les quatre directeurs des sous-unités d'enseignement supérieur d'éducation permanente y ont consacré 25 pourcent de leur temps.

      Il faut noter la brièveté des sessions de travail de bureau, soit 13 minutes, pour l'ensemble des quatre doyens quoiqu'il faille nuancer ceci pour le doyen D2 - 72 minutes -. Bien que celui-ci ait admis que ses tâches soient variées et diverses, il s'est montré incertain quant à la durée de celles-ci. Le doyen D3 a ajouté que, pour certaines tâches, la planification et l'exécution exigent plusieurs semaines. Cette brièveté du travail de bureau est confirmée par les trois autres études présentées au tableau 12 : 5.5 (Pépin, 1986), 5.2 (Berman, 1982), 9.4 minutes (Martin, 1980). Si ces résultats semblent indiquer la disponibilité de ces sujets aux personnes qui les entourent comme l'a souligné Pépin (1986, p.187), il serait important de signaler aussi que la sollicitation soutenue faite à ceux-ci est inhérente au statut ou aux prérogatives de la fonction. Nos quatre doyens de la présente étude ont préféré se retrouver seul dans leur bureau durant un temps assez long. Cette durée moyenne du travail de bureau est similaire chez les cadres observés par Mintzberg (1973) et Pitner (1979), respectivement de 15 minutes et 12 minutes.

      Les doyens de notre étude ont accompli 19.7 pourcent de leurs activités au travers de leurs activités de bureau. Ceci est partagé par Berman (1982) dont les sujets ont réalisé 20.4 pourcent de leurs activités et Willlis (1980, in Pépin, 1986, p. 188) qui a remarqué que ses directeurs d'école ont accompli 24.5 pourcent de l'ensemble de leurs activités par l'intermédiaire du travail de bureau. Par contre chez Pépin (1986) et Martin (1980), les sujets ont réalisé respectivement 5.5 et 6.8 pourcent du total de leurs activités.

      Le médium qu'est le téléphone est considéré comme important par nos quatre doyens. Le doyen D3 a souligné qu'"à avoir eu le téléphone, je suis sûr que la plupart des informations auraient été verbales". Les doyens D1, D3, D4 ont accordé respectivement plus de temps à ce médium 9.1, 8.4, 8.3 pourcent contre 2.5 pourcent pour le doyen D2. Le tableau comparatif 7.3 montre que les conversations téléphoniques ont absorbé 15.9 pourcent des activités des doyens de la présente étude. Ce pourcentage se rapproche de celui de Berman (1982) 16.1 pourcent et est supérieur à ceux de Pépin (1986) - 10.4 pourcent- et de Martin (1980) - 10.5 pourcent -.

      Si la proportion accordée aux activités par l'intermédiaire du téléphone est importante chez nos sujets, on constate toutefois qu'ils y consacrent 6.8 pourcent de leur temps. Les directeurs d'école des autres études n'y ont investi que respectivement 5.8, 8.9 et 7.6 pourcent de leur temps. Les directeurs des sous-unités d'enseignement supérieur y ont consacré par contre 19 pourcent de leur temps (Donaldson, 1993, p.9)

      La durée moyenne des conversations téléphoniques est de 4.6 minutes. Comme l'indique le tableau 12, les résultats d'autres chercheurs ont indiqué moins de temps: 2.2, 3.3, 1.9 minutes en moyenne respectivement chez Martin (1980), Berman (1982) et Pépin (1986). Chez les sujets de Donaldson (1993, p.5), la durée moyenne est de 3.6 minutes.

      Les rencontres formelles sont considérées comme très importantes par nos quatre doyens. Pour le doyen D2, cela permet d'être plus efficace. Si les doyens D2 et D3 préfèrent s'engager dans des tâches planifiées à l'avance, les doyens D1 et D4 sont plutôt incertains. Le doyen D2 a accompli en effet 18.1 pourcent du total de ses activités dans ce genre de réunions. On peut relever qu'à ce type d'activités nos sujets y ont consacré beaucoup de temps 34.4 pourcent. Martin (1980), Berman (1982), Pépin (1986) ont remarqué que leurs sujets y ont passé en moyenne respectivement 17.3, 30.4, et 23.6 pourcent de leur temps. Donaldson (1993) a noté que ses quatre directeurs y ont investi 35 pourcent de leur temps.

      Comme le signale le tableau 6.3, la durée moyenne de ces rencontres se retrouve en troisième position parmi les activités auxquelles les doyens de la présente étude consacrent beaucoup de temps. Ceux-ci y ont investi 97.9 minutes. Martin (1980), Berman (1982), et Pépin (1986) ont relevé que leurs sujets ont consacré en moyenne respectivement 22.2, 35.4, 31.3 minutes aux rencontres formelles. Donaldson (1993) a pour sa part constaté que ses directeurs ont passé 45 minutes en moyenne dans des réunions. Par contre, ces activités ne recueillent qu'un faible pourcentage chez nos sujets, soit 3.6 pourcent. Ces constatations sont similaires chez les directeurs d'école secondaire des autres études du tableau 7.3: 3.1 pourcent, 4.9 pourcent et 1.9 pourcent. Donaldson a fait une pareille observation chez ses sous-directeurs d'éducation permanente qui y ont consacré 4.1 pourcent du total de leurs activités.

      Les sujets de notre étude ont tous convenu de l'importance moyenne des rencontres informelles. Le doyen D2 a précisé que certaines d'entre elles sont importantes et le doyen D3 a noté que celles-ci ont eu lieu surtout avec ses professeurs, collègues et étudiants. Le tableau 6.3 indique que les quatre doyens de notre étude ont consacré 12.2 pourcent de leur temps à cette activité tandis que les sujets de Martin (1980), Berman (1982) et Pépin (1986) y ont accordé en moyenne respectivement 27.5, 22.1, 30.5 pourcent. Donaldson (1993) a observé que ses sous-directeurs ont investi 17.6 pourcent de leur temps dans ce type d'activités.

      Les rencontres informelles sont relativement brèves. Elles ont duré en moyenne 10.9 minutes chez les doyens ayant participé à notre étude. Les directeurs d'école secondaire observés par Martin (1980), Berman (1982), Pépin (1986) y ont passé en moyenne respectivement 3.4, 4.7, 3.7 minutes. Williamson (1987, p.134) a mentionné que ses présidents d'universités américaines ont passé 2.3 minutes dans ce genre d'activités. Donaldson (1993) a noté que ces réunions ont duré en moyenne chez ses sujets 4.7 minutes.

      Par l'intermédiaire des rencontres informelles, les doyens de notre étude ont accompli en moyenne 12.0 pourcent de l'ensemble de leurs activités. Chez les sujets des trois autres études du tableau 12, les chercheurs ont relevé que ceux-ci ont accompli 32.1, 26.6 et 21.3 pourcent du total de leurs activités grâce aux réunions informelles. Donaldson (1993) a fait remarquer que ses sous-directeurs ont accompli 4.1 pourcent du total de leurs activités par ce genre d'activités.

      Malgré le faible temps consacré 3.1 pourcent et 1.26 minute en moyenne, les échanges ont permis aux quatre doyens ayant participé à notre étude de réaliser 27.5 pourcent de l'ensemble de leurs activités. Il est possible de noter que les doyens D1 et D2 du public ont accordé peu d'importance à ce type de médium; pour le doyen D2, ce type d'activité ne permet pas de traiter une question. Au regard du tableau 11 (annexe 1), ce dernier n'a accompli que 4.5 pourcent du total de ses activités, n'a investi que 0.1 pourcent de son temps. Le tableau 12 indique que les sujets des autres études y ont consacré respectivement 9.0, 4.2, et 6.8 pourcent de leur temps et investi en général 1.0 minute et 0.4 minute pour la réalisation de 36.3, 23.9, 46.6 pourcent de l'ensemble de leurs activités.

      Les doyens consacrent une certaine partie de leur temps à leurs activités d'ordre personnel dans le cadre de leur travail. Pour les doyens D2, D3, D4, ce genre d'activités n'a pas vraiment d'importance, par contre le doyen D1 y accorde une importance relative. Le doyen D2 a souligné que pour ces activités il n'a pas beaucoup de temps. Le tableau 6.2 (annexe 1) indique que les doyens D3, D4 y consacrent plus de temps respectivement 6 et 15.1 pour cent et ont accompli respectivement 4 et 7.9 pourcent de l'ensemble de leurs activités. Quant aux doyens D1 et D2, ils y ont investi respectivement 5 et 1.2 pourcent de leur temps et accompli 1.6 et 1.5 pourcent de l'ensemble de leurs activités. Comparés aux autres sujets des trois autres études dans le tableau 12, les doyens de notre étude ont effectué 4.4 pourcent de ce type des activités, investi 6.9 pour cent de leur temps, d'une durée moyenne de 16.9 minutes. Pour leur part, Martin (1980), Berman (1982), Pépin (1987) ont relevé que leurs directeurs y consacrent respectivement 5.1, 2.8, 12.1 pourcent de leur temps, d'une durée moyenne respective de 5.8, 10.0, 5.5 minutes et y ont accompli 3.6, 2.0, et 5.4 pourcent de ce genre d'activités.

      Si les doyens D1 et D4 accordent de l'importance aux tournées d'inspection, les doyens D2 et D3 leur accordent une très grande importance. Le poids accordé à l'importance de ces activités a fait dire aux doyens D2 et D3 qu'il faut s'en rendre compte par soi-même pour s'assurer du bon déroulement des cours seulement. Le tableau 6.2 (annexe 1) nous permet de constater que le doyen D2 y a investi 0.05 pour cent de son temps et 1.5 pour cent dans ce type d'activités. Le tableau 12 indique les quatre doyens ont consacré peu de temps à cette activité, soit 12.0 pourcent de leur temps. Les sujets de Martin (1980), Berman (1982) et Pépin (1986) y ont investi respectivement 7.7, 6.7 et 6.5 pour cent de leur temps. Donaldson (1993, p.6) a rapporté que ses sujets ont consacré 3.1 pourcent de leur temps à cette activité.

      La durée moyenne des tournées de nos quatre doyens observés dans la présente étude est de 12.7 minutes. Martin (1980), Berman (1982), et Pépin (1986) ont rapporté que leurs directeurs d'école y ont passé en moyenne 13.2, 10.3 et 6.6 minutes. Williamson (1987) a noté que ses sujets ont passé 11.4 minutes lors de ces visites. Les doyens de notre étude n'ont accompli que 9.9 pourcent de leurs activités en moyenne lors de ces tournées. Cette proportion des activités est très faible dans les autres études qui sont présentées dans le tableau 12: 2.3 (Martin, 1980), 3.8 (Berman, 1982) et 2.5 pourcent (Pépin, 1986). Williamson (1987) a fait remarquer que les présidents des collèges et d'universités américains ont accompli ainsi 2.0 pourcent de l'ensemble de leurs activités. Donaldson (1993) que ces tournées ont représenté 5.7 pourcent du total des activités de ses sous-directeurs d'unités.

      Divers chercheurs cités par Pépin (1986, p.201) tels Willis (1980), ont remarqué que leurs sujets effectuaient des tournées d'inspection d'une façon inattendue, tandis que Martin (1980), et Morris et al. (1981) ont noté que les personnes observées réalisaient des visites régulières. Dans la présente étude, nos doyens entreprenaient des tournées imprévues soit pour se reposer du travail de bureau et profitaient pour réaliser d'autres activités distinctes à cette occasion. Il faut signaler que le doyen D3, outre ses visites sporadiques, réalisait des tournées régulières chaque après-midi entre 16 et 18 heures.

      Les activités apparentées au support clérical représentent celles auxquelles trois des quatre doyens ont consacré la plus faible partie de leur temps (1.0%) et de leurs activités (1.8%). Celles-ci ont duré en moyenne 6.9 minutes. Selon Kmetz (1982, cité par Pépin, 1986, p.208), le fait pour les sujets de son étude de s'engager dans de telles activités serait l'aboutissement d'un choix personnel. Les directeurs québécois d'écoles secondaires, selon Pépin (1986) y ont investi 1.3 pourcent de leur temps et ont accompli 2.7 pourcent de l'ensemble de leurs activités. La durée moyenne de ce type d'activités a été de 1.2 minutes.

      L'enseignement constitue l'une des activités à recevoir plus d'attention de la part des quatre doyens participant à notre étude. Tous nos doyens sont des professeurs-chercheurs, et, à ce titre, exercent des activités d'enseignement-apprentissage auprès des étudiants de leurs facultés respectives. Les doyens D1, D2 et D4 considèrent cette activité comme étant extrêmement importante; le doyen D3 lui donne une importance relative. Il est important de souligner que les termes de référence des doyens D3 et D4 stipulent qu'ils sont des professeurs-chercheurs à temps plein et qu'ils doivent dispenser des cours relevant directement de leur compétence. Le doyen D2 (voir tableau 6.2) est celui qui y consacre le plus de temps aux cours, soit près de 18.6 heures par semaine.

      Tel qu'indiqué dans le tableau 6.3, dans l'ensemble, les doyens ont investi 21.6 pourcent de leur temps à ce genre d'activités. Les cours dispensés quoiqu'ayant duré en moyenne 128.6 minutes ne représentent que 1.7 pourcent du total des activités. Chez Martin (1980), les sujets ont consacré une très faible partie de leur temps (0.1%) et de leurs activités (0.05%) et cette activité n'a duré que 9.0 minutes.

      Les déplacements hors de la faculté sont également un type d'activités qui consomment beaucoup de temps. Comme l'indique le tableau 6.2 (annexe 1), les doyens D1 et D2 y consacrent beaucoup de temps par rapport aux doyens D3 et D4. Dans l'ensemble, ils y consacrent 33.9 pourcent de leur temps. Un tel résultat est nettement supérieur à ceux des autres recherches présentées dans le tableau 6.3. Martin (1980), Berman (1982), Pépin (1986) ont constaté que leurs sujets y ont investi respectivement 2.2, 2.3 et 4.0 pourcent de leur temps.

      La proportion des activités consacrée par les quatre doyens est de l'ordre de 3.0 pourcent du total. Comme l'indique le tableau 6.3, les autres études ont montré que les sujets ont accompli 0.2, 1.3 et 2.1 pourcent de l'ensemble de leurs activités. La durée moyenne de nos sujets a été de 117.0 minutes contre 29.7 (Martin, 1980), 9.3 (Berman, 1982) et 4.7 minutes (Pépin, 1986). Ce temps plutôt élevé passé par nos doyens dans les déplacements en dehors de la faculté peut s'expliquer par le fait que: en premier lieu, ils doivent rencontrer des représentants d'autres organismes publics, privés et internationaux pour défendre leurs dossiers, solliciter des supports, effectuer un travail de relations publiques, rompre avec l'isolement en collaborant avec d'autres institutions haïtiennes nationales et des organismes internationaux; en second lieu, ils sont un agent d'information pour contrer les déclarations faites par certaines personnes qui présentent leur faculté sous un mauvais jour.

      Aucun des doyens de notre étude ne s'est engagé dans les activités suivantes: l'observation des professeurs en classe qu'ils considèrent comme peu importante vu que, selon eux, ces professeurs sont compétents et souverains dans l'enseignement de leur matière; le contrôle des présences quoiqu'ils lui donnent une certaine importance, ils vont être informés verbalement et rapidement par les étudiants de l'absence d'un professeur; les annonces, la surveillance des étudiants qu'ils estiment non nécessaire.

      Somme toute, il est possible de constater que nos quatre doyens réalisent différents types d'activités dans les limites de leur travail. Les observations révèlent que, dans l'ensemble, les sujets ne présentent pas de différences marquées quant à l'accomplissement des activités, sauf dans les déplacements à l'extérieur de l'organisation où ceux du secteur public présentent un pourcentage plus élevé. De telles observations rejoindraient les résultats de Lau et Pavett (1980) qui indiquent que les gestionnaires du public et du privé accomplissent les mêmes activités en termes de complexité du contenu du travail et de ses caractéristiques, de rôles. En outre, l'analyse comparative des données empiriques et des opinions recueillies auprès de nos sujets fait ressortir des différences entre leurs discours et le temps réellement consacré à une activité. Il faut souligner que l'intérêt pour une activité peut être imputable aux choix personnels de nos doyens.


6.3 Analyse du fichier de correspondance

      Dans ce fichier, tout document produit, lu par les quatre doyens au moment de l'observation a été consigné et étudié dans l'actuelle recherche. Dans l'ensemble, les doyens ont reçu et expédié 77 pièces de correspondance. Le faible flot de courrier enregistré lors de l'observation peut s'expliquer par le fait que nos sujets privilégient de manière régulière les informations verbales, formelles et informelles et de façon non régulière, les informations écrites et formelles. Pour le doyen D3 interrogé, s'il n'existait pas des problèmes de communication téléphonique, la plupart des informations seraient verbales; tout ce qui est de l'administration surtout, c'est le verbal. Il a ajouté que cette période constitue pour lui un moment "terne", qu'il a appelé de "pilotage automatique", lui donnant l'occasion de se déplacer à l'étranger. Les sujets de la présente recherche ont tous manifesté leur désaccord quant à la faible attention et le peu d'intérêt qu'ils attribuent à l'information écrite dans leur travail; le doyen D2 a même souligné que "les documents écrits sont à la base des différentes données". Les documents collectés durant l'observation sont, d'une part, ceux déposés sur le bureau du sujet (dans le cas du Doyen D1), et, d'autre part, ceux archivés par la secrétaire.


6.3.1 Analyse du fichier des intrants

      Le tableau 6.4 présente une analyse du fichier des intrants: le format, l'attention accordée, l'expéditeur, le but, et l'action ayant suivi. Suivant la grille de dépouillement de Brassard et al.(1986), Pépin (1986, pp. 234-236), le tableau 6.4 comporte, à part les totaux, deux chiffres: l'un exprimant le nombre d'intrants de chaque sujet pour une catégorie donnée, l'autre correspondant au pourcentage de ce nombre. En atteste, le cas du doyen D1 qui a reçu 8 lettres au total; celles-ci représentent 67.0 pourcent des 12 pièces reçues au cours de la semaine d'observation. Notons que les pièces de courrier reçu n'ont pas été disponibles pour le doyen D3.

      Le tableau 6.3 signale en premier lieu que nos quatre doyens ont reçu 21 pièces de courrier au total. Ce nombre équivaut à 46.7 pourcent de l'ensemble de leur correspondance. Des chercheurs ont rapporté que des directeurs d'école ont reçu un plus fort volume de courrier qu'ils n'en expédient. En attestent les recherches de Pépin (1986), Berman (1982), et Martin (1980), Willis (1980) ont constaté que les intrants ont représenté respectivement: 70.1, 51.7, 68.1 et 73.2 pourcent du courrier. Les sujets de Williamson (1987) ont reçu près de 84.0 pourcent du courrier.

      Le format des intrants le plus courant utilisé par les expéditeurs est constitué par les lettres, comme l'indique le tableau 6.4. Celles-ci représentent 47.6 pourcent du total des intrants. Il faut mentionner les rapports, les périodiques et autres documents administratifs qui forment respectivement 19.0, 14.3, et 14.3 pourcent des intrants. Dans la rubrique autres, y figurent divers documents tels les certificats médicaux. Les rapports provenaient du personnel administratif et du rectorat; les lettres originaient du gouvernement, d'organismes étrangers de l'extérieur, d'étudiants, d'organisations étatiques. Dans les autres études (Martin, 1980; Willis, 1980; Berman, 1982 in Pépin, 1986, p. 237), on constate aussi que les lettres occupent une place importante parmi les intrants. Williamson (1987) a rapporté que les présidents de collèges et d'universités américains ont reçu 30.4 pourcent d'informations formelles sous forme de lettres et de mémos.

      
Tableau 6.4 : Nombre et pourcentage des intrants par sujet
Catégories Doyen 1 Doyen 2 Doyen 3 Doyen 4 Total Moyenne
Nombre de pièces reçues 12 1 N.D. 8 21 7
Format des intrants
Lettres
Mémo
Rapport
Périodique
Autres

8/67
-
1/8.3
3/25.0
-

1/100
-
-
-
-

-
-
-
-

1/12.5
1/12.5
3/37.5
-
3/37.5

1
1
4
3
3

3.3/47.6
0.3/4.7
1.3/19.0
1/14.3
1/14.3
Attention
Survol
Lecture
Étude

7/58.3
4/33.3
1/8.3

-
1/100
-

-
-
-

-
4/50.0
4/25.0

7
9
5

2.3/33.3
3/42.8
1.6/23.8
Expéditeur
Pairs
Rectorat
Subordonnés
Étudiants
Professeurs
Autres organisations
Gouvernement
Indépendants

-
-
1/8.3
1/8.3
-
8/67.0
1/8.3
1/8.3

-
-
-
-
-
1/100
-
-

-
-
-
-
-
-
-
-

1/12.5
-
-
3/37.5
3/37.5
1/12.5
-
-

1
-
1
4
3
10
1
1

0.3/4.7
-
0.3/4.7
1.3/19.0
1/14.3
3.3/47.6
0.3/4.7
0.3/4.7

      N.B.- N.D. signifie non disponible

      
Tableau 6.4 (suite) : Nombre et pourcentage des intrants par sujet
Catégories Doyen 1 Doyen 2 Doyen 3 Doyen 4 Total Moyenne
But
Requête statutaire/sollicitation
Donne de l'information
Demande de l'information
Demande avis
Autres

5/41.7
3/25.0
1/8.3
-
3/25.0

1/100
-
-
-
-

-
-
-
-
-

1/12.5
3/37.5
1/12.5
3/37.5
-

7
6
2
3
3

2.3/33.3
2/28.6
0.7/9.5
1/14.3
1/14.3
Action
Initie une interaction
Convertit en extrant
Fait suivre
Adresse une note
Classe
Élimine
Retient pour utilisation ultérieure
Retourne une réponse

1/8.3
-
3/25.0
-
3/25.0
-
2/16.7
3/25.0

-
-
-
-
-
-
1/100
-

-
-
-
-
-
-
-
-

-
1/12.5
3/37.5
-
3
-
1/12.5
-

1
1
6
-
6
-
4
3

0.3/4.7
0.3/4.7
2/28.6
-
2/28.6
-
1.3/19.0
1/14.3

      Le tableau 6.4 indique l'attention que les doyens ont donné aux différents items reçus. 42.8 pourcent du courrier ont été lus par les sujets, contre 33.3 pourcent pour le survol du courrier et 23.8 pourcent des documents étudiés.

