L'Académie Julian et ses élèves canadiens : Paris, 1880-1900
Thesis or Dissertation
2011-05 (degree granted: 2011-11-03)
Author(s)
Level
DoctoralDiscipline
Histoire de l'artKeywords
- Académie Julian
- Académie Julian
- Art canadien
- Canadian art
- Enseignement académique
- Academic Training
- Formation artistique
- Art teaching
- XIXe siècle
- 19th century
- Influence française
- French influence
- Rodolphe Julian
- Rodolphe Julian
- Marie Bashkirtseff
- Marie Bashkirtseff
- Communications and the Arts - Fine Arts / Communications et les arts - Beaux-arts (UMI : 0357)
Abstract(s)
Cette thèse étudie les relations artistiques entre le Canada et la France à la fin du XIXe siècle et définit la place qu’occupe l’atelier libre qu’est l’Académie Julian dans le réseau artistique parisien, tout en privilégiant comme étude de cas le passage de ses élèves canadiens entre 1880 et 1900. Soucieux d’entreprendre une étude fouillée sur cette institution artistique et de revenir aux documents d’archives et autres témoignages, nous privilégions la voix des étudiants et des journalistes de l’époque pour décrire tant l’atmosphère que le fonctionnement de l’Académie Julian en précisant notamment les stratégies développées par Rodolphe Julian lui-même pour faire de cette école un lieu quasi incontournable pour qui veut suivre une formation artistique de qualité. La personnalité de Rodolphe Julian, tout comme celle de Marie Bashkirtseff – que nous percevons comme le porte-parole « visible » de l’Académie Julian – seront mises à l’avant-plan puisque, en plus des élèves eux-mêmes, ces deux personnes furent les véritables ambassadeurs promotionnels de l’établissement.
Rodolphe Julian, entrepreneur hors norme, doit être étudié pour lui-même afin d’appréhender la complexité propre au personnage et de saisir pleinement l’originalité de son école. Notre étude se penchera sur l’homme et son établissement qui ont incité des générations d’étudiants, dont les peintres canadiens – amateurs curieux ou professionnels accomplis – à cumuler, en plus d’un savoir-faire technique acquis par leur formation dans cet établissement, des labels de promotion et de visibilité (prix, médailles, distinctions) favorables au plein épanouissement commercial d’une carrière artistique au Canada. L’art français est alors fort prisé par la classe dominante canadienne désireuse d’acquérir pour ses salons un portrait ou un paysage. En cela, l’acquisition d’un enseignement rigoureux basé sur l’étude de la composition et du modèle nu répondra à cette attente de la clientèle tout en ayant par la suite un impact direct dans les méthodes d’apprentissage offertes au pays. Un grand nombre des anciens élèves canadiens de l’Académie Julian chercheront par leur formation à propager et à implanter un système d’enseignement des arts similaire à celui acquis à l’Académie Julian, permettant ainsi à des générations d’artistes de bénéficier de leur expérience outre-Atlantique comme d’autres artistes-professeurs l’avaient fait avant eux.
L’axe principal de la thèse repose sur l’idée selon laquelle l’éclatement progressif de la reconnaissance de l’École des beaux-arts au profit des ateliers privés transforme les prérequis à l’accès à la formation et présente, dans son lien à l’économie – dans le rapport art et industrie – l’artiste comme un entrepreneur qui adapte et développe son discours et sa production à la demande du marché. Au Canada, l’offre d’éducation technique et de formation professionnelle met de l’avant un modèle artistique français. En ce sens, le voyage qu’entreprennent les artistes en direction de la ville de Paris prend tout son sens comme destination d’étude et de labellisation du statut de l’artiste. En plus de faire l’histoire de l’Académie Julian et de son fondateur, Rodolphe Julian, l’objectif de cette thèse est de répertorier la présence des artistes canadiens dans cette école tout en soulignant l’apport qu’offre cette institution dans la reconnaissance de la formation artistique liée au système honorifique que l’école et ses professeurs parviennent à contrôler en favorisant leurs élèves au Salon.
