Résumé·s
Le Plan d’action en santé mentale institué en 2005 marque le début d’une période de changements profonds qui auront un impact significatif sur les équipes de première ligne qui assurent la plupart des services au Québec. Le changement se manifestera sur deux fronts distincts. En premier lieu, le passage de services historiquement ancrés dans un modèle biomédical vers des services centrés sur le rétablissement. En second lieu, l’adoption de processus administratifs s’inscrivant dans une philosophie de gestion axée sur les résultats qui ont pour objectif de mesurer et d’assurer l’efficacité des services.
L'objectif de cette étude est d’explorer le statu du développement des pratiques axées sur le rétablissement au niveau des travailleurs sociaux de première ligne dans le contexte administratif mentionné ci-haut. Le travail de recherche qualitatif et exploratoire est construit sur l’analyse de 11 interviews semi structurés avec des travailleurs sociaux et des gestionnaires dans des équipes de première ligne en santé mentale. Les entretiens m’ont non seulement permis d’identifier et d’examiner des actions concrètes s’inscrivant dans l’effort d’implantation du Plan d’action mais aussi de sonder et d’explorer la signification qui est donnée au rétablissement par les travailleurs sociaux de première ligne.
Les résultats indiquent que certains facteurs relatifs à l'organisation du travail tels que la flexibilité, l'autonomie, la réflexivité et l’interdisciplinarité peuvent favoriser une pratique orientée vers le rétablissement. Aussi, les résultats démontrent que le modèle du rétablissement et la profession du travail social partagent des valeurs fondamentales mais que la signification et l'expression du rétablissement ont été profondément influencés par les modèles organisationnels et obligations administratives en vigueur. Il appert que les travailleurs sociaux sont confrontés, dans leur pratique, à des contraintes qui dépassent leur mandat professionnel et, à certains égards, leur savoir-faire.
En somme, les résultats obtenus indiquent que le passage avec succès vers la pratique de services basés sur le rétablissement est compromis par les exigences d’un modèle de gestion axé sur les résultats.
Following the 2005 Mental Health Action Plan most mental health services are offered in primary care teams. This policy called for a paradigm shift away from a biomedical model of care toward a process-focused ‘recovery’ orientation in mental health. Concurrently, it called for the use of a results-orientation that is outcome-focused in order to ensure efficiency.
The objective of this research project was to explore the development of recovery-oriented practices among social workers in first line mental health teams in Québec. To do this, I investigated the microprocesses of implementing recovery-oriented services and practices alongside results-oriented management techniques. In addition, this project explored the saliency of a recovery orientation specifically for first line mental health social workers.
This qualitative, exploratory study consisted of 11 semi-structured interviews with social workers and managers in first line mental health teams. The results indicate that certain aspects of work organization, such as flexibility, autonomy, reflexivity, training, and interdisciplinarity can foster a practice that is recovery-oriented. In addition, the results show that the foundations of both the recovery orientation and the social work profession share common values. However, social workers face constraints to practice that go beyond their know-how and professional base.
Our exploratory study leads us to contemplate the influence of work organization on changing practice. The results suggest that practicing from a recovery orientation was a shared ideal among the participants but that the meaning and expression of this ideal was profoundly shaped by practice contexts. The implications of these results are that recovery-oriented systems will be difficult to develop in a result-oriented paradigm.