      Les doyens ont reçu du courrier de huit catégories de personnes différentes. Comme l'indique le tableau 6.4, les organisations externes locales ou internationales viennent en-tête avec 47.6 pourcent du total des expéditeurs. On constate que les étudiants et les professeurs, forment ensemble 33.3 pourcent, ce qui constitue une proportion non négligeable. On notera que les pairs, le rectorat, les subordonnés, des indépendants représentent une source peu fréquente d'expéditeurs. Pépin (1986) a indiqué que les adjoints, les enseignants et les secrétaires formaient une portion considérable des expéditeurs, soit 73 pourcent. Martin (1980), Berman (1982) ont rapporté que les enseignants avec d'autres ont alimenté la plus grande partie de la correspondance en information formelle. Par contre d'autres chercheurs Mintzberg, 1973, Duignan, 1979; Pitner, 1979, Snyder et Glueck, 1980 ont observé que les informations écrites provenaient en majorité de l'externe. Williamson (1987) a abondé dans le même sens parce que ses sujets ont communiqué le plus souvent avec des personnes extérieures, soit 66.0 pourcent du total des sources.

      Le tableau 6.4 montre que 33.3 pourcent de la correspondance avaient pour but des requêtes statutaires, sollicitant des doyens des postes, des appuis. En deuxième position, 28.6 pourcent du courrier transmettaient de l'information aux sujets de la présente étude. Dans les autres études [Pépin (1986), Martin (1980), Berman (1982)], la transmission de l'information est le but le plus élevé de la correspondance. Williamson (1987) a aussi des conclusions similaires car ses sujets; 63.3 pourcent des cas de la correspondance avaient pour but de les informer. Mintzberg (1973), Duignan (1979), Pitner (1979), Snyder et Glueck (1980) (cités par Pépin, p. 240) ont fait état également d'une forte partie du courrier transmettant de l'information mais aussi des requêtes statutaires.

      Le courrier reçu a nécessité de la part des doyens des actions répertoriées dans le tableau 6.4. Parmi ces actions à caractère immédiat, l'on peut retenir l'interaction, l'acheminement pour des suites à donner qui totalisent 33.3 pourcent de la correspondance. 28.6 pourcent ont été classés et 19.0 pourcent retenus pour une utilisation ultérieure, 4.7 pourcent seront convertis en extrants. Pépin (1986) a rapporté que 80 pourcent des items reçus ont été convertis en interaction, ou acheminés à une autre personne, ou éliminés.


6.3.2 Analyse du fichier des extrants

      Le tableau 6.5 propose une analyse du courrier produit par les quatre doyens. Cette analyse comporte, comme précédemment, cinq parties distinctes: le format des extrants, son destinataire, son but, l'attention accordée, et l'action entreprise pour chaque élément de la correspondance. Dans le tableau, chaque catégorie présente des entrées doubles: le premier nombre correspondant à un total et le second au pourcentage d'items enregistrés par chaque doyen.

      Un survol du tableau 6.5 montre que le doyen D1 a produit plus de 62.5 pourcent de toutes les pièces expédiées contrairement à ces trois pairs pris tous trois ensemble. Au total, les quatre doyens ont généré 56 pièces de courrier. Ces derniers auront donc expédié près du double du courrier reçu. D'autres recherches effectuées ont plutôt mis en évidence le fait que des responsables d'organisations éducatives ont plus reçu de courrier qu'ils n'en ont produit. Mintzberg (1973), Duignan (1979), Martin (1980), Willis (1980), Berman (1982), Pépin (1986), Williamson (1987) ont tous fait le même constat, à savoir la composante intrant est plus élevée que celle de l'extrant.

      Le tableau 6.5 montre la distribution par type des items expédiés. Le format d'extrants qui est le plus utilisé (33.9%) est formé par les relevés de notes, les certificats et les attestations. Ceci s'explique parce que, lors de notre période d'observation, le doyen D1 a signé un nombre élevé de ce type d'extrants. En seconde position, on retrouve un extrant formel, les lettres (26.7%). Si l'on regroupe les lettres et les mémos, on constate qu'à eux deux ces extrants formels représentent 37.4 pourcent du total du courrier expédié. En d'autres termes, ils sont classés en première position par rapport aux relevés et autres.

      
Tableau 6.5 : Nombre et pourcentage des extrants par sujet
Catégories Doyen 1 Doyen 2 Doyen 3 Doyen 4 Total Moyenne
Nombre de pièces expédiées 35 4 9 8 56 14.0
Format des extrants
Lettres
Mémos
Relevés de notes, certificats, attestations
Suivi lettres/demandes
Suivi rapports
Chèques

3/12.5
1/2.8
13/54.2
8/33.3
-
10/29.4

3/75
-
-
1/25.0
-
-

8/89
1/12.5
1/11.1
-
-
-

1/12.5
4/50.0
5/62.5
1/12.5
1/12.5
-

15
6
19
10
1
10

3.7/26.7
1.5/10.7
4.7/33.9
2.5/17.8
0.25/1.8
2.5/17.8
Destinataire
Supérieurs
Professeurs
Étudiants
Subordonnés
Autres organisations
Gouvernement

-
1/2.8
20/57.1
11/31.4
1/2.8
1/2.8

2/50.0
-
-
1/25.0
1/25.0
-

1/11.1
1/11.1
-
1/11.1
6/66.7
-

4/50.0
-
-
-
-
-

7
2
20
13
8
1

1.75/12.5
0.5/3.6
5/35.7
3.25/23.2
2/14.3
0.25/1.8
Attention
Écrit
Signe
Dicte
Dactylographie

-
34
-
1

-
4
-
-

-
9
-
-

1
7
-
-

1
54
-
1

0.25/1.8
13.5/96.4
-
0.25/1.8

      
Tableau 6.5 (suite) : Nombre et pourcentage des extrants par sujet
Catégories Doyen 1 Doyen 2 Doyen 3 Doyen 4 Total Moyenne
But
Donner de l'information
Approuver une requête
Solliciter une décision
Faire part d'une décision

1/2.8
33/94.2
-
1/2.8

1/25.0
-
3/75.0
-

9/100.0
-
-
-

4/50.0
-
3/37.5
1/12.5

15
33
6
2

3.7/26.8
8.2/59.0
1.5/10.7
0.25/3.6
Action
Initie une interaction
Fait suivre
Adresse une note

-
32/91.4
3/8.6

-
-
4/100.0

5/55.6
-
4/44.4

1/12.5
4/50.0
3/37.5

6
36
14

1.5/10.7
9.0/64.3
3.5/25.0

      D'autres chercheurs tels Martin (1980), Pépin (1986) ont rapporté que les notes constituaient les items les plus prépondérants respectivement 65.1 et 50.6 pourcent. De leur côté, Willis (1980), Berman (1982), Williamson (1987) ont noté que leurs sujets ont fait un usage plus fréquent de lettres, de mémos respectivement 78.0, 39.1, et 79.8 pourcent. Mintzberg (1973), Duignan (1979), Pitner (1979), Snyder et Glueck (1980) ont eux aussi remarqué que les lettres, les mémos et les rapports constituent des instruments privilégiés dans la transmission des informations écrites.

      Selon Pépin (1986, p.247), ces préférences constatées chez les uns et les autres trouveraient leur explication dans le choix d'un extrant formel pour certains sujets ou d'un extrant plus personnel ou privé qu'ils s'adressaient eux-mêmes pour d'autres. Williamson (1987, p.181) a quant à elle fait remarquer que les présidents de collèges et d'universités américains ont préféré toute correspondance formellement dactylographiée ou imprimée au lieu des notes écrites à la main même si cela concernait des affaires personnelles.

      Comme indiqué au tableau 6.5, les étudiants sont les principaux destinataires (35.7 pourcent) de toute la correspondance, suivis des subordonnés (23.2 pourcent), des autres organisations (14.3 pourcent) et des supérieurs (12.5 pourcent). Martin (1980), Pépin (1987) ont relaté que leurs sujets se sont expédiés à eux-mêmes une grande partie de la correspondance. Williamson (1987, p.182) a remarqué que 63 pourcent du courrier de ses sujets étaient envoyés à des personnes extérieures et 36.8 pourcent allaient à des subordonnés.

      Les personnes évoluant dans l'organisation éducative ont été les plus gros récepteurs de correspondance de la part des directeur/trices. En attestent les études de Martin (1980), Berman (1982), Pépin (1986). Par ailleurs, celles de Mintzberg (1973), Duignan (1979), Pitner (1979), Snyder et Glueck (1980) ont fait état de la propension des cadres à diriger leur courrier vers leurs subordonnés mais aussi les personnes extérieures (entre 19 et 44 pourcent).

      Le tableau 6.5 montre que les doyens de la présente étude ont visé quatre buts distincts lors de la production de la correspondance. La majeure partie de leur courrier concernait des requêtes à approuver (59.0 pourcent) contre 26.8 pourcent pour la transmission de l'information. En regard du but, l'on peut comprendre pourquoi les étudiants et les subordonnés sont les principaux destinataires du courrier. Williamson (1987, p. 183) a rapporté le but principal de la correspondance de ses sujets consistait en des remerciements, des relations publiques, des félicitations (47.4 pourcent)...

      Comme indiqué au tableau 6.5, les doyens ont apposé leur signature dans 96.4 pourcent des cas sur une pièce à expédier. Pour Pépin (1986), le fait de faire ce geste constituerait une autre manière de rédiger pour les directeurs de son étude, soit 97.0 pourcent de tous les extrants.

      L'action qui a connu le plus haut pourcentage est le "fait suivre", soit 64.3 pourcent.. Vient immédiatement après la note adressée à quelqu'un, soit 25.0 pourcent de leur correspondance. Berman (1982) a noté des résultats similaires chez ses directrices, soit 85.6 pourcent de la correspondance. Par contre, Martin (1980), et Pépin (1987) ont rapporté que l'action "retenu pour utilisation ultérieure" avait la préférence de leurs sujets, même si elle est suivie de près par le "fait suivre".


6.3.3 Analyse du fichier de contact

      Comme le présente le tableau 6.2 (annexe 1), le travail des doyens ayant participé dans la présente étude laisse voir que ceux-ci s'engagent dans de nombreuses activités nécessitant des interactions avec les gens.

      Dans les tableaux 6.6 à 6.9, une analyse des activités dans lesquelles interagissent les doyens est effectuée selon le type de contact : les échanges, les rencontres formelles (incluant celles tant internes qu'externes), les rencontres informelles, les conversations téléphoniques, les cours dispensés, les tournées d'inspection. Pour ce faire, la prise en compte de l'initiateur du contact, du nombre de participants, de l'identité de ces derniers, de l'endroit et des but(s) de cette activité est étudiée.

      
Tableau 6.6 : Analyse des échanges: Nombre et pourcentage des activités par sujet
Catégories Doyen 1 Doyen 2 Doyen 3 Doyen 4 Total Moyenne
Nombre d'échanges 69 3 92 54 218 54.5
Initiation
Doyen
Interlocuteur
Mutuellement

13/18.8
54/78.2
2/2.9

1/33.3
2/66.7
-

30/32.6
59/64.1
3/3.3

5/9.3
49/90.7
-

49
164
5

12.2/22.5
41.0/75.2
1.2/2.3
Nombre de participants
1
2
3-5


69/100.0
-
-


3/100.0
-
-


90/97.8
1/1.1
1/1.1


54/100.0
-
-


216
1
1


54/99.0
0.2/0.5
0.2/0.5
Participants
Supérieurs
Vice-doyens
Pairs
Professeurs
Étudiants
Comptable
Secrétaire personnelle
Autres secrétaires
Autres personnels
Autres personnes de l'extérieur

-
2/2.9
-
1/1.4
18/26.6
4/5.8
30/43.5
-
13/18.8
1/1.4

-
-
-
1/33.3
1/33.3
-
-
-
1/33.3
-

1/1.1
-
-
20/21.7
19/20.6
-
46/50.0
1/1.1
3/3.3
2/2.2

4/7.4
-
-
10/18.5
9/16.7
-
22/40.7
1/1.8
4/7.4
4/47.4

5
2
-
32
46
4
98
2
21
7

1.2/2.3
0.5/0.9
-
8.0/14.7
11.5/21.1
1.0/1.8
24.5/44.9
1.2/2.3
5.2/9.6
1.7/3.2

      
Tableau 6.6 (suite) : Analyse des échanges: Nombre et pourcentage des activités par sujet
Catégories Doyen 1 Doyen 2 Doyen 3 Doyen 4 Total Moyenne
Localisation
Bureau du doyen
Allées ou institution
Salle de conférence
Secrétariat

64/92.7
-
-
5/7.2

2/66.6
1/33.4
-
-

54/58.7
4/4.3
-
34/36.9

44/81.4
4/7.4
-
6/11.1

164
9
-
45

41/75.2
2.2/4.1
-
11.2/20.6
But
Recevoir de l'information
Donner de l'information
Donner des directives
Demander de l'information
Recevoir une question
Recevoir une requête
Donner son approbation
Demander un service
Contact social
Personnel

33/47.8
10/14.5
9/13.0
2/2.9
1/1.4
18/26.0
1/1.4
1/1.4
-
-

1/33.3
1/33.3
-
-
2/66.7
2/66.7
-
-
2/66.7
-

19/20.6
20/21.7
14/15.2
4/4.3
2/2.2
8/8.7
-
4/4.3
16/17.4
3/3.3

15/27.8
12/22.2
7/12.9
-
1/1.8
5/9.3
-
-
3/5.5
7/12.9

68
43
30
6
6
33
1
5
21
10

17.0/31.2
10.7/19.7
7.5/13.8
1.5/2.7
1.5/2.7
8.2/15.1
0.2/0.4
1.2/2.3
5.2/9.6
2.5/4.6

      Les activités d'ordre personnel ne faisant pas partie du travail des doyens ne sont pas retenues dans la présente analyse. Les activités de type clérical n'ont pas été retenues à cause de leur but inexplicable.

      Nous effectuerons des comparaisons toutes les fois qu'il s'avère possible avec les recherches de Martin (1980), Berman (1982), Pépin (1986), Williamson (1987) et Donaldson (1993). Les études de Martin (1980), Berman (1982), Pépin (1986) ont fait montre d'un assez fort degré de raffinement de l'analyse du travail des administrateurs scolaires, lesquelles facilitent le parallèle entre la présente étude et les leurs.

      Les échanges

      Les échanges constituent l'activité la plus courante utilisée par les quatre doyens même les sujets y ont investi que 2.8 pourcent de leur temps et ont consacré 22.6 pourcent du total de leurs activités. Tel qu'indiqué au tableau 6.6, 218 échanges ont été répertoriés lors des quatre semaines d'observation. Ce tableau comporte les catégories suivantes: la partie initiatrice des échanges, le nombre et l'identité des participants, la localisation de ceux-ci, le ou les but(s) recherchés.

      Comme pour le fichier de correspondance, chaque catégorie présente une double entrée: le premier nombre désignant le nombre d'échanges effectués par le doyen en question, le second nombre indiquant le pourcentage des échanges réalisés par le sujet. En atteste le cas du doyen D1 qui a eu 18 échanges avec ses étudiants lors de l'observation, ceci exprime 26.1 pourcent de ceux-ci. Il faut aussi souligner que les sujets ont réalisé plus d'un but pour une même activité; en conséquence le nombre des buts est donc supérieur au nombre total des activités.

      Le tableau 6.6 révèle que les doyens ont initié nettement moins d'échanges que leurs locuteurs. Cette conclusion est partagée par les études de Pépin (1986), Berman (1982) qui ont noté que leurs administrateurs scolaires ont engagé moins d'échanges que la partie opposée. Cependant Martin a relaté que plus de la moitié a été initiée par ses sujets. Par ailleurs, Willliamson (1987) et Donaldson (1993) ont rapporté que leurs sujets ont initié la plus grande part des activités, soit respectivement 72.1 et 62.1 pourcent.

      Tel qu'indiqué dans le tableau 6.6, les quatre doyens se sont engagés majoritairement dans des échanges avec une seule personne dans l'ensemble, 99.0 pourcent. Pépin (1986, p.258) a abondé dans le même sens dans son étude, soit 87.6 pourcent. Williamson (1987) a également noté que ses sujets ont réalisé 47.6 pourcent en compagnie d'un seul individu à la fois et 38.5 pourcent avec deux personnes. On ne retrouve aucune information concernant cet aspect dans les études Martin (1980), Berman (1982). Les interlocuteurs les plus fréquents dans ce type d'activités sont: les secrétaires, les étudiants, les professeurs et les autres membres du personnel. Ces catégories de participants ont totalisé à eux seuls 90.3 pourcent des échanges effectués par les doyens. Mis à part les adjoints qui ne figurent pas dans la présente étude, Martin (1980), Berman (1982), Pépin (1986) ont noté aussi que les trois premiers ont occupé une part importante dans la réalisation des échanges, près de 70 pourcent.

      Mentionnons également que les autres groupes de participants représentent une part modeste dans les échanges. Cependant, pour les doyens D1 et D2, les autres personnels occupent une proportion relativement importante, respectivement: 18.8, 33.3 pourcent. Soulignons que chez le doyen D1, les professeurs ont peu échangé avec lui, soit 1.4 pourcent du total.

      La localisation principale de ces échanges a été le bureau du doyen (75.2 pourcent), mais le secrétariat a constitué aussi un lieu où les sujets pouvaient échanger des propos rapidement (20.6 pourcent). Les allées ou d'autres endroits de l'institution ont représenté une part très faible (4.1 pourcent) dans les échanges. Martin (1980), Berman (1982), Pépin (1986) ont observé des résultats plutôt analogues.

      Ces communications ont poursuivi un certain nombre de buts. Parmi les plus fréquents, il faut retenir: recevoir de l'information, donner de l'information, recevoir une requête, donner des directives, et le contact social. Ces quatre buts forment à eux seuls 84.4 pourcent de ces brèves activités effectuées par les quatre doyens. Les activités ont permis d'atteindre d'autres buts moins courants tels demander de l'information, recevoir une question, donner son approbation, demander un service et parler de questions personnelles. Ces types de buts sont partagés par Pépin (1986). Cependant celui-ci (1986, p.260) a fait remarquer que Martin (1980), Berman (1982) à l'instar de Mintzberg ont alloué un unique but à une activité. Or les observations effectuées lors de l'actuelle étude ont permis de mettre en évidence qu'au cours d'une même activité plusieurs buts peuvent être poursuivis. Ce point de vue est partagé par Brassard et al. (1986). En outre, certaines catégories identifiées lors la présente recherche ont fait ressortir que les sujets, comme l'a souligné (Pépin, 1986, p.261), ne peuvent pas, de par leur position statutaire, ne pas faire de contact social, donner une suggestion ou une directive.

      Les rencontres formelles

      Dans cette catégorie, pour la commodité de la présentation, le chercheur a décidé d'inclure les réunions effectuées par les sujets hors de la faculté pour le compte de l'institution. Ces réunions formalisées externes font partie du travail des doyens qui, pour le bon fonctionnement de l'organisation, doivent soit faire la promotion, soit de la négociation, ou de la planification. Tel qu'indiqué au tableau 6.2 (annexe 1), ces rencontres représentent 5.0 pourcent des activités des quatre doyens. Par contre, elles comptent 51.0 pourcent de l'ensemble des activités accomplies par les sujets et leur durée moyenne a été de 113.0 minutes. Les thèmes abordés lors de ces réunions sont d'un niveau plus élevé en termes stratégiques pour l'avenir de l'établissement.