Pour atteindre notre objectif, nous privilégions une division en trois chapitres, reliés l’un à l’autre par une thématique commune, soit l’éducation artistique française. Dans la logique qu’impose le déplacement outre-Atlantique des peintres, le premier chapitre aborde cette question du point de vue canadien pour ensuite définir le contexte français. Dans cette première partie, nous présentons les structures à la disposition des artistes au Canada et nous précisons le réseau de formation disponible au XIXe siècle. Les figures clés que sont Napoléon Bourassa ainsi que l’abbé Joseph Chabert sont prises en exemple pour aborder la question de la formation artistique au pays où le modèle pédagogique français est utilisé. La commande du curé Sentenne pour la chapelle Notre-Dame du Sacré-Cœur de la basilique Notre-Dame de Montréal illustre la quasi-nécessité qu’ont les peintres canadiens de devoir faire le voyage en direction de Paris pour poursuivre leur formation artistique et permet de comprendre que le lieu de production est tout aussi important pour l’œuvre que pour l’artiste. À cette époque, la renommée de l’École des beaux-arts de la ville de Paris, avec la réforme de 1863, fait de cet établissement l’un des plus prestigieux du monde. Toutefois, malgré des efforts de restructuration, l’établissement reste en marge de son époque ce qui favorise l’essor des « Académies libres » dont la plus célèbre est l’Académie Julian.
Le second chapitre est entièrement consacré à cette école et à son fondateur, présenté comme un homme d’affaires avisé et un petit maître de la peinture. Jusqu’alors reléguée au second plan par rapport à son Académie, l’étude du personnage permet de saisir l’originalité de son établissement lorsqu’il décide, entre autres, d’y accepter les femmes. Conscient du potentiel qu’offre son école – susceptible d’accueillir des artistes du monde entier – nous analysons les stratégies d’expansion et de promotion de l’Académie mises en place par Rodolphe Julian et nous nous attardons à l’utilisation du personnage de Marie Bashkirtseff pour atteindre ces deux objectifs.
Le troisième chapitre définit pour sa part les motifs et la formation acquise auparavant qui incitent les peintres de notre corpus à vouloir poursuivre leur formation artistique à Paris, et plus particulièrement chez Julian. Le milieu socio-économique (et socio-linguistique, tous deux liés) et l’influence d’un maître de formation européenne apparaissent comme des facteurs propices à leur inscription à l’Académie Julian et c’est par les archives de l’école que nous mettons à jour les différents abonnements et le temps passé dans cet établissement par les peintres canadiens. Les inscriptions disponibles sur les fiches d’abonnement permettent – avec l’analyse de témoignages connexes – de définir le fonctionnement de cette institution de formation artistique. Ainsi, à partir de documents d’archives, le séjour parisien du peintre canadien Joseph Saint-Charles fait l’objet d’une étude de cas qui permet de relier l’artiste à l’Académie Julian, mais aussi de déterminer les stratégies qu’il met en place pour se faire reconnaître comme peintre professionnel, en France, mais aussi au Canada lorsque ses succès sont rapportés dans les journaux. Malgré la disparition des registres de l’école, nous abordons cependant la question des Canadiennes de passage à l’Académie Julian et soulignons les inégalités qui subsistent entre les sexes. Malgré certaines disparités, il n’en demeure pas moins que même pour la gent féminine, l’établissement se présente comme un tremplin d’insertion et de reconnaissance de la pratique artistique, que ce soit par l’acquisition d’un apprentissage académique traditionnel où prédomine la maîtrise du dessin ou par le fait d’obtenir la « correction » des maîtres consacrés de la peinture française.
Bien qu’il faille reconnaître le fondement des critiques que rapportent les élèves sur leur passage à l’Académie Julian, nous remarquons que, pour la plupart, le but véritable de leur inscription vise à les préparer à leur future carrière comme artistes professionnels et leur permet d’obtenir la consécration qu’offre le fait d’être admis au Salon national des artistes français avec l’appui de l’école et de ses professeurs, qui orienteront ce que certains qualifieront de « produit Julian ». This thesis examines the artistic relations between Canada and France at the end of the nineteenth century, and the legacy of the ‘ateliers libres’ of the Académie Julian within the Parisian arts network. Through a case study, it focuses on the experience of Canadian students at the institution between 1880 and 1900. A conscious desire to provide a detailed study of this art institution drawing upon its annals and various personal accounts underlies the recourse to testimonies by students and journalists of the time to describe the prevailing atmosphere at the Académie Julian as well as its general management, its origin, and the strategies adopted by Rodolphe Julian himself to shape his school into ‘the institution de rigueur’ for those who sought artistic training of the highest calibre. Along with the students themselves, the personality of Julian as well as that of Marie Bashkirtseff – considered to be the "visible" spokesperson of the Académie – are at the forefront of this research since these two individuals were the true ambassadors of the Académie.
Rodolphe Julian, an exceptional entrepreneur, must be examined in his own right to provide an understanding of his complexity and to fully grasp the originality of his Académie. This research examines both the man and his school, which together enticed generations of students, including Canadian painters (curious amateurs and accomplished professionals alike) to acquire not only the technical know-how during their training at the Académie Julian but also earn accolades and awards (prizes, medals and distinctions) inextricably associated with a commercially successful artistic career in Canada.
