Résumé·s
Nous nous pencherons sur les travaux du jeune Heidegger afin de montrer que, s’il affirme dans Être et temps que les animaux ne sont ni chose, ni Dasein, mais participent d’un énigmatique mode d’être propre – le « simplement vivant », ce qui ne fait « rien de plus que vivre » – cela constitue un revirement dans la pensée heideggérienne. Dans les travaux qui préparent la rédaction de Sein und Zeit, l'animal avait toujours été considéré comme un être qui a un monde, comme un être auquel nous devons reconnaître le mode d'être du Dasein. En s’appuyant sur l’interprétation phénoménologique d’Aristote qu’il présente dans ses cours de 1919 à 1926, nous montrerons que les structures fondamentales de l'être-au-monde ont été élaborées sur le fond des capacités propres à la vie animale que sont l’affection (pathos), la perception (aisthēsis), la discrimination (krinein), la mobilité (kinesis kata topon) et le désir (orexis).
Our investigation of young Heidegger’s work aims at showing that, if Being and Time states that animals are neither mere things, neither Dasein, but have their own puzzling mode of being – “mere life”, which does not exist, but simply lives – this constitutes a reversal in Heidegger’s way of thinking. In the works that prepared the way towards Sein und Zeit, animal life was always presented as being-in-a-world, as a being to which we must ascribe Dasein’s way of being. With the help of Heidegger’s phenomenological interpretations of Aristotle presented between 1919 and 1926, we will show that the basic features of being-in-the-world that will become Being and Time's existential structures were developed on the basis of capacities belonging to animal life : affection (pathos), perception (aisthēsis), discrimination (krinein), mobility (kinesis kata topon) and desire (orexis).