      Le tableau 6.7 fournit une analyse des rencontres formelles. Celles-ci sont présentées de cinq manières différentes. Ainsi, on peut distinguer: la partie initiatrice de la rencontre, le nombre et le type des participants, le lieu des rencontres, et le ou les but(s) réalisés. Comme pour le tableau 6.6, une double entrée apparaît dans le tableau 6.7 signifiant le premier nombre, la somme et le second, le pourcentage de chacune des subdivisions sur le total des activités: par exemple, le doyen 1 initie neuf des rencontres, soit 60.0 pourcent de l'ensemble de celles-ci. Comme déjà mentionné, le résultat du premier nombre et du pourcentage est supérieur au nombre total des activités et à 100.0 pourcent vu que plus d'un but a été poursuivi et enregistré lors de ces rencontres.

      
Tableau 6.7 : Analyse des rencontres formelles: Nombre et pourcentage des activités par sujet
Catégories Doyen 1 Doyen 2 Doyen 3 Doyen 4 Total Moyenne
Nombre de rencontres formelles 15 18 4 2 39 9.7
Initiation
Doyen
Interlocuteurs
Mutuellement

9/60.0
2/13.3
4/26.7

10/55.5
5/27.8
3/16.7

3/75.0
1/25.0
-

1/50.0
1/50.0
-

23
9
7

5.7/59.0
2.3/23.0
1.7/18.0
Nombre de participants
1
2
3-5
Plus de 5 personnes


4/26.7
-
6/40.0
5/33.3


2/11.1
-
4/22.2
12/66.7


2/50.0
-
-
2/50.0


-
-
1/50.0
1/50.0


8
-
11
20


2/20.5
-
2.7/28.2
5.0/51.3
Participants
Supérieurs
Vice-doyens
Pairs
Professeurs
Étudiants
Comptable
Secrétaire personnelle
Autres secrétaires
Autres personnels
Autres personnes de l'extérieur

-
2/13.3
1/6.7
1/6.7
1/6.7
-
-
-
2/13.3
8/53.3

-
-
2/11.1
4/22.2
-
-
-
-
1/5.6
11/61.1

-
-
1/25.0
-
1/25.0
-
-
-
-
2/50.0

-
-
-
1/50.0
-
-
-
-
-
1/50.0

-
2
4
6
2
-
-
-
3
22

-
0.5/5.1
1/10.3
1.5/15.4
0.5/5.1
-
-
-
0.7/7.7
5.5/56.4

      
Tableau 6.7 (suite) : Analyse des rencontres formelles: Nombre et pourcentage des activités par sujet
Catégories Doyen 1 Doyen 2 Doyen 3 Doyen 4 Total Moyenne
Localisation
Bureau du doyen
Allées ou institution
Salle de conférence
Secrétariat
Hors de l'organisation

4/26.7
-
3/20.0
-
8/53.3

1/5.6
4/22.2
2/11.1
-
11/61.1

-
1/25.0
-
-
3/75.0

-
-
1/50.0
-
1/50.0

5
5
6
-
23

1.2/12.8
1.2/12.8
1.5/15.4
-
5.7/59.0
But
Recevoir de l'information
Donner de l'information
Donner des directives
Demander de l'information
Recevoir une question
Recevoir une requête
Donner son approbation
Demander un service
Planifier
Faire le suivi
Négocier
Contact social
Personnel

4/26.7
4/26.7
-
-
-
-
-
-
6/40.0
-
6/40.0
2/13.3
1/6.7

5/27.8
8/44.4
-
-
-
-
1/5.6
-
2/11.1
7/38.8
1/5.5
1/5.5
-

2/50.0
3/75.0
-
-
1/25.0
-
-
-
1/25.0
-
1/25.0
1/25.0

1/50.0
1/50.0
-
-
-
-
-
-
2/100.0
-
-
-
-

12
16
-
-
1
-
1
-
18
7
8
4
1

3/30.8
4/41.0
-
-
0.25/2.6
-
0.25/2.6
-
4.5/46.2
1.75/17.9
2/20.5
1/2.6
0.25/2.6

      Le tableau 6.7 révèle que les doyens sont très pro-actifs quant à l'initiation de ce type d'activités (59.0 pourcent). Ceci semble s'expliquer par le fait que les sujets se trouvent en contrôle de leur temps, et doivent rechercher des moyens pour le développement de leur faculté. Le reste des rencontres se distribue entre les interlocuteurs initiant 23.0 pourcent et "mutuellement", 18.0 pourcent des activités. Martin (1980) a constaté que ses répondants y ont initié 67.5 pourcent. Berman (1982) et Pépin (1987) ont noté que leurs sujets ont initié près de la moitié des rencontres, ceci irait dans le sens des données de la présente recherche.

      Comme le montre le tableau 6.7, 51.3 pourcent de ces rencontres se passent entre les doyens et plus de 5 personnes et l'autre moitié se partage entre les proportions 3-5 personnes et une personne, soit respectivement 28.5, 20.5 pourcent. Par contre, Martin (1980), Berman (1980), et Pépin (1987) ont rapporté des conclusions contraires, à savoir que la moitié des rencontres a eu lieu entre leurs sujets et une seule personne et l'autre moitié avec des petits et grands groupes d'individus.

      Les personnes extérieures jouent un rôle important dans la participation de ces rencontres, soit 56.4 pourcent. Les pairs et les professeurs constituent l'autre cohorte importante (respectivement 10.3 et 15.4 pourcent) des réunions formelles. D'autres catégories de participants ont rencontré les doyens tels les vice-doyens, les étudiants et les autres personnels. Dans les recherches de Martin (1980), Berman (1980), et Pépin (1987), les sujets ont eu à rencontrer aussi d'autres personnes externes à l'organisation, mais ceux-ci représentaient une infime proportion.

      La plupart des rencontres informelles auxquelles ont participé les doyens ont eu lieu hors de l'organisation. Dans le tableau 6.7, 59.0 pourcent des réunions se sont passées à l'extérieur de la faculté. Le reste, soit au total 41.0 pourcent, est réparti entre la salle de conférence, le bureau du doyen et d'autres endroits de la faculté. Par contre, les sujets de Martin (1980), Berman (1980), et Pépin (1987) ont rapporté des résultats contraires, savoir le bureau des sujets qui représente le lieu de prédilection des rencontres formelles.

      Le tableau 6.7 montre que, lors des rencontres formelles, les doyens ont poursuivi plusieurs buts. Les buts visant à planifier, donner de l'information ont été les plus courants lors des réunions. Mais d'autres buts tels recevoir de l'information et négocier, soit près de 50.0 pourcent ont été présents dans la plupart des rencontres. Les doyens ont également fait un contact social, ou personnel, donné leur approbation, reçu une question dans des proportions réduites, soit 2.6 pourcent. Le doyen D1 a surtout négocié et planifié; le doyen D2 a donné de l'information et fait du suivi; le doyen D3 a plutôt donné de l'information; le doyen D4 a prioritairement planifié.

      C'est chez les sujets de Martin (1980), et Berman (1982) qu'on peut constater que les rencontres formelles ont eu pour but de planifier, respectivement (37.3, et 14.5 pourcent). Donner de l'information (Pépin, 1986) ou partager de l'information (Martin, 1980; Berman, 1982) ont représenté respectivement chez leurs sujets 84.8, 37.3, et 38.5 pourcent. En outre, dans les études de Martin (1980) et Berman (1982), les administrateurs scolaires ont évalué les professeurs, but qui n'a pas été poursuivi chez ceux de Pépin (1987).

      Les rencontres informelles

      Ce type d'activités constitue la quatrième activité la plus courante chez les doyens. Comme le montre le tableau 6.2 (annexe 1), ces derniers lui ont consacré 12.2 pourcent de leur temps et elles ont représenté 12.0 pourcent de l'ensemble de leurs activités.

      Le tableau 6.8 fournit une analyse des rencontres informelles. Il présente le nombre et le pourcentage de réunions informelles auxquelles les doyens ont participé. Le cadre comporte cinq parties: les personnes initiatrices des rencontres, le nombre et l'identité des participants, les lieux de déroulement des rencontres et les buts réalisés durant celles-ci. Pour chaque subdivision, des entrées doubles ressortent du tableau 6.8: le premier nombre représentant le total des rencontres informelles répertoriées pour un doyen, le second indiquant le pourcentage du nombre des rencontres. Par exemple, le doyen D1 a fait des rencontres ayant une seule personne, soit un total de 18 rencontres, pour un pourcentage de 78.3 de l'ensemble des activités.

      
Tableau 6.8 : Analyse des rencontres informelles: Nombre et pourcentage des activités par sujet
Catégories Doyen 1 Doyen 2 Doyen 3 Doyen 4 Total Moyenne
Nombre de rencontres informelles 23 7 35 30 95 23.75
Initiation
Doyen 1/4.3 1/14.3 12/34.3 10/33.3 24 4/25.3
Interlocuteurs 21/91.3 6/85.7 23/65.7 20/66.7 70 17.5/73.7
Mutuellement 1/4.3 - - - 1 0.25/1.0
Nombre de participants
1 18/78.3 7/100.0 31/88.6 23/76.7 79 19.7/83.2
2 4/17.4 - 2/5.7 2/6.7 7 1.7/7.4
3-5 1/4.3 - 2/5.7 5/16.6 7 1.7/7.4
Plus de 5 personnes - - - - - -
Participants
Supérieurs - - 8/22.9 2/6.7 10 2.5/10.5
Vice-doyens 6/26.1 - - - 6 1.5/6.3
Pairs - - - 2/6.7 2 0.5/2.1
Professeurs 7/30.4 3/42.8 11/31.4 9/30.0 30 7.5/31.6
Étudiants 6/26.1 3/42.8 6/17.1 10/33.3 25 6.2/26.3
Comptable 2/8.7 - - - 2 0.5/2.1
Secrétaire personnelle - - 6/17.1 3/10.0 9 2.25/9.5
Autres secrétaires - - - - - -
Autres personnels 1/4.3 1/14.3 1/2.8 3/10.0 6 1.5/6.3
Autres personnes de l'extérieur 1/4.3 - 3/8.6 1/3.3 5 1.25/5.3

      
Tableau 6.8 (suite) : Analyse des rencontres informelles: Nombre et pourcentage des activités par sujet
Catégories Doyen 1 Doyen 2 Doyen 3 Doyen 4 Total Moyenne
Localisation
Bureau du doyen
Allées ou institution
Salle de conférence
Secrétariat
Hors de l'organisation

23/100.0
-
-
-
-

7/100.0
-
-
-
-

24/68.6
6/17.1
-
5/14.3
-

20/66.7
5/16.7
-
5/16.6
-

74
11
-
10
-

18.5/78.0
2.7/11.5
-
2.5/10.5
But
Recevoir de l'information
Donner de l'information
Donner des directives
Demander de l'information
Recevoir une question
Recevoir une requête
Donner son approbation
Recevoir suggestion
Demander un service
Planifier
Faire le suivi
Concilier
Encadrer
Contact social
Personnel

8/34.8
5/21.7
7/30.4
-
1/4.3
3/13.0
2/8.7
1/4.3
1/4.3
1/4.3
-
-
-
1/4.3
1/4.3

2/28.6
2/28.6
1/14.3
-
-
1/14.3
1/14.3
-
-
-
-
-
-
-
-

9/25.7
10/28.6
3/8.6
-
-
4/11.4
2/5.7
-
7/20.0
-
1/2.8
1/2.8
-
-
-

6/20.0
14/46.7
2/6.7
2/6.7
-
4/13.3
-
1/3.3
1/3.3
1/3.3
-
1/3.3
3/10.0
2/6.7
1/3.3

26
31
13
2
1
12
5
2
2
2
1
2
3
3
2

6.5/27.4
7.7/32.6
3.2/13.7
0.5/2.1
0.25/1.0
4/12.6
1.25/5.3
0.5/2.1
0.5/2.1
0.5/2.1
0.25/1.0
0.5/2.1
0.75/3.2
0.75/3.2
0.5/2.1

      La somme du nombre et du pourcentage des buts dans le tableau 6.8 est supérieure au nombre total des rencontres informelles ou à 100.0 pourcent, étant donné que les doyens ont poursuivi plusieurs buts au même moment.

      Comme le montre le tableau 6.8, les participants à ces rencontres informelles ont été les principaux initiateurs de celles-ci: la partie opposée a donc été à l'origine de 73.7 pourcent des rencontres. Les doyens n'ont initié que le quart de ces dernières. Berman (1982) et Pépin (1986) ont rapporté des résultats similaires: les autres ont été les initiateurs des rencontres informelles, respectivement 64.4 et 63.6 pourcent tandis que leurs administrateurs scolaires n'ont conduit que respectivement 34.9 et 34.2 pourcent. Par contre, Martin (1980) a plutôt noté que ses sujets ont pris l'initiative de 52.7 pourcent des rencontres informelles et les autres, 47 pourcent.

      Les quatre doyens ont participé à 83.2 pourcent des rencontres informelles avec une seule autre personne. Les données d'observation révèlent que le doyen D1 s'est retrouvé en compagnie de 2 personnes, soit 17.4 pourcent alors que le doyen D4 s'est engagé dans des rencontres informelles avec des groupes de 3 à 5 personnes, soit 16.6 pourcent. Martin (1980), Berman (1982) et Pépin (1986) sont arrivés à des conclusions similaires relatives au travail de leurs sujets. En effet, ces derniers ont accompli respectivement 81.9, 82.8, et 79.2 pourcent de leurs réunions informelles avec une seule personne.

      Le tableau 6.8 montre que les étudiants, les professeurs, les supérieurs, la secrétaire personnelle constituent les quatre groupes de personnes qui ont rencontré informellement le plus souvent les doyens. Ensemble ceux-ci représentent 77.9 pourcent des participants.

      Les rencontres informelles - 78.0 pourcent - se sont déroulées dans le bureau des doyens. Les allées ou le reste de l'institution forment 11.5 pourcent et le secrétariat 10.5 pourcent des lieux de rencontres informelles. Chez Pépin (1986), 58.7 pourcent de ces rencontres se sont réalisés dans le bureau des sujets. Chez Martin (1980) et Berman (1982), les bureaux représentent respectivement 58.5 et 70.5 pourcent de ces activités. Le secrétariat et d'autres endroits de l'institution (corridors, places d'accueil, autres bureaux, salle de conférence, salle des professeurs, salles de classe, auditorium, bibliothèque, cafétéria) ont constitué des lieux de rencontres informelles.

      Ces rencontres informelles ont donné aux doyens l'occasion de donner de l'information, d'en recevoir, de donner des directives et de recevoir une requête (tableau 6.8). Trois des quatre doyens ont donné leur approbation ou demandé un service. Par contre, deux d'entre eux ont réalisé un contact social, une activité personnelle, fait une planification, reçu une suggestion alors qu'un seul a demandé de l'information. Chez Pépin (1986), les sujets ont principalement donné, reçu et demandé de l'information, établi un contact social et donné des directives. Par contre, Martin (1980) et Berman (1982) ont rapporté que les rencontres informelles ont surtout eu pour objet le transfert d'information.

      Les contacts téléphoniques

      Les contacts téléphoniques constituent la troisième activité à laquelle les doyens se sont adonnés. Tel qu'il est signalé au tableau 6.2 (annexe 1), les données montrent que ces contacts représentent 15.9 pourcent de l'ensemble des activités des doyens et 6.8 pourcent du temps consacré à leur travail.

      Le tableau 6.9 fournit une analyse des contacts téléphoniques. Quatre parties composent le cadre de réflexion sur ces derniers: l'origine de l'initiation, l'identité des participants, la localisation de ces interactions, et les buts réalisés lors de celle-ci. La catégorie relative au nombre des participants a été éliminée parce que les sujets ont interagi via ce médium avec une seule personne. Les entrées doubles figurant au tableau 6.9 révèlent respectivement le nombre et le pourcentage de contacts téléphoniques répertoriés pour chacun des doyens à l'intérieur de chaque sous-catégorie. C'est le cas du doyen D4 qui a effectué 27 contacts téléphoniques lesquels représentent 67.5 pourcent du total des activités. Comme déjà souligné, le total du nombre et du pourcentage des buts est supérieur au nombre total des contacts et à 100.0 pourcent étant donné que plus d'un but a été atteint lors de chaque activité.

      
Tableau 6.9 : Analyse des contacts téléphoniques: Nombre et pourcentage des activités par sujet
Catégories Doyen 1 Doyen 2 Doyen 3 Doyen 4 Total Moyenne
Nombre des contacts téléphoniques
26

10

50

40

126

31.5
Initiation
Doyen
Interlocuteurs
Mutuellement

10/38.5
16/61.5
-

-
10/100.0
-

12/24.0
38/76.0
-

27/67.5
13/32.5
-

49
77
-

12.2/38.9
19.2/61.1
-
Participants
Supérieurs
Pairs
Professeurs
Étudiants
Comptable
Secrétaire personnelle
Autres secrétaires
Autres personnels
Autres personnes de l'extérieur
Fonctionnaires de l'État

-
-
-
1/3.8
-
2/7.6
-
-
18/69.2
5/19.2

-
-
3/30.0
4/40.0
-
-
-
-
3/30.0
-

2/4.0
-
2/4.0
3/6.0
-
17/34.0
1/2.0
2/4.0
22/44.0
1/2.0

3/7.5
2/5.0
-
-
-
8/20.0
-
1/2.5
26/65.0
-

5
2
5
8
-
27
1
3
69
6

1.25/3.9
0.5/1.6
1.25/3.9
2/6.3
-
6.75/21.4
0.25/0.8
0.75/2.4
17.2/54.8
1.5/4.8

      
Tableau 6.9 (suite) :Analyse des contacts téléphoniques: Nombre et pourcentage des activités par sujet
Catégories Doyen 1 Doyen 2 Doyen 3 Doyen 4 Total Moyenne
Localisation
Bureau du doyen
Allées ou institution
Salle de conférence
Secrétariat

26/100.0
-
-
-

10/100.0
-
-
-

45/90.0
-
-
5/10.0

38/95.0
-
-
2/5.0

119
-
-
7

29.7/94.4
-
-
1.75/5.6
But
Recevoir de l'information
Donner de l'information
Donner des directives
Demander de l'information
Recevoir une question
Recevoir une requête
Donner son approbation
Recevoir suggestion
Demander un service
Planifier
Faire le suivi
Négocier
Contact social
Personnel

2/7.6
6/23.0
-
3/11.5
-
6/23.0
-
-
2/7.6
-
-
2/7.6
-
8/30.7

2/20.0
3/30.0
-
-
-
3/30.0
-
-
-
-
-
2/20.0
-
-

15/30.0
10/20.0
-
5/10.0
-
4/8.0
-
-
3/6.0
-
-
1/2.0
-
9/18.0

5/12.5
2/5.0
2/5.0
3/7.5
-
5/12.50
-
-
-
-
-
-
1/2.5
27/67.5

24
21
2
11
-
18
-
-
5
-
-
5
1
44

6/19.0
5.2/16.7
0.5/1.6
2.7/8.7
-
4.5/14.3
-
-
1.25/3.9
-
-
1.25/3.9
0.25/0.8
11/34.9

      Le premier compartiment du tableau 6.9 fait ressortir que les doyens ont peu initié de contacts téléphoniques, soit 38.9 pourcent. Seul le doyen D4 a réalisé 67.5 pourcent des communications téléphoniques. Les sujets de Pépin (1986) ont aussi réalisé peu de conversations téléphoniques, soit 44.9 pourcent. Cependant chez Martin (1980) et Berman (1982), les administrateurs scolaires ont été plutôt pro-actifs, respectivement 56.3 et 66.7 pourcent des activités.

      Tel qu'indiqué au tableau 6.9, les personnes de l'extérieur, la secrétaire personnelle, les étudiants ont été les participants ayant communiqué le plus fréquemment avec les doyens. Ensemble, ces trois groupes ont totalisé 82.5 pourcent des conversations téléphoniques. Il est intéressant de constater que la secrétaire personnelle a effectué près du quart des appels pour informer les doyens. L'étude de Pépin (1986) fait remarquer que ses administrateurs ont interagi via le téléphone avec les secrétaires, les adjoints et les enseignants, soit au total 52.7 pourcent des activités. Martin (1980) a rapporté que ses sujets ont communiqué par téléphone le plus souvent avec les professeurs, les secrétaires et les autres personnels, soit un total de 46.9 pourcent. Berman (1982) a noté que ses sujets ont téléphoné à leurs adjoints et les autres personnels, pour un total de 30.0 pourcent des activités. Par ailleurs, chez Martin (1980), Berman (1982) et Pépin (1986) les personnes externes ont eu peu de conversations téléphoniques avec leurs sujets.

      Si l'on intégrait les fonctionnaires de l'État aux personnes extérieures, ils représenteraient près de 60 pourcent des participants. Ce groupe a été mis en évidence pour souligner qu'il forme une catégorie plutôt particulière surtout dans le cas des doyens D1 et D2 - du secteur public - qui doivent défendre systématiquement leurs dossiers auprès des instances gouvernementales. Les supérieurs et les professeurs ont constitué chacun 3.9 pourcent des appels téléphoniques. Les pairs et les autres personnels ont correspondu respectivement à 1.6 et 2.4 pourcent des contacts téléphoniques.