During that period, French art was highly valued by the dominant Canadian upper and middle classes eager to purchase portraits and landscapes to adorn their living rooms. Indeed, rigorous instruction based on the study of composition and nudes met students’ expectations and directly influenced training methods in their home country. As a result of their training, a large number of former Canadian students of the Académie Julian sought to perpetuate an art education system similar to that of the Académie Julian, thus enabling generations of artists to benefit from their transatlantic experiences as other artist-professors had done before them.
The main thrust of this thesis is its contention that the progressive change in perception of the École des Beaux Arts towards recognition of the "ateliers privés" influenced training prerequisites, shifting the artist into an economic space, intertwining the arts with industry: the artist as entrepreneur capable of adapting and developing his discourse and production in response to market conditions. In Canada, the diversification of technical education and professional training favoured the French artistic model. For artists, studying in Paris was meaningful; it was also a means of enhancing their status.
In addition to tracing the history of the Académie Julian and that of its founder, Rodolphe Julian, this thesis also seeks to identify the presence of Canadian artists in the Académie, and to highlight its contribution to the recognition of fine arts training and its interplay with the honorary system of the Salon, which the Académie and its instructors controlled, by favouring their students.
This thesis comprises three chapters, each linked by an overarching theme: the French art education system. Defining the French artistic context from a Canadian perspective, Chapter 1 deals with painters who were compelled to cross the Atlantic. The first section outlines the training possibilities available to artists in Canada and the training network available to artists in the 19th century. In covering the topic of art education in a country where the French teaching model prevailed, key figures such as Napoléon Bourassa and Abbé Joseph Chabert, are cited. Curé Sentenne’s commission for Montréal’s Notre-Dame Sacré-Cœur chapel of the Notre-Dame Basilica illustrates the near necessity for Canadian painters to travel to Paris to pursue their artistic training and helps explain why the place of production was just as important for an artwork as it was for the artist. At that time the reputation of the École des Beaux-Arts in Paris, consolidated by the reform of 1863, made this establishment one of the most prestigious in the world. However despite restructuring efforts, the Académie remained out of touch with the times, and this favoured the rise of the ‘Académies libres’, the most famous of all being the Académie Julian.
Chapter II is devoted entirely to the Académie Julian and its founder, an astute businessman and ‘petit maître de la peinture’. The study of the man himself, which has so far served as a backdrop to a more detailed study of the Académie reveals the innovative nature of his establishment particularly with regard to his decision to admit women to study in his studios. Aware of the prospects his school offered, he was willing to accommodate artists from all over the world. His strategies for the expansion of the Académie are analyzed as well as the role of Marie Bashkirtseff in this respect.
Chapter III describes the motivations and preliminary apprenticeships, which encouraged the artists being studied here to pursue their education in Paris, specifically at the Académie Julian. The socio-economic context – perhaps the socio-linguistic as well, since they are interrelated – and the influence of a master of European training appear to be the deciding factors. The institution’s archives shed light on the registration of Canadian painters and the time they spent there. The entries in the records of the Académie along with various personal accounts make it possible to understand how this training institution was managed. Based on information retrieved from the archives, the time that Canadian painter Joseph Saint-Charles spent in Paris is used as a case study not only to link the artist to the Académie Julian but also to determine the strategies which enabled him to be recognized as a professional painter in France as well as in Canada where his successes were widely reported in the press. Although there is no record of Canadian women in the archives of the Académie Julian, their role is nevertheless analyzed, underlining the prevailing gender inequalities. In spite of certain disparities, for female artists the Academy nevertheless constituted a springboard for inclusion and recognition of their artistic practice, whether it was through acquiring a traditional academic apprenticeship where the mastery of drawing prevailed or by working “under the guiding hands” of acclaimed Masters of French painting.
Although the validity of criticisms leveled by students against their school must be acknowledged, for most of them the real purpose of their enrolment was to prepare their future careers as professional artists, facilitate their rite of passage to the "Salon national des artistes français", thanks to the support of the Académie and its instructors, and be “emblazoned” with the ‘Julian trademark’.
Note(s)
Thèse dirigée sous la direction conjointe de Lise Lamarche et Jean Trudel.This document disseminated on Papyrus is the exclusive property of the copyright holders and is protected by the Copyright Act (R.S.C. 1985, c. C-42). It may be used for fair dealing and non-commercial purposes, for private study or research, criticism and review as provided by law. For any other use, written authorization from the copyright holders is required.