Note(s)

[1]  Ce terme de concept sensibilisant sera défini au chapitre 2.

[2]  En définissant le paradigme comme une vision du monde orientant l'action, nous ne pouvons qu'établir une relation avec la notion de sens commun telle que développé par Geertz (1983). Il définit le sens commun comme un système culturel dont les adhérents croient à la valeur et à la validité. Le sens commun a cinq grandes « qualités ». Il est naturel, c'est-à-dire qu'il présente les choses telles qu'elles sont dans la nature, il présente les aspects intrinsèques de la réalité. Il est utilitaire et fonde des règles de conduites. Le sens commun est simple, littéral, les choses sont exactement ce qu'elles paraissent être, ni plus ni moins. Il est accessible à toute personne dont les facultés sont raisonnablement intactes. Enfin, le sens commun ne s'embourbe pas dans les contradictions et les inconsistances. Geertz souligne qu'il est à la base de nombreux systèmes philosophiques qui ont dû, au départ, partager les choses évidentes des non-évidentes. Le sens commun finit par être dogmatique et totalitaire car il rejoint la vérité. Les parallèles entre le sens commun et un paradigme sont donc nombreux : vision du monde, fondateur de vérités et de pratiques, présence d'inconsistances. La principale différence entre les deux concernent leur niveau d'élaboration et de structuration. Il faut cependant retenir que le sens commun peut se trouver à la base d'un paradigme et que celui-ci peut n'en être pas très éloigné, surtout lorsqu'il prétend voir les choses telles qu'elles sont dans leur réalité objective.

[3]  Pearlin est un psychologue social qui s'intéresse au stress et aux stratégies adptatives depuis plus de 10 ans au moment de la publication de cet article.

[4]  La double direction d'une variable ne peut être considérée que dans le contexte d'une interaction ou toute autre analyse qui a identifié a priori des sous-populations homogènes quant à l'effet de la dite variable. Il faut donc suspecter la double direction et faire des hypothèses précises sur les sous-populations ou les variables d'interaction à croiser avec la variable d'intérêt.

[5]  Dans cet article de 1989, Gottlieb proposait un modèle écologique du stress, dans lequel il appelait les chercheurs, s'intéressant à l'aide informelle, à intégrer dans les études du stress trois éléments contextuels de l'aide à un parent âgé. D'abord il propose de porter davantage d'attention à la relation affective entre l'aidant et son parent, une relation marquée par l'affection devant réduire le stress associé à la transition au rôle d'aidant. Dans un second temps, il souligne l'importance de regarder l'insertion de la prise en charge dans le cycle de vie de l'aidant, dans quelle mesure le rôle est voulu, jusqu'où ce nouveau rôle interfère avec les autres. Enfin, il suggère d'inclure dans les analyses de stress la mesure dans laquelle l'aidant considère que les autres membres de la famille et les services peuvent le soutenir. Cet article, qui préfigurait plusieurs innovations de la quatrième génération dont l'insertion de l'aide dans la trajectoire de vie de l'aidant, est curieusement demeuré lettre morte jusqu'à tout récemment. Seul le cumul des rôles, particulièrement le conflit avec le travail, a été étudié.

[6]  Plusieurs critiques relatives à ces essais typologiques sont soulevées, autant par leurs concepteurs (Kellerhals, 1987; Kellerhals et Roussel, 1987) que par d'autres sociologues de la famille (Bawin-Legros, 1988; Bawin-Legros et Sommer, 1987). On relève que ces typologies sont essentiellement descriptives et que les principaux axes retenus par les concepteurs de ces typologies sont intuitifs, sans fondements théoriques. Bawin-Legros (1988) souligne que ces typologies assument la nucléarité. Elles ignoreraient les conflits internes à la famille et les enjeux de pouvoir, ainsi que les autres champs de l'activité humaine, particulièrement la vie professionnelle (Bawin-Legros et Sommer, 1987). Enfin ces typologies sont statiques et elles postulent des projets à long terme, qui n'existeraient tout simplement pas.

Si certaines des critiques nous apparaissent tout à fait fondées, certaines autres, soulevées par Bawin-Legros surtout, nous apparaissent quelques peu sévères. Les typologies, principalement celle de Kellerhals (1987), n'ignorent pas l'autre sphère d'activité qu'est le travail et n'ignorent pas les conflits entre les acteurs. Ces deux aspects y sont implicites. Kellerhals et ses collègues (1982) soulignent entre autres l'importance de l'insertion professionnelle des femmes et des ressources sociales de chaque partenaire dans la négociation et l'orientation plus égalitaire, plus autonomiste et moins normative du couple. D'autre part, une typologie n'implique pas nécessairement l'existence de projet à long terme. En fait, il se peut très bien que des couples passent d'un type d'union à un autre et de famille au gré des circonstances et des conditions de vie auxquels ils sont confrontés. Les types d'union et de famille illustreraient le répertoire socialement disponible aux acteurs.

[7]  Le terme de concept sensibilisant ("sensitizing concepts") a été développé par Glaser (1978). Un concept sensibilisant, provenant de la formation ou de la discipline du chercheur, fournit des indications, des références que le chercheur utilise pour formuler de façon déductive des questions qui lui permettront de mettre en lumière un matériau qui lui permettra, à son tour, de formuler des concepts de façon inductive. Le concept sensibilisant sert donc surtout à orienter le questionnement comme Glaser le souligne :

"But mostly important, the sensitizing concept is not simply verified through the research process. Instead, it is used to uncover data that otherwise might be overlooked. The use of sensitizing concepts is at the beginning of the research, rather than becoming the whole of the analysis. Then, formulation of definitive concepts occurs after the researcher has taken the data through analytic phases of conceptualization" (p. 39).

[8]  Nous expliquerons au point 3.5. nos réserves quant à cette stratégie de validation des résultats d'une recherche.

[9]  Pour Francine Fournier, le fait de « garder » son père consacre son état de dépendance, ce qui soulève chez elle (et chez plusieurs aidants) des problèmes sur lesquels nous reviendrons plus loin.

[10]  Robert Bordeleau et Marie-Anne Caron participaient aux groupes psycho-éducatifs que nous avons suivis. À plusieurs occasions lors des rencontres ces deux personnes ont fait part de leur culpabilité face à l'hébergement de leur conjoint.

[11]  Soulignons ici que Nicole Roy et Nicole Larocque sont une seule et même personne. Elle a été interviewée comme bru aidant sa belle-mère et comme fille soutenant ses parents.

[12]  Hasselkus (1993) note même que la présence constituerait la stratégie fondamentale de soutien.

[13]  Une fille, rencontrée lors d'une autre recherche, qui s'occupait de sa mère atteinte d'Alzheimer nous a fait part d'une expérience similaire suite aux soins personnels qu'elle lui prodiguait.