      Comme le montre le tableau 6.9, les doyens ont effectué la très grande majorité de leurs conversations téléphoniques à partir de leur bureau, soit 94.4 pourcent. Les doyens D3 et D4 ont communiqué avec d'autres personnes dans le secrétariat. Les conclusions de Martin (1980), Pépin (1986) soutiennent les données obtenues, à savoir que leurs administrateurs scolaires ont accompli la presque totalité de leurs communications téléphoniques dans leur bureau, soit respectivement 95.4 et 95.8 pourcent. Berman (1982) a réalisé l'ensemble de leurs contacts téléphoniques au bureau.

      Les contacts personnels, le fait de donner, de recevoir et demander de l'information, de recevoir une requête ont été les buts les plus courants réalisés par les doyens. Mais d'autres buts ont été poursuivis lors des conversations téléphoniques tels donner des directives, demander un service, négocier, et le contact social. Il faut noter le poids des conversations téléphoniques personnelles du doyen D4, soit 67.5 pourcent entraînant un pourcentage élevé de cette catégorie. Pépin (1986) a remarqué que ses sujets ont donné, reçu, et demandé de l'information, établi un contact social et donné des directives. Pour Martin (1980), les sujets ont effectué de fréquents contacts téléphoniques ayant pour but de donner, d'obtenir de l'information et de demander un service. Les sujets de Berman (1982) ont accompli souvent les buts suivants: donner de l'information, obtenir de l'information et partager de l'information par l'intermédiaire du téléphone.

      Enseignement

      Les quatre doyens participant à la présente étude ont tous des charges d'enseignement. Comme l'indique le tableau 6.2 (annexe 1), ils donnent en moyenne 3.5 cours, et investissent 128.60 minutes dans cette activité-là. D'où un pourcentage de 21.6 consacré à l'enseignement quoiqu'il représente 1.7 pourcent de l'ensemble des activités de ces derniers. Cependant c'est le doyen D2 qui a le plus de charge d'enseignement, soit neuf cours et y consacre 18.60 heures, soit 46.5 pourcent de son temps à enseigner; 13.6 pourcent de ces activités sont dédiés à cette catégorie. Ces cours sont donnés à des groupes d'au moins 20 étudiants.


6.2 Analyse des dimensions du travail de gestion des doyens

      Les analyses effectuées précédemment ne permettent pas de faire toute la lumière sur les caractéristiques des tâches accomplies par les doyens dans leur fonction. Aussi est-il opportun d'approfondir cet aspect en empruntant la grille d'analyse de Pépin (1986, pp.296-297) et Brassard et al.(1986) utilisée pour la compréhension du travail des directeurs(trices) d'école secondaire du Québec. Il a donc été nécessaire de procéder à une seconde relecture des notes d'observation en vue de délimiter les différentes dimensions qui sont liées aux tâches des doyens. Le tableau 6.10 présente les résultats de cet examen des contacts des quatre doyens. Les activités d'ordre personnel ont été exclues de cette analyse car ne faisant pas partie de la fonction de doyen. Les données présentées au tableau 6.10 montrent une double entrée composée du nombre et du pourcentage des activités reliées aux neuf dimensions identifiées précédemment pour chaque doyen. Les activités d'ordre personnel et les sessions de bureau ont été éliminées de la présente analyse.

      Le tableau 6.10 montre que neuf domaines d'activités sont reliées au travail de gestion des doyens. La fonction personnel couvre les activités que les doyens ont effectué, soit de concert ou en compagnie des membres du personnel. Parmi ces activités, on trouve le contact social (cérémonie, causeries, blagues, exhortations) avec les subordonnés, support logistique (répartition de tâches et de responsabilités, détermination et planification des activités, horaires et endroits de travail), contrôle de la conduite (présences, absences, heures d'arrivée, contrôle des résultats, gestion des conflits), conditions de travail (contenu et contexte de travail), dossier personnel (engagement, remplacement, mutation, rendement, rapports d'absence), activités extra-curriculaires des professeurs (conseil des professeurs, projets de recherche). Cette catégorie constitue la deuxième dimension à laquelle les doyens ont consacré 21.9 pourcent de leurs activités.

      La dimension des finances comprend les activités ayant trait aux questions d'ordre financier, des procédures d'utilisation des ressources financières et matérielles de la faculté, de bilans et de comptes-rendus, et de prévisions budgétaires. Cette dimension correspond à 12.4 pourcent des tâches réalisées par les doyens.

      La dimension coopération faculté-milieu regroupe les activités où il est question des relations avec diverses personnes, ou des groupes ou organismes nationaux ou internationaux et de rapports sur ces rencontres. Celle-ci constitue 11.8 pourcent des activités effectuées par les sujets de l'étude.

      La dimension locaux/équipement a trait aux activités menées par les doyens relatives aux problèmes d'entretien, de réparation ou d'aménagement, de remplacement et de la qualité de matériel, d'approvisionnement et gestion de salles. Dans le tableau 6.10, cette catégorie représente 5.8 pourcent des activités des doyens.

      
Tableau 6.10 : Analyse des dimensions du travail des doyens
Catégories Doyen 1 Doyen 2 Doyen 3 Doyen 4 Total Moyenne
Nombre total des activités 172 52 266 212 702 175.5
Fonction personnel 44/25.6 9/17.3 55/22.7 46/21.7 154 38.5/21.9
Finances 34/19.8 5/9.6 28/10.5 20/9.4 87 21.7/12.4
Coopération faculté-milieu 34/19.8 5/9.6 24/9.9 20/9.4 83 20.7/11.8
Locaux/équipement 5/2.9 3/5.8 13/4.9 20/9.4 41 10.2/5.8
Programmes d'enseignement 10/5.8 10/19.2 15/5.6 16/7.5 51 12.7/7.3
Vie étudiante 37/21.5 6/11.5 67/27.7 55/25.9 165 41.2/23.5
Enseignement 2/1.2 9/17.3 1/0.4 2/0.9 14 3.5/2.0
Indéterminé 6/3.5 5/9.6 63/23.7 33/15.6 107 26.7/15.2

      Les programmes d'enseignement comportent les activités ayant rapport au développement, à l'établissement, la révision et le fonctionnement du curriculum, le suivi. Les doyens leur ont consacré 7.3 pourcent de leurs activités.

      La vie étudiante inclut les activités dans lesquelles les doyens ont fourni des explications aux étudiants relatives aux programmes, aux règlements, à l'encadrement des étudiants, à la gestion du dossier étudiant (inscription, absences, examens, stages, bulletins, attestations, certificats, vérification de notes), d'activités para-scolaires (contenu et organisation d'activités sportives et socio-culturelles, fonctionnement du conseil des étudiants), règlements de conflits entre professeurs et étudiants. Elle représente, dans le tableau 6.10, 23.5 pourcent des activités réalisées durant l'observation.

      La dimension enseignement réunit les activités d'enseignement-apprentissage effectuées par les doyens. Elle inclut tous les cours dispensés par ces derniers aux étudiants de leur faculté respective en lien avec leur compétence. Le tableau 6.10 montre que celle-ci correspond à 2.0 pourcent des activités

      La dimension "indéterminé" comporte toutes activités qui ne peuvent être rattachées directement à l'une ou l'autre des autres catégories déjà décrites.. Cette catégorie représente 15.2 pourcent des activités.


6.5 Les caractéristiques du travail de gestion des doyens

      D'après les données empiriques recueillies par Mintzberg (1973, 1984), le travail des cadres est marqué par six caractéristiques qui campent bien le travail administratif. D'autres chercheurs ont noté également que ces traits distinctifs se retrouvent dans le travail des cadres scolaires tels les présidents de collèges et d'universités, de directeurs généraux de commissions scolaires, de directeurs d'écoles, de directeurs d'unités d'éducation continue de l'enseignement supérieur. Dans cette partie, il s'agit de déterminer si le travail des quatre doyens présente le tableau suivant:

  1. volume et rythme de travail élevés
  2. variété, brièveté et fragmentation du travail
  3. préférence marquée pour l'action
  4. prédilection pour les média verbaux
  5. réseau de contacts
  6. mélange de droits et de devoirs.

6.5.1- Le volume et le rythme de travail

      Les quatre doyens ont cumulé 51 heures de travail par semaine. Ceci montre que le volume de travail des sujets est similaire à celui des autres cadres observés jusqu'ici. Une lecture fine du tableau 6.11 fait apparaître que les doyens ont accompli 34.2 heures de travail observées. Cependant les participants ont consacré des heures supplémentaires réparties soit le matin très tôt à la maison, ou avant au bureau avant l'ouverture régulière, en fin de semaine pour finaliser des activités qui dépassent l'horaire habituel de leur travail à la faculté. Ces activités se reflètent dans des tâches de bureau, ou la participation à des rencontres. Ces heures de travail supplémentaires portent les heures des doyens au même niveau que ceux d'autres études.

      
Tableau 6.11 : Moyenne des heures de travail hebdomadaires chez les administrateurs scolaires
Auteur Moyenne des heures de travail Moyenne des heures de travail supplémentaires Moyenne totale des heures de travail
Berman (1982) 37.2 12.0 49.2
Martin (1980) 42.2 11.0 53.2
O'Dempsey (1976) 37.1 7.7 44.8
Willis (1980) 37.3 22.6 59.9
Pépin (1986) 35.9 11.6 47.6
Williamson (1987) 45.0 13.5 58.5
Notre étude 34.2 17.0 51.2

      Questionnés sur le volume de leur travail, les deux doyens du secteur public ont estimé qu'ils n'ont pas suffisamment de temps pour accomplir leur travail. Les deux autres doyens sont plutôt incertains quant à un pareil énoncé; toutefois, le doyen D3 a souligné qu'en certaines périodes (examen, inscription), il n'a vraiment pas de temps - soit au début et à la fin d'une session de trois mois. Face à leur charge de travail, ils estiment qu'elle est très élevée durant une journée, une semaine "normale" de travail qui totalisent en moyenne 51 heures. Cependant le doyen D3 a fait remarquer que, durant les phases d'examen ou d'inscription, il doit faire face à une charge de travail assez élevée. Le doyen D2 a signalé que le manque de temps trouve son explication à cause du manque de structures, de ressources humaines et de moyens qui ont pour effet d'augmenter le travail prévu initialement.

      Le nombre de 38.8 activités par jour réalisées par les doyens ne constituent pas au regard des autres études un rythme élevé de travail, comme l'indique le tableau 6.12. Ce nombre d'activités se trouve nettement en dessous de celles accomplies par les autres administrateurs scolaires. Il est important de souligner que le fait d'enseigner nécessite beaucoup d'heures de préparation qui ne sont pas comptabilisées ici. Cette faiblesse pourrait s'expliquer par la petitesse de leur organisation, par le caractère très routinier de leur travail. Interrogés sur leur rythme de travail, les quatre doyens ont estimé que celui-ci était élevé et soutenu au cours d'une journée, d'une semaine "normale" de travail.

      
Tableau 6.12 : Nombre moyen des activités des administrateurs scolaires dans le temps
Activités par: Berman
(1982)
Martin
(1980)
O'Dempsey
(1976)
Willis
(1980)
Pépin
(1986)
Donaldson
(1993)
Notre étude
Jour 84.0 149.2 172.9 60.4 170.4 91.2 38.8
Heure 11.3 17.7 23.3 8.1 23.7 9.7 4.8
Minute 0.2 0.3 0.4 0.1 0.4 0.2 0.1

      Un étude attentive du tableau 6.12 fait ressortir que les sujets de la présente étude ont réalisé en moyenne 4.8 activités distinctes par heure de la journée ou 0.1 activité différente par minute. Le nombre d'activités accomplies par heure est également très faible comparé aux autres cadres scolaires. Seulement le nombre d'activités effectuées par minute se trouve similaire quant à celles accomplies par les autres administrateurs scolaires.

      Somme toute, les doyens ont un volume élevé de travail. Un coup d'oeil rétrospectif sur leurs heures de travail mettent en évidence cette constatation: des horaires qui débordent une journée et une semaine "normales" de travail les obligeant à travailler avant l'ouverture de la faculté soit à la maison, soit à leur bureau, ou les fins de semaine ou de soirée. Mais le rythme de travail constaté est nettement en deçà de celui des autres administrateurs même si les doyens croient que leur rythme est malgré tout élevé.


6.5.2- La brièveté, la variété et la fragmentation du travail

      Le tableau 6.13 indique que le travail des doyens est relativement bref: 60 pourcent environ des activités ne dépassent pas 10 minutes. Un examen attentif montre que 43.2 pourcent des activités durent moins de cinq minutes et 16.3 pourcent entre 5 et 10 minutes - . Ceci contraste beaucoup avec le pourcentage consacré par les autres administrateurs scolaires qui passent la très grande majorité de leur temps dans des activités de moins de cinq minutes, sauf dans l'étude de O'Dempsey où le pourcentage trouvé se rapproche de celui de la présente recherche. Williamson (1987, p.127) a noté que la durée moyenne des activités des présidents de collèges et d'universités était de 7.39 minutes. La brièveté des activités des doyens est peu prononcée, mieux les activités de plus de 10 minutes représentent 40.4 pourcent. Ceci fait ressortir le poids des sessions de bureaux, des rencontres formelles, des activités d'enseignement-apprentissage, des rencontres informelles et des rencontres en dehors de l'organisation. L'on peut donc affirmer que le travail de doyen est de moins en moins bref parce que ce dernier se situe à un niveau hiérarchique plus élevé.

      Deux des quatre doyens ont estimé que les tâches dans lesquelles ils s'engagent sont généralement de courte durée. Par contre, les deux autres ont manifesté une certaine incertitude face à la durée brève de leurs activités.

      
Tableau 6.13 : Durée moyenne des activités des administrateurs scolaires
Durée de l'activité en minutes Berman
(1982)
Martin
(1980)
O'Dempsey
(1976)
Willis
(1980)
Pépin
(1986)
Donaldson
(1993)
Notre étude
Moins de 5 76.3 81.4 45.0 67.0 89.4 76.0 43.2
5-10 17.3 9.5 - 16.2 5.5 12.0 16.4
Plus de 10 6.4 9.1 - 16.8 5.1 - 40.4

      Une lecture des tableaux 6.6 et 6.10 fait ressortir que le travail des doyens est caractérisé par la variété. Ces tableaux font apparaître que chaque activité réalisée est exclusive avec sa propre histoire, sa propre dynamique. Les activités en cours se distinguent l'une de l'autre par le type et le nombre de personnes rencontrées, son ou ses buts, les lieux de déroulement. Le tableau 6.10 met en évidence qu'à l'intérieur des activités les doyens évoluent dans le champ de différentes dimensions et jouent un certain nombre de rôles qui nécessitent diverses habiletés et un engagement socio-émotif précis.

      Trois des quatre doyens ont estimé que les tâches qu'ils entreprennent sont différentes les unes des autres abondant ainsi dans le sens de ce qui est dit précédemment. Cependant le doyen D3 même s'il partage le point de vue de ses pairs, a fait remarquer qu'"en certaines périodes, c'est plutôt monotone".

      Cinq groupes d'activités (travail de bureau, rencontres formelles et informelles, appels téléphoniques, support clérical) dans lesquelles s'impliquent les doyens ont été marquées par des interruptions. Les données d'observation montrent que 54.1 pourcent des actions menées par trois (D1, D3, D4)des quatre doyens (voir tableau 6.2 in annexe 1) ont été interrompues ou ont servi de points de départ pour d'autres interruptions. Pépin (1986), Martin (1980), et Berman (1982) ont fait des constatations qui se rapprochent de celles de notre étude. Respectivement, ils ont rapporté que 66.4 pourcent, 50.0 pourcent et 65.0 pourcent des activités de leurs sujets ont été interrompues ou ont servi d'interruptions.

      Trois des quatre doyens manifestent une incertitude vis-à-vis de l'interruption de leurs activités dans le cadre de leur travail. Par contre, le doyen D1 admet le principe de l'interruption. Commentant cet aspect de leur travail, le doyen D2 a fait remarquer que "ceci fait partie des pratiques quotidiennes", mais le doyen D3 a précisé que "cela dépend du pourquoi de l'interruption". Bref, on peut dire comme Mintzberg (1984) que :

Le cadre est progressivement conditionné par sa charge de travail.
...il accepte beaucoup de travail parce qu'il est conscient de la va-
leur qu'il représente pour l'organisation (p.47).

      Même si trois des quatre doyens aimeraient bien aller au fond des choses et consacrer tout le temps nécessaire aux questions ou aux problèmes qui se présentent, mais le doyen D2 a estimé que "ce n'est pas toujours possible". Ceci montre qu'ils sont bien conscients de la surcharge de travail qui les affecte. Les doyens ont convenu qu'ils ne prennent pas le temps de réaliser complètement une tâche avant d'entreprendre une autre à cause de la pression des urgences, des imprévus, les obligeant à avancer sur plusieurs fronts à la fois. Par ailleurs, ils admettent qu'ils poursuivent des buts précis et des objectifs claires en réalisant leur travail. Pourtant deux doyens (D1, D2) savent ce qu'on attend exactement de lui, les deux autres étant plutôt incertains. Ils sont partagés quant à la possibilité de prévoir les activités à réaliser au cours d'une journée, d'une semaine de travail: le doyen D2 a souligné qu'il y a beaucoup d'urgences. Chacun des doyens pense que la plupart des activités dans lesquelles ils s'impliquent au cours d'une journée de travail se rattachent à des objectifs organisationnels précis, mais le doyen a signalé que ce n'est pas toujours possible. Trois des quatre doyens ont souligné que l'on ne leur dit pas souvent ce que l'on pense de la façon dont ils accomplissent leur travail.

      Le doyen D3 a rapporté que ses tournées d'inspection ont été ponctuées d'interruptions nombreuses de la part des étudiants au point qu'il a cru bon de faire état de l'échange suivant entre lui et un étudiant:

-Un étudiant: M. le doyen.

-Le doyen: Écoutez si je vous rencontre dix fois dans une journée, vous
devez me parler dix fois pendant la journée. Enfin quand même!
Tout ceci pour dire que chaque fois vous rencontrez l'étudiant, il se
sent obligé de vous dire quelque chose. Il y a toujours un problème.

      Somme toute, la brièveté, la variété et la fragmentation ainsi que l'incertitude font partie du travail quotidien des doyens de la présente étude. Ils entreprennent un large éventail d'activités qui sont généralement de courte durée (1-5 minutes), avec des personnes distinctes aussi bien par le but, la dimension, la localisation, l'engagement socio-émotif et les habiletés métacognitives exigées. Cette caractéristique de leur travail rejoint le point de vue de Mintzberg (1984) qui a indiqué que le cadre s'implique de manière superficielle dans ses activités. En d'autres termes, il entreprendra beaucoup de choses, mais il ira peu ou pas en profondeur dans leur traitement.


6.5.3 Préférence marquée pour l'action

      Les doyens s'intéressent aux activités les plus dynamiques de leur travail de gestion. Une telle constatation est partagée par d'autres études (cf. Casey, 1980; Willis, 1980; Berman, 1982; Brassard et al., 1986; Pépin, 1986). Une telle caractéristique se manifeste de diverses manières:

  • les doyens ont passé 36.4 pourcent de leur temps dans des activités solitaires telles les sessions de bureau, les tournées d'inspection (cf. tableaux 6.2 et 6.14). Ces activités ont été constamment interrompues par d'autres. Dans les sessions de bureau, les doyens lisent, signent, rédigent et traitent différents documents. Ils soulignent tous qu'ils accordent beaucoup d'intérêt à l'information écrite dans leur travail. Le doyen D2 a souligné que "les documents écrits sont à la base des différents dossiers". Pour les doyens D1 et D3, les activités associées au travail de bureau sont souvent un fardeau pour eux. Le doyen D2, même s'il en convient, nuance sa position en signalant que "cela dépend des activités". Seul le doyen D4 ne partage le point de vue de ses pairs. Seul le doyen D1 a estimé qu'une grande partie du courrier qu'il reçoit chaque jour est sans importance pour son travail; les doyens D2 et D3 sont plutôt incertains et le doyen D2 a fait remarquer que "le courrier est important puisqu'il s'agit de relations de travail". Le doyen D4 ne partage pas le point de vue de ses pairs sur le peu d'importance du courrier dans son travail. Les quatre doyens n'aiment pas se retrouver seul dans leur bureau trop longtemps au cours d'une journée de travail. Le doyen D2 a relevé que "vu le nombre de réunions, cela ne se produit jamais", précisant que "le travail qu'il doit faire seul, il le fait chez lui". Ils passent tous une heure maximum, ont-ils souligné. Toutefois cette petite heure est entrecoupée par de nombreuses interruptions.

      
Tableau 6.14 : Activités solitaires chez les administrateurs scolaires : Pourcentage du temps
Casey (1980) Willis (1980) Pépin (1986) Notre étude
21.0 24.6 29.5 36.4

  • Les doyens D1 et D2 ont souligné que ce qu'ils appréciaient le moins dans leur travail c'est le travail administratif et plus précisément la routine quotidienne telle la signature de documents...
  • Ils accordent une attention à la correspondance nécessitant une réponse immédiate. Les répondants de la présente étude ont une nette tendance à s'occuper immédiatement de chaque problème qui se présente à eux. Le doyen D2 croit que c'est "essentiel pour la bonne marche de l'institution".
  • Les données d'observation montrent que les doyens ont parcouru rapidement leur correspondance plutôt que de s'y attarder. Ils ont réagi rapidement au courrier ayant trait aux certificats, aux attestations.
  • Ils ont tous pratiqué une politique de "porte ouverte" ou mieux même si elle n'était pas ouverte, elle n'était pas pour autant "fermée". Une telle pratique a eu pour effet d'encourager les étudiants, les professeurs ou autres à échanger avec eux, à produire des requêtes, bref à les solliciter.
  • Cette préférence pour l'action pourrait se résumer dans cette remarque du doyen D3, à savoir:
  • "Dans ce pays, tout foire au niveau de l'exécution. On a beau planifié, mais au niveau de l'exécution tu ne vois personne. Et c'est là qu'il faut porter l'effort. Les réunions, je crois que c'est utile. Mais l'exécution, c'est très utile. Il faut être capable de descendre sur le plancher des vaches, de mettre ses pieds dans la boue..."

6.5.4 Prédilection pour les média verbaux

      Les communications verbales ont la préférence des doyens durant leur travail. Les quatre doyens de la présente étude ont passé 81.3 pourcent de leur temps dans des interactions verbales et ont effectué ainsi 62.0 pourcent de toutes leurs activités. Le tableau 6.15 fournit les résultats d'autres études d'observation (Berman, 1982; Casey, 1980; Kelly, 1974; Martin, 1980; Morris et al., 1981; O'Dempsey, 1976; Willis, 1980; Pépin, 1986, Donaldson, 1993) qui sont comparables à la présente.

      
Tableau 6.15 : Interactions verbales des administrateurs scolaires: pourcentage du temps
Berman (1982) Casey (1980) Kelly (1974) Martin (1980) Morris et al.(1981) O'Dempsey (1976) Willis (1980) Pépin (1986) Donaldson (1993) Notre étude
65.9 72.0 83.0 63.5 83.0* 75.2 75.4 68.9 67.6 81.3

*Mesures prises auprès de six directeurs d'école secondaire (Pépin, 1986, p.328)

      Les données d'observation font ressortir que les doyens ont une nette préférence pour les contacts directs - face-à-face - que ceux indirects tels le téléphone ou l'interphone (tableau 6.16).

      
Tableau 6.16 : Contacts des administrateurs scolaires en pourcentage
Types de contacts Berman (1982) Martin (1980) O'Dempsey (1976) Willis (1980) Pépin (1986) Donaldson (1993) Notre étude
Contacts directs 55.4 72.2 68.0 58.7 69.8 27.1 46.1
Contacts indirects 16.1 12.1 6.0 6.8 11.7 32.2 15.9

      Les doyens ont donc participé à 46.1 pourcentage de contacts directs dans leurs activités, contre 15.9 pourcent pour les contacts indirects (cf. tableau 6.16). D'autres études indiquées au tableau 6.15 (Berman, 1982; Martin, 1980; O'Dempsey, 1976; Willis, 1980; Pépin, 1986), à l'exception de celle de Donaldson (1993), ont présenté des résultats comparables.

      Interrogés à ce sujet, les quatre doyens ont fait connaître leur prédilection pour les interactions verbales puisqu'elles constituent la source d'information dont ils ont besoin pour administrer leur faculté. Ils ont souligné qu'ils travaillent beaucoup à partir des informations verbales, tout en privilégiant les contacts directs qui consomment beaucoup de leur temps.

      Ainsi les données d'observation mettent en évidence que les doyens ont une préférence marquée pour les média verbaux. Ils leur consacrent beaucoup de temps et réalisent nombre de leurs activités dans ce cadre-là.


6.5.5 Un réseau de contacts

      A l'instar des autres études menées auprès de chefs d'entreprises (Mintzberg, 1973, 1984) et divers groupes d'administrateurs scolaires (Berman, 1982; Martin, 1980; O'Dempsey, 1976; Pépin, 1986; Williamson, 1987; Donaldson, 1993) , les données empiriques de la présente recherche ont permis de constater que les doyens ont accompli la plupart de leurs activités avec les membres de l'organisation.

      
Tableau 6.17 : Réseau de contacts des administrateurs scolaires: Pourcentage des contacts internes et externes
  Berman (1982) Martin (1980) O'Dempsey (1976) Pépin (1986) Williamson (1987) Donaldson (1993) Notre étude
Contacts internes 88.7 92.6 85.0 93.8 48.9 70.2 68.9
Contacts externes 11.3 7.4 15.0 6.2 24.5 29.8 31.1

      Il importe de souligner aussi que les doyens ont eu un pourcentage de contacts externes assez élevé au regard des autres administrateurs scolaires (tableau 6.17). Ceci confirmerait ce que McCall et al.(1978) ont remarqué que les cadres supérieurs ont plus de contacts externes que ceux intermédiaires.

      Les résultats présentés au tableau 6.18 font ressortir que les doyens ont eu la majeure partie de leurs contacts avec leurs subordonnés (63.4 pourcent) qu'avec leurs supérieurs (5.5 pourcent). Ces données sont comparables à celles des autres études menées (Berman, 1982; Martin,, 1980; Pépin, 1986; Donaldson, 1993).

      
Tableau 6.18 : Pourcentage des contacts des administrateurs scolaires avec les subordonnés et les supérieurs
  Berman
(1982)
Martin
(1980)
Pépin
(1986)
Donaldson
(1993)
Notre étude
Subordonnés 74.5 87.9 90.4 42.2 63.4
Supérieurs 14.2 1.6 1.5 2.7 5.5

      Somme toute, les résultats empiriques font apparaître que les cadres réalisent de nombreuses activités en compagnie des personnes internes à l'organisation. Cependant la nécessité de relations d'affaires avec des personnes extérieures se justifient par le fait que le travail des doyens se fait en relation avec le milieu, comme l'a affirmé le doyen D2. Les doyens ont signalé que, de par leur position, leur tâche première est de s'occuper des personnes dont ils ont la responsabilité, soit les étudiants et le personnel de la faculté: le doyen D2 a déclaré qu'"ils représentent l'essentiel".


6.5.6 Un mélange de droits et de devoirs

      A l'instar des recherches menées auprès des chefs d'entreprises (Mintzberg, 1973, 1984) et des administrateurs scolaires (Berman, 1982;Cohen et March, 1974; Larson et al., 1981; Pépin, 1986), les doyens n'ont donc qu'un contrôle limité sur leur travail.

      Comme il apparaît au tableau 6.19, les doyens de la présente étude ont initié 36.4 pourcent de leurs contacts, nettement moins de la moitié. Ces résultats sont pourtant contrastés avec ceux de O'Dempsey (1976), Martin (1980), Williamson (1987), Donaldson (1993) où les administrateurs scolaires sont plutôt proactifs contrairement aux autres.

      
Tableau 6.19 : Patron d'initiation des contacts des administrateurs scolaires: Pourcentage des contacts
Initiateur Berman (1982) Martin (1980) O'Dempsey (1976) Pépin (1986) Williamson (1987) Donaldson (1993) Notre étude
Lui-même 43.3 56.7 65.0 46.7 72.1 62.1 36.4
Les autres - 42.4 - 50.3 27.9 31.3 58.2
Mutuel-lement - 0.9 - 3.0 - 6.6 5.4

      Trois des quatre doyens interrogés ont cru bien contrôler l'utilisation de leur temps à la faculté. Le doyen D3 est le seul à ne pas partager cette opinion et il a souligné qu'"il a beau planifié, mais le contrôle de son temps peut lui échapper". Le doyen D2 a précisé que "les urgences et les situations imprévues ne le permettent pas toujours". Cette volonté de contrôler leur temps se reflète dans leur attitude de s'engager dans des tâches planifiées à l'avance plutôt que dans des activités impromptues, car, a signalé le doyen D2, "cela facilite la tâche". Cependant le fait que leurs portes même si elles ne sont pas ouvertes ne sont pas pour autant fermées expose les doyens à toutes sortes de situations imprévues. D'où une accessibilité accrue de ces doyens.

      Par ailleurs, les doyens ont signalé qu'ils accordent une grande importance aux activités qui figurent dans leur agenda. Toutefois le doyen D4 est plutôt incertain face à un pareil comportement. Cette attitude des doyens de l'étude rencontre cette opinion de Carlson (1951, p.71) qui faisait remarquer que ses sujets avaient le "complexe de l'agenda". Les doyens ont fait remarquer qu'ils réalisent leur travail de la façon qui leur convient le mieux. Mais le doyen D2 a apporté une nuance en disant que "cela dépend du type de travail, des conditions et des urgences". Le chercheur partage en partie le point de vue de Parsons (1958, cité par Pépin, 1986, p.357), à savoir que les administrateurs exercent une autorité managérielle dans leur travail parce que les doyens ont admis laisser les professeurs exercer une autorité d'experts dans leurs classes sur les questions se rattachant à leur spécialité.

      En résumé, les données perceptuelles révèlent que les doyens n'exercent qu'un contrôle relatif sur la teneur de leur travail. Dans certaines situations, ils ont l'initiative de leurs activités de gestion. Les caractéristiques du travail de gestion des doyens se trouvent donc en conformité avec celles formulées par Mintzberg à l'issue de ses observations.


6.6 Analyse des rôles de gestion

      Le tableau 6.10 a permis de mettre en évidence les champs de compétence dans lesquels s'impliquent les doyens dans le cadre de leur travail. Cependant toute la lumière n'est pas encore faite sur ce qu'ils font réellement à l'intérieur de ces champs c'est-à-dire "l'ensemble des comportements basés sur des attentes qui vont déterminer ce que l'on fait et devrait faire en tant qu'habitant d'un certain genre dans un système organisé" (Huberman et Miles, 1991, p.184). Pour distinguer ces comportements administratifs, en d'autres termes ces rôles, une analyse fine des objectifs a été nécessaire mais aussi une relecture attentive des entrevues des doyens sur leurs perceptions des caractéristiques de leur travail de gestion.

      Il importe également de faire remarquer que la typologie (figure 9) proposée possède de nombreux aspects en commun avec celle de Mintzberg (1973, 1984). Néanmoins comme l'ont signalé Brassard et al.(1986, p.107), le modèle proposé s'écarte de celui de Mintzberg par le fait que chaque rôle est issu d'un objectif précis relié à des comportements typiques, d'une part, et, d'autre part, certains rôles proviennent des perceptions de leur travail par les doyens, perceptions issues des entrevues effectuées par le chercheur durant la période d'observation. Par exemple, on ne peut confondre le rôle d'enquêteur de celui d'inspecteur: le premier réfère à la quête d'information sur un événement, le second traduit la recherche d'une donnée visuelle sur l'état et le fonctionnement de la faculté.

      Par ailleurs, certaines remarques relatives aux déterminants des rôles doivent être faites: les déterminants environnementaux, statutaires, et individuels des rôles. En effet, comme l'ont fait ressortir Campbell et al., 1970 (cités par Brassard et al., 1986), Weick (1976), Crozier (1970, p.50), les organisations éducatives - et en particulier, l'institution universitaire - constituent un modèle particulier d'organisation et, de ce fait, distinct d'une entreprise ou d'une administration. En outre, l'environnement légal fait de lois, de documents officiels, de règlements fixant les descriptions des postes ainsi que l'environnement culturel sont autant de déterminants des rôles. Il faut ajouter que l'effet de position (Friedberg, 1993, p.46) faisant des doyens les personnes centrales de leur faculté leur permet d'accéder à des rôles de représentation, puis d'information, de support, et de décision. Il est intéressant de mentionner que la personnalité de chaque doyen donne une coloration particulière aux activités entreprises dans le cadre de son travail, ce que Friedberg (1993, p.46) a appelé un effet de disposition c'est-à-dire "les dispositions mentales, cognitives, affectives du décideur qui sont toujours, en partie, préformées par une socialisation passée".

      

Figure 9 : Les rôles de gestion des doyens

      Les rôles s'expriment à l'intérieur de plusieurs registres qui sont des composantes définissant les traits particuliers des différents rôles: organisationnelle, administrative, personnelle, expérientielle, comme l'ont fait remarquer Brassard et al. (1986, p.109) La composante organisationnelle fait ressortir le souci des doyens pour le bon fonctionnement de leur faculté. En d'autres termes, ils veillent à l'approvisionnement en ressources humaines, matérielles, et financières et à leur adéquate utilisation, au maintien d'un bon climat organisationnel, au suivi des activités, et à résoudre les problèmes de dysfonctionnement. La composante administrative a trait à tous les mécanismes administratifs nécessaires pour assurer le bon fonctionnement de l'organisation. La composante personnelle reflète les savoir-faire et savoir-être de chaque doyen. La composante expérientielle traduit l'expertise des doyens face à leurs responsabilités éducationnelles.

      Les 22 rôles décrits (figure 9) dans la typologie issue de la présente étude ne sont pas joués par tous les doyens. En effet, les rôles de conciliateur ou de dotateur n'ont pas été joués par certains doyens au moment de l'observation. Les définitions des rôles répertoriés sont empruntées soit à Mintzberg (1984) ou à Brassard et al. (1986), ou aux deux, si possible. Il faut souligner que ces 22 rôles constituent une arborescence des dix rôles de Mintzberg car, pour mieux comprendre le travail de ces cadres et offrir une description plus adéquate des rôles de gestion, il a fallu raffiner le modèle proposé par ce dernier. Le modèle typologique élaboré dans la présente étude intègre à l'approche théorique des rôles de gestion de Mintzberg (1973, 1984), celle plus spécifique constituée par les rôles de gestion des doyens.

      Le tableau 6.20 est une table synthétique, contextuelle qui résume les données provenant des entrevues avec les quatre doyens. Ce type de diagramme (cf. Huberman et Miles, 1991, pp. 184-194) présente la relation entre les doyens et les dimensions de leur travail en nommant les différents rôles joués par chacun au regard de cette dimension. Cette matrice a été construite à partir des transcriptions codées des entrevues accordées par les quatre doyens. Les données représentent un court extrait de leurs commentaires. Il faut noter qu'il y a des données manquantes, parce que tous les doyens ne perçoivent pas leur rôle d'intendance. Les explications des doyens rejoignent en partie les données d'observation mais elles illustrent bien les rôles qu'ils pensent exercer dans leur fonction.

      Le tableau 6.21 fournit la fréquence avec laquelle les rôles sont exercés par les quatre doyens. Les entrées doubles du tableau indiquent le nombre et le pourcentage d'activités durant lesquelles chacun des doyens a joué un rôle ou un autre. Par exemple, le doyen D1 a joué le rôle de point de mire dans 67 des 172 activités effectuées lors de l'observation, ce qui représente un engagement de 38.9 pourcent de son travail de gestion. La somme des activités et des pourcentages est supérieure au total des activités ou à 100.0 pourcent vu que les sujets de l'étude ont pratiqué plus d'un rôle lors d'une même activité de gestion.

      
Tableau 6.20 : Matrice par rôles/dimensions: analyse des rôles
Dimensions
Doyens
Personnel Finances Coopération Faculté-milieu Locaux/Équipement Programmes d'enseignement Vie étudiante Enseignement
D1 "servir de modèle"
"responsabilité de meneur"
"j'utilise l'autorité et la persuasion"
"élaboration du budget"
"je fais le point avec le comptable sur l'utilisation du budget, les dépenses de la faculté"
"un travail de relations publiques"

"travail de gestion académique"


"assumer ses charges d'enseigne-
ment .."
D2 "j'influence les professeurs par le dialogue et les échanges"
"je joue un rôle de leader..."
"j'utilise le dialogue et la sensibilisati-on.. "
"le budget fait partie des activités que nous réglons au rectorat"
"c'est concernant l'acquisition de tel ou tel matériel..."
"établir des relations de travail avec les autres institutions"
"volet extra-académique tels les conférences..."

"orientation de programmes, orienter tel ou tel cours, ou éliminer tel cours..." "relation avec les étudiants [..] pour résoudre des problèmes en rapport avec les cours"
"fournir une formation de qualité..."
"en assurant des cours..."
"nous avons aussi des travaux de recherche..."

      
Tableau 6.20 (suite) :Matrice par rôles/dimensions: analyse des rôles
Dimensions
Doyens
Personnel Finances Coopération Faculté-milieu Locaux/Équipement Programmes d'enseignement Vie étudiante Enseignement
D3 "je me vois comme jouant un rôle d'animateur, de meneur de jeu.."
"je suis directif"
"beaucoup de suivi"
"il me faut négocier tout le temps de l'argent avec l'administration" "il y a un fort volet de représentation"
"j'aime toujours les rencontrer pour leur donner plus d'information"je suis la personne de contact à l'université.."
"cela peut être des problèmes de salle..." "planificati- on des programmes"
"s'assurer de l'implantati -on des programmes"
décisions concernant la fermeture des programmes"
"décisions concernant le démarrage
"c'est du counselling"  
D4 "il y a les tâches de coordination et de direction..."
"il y a le contrôle du travail des professeurs"
"style démocrati-que"
"il y a des tâches d'informati-on.."
"le doyen transmet des instructions pour les différentes tâches..."
"remplace-ment des professeurs absents"
"nous participons à la planification financière qu'au travers des questionnai-res"
"négocier tout le temps de l'argent avec l'administration"
"il y a les tâches de promotion..."
"il s'agit de services à la communauté.."
"attribution de salle..."

"priorité à la gestion des programmes, des tâches académiques.." "il y a des tâches de consultation, d'encadre-ment.." "nous réservons 1h30-2hres dans la matinée pour la préparation du cours qui sera donné à 14 heures"

      
Tableau 6.21 : Fréquence d'exercice des rôles de gestion: Nombre et pourcentage des activités
Unités d'analyse Doyen 1 Doyen 2 Doyen 3 Doyen 4 Total Moyenne
Nombre d'activités 172 52 225 138 587 146.7
Rôles
Figure de proue

10/5.8

7/13.4

1/0.4

2/1.4

20

5/3.4
Agent de liaison 2/1.2 3/5.8 1/0.4 1/0.7 7 1.7/1.2
Point de mire 77/44.8 18/34.6 43/19.1 29/21.0 167 41.7/28.4
Enquêteur 5/2.9 1/1.9 4/1.7 5/3.6 15 3.7/2.5
Superviseur - 5/9.6 1/0.4 1/0.7 7 1.7/1.2
Inspecteur 20/11.6 1/1.9 30/13.3 20/14.5 71 17.7/12.1
Informateur 29/16.9 15/28.8 52/23.1 36/26.1 132 33.0/22.5
Porte-parole 6/3.5 6/11.5 2/0.9 1/0.7 15 3.7/2.5
Formateur 2/1.2 9/17.3 1/0.4 2/1.4 14 3.5/2.4
Agent social 5/2.9 6/11.5 21/9.3 11/8.0 43 10.7/7.3
Encadreur - 1/1.9 - 3/2.2 4 1/0.7
Dépanneur 8/4.6 - 6/2.7 2/1.4 16 4/2.7
Dotateur 2/1.2 - - - 2 0.5/0.3
Planificateur 7/4.1 9/17.3 1/0.4 3/2.2 20 5/3.4
Registraire 11/6.4 2/3.8 5/2.2 1/0.7 19 4.7/3.2
Répartiteur 7/4.1 2/3.8 5/2.2 1/0.7 15 3.7/2.5
Instructeur 17/9.9 1/1.9 17/7.5 12/8.7 47 11.7/8.0
Conciliateur - - 1/0.4 1/0.7 2 0.5/0.3
Négociateur 8/4.6 2/3.8 2/0.9 - 12 3/2.0
Approbateur 36/21.0 1/1.9 2/0.9 - 39 9.7/6.6
Demandeur 4/2.3 - 14/5.4 2/1.4 20 5.0/3.4
Solliciteur - 3/5.8 1/0.4 3/2.2 7 1.7/1.2


6.6.1 Analyse des rôles de représentation

      Deux rôles constituent le groupe des rôles de représentation: figure de proue et agent de liaison. Ces deux rôles administratifs sont directement rattachés à la position statutaire des doyens, donc à l'effet de [leur] position dans et hors de l'organisation. Les doyens sont les "mandataires légitimes" (Bourdieu, 1982, p.132) de la faculté et, à ce titre, il leur est dévolu des tâches officielles à l'interne et à l'externe.

      Les rôles de représentation présentent les mêmes caractéristiques que ceux attribués par Mintzberg (1973, 1984) aux rôles qualifiés d'"interpersonnels" dans sa recherche. Le chercheur reprend à son compte les propos de Pépin (1986) et Brassard et al. (1986) relatifs à la confusion du terme "interpersonnel": comme référent structurel des activités et référent socio-émotif des interactions ou aux deux, et partage leur point de vue concernant l'abandon du vocable "interpersonnel" au profit de celui de "représentation".

      Comme figure de proue, le doyen, mandaté, peut mener des actions au nom de l'organisation, participer dans des activités officielles ou des cérémonies. Le tableau 6.21 montre que les quatre sujets ont joué ce rôle dans 3.4 pourcent de leurs activités de gestion en participant à des cérémonies (inauguration, récompense d'une professeure), à l'intérieur et à l'extérieur, en représentant l'organisation dans des rencontres.

      Comme agent de liaison, le doyen essaie de créer, d'entretenir un contact avec des personnes extérieures à l'organisation pour bénéficier de renseignements et de facilités, pour insérer la faculté au milieu - national et international - . Les quatre doyens, comme l'indique le tableau 6.21, ont pratiqué ce rôle dans 1.2 pourcent de leurs activités. Ils ont pris contact soit par téléphone, soit par écrit avec des organismes étrangers ou internationaux et locaux ainsi que des ambassades, ou en rencontrant des responsables d'organisations étrangères ou nationales. Par ces activités, ils ont visé le développement de leur faculté.


6.6.2 Analyse des rôles d'information

      A cause de sa position statutaire et de l'effet de position, le doyen a un contact privilégié avec les différents acteurs de la faculté et avec ceux de l'extérieur qui lui fournissent de l'information sur son organisation et le milieu. Pour ce faire, il joue un total de huit rôles de gestion.

      Comme point de mire, le doyen se trouve dans une position privilégiée pour recevoir toutes informations provenant de l'intérieur et de l'extérieur. Les informations ont pour origine des sollicitations, des requêtes statutaires, des questions, des suggestions, des rapports, des événements. Ce rôle apparaît comme celui qui est le plus exercé par les quatre doyens, soit 28.4 pourcent de toutes leurs activités.

      Comme enquêteur, le doyen collecte des renseignements sur des événements qui agitent la vie de la faculté ou ceux du milieu nécessaires au bon fonctionnement de leur organisation auprès des acteurs internes et externes. Les doyens ont exercé dans 2.5 pourcent de leurs activités.

      Comme superviseur, le doyen assure le suivi de certaines activités en cours en s'enquérant auprès du personnel de la faculté y oeuvrant. Trois des quatre doyens ont pratiqué ce rôle dans 1.2 pourcent de leurs activités.

      Comme inspecteur, le doyen réunit de visu des informations sur l'état et le fonctionnement de la faculté, en observant le comportement des étudiants et du personnel professoral. Le tableau 6.21 indique que les quatre doyens ont exercé ce rôle dans 12.1 pourcent de leurs activités.

      Comme informateur, le doyen met en circulation des informations internes et externes factuelles - sur des événements - et attitudinales - sur les comportements attendus par l'établissement, les exigences d'acteurs extérieurs - dans l'organisation. Les quatre doyens ont exercé ce rôle dans 22.5 pourcent de leurs activités.

      Comme porte-parole [autorisé], le doyen pose des actes institutionnels (Bourdieu, 1982, p.133) en fournissant de l'information plus ou moins régulièrement à des groupes externes à la faculté (les organisations nationales et internationales, toute personne désireuse de s'informer). Comme indiqué au tableau 6.21, les sujets ont réalisé 2.5 pourcent de leurs activités en exerçant ce rôle.

      Comme formateur, le doyen transmet des informations à des étudiants lors d'activités d'enseignement-apprentissage durant des périodes de cours. Les doyens ont accompli ce rôle dans 2.4 pourcent de leurs activités, comme le précise le tableau 6.21.

      Comme agent social, le doyen porte l'accent sur le côté socio-émotif des relations interpersonnelles en causant avec ses interlocuteurs (trices) de sujets divers, en manifestant des signes de courtoisie et de reconnaissance envers eux (elles). Pépin (1986, p.377) a fait remarquer que ces actes permettent aux administrateurs de transmettre habilement des informations relatives aux normes et attitudes à favoriser dans l'organisation. Les données présentées au tableau 6.21 montrent que les doyens ont joué ce rôle dans 7.3 pourcent de leurs activités.

      Somme toute, les observations faites auprès des doyens ont permis de constater que, dans les rôles d'information, les doyens ont participé à de nombreuses interactions avec des personnes intérieures et extérieures à la faculté. Ces interactions constituent les occasions où les doyens reçoivent, diffusent des renseignements sur la situation générale de leur faculté. Les quatre doyens ont fait savoir qu'ils travaillent beaucoup à partir des échanges directs avec les gens, surtout les membres de l'organisation. Cependant ils ont noté que les informations écrites occupent une part assez importante dans leurs activités. Parmi ces écrits, ils ont retenu les informations provenant des règlements intérieurs, des programmes de cours, de contenus de cours,, de lettres du rectorat, tout document administratif sur les étudiants, les professeurs, les chargé cours.


6.6.3 Analyse des rôles de support

      Placé dans une position charnière dans l'organisation, jouant le rôle de formateur, le doyen exerce deux rôles de support: encadreur, dépanneur.

      Comme encadreur, le doyen est sollicité par les étudiants pour obtenir des informations concernant des travaux à faire, les aidant à surmonter certaines difficultés, à effectuer des choix. Même si comme le montre le tableau 6.21, ce rôle est exercé par deux doyens dans 0.7 pourcent de leurs activités, mais tous les doyens, de par statut de formateur, fournit de l'encadrement à leurs étudiants. Durant la période d'observation, seulement les doyens D2 et D4 ont joué ce rôle.

      Comme dépanneur, le doyen exécute de petits services et s'engage dans des actions de type clérical et domestique en moyenne dans 2.7 pourcent de toutes ses activités (tableau 6.21). On retrouve les doyens à dactylographier des documents sur l'ordinateur, à fournir un livre à un étudiant, à faire des photocopies, à rechercher des documents en l'absence de la secrétaire dans les classeurs du secrétariat. Le doyen D1 a lui-même dactylographié sur son ordinateur un contrat pour la faculté; le doyen D3 a aidé la secrétaire personnelle à finaliser la dactylographie du courrier qui devait être envoyé à des participants d'un colloque.


6.6.4 Analyse du rôle de chercheur

      Les doyens du secteur privé de la présente étude prennent connaissance dans les termes de référence de leur contrat qu'ils ont un statut de professeur-chercheur, un des rôles transmis par les autres acteurs de l'institution universitaire. Dans le public, un seul doyen observé mène des activités de recherche de concert avec les professeurs et les étudiants de son établissement. Ceci ne constitue pas pour autant une obligation réglementaire pour les doyens du public. Ce rôle constitue ce que l'on pourrait appeler un rôle latent.

      Comme chercheur, le doyen s'engage dans des activités de recherche menées sous sa direction par des professeurs et des étudiants. Seul le doyen D2, s'est engagé dans ce type d'activités lors de la période d'observation. Il l'a fait en moyenne dans 0.3 pourcent de toutes ses activités (tableau 6.21).


6.6.5 Analyse des rôles de décision

      En tant que mandataire légitime, le doyen, de par sa position, est autorisé à exercer des rites d'institution, à poser des actes d'institution (Bourdieu, P., 1982, p.132). Fort de ce mandat, le doyen va prendre des décisions qui affectent différents aspects de la vie facultaire ainsi que les comportements des acteurs. Il exerce un total de dix rôles décisionnels.

      En tant que dotateur, le doyen veille à pourvoir la faculté des ressources humaines nécessaires à son bon fonctionnement. Dans le tableau 6.21, deux des quatre doyens ont exercé ce rôle dans 0.3 pourcent de leurs activités. Ils ont pris seul ou en compagnie d'autres personnes la décision d'engager de nouveaux professeurs. Ils ont au préalable été informés de la nécessité de remplacer un professeur ayant abandonné, ou démissionnaire.

      Comme planificateur, le doyen décide à l'avance de la nature, du contenu, de la séquence et de la durée des activités qui seront réalisées à court, moyen et long termes au sein de la faculté. Le tableau montre que les doyens se sont impliqués dans ce rôle dans 3.4 pourcent de toutes leurs activités. Outre la programmation de réunions, les doyens se sont engagés dans des activités soit seuls, soit de concert avec d'autres personnes pour programmer certaines activités futures relatives au développement de la faculté.

      Comme registraire, le doyen s'occupe de la sélection des étudiants, contrôle la proclamation des résultats d'admission, fournit des informations sur l'acceptation ou le refus par la faculté d'un postulant, signe des abandons de cours, vérifie, avant d'apposer sa signature, les relevés de notes, les attestations. Les doyens de l'étude ont exercé ce rôle dans 3.2 pourcent de leurs activités.

      En tant que répartiteur, le doyen veille à pourvoir en ressources matérielles, financières, physiques la faculté. Mais aussi il peut couvrir aussi des aspects comme le temps, la main-d'oeuvre, la réputation de l'organisation (Mintzberg, 1984, p.97). Ce rôle compterait chez les quatre doyens pour 2.5 pourcent de toutes leurs activités.

      Comme instructeur, le doyen spécifie pour les membres de la faculté la manière d'exécuter certaines décisions: en déterminant les modalités procédurales, les démarches à effectuer et l'attitude à adopter. Le tableau 6.21 indique que les quatre doyens ont exercé ce rôle dans 7.7 pourcent de toutes leurs activités.

      Comme conciliateur, le doyen recherche des compromis dans les conflits entre les acteurs de l'organisation. Deux des quatre directeurs se sont impliqués dans 0.3 pourcent de ce rôle dans leurs activités.

      Comme négociateur, le doyen accomplit des actes institutionnels nécessitant des accords, des compromis, des concessions avec des groupes extérieurs à l'école. Seulement trois des quatre doyens ont effectué ce rôle dans 2.0 pourcent de toutes leurs activités.

      Comme approbateur, le doyen approuve, accède ou accepte les idées des interlocuteurs n'ayant pas un pouvoir sur lui. Trois des quatre doyens ont exercé ce rôle dans 1.0 pourcent de leurs activités.

      En tant que demandeur, le doyen requiert des services auprès d'autres personnes de l'organisation. Comme le montre le tableau 6.21, trois des quatre doyens se sont impliqués dans 3.1 pourcent de ce rôle dans toutes leurs activités. Dans les occasions qui se sont offertes, les doyens ont demandé à diverses personnes de l'établissement d'effectuer des services pour aider à son bon fonctionnement.

      Comme solliciteur, le doyen demande l'appui des personnes ou des organismes externes pour la réalisation de certaines activités. Les données empiriques présentées au tableau 6.21 indiquent que trois doyens ont joué ce rôle dans 1.2 pourcent de toutes leurs activités. Les doyens ont sollicité des organismes internationaux ou locaux dans le but leur fournir des aides matérielles ou financières. Par exemple, le doyen D3 a sollicité d'un organisme étranger un soutien financier qui lui a été accordé pour l'organisation d'un rencontre internationale. Ceci a été exprimé dans cette exclamation faite à sa secrétaire personnelle, savoir: "C'est accepté! L..."

      Commentant les décisions majeures qu'ils ont à prendre, les doyens de la présente étude ont signalé que cela concernait le recrutement des professeurs, les salaires, les admissions, les étudiants, les problèmes de répartition budgétaire, le démarrage, la modification et la fermeture des programmes. Quant aux décisions mineures, elles ont trait à l'attribution de salle, aux autorisations, aux inscriptions des étudiants, aux horaires, aux professeurs retenus, aux stages des étudiants. Ces décisions correspondent bien aux rôles observés empiriquement tels ceux de répartiteur, de dotateur, d'approbateur, d'instructeur, de registraire, de planificateur. Quant aux décisions que les doyens aimeraient prendre, elles touchent la loi sur la fonction publique pour résoudre des problèmes d'ordre administratif, l'allocation des ressources financières, la dotation en ressources humaines, la structuration de l'établissement et la politique générale. Les informations dont ils auraient besoin pour prendre une série de décisions ont trait au cheminement étudiant, à des informations administratives. Pour le doyen D2, ce qu'il lui faut ce sont des moyens et pour le doyen D4, il y a un problème d'attribution qui l'empêche de prendre certaines décisions.


6.7 Les conflits de rôle

      Deux types de tableaux statistiques ont été produits: les uns se rapportant à la mesure de la tendance centrale, la médiane, les autres présentant le degré de corrélation entre les items grâce au calcul du coefficient de corrélation de rang de Spearman. Les tableaux 6.22-1 à 6.22-23, 6.23-1 à 6.23-23, 6.24-1 à 6.24-23 (voir annexe 1) présentent les problématiques de rôles c'est-à-dire les conflits, ambiguïtés et surcharges de rôles auxquelles font face les doyens des institutions publique et privée faisant partie de notre étude.

      Les tableaux 6.22-1 à 6.22-23 (secteurs privé et public), 6.23-1 à 6.23-23 (secteur public), 6.24-1 à 6.24-23 (secteur privé) correspondent au calcul de la médiane pour les items relatifs aux conflits, aux ambiguïtés et aux surcharges de rôles. La partie en grisé dans le tableau indique la médiane c'est-à-dire la tendance centrale de la problématique en question sur une échelle de Likert variant de 1 à 5. Les niveaux 1 et 2 de l'échelle indiquent une désapprobation, un désaccord sur la question posée. Les niveaux 4 et 5 signifient un fort degré d'accord sur la question. Par contre, le niveau 3 correspond à une position neutre du répondant. Par exemple, si la personne focale, dans sa réponse, choisit le niveau 5 à la question suivante « je reçois des demandes incompatibles de deux ou plusieurs personnes », on peut affirmer que celle-ci manifeste un net accord sur ce fait. En d'autres termes, qu'elle est en butte à un conflit de rôle de type interpersonnel. Pour les conflits de rôle, on a les items suivants:

  • Les tâches que j'effectue sont susceptibles d'être acceptées par certaines personnes et pas par d'autres;
  • Je fais des choses inutiles dans mon travail;
  • Je reçois des demandes incompatibles de deux ou plusieurs personnes;
  • Il y a un manque de politiques et de directives qui pourraient m'aider dans mon travail;
  • Je dois souvent me battre contre un règlement ou une politique pour accomplir mon travail;
  • Les politiques et les directives sous lesquelles je travaille sont incompatibles;
  • On ne me fournit pas la main-d'oeuvre nécessaire pour réaliser la tâche qu'on m'a donnée;
  • La quantité de travail que j'ai à faire me convient parfaitement;
  • Je n'ai pas de ressources et le matériel nécessaire à la réalisation de la tâche à laquelle j'ai été assigné;
  • J'effectue des tâches d'une certaine façon alors qu'elles devraient être faites différemment;
  • J'aime travailler comme je l'entends;
  • Les commandements et les directives que je reçois sont vagues;
  • Mon travail correspond à mes valeurs.

      Pour l'ambiguïté de rôle, on a les items ci-après:

  • Je sais exactement ce qu'on attend de moi;
  • Je sais très bien la marge d'autorité que je possède;
  • Je sais d'avance comment je serai évalué en vue d'une augmentation de salaire, de promotion;
  • J'ai bien réparti mon horaire de travail;
  • Mes objectifs de travail sont précis et planifiés;
  • Je ne sais pas si mon patron trouvera mon travail acceptable;
  • Je connais mes responsabilités;
  • Mon travail m'est bien expliqué.

      Quant à la surcharge de rôle, les items suivants ont été retenus:

  • Je peux me comporter de la même façon peu importe le groupe avec lequel je suis;
  • Je travaille avec deux ou plusieurs groupes qui fonctionnent très différemment.

      La lecture des items montre qu'il existe des liens évidents entre nombre d'entre eux. Quant à ceux relatifs aux conflits de rôle, on peut affirmer que si la personne focale effectue ses tâches d'une certaine façon alors qu'elles devraient être faites différemment, cela peut être dû au fait que certains membres de sa constellation acceptent son travail alors que d'autres non ou que celle-ci reçoit plusieurs demandes - directives et politiques - incompatibles ou que ces politiques sont inexistantes ou vagues ou sont des freins. Par conséquent, la personne en poste aura le sentiment qu'il accomplit des choses inutiles dans son travail. En outre, le titulaire du poste n'a pas les ressources et le matériel nécessaires parce qu'on ne les lui fournit pas. Si son travail correspond à ses valeurs, son travail va lui convenir parfaitement et il peut travailler comme il l'entend. Quant à ceux ayant trait à l'ambiguïté de rôle, on peut constater que si le titulaire connaît ses responsabilités c'est qu'il sait ce qu'on attend de lui, connaît sa marge d'autorité et son travail lui est bien expliqué. De plus, si ses objectifs de travail sont précis et planifiés, il peut bien répartir son horaire et il sait d'avance comment il sera évalué. Quant à la surcharge de rôle, on peut souligner que si la personne focale peut se comporter de la même façon avec n'importe quel groupe, elle est apte à travailler avec des groupes différents.

      Il appert que les doyens sont sujets à des conflits, des surcharges et des ambiguïtés de rôles dans les cas suivants:

  • tâches effectuées susceptibles d'être acceptées par certains et pas par d'autres: pour le privé et le public confondus, pour le secteur public seul, la tendance montre qu'il y a un net accord (4) - sur cet item. Par contre, dans le privé seul, on manifeste plutôt un net désaccord (2)- sur une échelle de 1 à 5 de Likert;
  • réception de demandes incompatibles: dans le privé et le public réunis, dans le public seul, on constate que la tendance est à l'approbation (4) de cet item. Dans le privé seul, la tendance manifeste une position neutre, soit le rang 3;
  • travailler avec deux ou plusieurs groupes différents: tous les secteurs réunis (public et privé) et séparés (public, privé) montrent un accord (4) pour cet item.
  • non fourniture de la main-d'oeuvre nécessaire pour la réalisation de la tâche: tous les secteurs réunis (public et privé) et séparés (public, privé) montrent un accord (5) pour cet item;
  • manque de ressources et de matériel nécessaire pour la tâche assignée: les secteurs public et privé confondus, le secteur public seul montrent un accord sur cet item (4 et 5); dans le privé, les répondants manifestent un net désaccord (1);
  • correspondance entre le travail et les valeurs du répondant: les secteurs privé et public confondus, les secteurs privé vs public manifestent un accord sur cette question (soit 4 et 5);
  • connaissance de ce qu'on attend de moi: si dans les secteurs public et privé réunis, et le secteur public seul, il y a accord sur cet item (4), par contre, dans le privé, les répondants ont une position plutôt neutre (3);
  • marge d'autorité possédée: les secteurs privé et public confondus, les secteurs privé vs public manifestent un net accord sur cette question (5);
  • objectifs précis et planifiés: les secteurs privé et public confondus, les secteurs privé vs public manifestent un net accord sur cette question (4);
  • connaissance des responsabilités: les secteurs privé et public confondus, les secteurs privé vs public manifestent un net accord sur cette question (5).

      Les doyens adoptent une position mitigée en général avec le fait qu'ils peuvent être soumis à des conflits et des ambiguïtés de rôle dans les contextes ci-après:

  • se battre contre un règlement ou une politique: 3 pour les secteurs public et privé réunis, 3 pour le secteur public vs privé;
  • répartition de mon horaire de travail: 3 pour les secteurs public et privé réunis, 3 pour le secteur public vs privé;
  • quantité de travail convient parfaitement: les secteurs public vs privé adoptent une position intermédiaire quant à cet item (3);
  • travailler comme je l'entends: les secteurs public et privé confondus, les secteurs public vs privé ont adopté une position intermédiaire (3);
  • travail bien expliqué: les secteurs public et privé confondus, le secteur privé ont adopté une position intermédiaire (3).

      Les responsables des facultés ne semblent pas en butte à des conflits, et ambiguïtés de rôles dans les situations suivantes:

  • réalisation de choses inutiles dans mon travail: tous les secteurs sont en désaccord complet soit le niveau 1 de l'échelle;
  • comportement identique quelque soit le groupe: tous les secteurs sont en désaccord complet avec cet item, soit le niveau 1 de l'échelle;
  • manque de politiques et de directives: si pour les deux secteurs confondus, les répondants manifestent un désaccord, soit le niveau 2, par contre, les répondants du privé ont une position mitigée correspondant au niveau 3;
  • évaluation en vue d'une augmentation: pour cet item, les positions sont identiques dans tous les secteurs soit le niveau 1;
  • politiques et directives incompatibles: si pour les deux secteurs confondus, les répondants manifestent un désaccord, soit le niveau 1, par contre, les répondants du privé ont une position mitigée correspondant au niveau 3;
  • travail acceptable pour le patron: tous les secteurs sont en désaccord avec cet item, soit les niveaux 2 pour les deux secteurs réunis et le secteur privé seul, et le niveau 1 pour le public;
  • tâches effectuées d'une certaine façon: tous les secteurs sont en désaccord complet avec cet item, soit le niveau 2 de l'échelle;
  • commandements et directives vagues: tous les secteurs sont en désaccord avec cet item, soit les niveaux 1 pour les deux secteurs réunis et le secteur public seul, et le niveau 2 pour le privé.

      On peut affirmer que les doyens font face à des conflits de type: personne-rôle où le titulaire du poste est confronté à des demandes qui violent ses valeurs, son code d'éthique, ses croyances (Kahn et al., 1964, pp.9-10); surcharge de rôle où la personne est incapable de satisfaire diverses demandes dans des délais fixés, d'établir des priorités et de choisir celle à ignorer (Kahn et al., 1964, pp.9-10) ou découlant d'un conflit entre plusieurs rôles exercés par la même personne, rôles nécessitant des comportements différents ou incompatibles (Rizzo et al., 1970, p.155); conflit entre le temps, les ressources ou les capacités de la personne en poste et la définition du rôle ou un conflit intra-émetteur résultant de différentes prescriptions et proscriptions incompatibles provenant d'un même émetteur; conflit avec les demandes venant des autres ou des standards d'évaluation incompatibles. Ils sont soumis aussi à des ambiguïtés de rôle dues à un défaut dans le processus de communication et de distribution de l'information dans une organisation pour permettre à la personne focale de jouer efficacement son rôle (Savoie et Forget, 1983, p.139; Kahn, 1980, p. 426). Les résultats de la présente recherche rejoignent ceux de Peterson et al. (1995, p.447) qui soulignent que la distance hiérarchique dans les pays non occidentaux provoque des surcharges de rôle; ces gestionnaires connaissent leurs buts, leurs attentes et leurs responsabilités.

      Par ailleurs, le calcul du coefficient de corrélation de rang de Spearman a été effectué pour mesurer le degré de congruence entre les rangs des observations relatives à deux items respectivement pour les secteurs public et privé réunis, le secteur public et le secteur privé (voir tableaux 6.25, 6.26, 6.27 en annexe 1). Les mesures significatives (a£ 0,05 et a£ 0,01) sont marquées par une ou une double astérisque; il apparaît qu'il existe 99.95 pourcent ou 99,99 pourcent de chances pour que cette congruence se manifeste dans les situations vécues par les doyens. Dans ces tableaux, une valeur positive obtenue indique une corrélation significative entre deux items de type « plus..., plus... ». Par contre, une valeur négative signifie une corrélation de type « moins..., plus... ».

      Il appert une corrélation de contenu, et de direction dans la façon de répondre de l'ensemble des doyens des secteurs public et privé réunis (premier nombre des parenthèses ci-dessous) et ceux du secteur public (second nombre des parenthèses ci-après) uniquement pour les items suivants . Les données issues du questionnaire de Rizzo et al. (1970) démontrent que:

  • Plus les doyens savent très bien ce qu'on attend exactement d'eux, plus ils peuvent se comporter de la même façon peu importe le groupe avec lequel ils sont (0,609;0,654);
  • Plus ils savent très bien ce qu'on attend exactement d'eux, plus ils doivent souvent se battre contre un règlement ou une politique pour accomplir leur travail (0,621;0,662);
  • Moins ils savent très bien ce qu'on attend exactement d'eux, plus ils reçoivent des demandes incompatibles de deux ou plusieurs personnes (-0,614;-0,747);
  • Plus les tâches qu'ils effectuent sont susceptibles d'être acceptées par certaines personnes et pas par d'autres, plus la quantité de travail qu'ils ont à faire leur convient parfaitement (0,712;0,766);
  • Plus ils font des choses inutiles dans leur travail, plus ils peuvent travailler avec deux ou plusieurs groupes qui fonctionnent très différemment (0,539;0,626);
  • Plus ils savent très bien leur marge d'autorité, plus ils ont assez de temps pour faire leur travail (0,487;0,734);
  • Plus ils font des choses inutiles dans leur travail, plus les commandements et les directives qu'ils reçoivent sont vagues (0,629;0,738);
  • Moins il y a un manque de politiques et de directives qui pourraient les aider dans leur travail, plus ils sont réprimandés ou louangés lorsqu'ils ne s'y attendent pas(-0,717;-0,860);
  • Moins ils travaillent avec deux ou plusieurs groupes qui fonctionnent très différemment, plus ils sont assignés à des tâches qui correspondent à leur formation et à leurs capacités (-0,607;-0,688);
  • Plus ils répartissent bien leur horaire de travail, plus ils aiment travailler comme ils l'entendent (0,526;0,783);
  • Plus ils sont assignés à des tâches qui correspondent à leur formation et à leurs capacités, plus leur travail correspond à leurs valeurs (0,678;0,784);
  • Moins ils sont incertains de la façon avec laquelle leurs tâches sont liées à d'autres tâches administratives, plus ils sont réprimandés ou louangés lorsque ils ne s'y attendent pas (-0,622;-0,727);
  • Moins leurs objectifs de travail sont précis et planifiés, plus ils effectuent des tâches d'une certaine façon alors qu'elles devraient être faites différemment (-0,581;-0,761);
  • Plus ils sont réprimandés ou louangés lorsqu'ils ne s'y attendent pas, plus ils aiment travailler comme ils l'entendent (0,694;0,641).

      Il importe de noter que, dans le secteur privé, on obtient une concordance parfaite positive (+1,000) et négative (-1,000 qui signifie que les rangs pour les deux variables sont dans l'ordre inverse) pour de nombreuses corrélations. Les items corrélés sont donc des prédicteurs significatifs issus du questionnaire sur les conflits de rôles en ce qui concerne les problématiques de rôles. Il est intéressant de noter que les résultats obtenus pour les répondants (au nombre de six) du privé ont une très forte intensité dans les deux directions contrairement à ceux du public (au nombre de 11). Les corrélations suivantes ont été relevées pour ces items:

  • Plus ils font des choses inutiles dans leur travail, plus ils peuvent se comporter de la même façon peu importe le groupe avec lequel ils sont: 1,000;
  • Plus les tâches qu'ils effectuent sont susceptibles d'être acceptées par certaines personnes et pas par d'autres, plus ils doivent souvent se battre contre un règlement ou une politique pour accomplir leur travail: 1,000;
  • Moins les tâches qu'ils effectuent sont susceptibles d'être acceptées par certaines personnes et pas par d'autres, plus ils sont assignés à des tâches qui ne correspondent pas à leur formation et à leurs capacités: -1,000;
  • Plus ils peuvent se comporter de la même façon peu importe le groupe avec lequel ils sont, plus ils font des choses inutiles dans leur travail: 1,000;
  • Moins ils savent exactement ce qu'on attend d'eux, plus les commandements et les directives qu'ils reçoivent sont vagues: -0,917;
  • Moins les tâches qu'ils effectuent sont susceptibles d'être acceptées par certaines personnes et pas par d'autres, plus leur travail ne correspond pas à leurs valeurs: -1,000;
  • Plus ils doivent souvent se battre contre un règlement ou une politique pour accomplir leur travail, plus les tâches qu'ils effectuent sont susceptibles d'être acceptées par certaines personnes et pas par d'autres: 1,000;
  • Plus ils reçoivent des demandes incompatibles de deux ou plusieurs personnes, plus les politiques et le directives sous lesquelles ils travaillent sont incompatibles: 1,000;
  • Moins ils reçoivent des demandes incompatibles de deux ou plusieurs personnes, plus leurs objectifs de travail sont précis et planifiés: -0,894;
  • Moins ils doivent souvent se battre contre un règlement ou une politique pour accomplir leur travail, plus leur travail ne correspond pas à leurs valeurs: -1,000;
  • Moins ils sont assignés à des tâches qui correspondent à leur formation et à leurs capacités, plus ils ne doivent pas souvent se battre contre un règlement ou une politique pour accomplir leur travail: -1,000;
  • Plus ils reçoivent du feedback sur leur rendement, plus la quantité de travail qu'ils ont à faire leur convient parfaitement: 0,884;
  • Plus ils sont assignés à des tâches qui correspondent à leur formation et à leurs capacités, plus ils sont incertains de la façon avec laquelle leurs tâches sont liées à d'autres tâches administratives: 0,884;
  • Plus ils sont assignés à des tâches qui correspondent à leur formation et à leurs capacités, plus ils n'ont pas de ressources et de matériel nécessaire à la réalisation de leur tâche à laquelle ils ont été assignés: 0,884;
  • Plus ils travaillent avec deux ou plusieurs groupes qui fonctionnent très différemment, plus les politiques et le directives sous lesquelles ils travaillent sont incompatibles: 1,000;
  • Plus ils travaillent avec deux ou plusieurs groupes qui fonctionnent très différemment, moins on leur fournit la main-d'oeuvre nécessaire pour réaliser la tâche qu'on leur a donnée: 1,000;
  • Plus ils travaillent avec deux ou plusieurs groupes qui fonctionnent très différemment, plus ils sont réprimandés ou louangé lorsqu'ils ne s'y attendent pas: 1,000;
  • Moins ils ont bien réparti leur horaire de travail, plus ils ne savent pas si leur patron trouvera leur travail acceptable: -0,973;
  • Plus ils reçoivent du feedback sur leur rendement, plus ils aiment travailler comme ils l'entendent: 0,917.

      Il ressort du calcul du coefficient de corrélation de Spearman pour le secteur privé de la présente étude que les doyens sont confrontés à des problématiques de rôles de manière plus intense que ceux du secteur public vu que plusieurs corrélations expriment une association positive parfaite entre plusieurs couples de variables. On peut remarquer que certains résultats des deux secteurs réunis et du secteur public vont non seulement dans la même direction mais également se rapprochent sensiblement dans nombre de cas. Ceci peut s'expliquer par le fait que les répondants du public ont un poids important dans le calcul du coefficient vu leur nombre, soit 11 contre six pour le privé. Cette dichotomie très marquée entre public et privé au regard de la corrélation de Spearman peut trouver une explication dans la structure organisationnelle des deux institutions universitaires. En effet, du côté public, les doyens ont une plus grande marge de manoeuvre dans la gestion de leurs facultés; par contre, dans le privé, les doyens ne bénéficient pas d'une telle marge et surtout il se présente des conflits organisationnels de type line-staff qui viennent augmenter les appréhensions qu'ils ont du climat organisationnel de leur institution.

      A la lumière des résultats obtenus dans le calcul de la corrélation de Spearman, il est évident que les répondants reçoivent différentes prescriptions et proscriptions incompatibles provenant d'un même émetteur, des demandes simultanées et opposées, et sont soumis à des demandes qui violent leurs valeurs. Ceci fait ressortir qu'ils sont confrontés, comme le soulignent Kahn et al. (1964), Brunet et al. (1985), à des conflits extrinsèques (intra-émetteurs, inter-rôle, interpersonnel, extrapersonnel) et intrinsèques (personne-rôle, intrapersonnel). En outre, ces données confirment la forte incidence des rôles prescrits et perçus sur les rôles exercés (Savoie et Forget, 1983) par les doyens. Des ambiguïtés de rôle apparaissent au regard des résultats parce que pour les répondants ils existent des distorsions dans le processus de communication et de distribution à l'intérieur de l'institution universitaire; ils ne peuvent jouer efficacement leurs rôles du fait qu'ils ne possèdent pas l'information requise (Kahn et al.,1964; Kahn, 1980).

      Somme toute, les doyens sont sujets à des conflits de rôles, des ambiguïtés de rôles et à des surcharges de rôles. Si pour certains items, il n'existe pas de différences entre les répondants mais pour d'autres, on peut constater que les positions divergent en analysant certaines réponses en ce qui a trait au test de la médiane. Par contre, quant à la corrélation de Spearman, on observe des différences significatives dans la valeur de la corrélation des variables: les corrélations sont pratiquement parfaites et d'une très forte intensité pour le privé.


6.8 Propositions sur la nature du travail de gestion des doyens

      Cette partie propose un ensemble de quinze propositions présentant un portrait de la nature du travail de gestion des doyens. Ces propositions sont issues aussi bien de la collecte et de l'analyse des données mais également des impressions du chercheur tout au long de sa réflexion.

      Proposition 1

      Les doyens sont des gestionnaires d'imprévus et d'urgences. Ceci se justifie par le fait que les doyens s'engagent dans des aspects de leurs activités qui les portent à avoir un régime de travail bref, varié, fragmenté et incertain. Ils montrent une grande permissivité à l'imprévu qui les oblige à jouer divers rôles au cours d'une même journée de travail, ou d'une même activité. Le caractère superficiel de leur travail prend plus d'ampleur avec l'incertitude à laquelle ils doivent faire face car ils perdent le contrôle de l'utilisation de leur temps. Malgré qu'ils consacrent 51 heures de travail par semaine à leurs activités, ils ont indiqué qu'ils n'ont pas suffisamment de temps pour accomplir leur travail. Le fait de gérer constamment des urgences fait des doyens des "pompiers" qui sont toujours en train d'éteindre des feux, les obligeant à être systématiquement sur "le plancher des vaches", dans les opérations.

      Proposition 2

      Les doyens, de par leur statut, accomplissent des actes institutionnels [qui sont par essence même] des actes de communication (Bourdieu, 1982). Une lecture du fichier chronologique et de la correspondance des doyens fait ressortir que ces derniers passent la majeure partie de leur temps à communiquer avec les acteurs internes et externes à l'organisation par des interactions verbales ou l'intermédiaire du courrier. Comme l'ont souligné Brassard et al. (1986), les administrateurs scolaires ont exercé un rôle tant informationnel qu'interpersonnel lors de leurs communications. Les quatre doyens conviennent que les interactions verbales occupent une très grande place dans leur travail et celles-ci se trouvent à la base des différents rôles joués par eux.

      Proposition 3

      Les doyens sont à la fois administrateurs et enseignants eux-mêmes. Dirigeants d'une bureaucratie professionnelle, ils se consacrent davantage à des tâches administratives et n'accordent aucune importance à l'observation des professeurs en classe soulignant que ce n'est pas nécessaire. Ils rejoignent ainsi la position de Mintzberg (1982) sur les bureaucraties professionnelles, à savoir que leur centre opérationnel a un grand poids parce qu'il est composé de professionnels. Ils laissent les professeurs exercer une autorité d'experts dans leurs classes sur les questions qui se rattachent à leurs spécialités, ajoutant que les professeurs sont souverains dans leur matière dans la mesure où ils sont compétents. En conséquence, les doyens ne s'impliquent pas dans le domaine pédagogique. Ils s'intéressent beaucoup à leur personnel et à leurs étudiants parce qu'ils représentent l'essentiel pour eux. Contrairement à ce qu'a rapporté Person (1985, cité par Mech, 1994, pp.9-10), les doyens semblent maîtriser le paradoxe de la gestion universitaire, savoir s'adonner à la fois à des comportements administratifs et au rôle de formateur. Mais Bernard (1992, p. 109) a souligné que les professeurs accédant à des postes administratifs ont moins de temps pour l'enseignement: la qualité de l'enseignement fourni semble donc plutôt compromise.

      Proposition 4

      Les doyens ont un contrôle restreint sur leur travail. Tous reconnaissent que les professeurs ont une expertise professionnelle. Cependant dans le secteur public, leur marge d'autorité organisationnelle et institutionnelle est plus grande contrairement à ceux du privé dont le poids du vice-rectorat aux affaires administratives sur de nombreuses décisions d'allocation budgétaire est important. Cependant les doyens des deux secteurs sont donc confrontés à un manque de moyens ce qui fait dire à Malburg (1992, p. 207) qu'un chef sans moyens est frustré et devient un "chefaillon". Ces responsables considèrent les professeurs comme des professionnels de très bon niveau ayant un coût d'opportunité très élevé. Pour influencer les professeurs dans la réalisation de leur travail, ils utilisent le dialogue, la persuasion, la revalorisation de leur statut. En effectuant des rites institutionnels au travers des actes institutionnels, les doyens répondent à des attentes institutionnelles des membres émetteurs de prescriptions et de proscriptions. Dans le privé, les doyens même s'ils se sentent très libres mais ils partagent le contrôle de leur faculté avec leurs supérieurs, leurs professeurs, et leurs étudiants. Dans le public, ils se sentent plus en contrôle par leurs étudiants et leurs professeurs qui les ont élus.

      Proposition 5

      A travers leurs actes institutionnels, les doyens expérimentent sous certains aspects un mode de gestion qui se rapprocherait de ce que Deal et Peterson (1994, pp. 70-93) appellent une gestion symbolique pour un établissement éducatif équilibré. Leur mode de coordination semble plutôt latéral et collaboratif au lieu d'être vertical supportant des valeurs de collégialité par des face-à-face en dialoguant avec les professeurs. Le doyen D4 préfère parler d'"ajustement mutuel". Leur accessibilité accrue aux étudiants leur permet de transformer la communication en des signaux culturels qui transmettent des valeurs d'ouverture. Leurs actes - les cérémonies - leur fournissent entre autres l'occasion de réaliser des productions symboliques, soit par les directives, soit par les "discours performatifs" (Bourdieu, 1982), tenus en la circonstance qui leur permettent comme par magie de manipuler les représentations mentales des autres acteurs en consacrant un état de choses. Ces "énoncés performatifs" les aident à construire une identité, une spiritualité et un engagement partagés (Deal et Peterson, 1994, p. 89). Le fait de se considérer comme ayant du leadership, un meneur ils deviennent eux-mêmes des symboles en prêchant par l'exemple dans l'assiduité à leur travail.

      Proposition 6

      Les doyens mettent l'accent sur l'aspect interne de leurs rôles. Les résultats des données d'observation montrent que ceux-ci mettent l'emphase sur les rôles de point de mire, d'inspecteur, d'informateur, d'agent social et d'instructeur qui sont autant de rôles internes. Ceci fait apparaître que le travail à l'interne occupe beaucoup de place dans l'ensemble de leurs activités. La présente étude partage ce que Martin (1980, cité par Brassard et al., 1986, p.128) appelle le "focus interne" de certains administrateurs scolaires, focus qui s'explique à la fois par les contraintes de la fonction et la préférence consciente de ces derniers. Ils croient que pour la bonne marche de l'institution, ils doivent s'occuper en priorité des personnes placées sous leur responsabilité, à savoir les étudiants et le personnel de la faculté Cependant ils estiment que puisque le travail se fait en relation avec le milieu (écoles, autres facultés, etc...) ils ont intérêt à établir ou à maintenir des contacts avec les personnes extérieures à l'établissement, soulignant au passage qu'ils doivent promouvoir activement leur faculté, pourvoir à leur rayonnement, accomplir un travail de relations publiques tant au niveau national qu'international.

      Proposition 7

      C'est une bureaucratie professionnelle à structure aplatie. Trois des quatre doyens n'ont pas d'assistants formels c'est-à-dire des personnes ayant une responsabilité administrative clairement définie et qui seraient rémunérées en conséquence: un travail ressemblant de près à du bénévolat. En bout de ligne, le doyen garde la pleine responsabilité de tout le travail. Cette structure a donc une faible distance hiérarchique. D'où une nette propension à se référer toujours au doyen. Le doyen D3 a souligné que même s'il renvoie un étudiant à la secrétaire, on lui répond souvent qu'on veut parler au doyen. Le doyen D1, quoique ayant des assistants partage ce point de vue en ajoutant qu'"on a l'impression qu'il a des solutions à toutes les questions, il peut proposer plus directement".

      Proposition 8

      Les doyens en jouant ces différents rôles font appel à des habiletés diverses. Jouer les rôles de négociateur, de planificateur, d'agent social, de porte-parole, de dépanneur...nécessite de la part des administrateurs l'appropriation de nombreuses habiletés comme l'ont fait remarquer Katz (1974) et Mintzberg (1984) de type conceptuel, technique, politique et humain. Seulement les doyens du privé ont eu l'opportunité d'avoir une formation, plutôt éphémère. Le doyen D1 a signalé qu'"il arrive à la fonction comme tout le monde aussi bien à l'étranger qu'ici" c'est-à-dire sans une formation préalable, ni ne bénéficiant de formation en cours d'emploi.

      Proposition 9

      Le travail d'administrateur universitaire est constitué d'une composante reliée au contexte de vie de l'individu et à une sous-composante psycho-motrice. Trois des quatre doyens ont fait état des difficultés à satisfaire leurs responsabilités familiales au regard des exigences de leur travail. Seul le doyen D4 a pu s'investir dans d'autres activités de type sportif qui l'absorbent autant que sa vie professionnelle. Bordeleau (1992) a noté que ces aspects précités et d'autres tels les qualités personnelles, les attitudes face à la carrière constituent des vues complémentaires pour permettre au gestionnaire d'avoir du succès, de réussir, bref d'être performant dans son milieu de travail. Quant à l'attitude qu'ils ont face à leur travail, les quatre doyens ont déclaré aimer ce qu'ils font. Cependant, ils éprouvent à des degrés divers des frustrations, des déceptions à cause du manque de moyens humains, financiers, ou vis-à-vis des résultats de leur travail de formation dans la société.

      Proposition 10

      L'investissement accru des doyens dans leur travail montre une recherche continue d'arriver à un fonctionnement harmonieux de leur faculté. Tous les rôles exercés concourent à assurer une permanence du système. L'implication dans les rôles de point de mire, d'informateur, d'instructeur, de planificateur et dans les différentes dimensions (locaux, programmes, personnel, vie étudiante...) favorise une stabilité au sein de l'organisation. En outre, les nombreuses interactions verbales qui représentent la majeure partie de leur travail dévoilent un aspect socio-émotif qui visent maintenir un climat social positif dans l'établissement.

      Proposition 11

      Le tempo des doyens varie entre des activités quotidiennes et périodiques qui les forcent à harmoniser leur calendrier. Le quotidien des doyens est fait d'une foule de problèmes, d'imbroglios et de paradoxes. Leur journée commence très tôt - 5/6 heures du matin - et la première partie est consacrée à recevoir des gens, à lire le courrier, à recevoir ou à faire des appels téléphoniques. Le reste de la journée est partagé soit dans les sorties du doyen pour répondre à des invitations, participer à des réunions, assumer des charges d'enseignement, et les rencontres en après-midi avec les membres de la faculté. Mais leur travail a aussi des activités périodiques, des activités qui reviennent selon des cycles précis tels les inscriptions, les évaluations des apprentissages, l'élaboration du budget, la planification de l'année scolaire.

      Proposition 12

      Les données d'observation révèlent une dichotomie entre pratiques quotidiennes et perceptions des doyens de leurs rôles. Ils sont tous des professeurs-chercheurs, mais seul le doyen D2 arrive avec beaucoup d'efforts à mettre en place des activités de recherche. Ils sont supposés faire de la recherche mais les conditions matérielles de leur fonction les empêchent de faire autrement. Une comparaison des tableaux 6.20 et 6.21 fait ressortir une distanciation entre les données perceptuelles des doyens et ce qui se passe dans la réalité: entre ce qu'ils pensent de leurs rôles et aimeraient faire et ce qu'ils font réellement.

      Proposition 13

      Tous les doyens font face dans leur travail à des conflits, des ambiguïtés et des surcharges de rôles. Ils sont confrontés à des problématiques de rôles comme: les demandes qui violent les valeurs, le code d'éthique, les croyances du titulaire du poste; l'incapacité de la personne à satisfaire diverses demandes dans des délais fixés, d'établir des priorités et de choisir celle à ignorer ou le conflit entre plusieurs rôles exercés par la même personne, rôles nécessitant des comportements différents ou incompatibles; le conflit entre le temps, les ressources ou les capacités de la personne en poste et la définition du rôle provenant d'un même émetteur; le conflit avec les demandes venant des autres ou des standards d'évaluation incompatibles; les ambiguïtés dues à un défaut dans le processus de communication et de distribution de l'information dans une organisation pour permettre à la personne focale de jouer efficacement son rôle.

      Proposition 14

      Les doyens de la présente étude présentent plus de similarités que dissimilitudes dans leurs activités. Ils effectuent tous les mêmes tâches et les mêmes rôles dans leur cadre de travail. Ils sont tous des gestionnaires d'imprévus et d'urgences donc soumis à l'incertitude de leur travail et de l'environnement. D'où un contrôle limité de l'utilisation de leur temps. Ils effectuent de nombreuses interactions tant avec les acteurs internes qu'externes à l'organisation. Ils ont exercé pratiquement la majorité des rôles. Cependant il appert de faire état des dissemblances, savoir: les doyens du public connaissent leur budget et sont engagés dans des négociations systématiques avec des instances financières pour améliorer leur situation et ceux du privé n'en ont aucune idée. Les doyens du privé s'occupent beaucoup d'attribution de salles.

      Proposition 15

      Il appert que le travail des doyens représente un modèle intégré (voir figure 10, annexe 2) comportant de multiples aspects tels les habiletés (compétences), les rôles, les conflits de rôles, les caractéristiques personnelles, les éléments environnementaux - organisationnels, sociétaux -, le contexte personnel de vie, les caractéristiques du travail, les effets de position et de disposition, les dimensions du travail de gestion. Les résultats de cette étude permettent de conclure qu'une compréhension approfondie du travail de gestion des doyens doit prendre en compte l'ensemble de ces éléments sus-mentionnés.

      Les administrateurs universitaires haïtiens, en l'occurrence les doyens, présentent de nombreuses similitudes avec les directeurs d'écoles québécoises. A la lumière des données d'observation recueillies, les similarités suivantes sont apparues, à savoir:

  1. ils sont des gestionnaires d'imprévus;
  2. ils se consacrent davantage à des tâches de nature administrative;
  3. ils effectuent une gestion symbolique de leur établissement;
  4. ils mettent l'accent sur le volet interne de leurs rôles;
  5. ils gèrent de manière à assurer une certaine stabilité institutionnelle;
  6. ils ont des activités cycliques;
  7. leurs perceptions du travail d'administrateur ne correspondent pas à en tout point aux données d'observation;
  8. ils ont un contrôle sectionnel sur leur travail.

      Les dissemblances avec les directions d'écoles apparaissent dans les aspects ci-dessous:

  1. Ils sont des gestionnaires d'urgences;
  2. Ils sont aussi des formateurs;
  3. Ils doivent faire face à différentes problématiques de rôles, y compris des conflits organisationnels de type line-staff;
  4. Ils effectuent un rôle latent de chercheur;
  5. Ils sont des superviseurs;
  6. Ils ont un rôle d'encadreur;

      Il faut aussi mentionner que les directions d'écoles ont joué des rôles que les doyens n'ont pas fait montre lors de la période d'observation tels ceux de programmateur, d'arbitre, d'appréciateur, de conseiller personnel, de soutien moral, d'analyste, de pilote, d'entrepreneur, de tacticien.

      On ne peut pas clore ce chapitre sans faire état brièvement du caractère atypique de la journée de travail du doyen D2. Voici comment il décrit sa journée:

Ma journée commence le matin chez moi dès 4 ou 5 heures du matin jusqu'à 7/7heures 30. Puis je me rends à la faculté à 8 heures pour s'occuper de l'administration de l'institution. A 8h30, je laisse la faculté pour participer à de nombreuses réunions à l'extérieur qui consistent à établir des relations de travail avec les autres institutions, - ministère de l'Éducation, rectorat de l'UEH, ou autres institutions nationales ou internationales -. A partir de 14h30/15 heures, je reviens à la faculté. Dès cette heure à 20 heures, mon travail consiste en l'aspect strictement académique, en assurant des cours - 15 heures par semaine -, ou en relation avec les étudiants ou les professeurs pour résoudre des problèmes en rapport avec les cours. Par ailleurs, nous avons des séances le samedi avec des étudiants et des professeurs sur des recherches que nous réalisons.


CONCLUSIONS

      Au terme de cette étude sur les "Rôles de gestion et conflits de rôles chez les administrateurs haïtiens", il importe de rappeler les grandes lignes de notre travail. Cette recherche a eu pour but d'observer, de décrire, d'analyser les comportements administratifs des doyens d'institutions haïtiennes publique et privée. L'observation a été la première démarche accomplie, puis une description systématique des activités dans lesquelles les doyens se sont impliqués lors d'une semaine complète de travail. L'étude tendait aussi à obtenir les perceptions et les attentes des doyens vis-à-vis de leur travail, et d'y joindre des éléments quantitatifs pour pouvoir mieux décrire les rôles de gestion, les problématiques de rôles et de présenter des propositions sur la nature de leur travail.

      Pour ce faire, la présente recherche a tenté de donner des réponses à la question générale et à ses questions subséquentes, à savoir:

      Question générale: Quels sont les rôles administratifs exercés et les conflits de rôles rencontrés par les administrateurs universitaires haïtiens dans leurs activités de gestion?

      Questions spécifiques:

  1. Les rôles définis par Mintzberg (1973) sont-ils exercés par ces administrateurs universitaires haïtiens?
  2. L'exercice de ces rôles et leur fréquence diffèrent-ils selon le type d'institution?
  3. Combien de temps est accordé à chacun des rôles dans une semaine de travail?
  4. Dans quel contexte administratif ou organisationnel, ces rôles sont-ils joués par ces administrateurs?
  5. Les administrateurs universitaires haïtiens sont-ils confrontés à des conflits de rôle dans l'exercice de leur fonction?
  6. Dans leur contexte de travail, les administrateurs connaissent-ils des ambiguïtés de rôle?
  7. Les administrateurs universitaires haïtiens sont-ils surchargés ?
  8. Quels sont les caractéristiques et le contenu de leur travail?
  9. Quelles sont leurs perceptions à l'égard de leur travail et de leurs comportements administratifs?
  10. Ces perceptions permettent-elles de mieux cerner la nature de leur travail?

      Un premier groupe de quatre doyens de la zone métropolitaine de Port-au-Prince ont été observés et l'ensemble des doyens, soit 17 au total, des deux institutions haïtiennes publique et privée a répondu au questionnaire sur les conflits de rôles. Chaque participant a été choisi selon son expérience en administration universitaire, la possession de caractéristiques particulières propices à une modélisation, ses activités administratives qui donneraient une image complète de la gestion organisationnelle, la position charnière occupée dans l'organisation, le niveau de gestion académique. Quoique le groupe soit limité, les caractéristiques socio-professionnelles dégagées de cette étude peuvent se retrouver dans un échantillon de doyens de la région métropolitaine. Les participants forment un groupe de doyens présentant une certaine homogénéité. La pertinence du choix de ceux-ci s'explique par leur capacité à produire l'information en rapport avec le problème en question.

      Cette recherche est le résultat de deux démarches parallèles et complémentaires. Le mode principal de collecte des données a été l'observation structurée (Mintzberg, 1973, 1984) à laquelle sera adjointe une instrumentation complémentaire comprenant des documents invoqués (agenda et tout autre matériel), des enquêtes par entrevue et par questionnaires. Une telle approche vise à accroître la rigueur de nos observations et à effectuer une triangulation croisée des sources et des modes de cueillette des données en vue de leur validation (Laperrière, 1994, p.59), et d'établir la fidélité des traces (Van der Maren, 1997). Ces instruments visent à décrire non seulement chaque sujet sur le plan personnel et professionnel mais aussi à colliger leurs perceptions et leurs attentes en vue de pouvoir nuancer l'interprétation des données empiriques sur les rôles de gestion des doyens et d'avoir une idée plus précise sur le contexte de travail. Un questionnaire a été employé pour évaluer les problématiques de rôle, questionnaire construit par Rizzo et al (1970) et traduit de l'anglais au français par Brunet (1984).

      Durant l'automne 1997, le chercheur a observé chacun des quatre doyens dans leur faculté pendant une semaine de travail dans le but de colliger ce que ceux-ci font réellement dans leur travail: les différentes activités et dimensions dans lesquelles les doyens se sont engagés. L'obtention de ces données s'est faite en trois phases: l'enregistrement des données au moyen d'une grille d'observation décrivant chaque activité en se posant les interrogations - quand, qui, où, quoi et comment - et en notant toutes informations anecdotiques relatives à des incidents ou des faits intéressants. Ces notes d'observation ont permis de produire trois fichiers: chronologique décrivant chaque activité, de contact retraçant chaque interaction verbale et de correspondance pour les pièces du courrier reçu et expédié. Enfin au début et à la fin de chaque période d'observation, le chercheur a recueilli les commentaires des doyens sur leur travail. Un groupe de 17 personnes, tous les doyens des deux institutions, a répondu au questionnaire de Rizzo et al. (1970) en vue d'identifier les problématiques de rôles auxquelles font face ces administrateurs universitaires.

      Deux grandes catégories de données sont recueillies lors de cette recherche: celles issues des observations des rôles administratifs et celles issues de l'administration du questionnaire sur le conflit de rôle et de l'ambiguïté de rôle. Ces données sont classées par niveau d'inférence (faible et élevé). Les données à faible niveau d'inférence comportent celles enregistrées dans les trois fichiers - chronologique, de contact et de correspondance - et leurs catégories, à l'exception des catégories désignant le(s) but(s) des activités ou des pièces du courrier. Les données à niveau élevé d'inférence comprennent les notes théoriques et l'analyse de ces buts. Ces dernières ont facilité la construction des profils de chaque doyen, puis d'un cadre général du comportement administratif des doyens en identifiant les caractéristiques, les dimensions, et les rôles exercés dans leur travail. Les remarques des doyens recueillies lors des entrevues ont permis de nuancer les données empiriques d'observation sur la nature de leur travail. Les données issues de l'administration du questionnaire de Rizzo et al. (1970) relatif au conflit de rôle et à l'ambiguïté de rôle ont été analysées à l'aide de méthodes d'analyse statistique non paramétrique tels le test de la médiane, le coefficient de corrélation de Spearman.

      Cette recherche possède des limites à un double niveau : d'une part la généralisabilité des résultats obtenus à partir de cet échantillon à la population des doyens tant publics que privés, d'autre part, l'application de la typologie de Mintzberg (1973,1984) issue d'un contexte nord-américain - transférabilité transculturelle (Postic et De Ketele, 1988, p.111) - à la réalité socio-culturelle haïtienne. Toutefois, la triangulation des données a permis d'assurer la fiabilité du devis et la validité des résultats, puis de fournir une modélisation de la nature du travail des doyens haïtiens.

      Les données d'observation obtenues ont supporté les réponses à la question: "Que font réellement les administrateurs universitaires haïtiens dans leur travail? en présentant dans le détail le contenu et les caractéristiques de leur travail. Il appert que les doyens accomplissent un volume élevé de travail: des journées et semaines de travail surchargées 3  comportant de nombreuses activités variées, brèves, fragmentées qui les exposent à l'incertitude et les portent à agir superficiellement plutôt qu'en profondeur. Les données empiriques font ressortir que ceux-ci ont une maîtrise limitée de leur travail et ont un grand réseau de contacts. Les données quantitatives colligées ont mis en évidence les dimensions du travail des doyens auxquelles ces derniers ont accordé leur attention: le personnel, la vie étudiante, les finances, les programmes d'enseignement, les relations faculté-milieu, l'enseignement. Il a été permis de constater que les doyens exercent de nombreux rôles regroupés dans cinq catégories: représentation, information, support, scientifique, décision. Ils se consacrent en majeure partie à des rôles tournés vers l'intérieur de l'organisation (point de mire, inspecteur, informateur, agent social...).

      Les données perceptuelles recueillies auprès des participants ont permis de procéder à une description du contenu et des caractéristiques de leur travail, à mettre en évidence leurs perceptions et de mieux cerner leur travail. Une analyse combinée des données empiriques et perceptuelles, ainsi que celles issues du questionnaire de Rizzo et al.(1970) a aidé à construire les propositions suivantes sur le travail de gestion des doyens.

  1. Les doyens sont principalement des gestionnaires d'imprévus et d'urgences.
  2. Les doyens sont à la fois administrateurs et professeurs eux-mêmes.
  3. Les doyens gèrent leurs organisations sans en avoir le plein contrôle.
  4. Les doyens, sous certains aspects, ont une gestion symbolique et un mode de coordination latéral et collaboratif plutôt que vertical.
  5. Les doyens ont une gestion orientée surtout vers l'intérieur de l'organisation, d'où un focus interne.
  6. Les doyens gèrent une bureaucratie professionnelle à faible distance hiérarchique.
  7. Les doyens exercent différents rôles requérant des habiletés diverses.
  8. Les doyens cherchent à harmoniser travail de gestion et contexte familial de vie.
  9. Les doyens cherchent à maintenir un bon climat organisationnel au sein de leur faculté.
  10. Les doyens évoluent à travers des cycles d'activités quotidiens et périodiques.
  11. Les doyens sont confrontés à des conflits de rôle et des ambiguïtés de rôle.
  12. Les doyens effectuent un travail qui présente plus de similarités que dissimilarités tant dans le contenu que dans les caractéristiques.
  13. Il existe une dichotomie entre les perceptions des doyens et ce qu'ils pensent ou aimeraient faire.
  14. Le travail représente un modèle intégré constitué de multiples volets allant du contexte personnel de vie aux rôles et conflits de rôles en passant par les habiletés nécessaires.

      Quatre types d'implications se dégagent suite aux conclusions et propositions découlant de la recherche, savoir: celles ayant trait aux pratiques administratives; celles relatives à la formation des doyens; celles ayant rapport à la transformation de la fonction sur le plan institutionnel; celles relatives aux recherches à poursuivre.


1- Implications relatives aux pratiques administratives universitaires

      Cette étude se veut une description complète de ce que font réellement les doyens durant une journée et une semaine normales de travail. Dans cet ordre d'idées, les conclusions tirées de celle-ci peuvent être d'une grande utilité pour les doyens eux-mêmes. Ils auront l'occasion de regarder la réalité dans laquelle ils évoluent régulièrement tant du point de vue du contenu que des caractéristiques, ainsi que des dimensions de leur travail. Ces conclusions peuvent jouer le rôle d'"incidents critiques" qui leur permettront de faire une analyse approfondie des composantes de leur travail comme administrateurs universitaires. Le fait d'être, (Commel, 1974, cité par Pépin, 1986, p.427) "des administrateurs débordés par le quotidien" s'explique plutôt par le type de travail qu'ils accomplissent et les idyosyncrasies de l'organisation éducative qu'à leurs traits individuels.


2- Implications pour la formation et la sélection des doyens

      Des résultats et conclusions de cette recherche, il appert que les doyens sont engagés dans des actes d'institution et, par conséquent des actes de communication en majeure partie. Ils s'investissent dans de nombreuses activités relationnelles. Pour ce faire, ils devraient bénéficier de programmes de formation et de perfectionnement axés sur ces aspects de leur travail leur permettant de produire un discours "performatif" capable d'influencer la vie facultaire.

      L'exercice des différents rôles requiert des habiletés diverses. Les administrateurs universitaires devraient acquérir: des habiletés relatives à des outils conceptuels en vue d'avoir une vision globale non seulement de l'organisation mais aussi entre celle-ci et les acteurs sociaux, économiques et politiques de la société; des habiletés techniques pour la maîtrise des processus et procédures gestionnelles; des habiletés humaines pour jouer efficacement le rôle d'animateur, de meneur; des habiletés politiques pour pouvoir négocier avec les autres organisations et les forces politiques, pour gérer les conflits internes.

      Il importe de souligner que les dirigeants des institutions universitaires privées devraient rechercher des personnes présentant un profil les rendant aptes à occuper le poste de doyen. Les habiletés qui ont été présentés précédemment doivent être recherchées en priorité chez tout postulant à cette fonction même s'il faille combler certaines lacunes reliées à son degré d'"enculturation" aux pratiques administratives universitaires.


3- Implications quant à l'évolution de la fonction de doyen au plan institutionnel

      Dans les termes de référence des doyens du secteur privé, il est fait mention de leur rôle de professeur-chercheur. Ils doivent non seulement enseigner mais aussi faire de la recherche. Une telle référence risque d'affaiblir le travail d'administrateur universitaire qui absorbe tout le temps de ces derniers. Préparer un cours et l'enseigner ensuite est déjà un travail qui nécessite beaucoup d'énergie et de temps. Faire de la recherche représente une activité tout aussi laborieuse pour la personne focale. L'exercice de ce rôle de scientifique complique la pratique des autres rôles identifiés entraînant de ce fait des difficultés dans la gestion universitaire. Une redéfinition de la fonction de doyen constitue un aspect majeur pour la recherche d'une formation de qualité.


4- Implications pour la recherche

      Cette étude descriptive se veut un préalable dans la compréhension du comportement de gestion des doyens. Il est évident que le développement d'instruments pour une modélisation des rôles des doyens vient à peine de commencer. A partir des données empiriques recueillies, il devient possible de construire un autre questionnaire plus adapté pouvant répertorier le contenu et les caractéristiques du travail des doyens. D'autres études similaires devraient être menées à d'autres moments de l'année académique auprès des doyens d'autres institutions privées et de doyens du public.

      Les liens entre l'exercice des rôles et l'efficacité organisationnelle devraient faire l'objet d'études. Ceci permettrait de voir le poids relatif à accorder à chacun des rôles de gestion pour une optimisation du travail de doyens et de mettre ainsi en place des programmes de formation et de perfectionnement appropriés.

      Des liaisons entre l'environnement socio-culturel et les problématiques de rôles - conflit, ambiguïté, surcharge -, mais aussi entre celles-ci et les structures génératrices de rôles pourraient faire l'objet d'études ultérieures. Ces deux pistes de réflexion offrent la possibilité de comprendre d'une part, l'influence des structures de rôles, entre autres les envoyeurs de rôles et, d'autre part, l'environnement socio-culturel sur les problématiques de rôles.

      De plus, outre les représentations que les administrateurs se font de leurs pratiques de travail mais l'incorporation de celles des membres de la constellation de rôles sur le travail de ces administrateurs constitue une nécessaire ouverture pour mener une recherche. Ce questionnement permettrait d'avoir d'autres sources d'information sur les activités administratives des doyens et de cerner de manière plus approfondie la nature du travail de ces derniers.

      Par ailleurs, les postulats énoncés plus haut constituent autant de pistes de réflexion pour de nouvelles recherches sur la nature du travail de gestion des doyens. Tout comme les implications de cette étude, les prospectives s'adressent, d'une part, aux administrateurs et, d'autre part, aux chercheurs.


1- Prospectives pour les administrateurs

      Certains chercheurs soulignent que les organisations éducatives, et en particulier les universités, doivent être administrées comme des organisations souples, flexibles (Crozier, 1971; Weick, 1976). Dans cet ordre d'idées, il est important pour les administrateurs universitaires de développer des talents divers et d'avoir des approches administratives équilibrées qui prennent en compte aussi bien les aspects techniques que les orientations symboliques de leur travail (Peterson et Deal, 1994, p.114).


2- Prospectives pour les chercheurs

      À notre connaissance, aucune autre recherche en Haïti n'a été conduite sur les gestionnaires haïtiens, en l'occurrence les doyens. Si notre étude est la première à approfondir cette question, elle mérite d'être complétée par d'autres recherches. Celles-ci pourraient utiliser nos instruments et valider nos résultats. Ces recherches devraient se faire à d'autres périodes de l'année académique en vue de compléter celle-ci. Les chercheurs seraient alors capables d'élaborer un cadre théorique permettant d'approfondir la compréhension de la nature du travail des administrateurs universitaires haïtiens.


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