Les niveaux et les facteurs déterminants de la mortalité infantile en Nouvelle-France et au début du Régime Anglais (1621-1779)
Thesis or Dissertation
Abstract(s)
A l’époque de la Nouvelle-France, il n’était pas rare que des enfants de moins d’un an décèdent. Les parents acceptaient avec sagesse et résignation le décès de leurs enfants. Telle était la volonté du Tout-Puissant. Grâce au Registre de la Population du Québec Ancien (R.P.Q.A.) élaboré par le Programme de Recherche en Démographie Historique (P.R.D.H), l’ampleur de la mortalité infantile a pu être mesurée selon plusieurs critères, quelques facteurs déterminants examinés ainsi qu’une composante intergénérationnelle identifiée. Couvrant pour la première fois la totalité de l’existence de la colonie, nos résultats confirment l’importance de la mortalité des enfants aux XVIIe et XVIIIe siècles (entre 140 et 260‰ avant correction pour le sous-enregistrement des décès).
Des disparités tangibles ont été constatées entre les sexes, selon le lieu de naissance ainsi que selon la catégorie professionnelle à laquelle appartient le père de l’enfant. L’inégalité des probabilités de survie des tout-petits reflète l’iniquité physiologique entre les genres, avec une surmortalité masculine de l’ordre de 20%, et l’influence de l’environnement dans lequel vit la famille : les petits de la ville de Québec décédaient en moyenne 1,5 à 1,2 fois plus que les petits des campagnes. Montréal, véritable hécatombe pour l’instant inexpliquée, perdait 50% de ses enfants avant l’âge d’un an, ce qui représente 1,9 fois plus de décès infantiles que ceux des enfants de la campagne, qui jouissent malgré tout des bienfaits de leur environnement. Les effets délétères de l’usage de la mise en nourrice, qui touche plus de la moitié des enfants des classes aisées citadines, ravagent leur descendance de plus en plus profondément. L’examen de la mortalité infantile sous ses composantes endogène et exogène révèle que la mortalité de causes exogènes explique au moins 70% de tous les décès infantiles. La récurrence des maladies infectieuses, l’absence d’hygiène personnelle, l’insalubrité des villes constituaient autant de dangers pour les enfants.
Dans une perspective davantage familiale et intergénérationnelle où l’enfant est partie intégrante d’une fratrie, des risques significatifs ont été obtenus pour plusieurs caractéristiques déterminantes. Les mères de moins de 20 ans ou de plus de 30 ans, les enfants de rang de naissance supérieur à 8, un intervalle intergénésique inférieur à 21 mois ou avoir son aîné décédé accroissent les risques de décéder avant le premier anniversaire de l’ordre de 10 à 70%, parce que le destin d’un enfant n’est pas indépendant des caractéristiques de sa mère ou de sa fratrie. Nous avons aussi constaté une relation positive entre la mortalité infantile expérimentée par une mère et celle de ses filles. La distribution observée des filles ayant perdu au moins 40% de leurs enfants au même titre que leur mère est 1,3 à 1,9 fois plus grande que celle attendue pour les filles ayant eu 9 enfants et moins ou 10 enfants et plus. Il existerait une transmission intergénérationnelle de la mortalité infantile même lorsqu’on contrôle pour la période et la taille de la famille. During Quebec’s colonial era, children often died before reaching their first anniversary. Parents accepted with wisdom and resignation the death of their children; thus was the will of the Almighty. Thanks to the Registre de la Population du Québec Ancien (R.P.Q.A.) put together by the Programme de Recherche en Démographie Historique (P.R.D.H), the level of infant mortality has been measured, some determining factors analyzed and an intergenerational component identified. Covering for the first time the entire French colonial period, our results confirm the importance of infant mortality in the 17th and 18th centuries (from 140 to 260 per thousand before applying corrections to account for the under-registration of deaths).
Significant disparities on account of sex, birthplace and father’s profession have been observed. Inequalities in probabilities reflect physiological differences between males and females with a 20 per cent higher risk for boys and the influence of urban or rural residence: the city of Quebec’s children died on average 1,5 à 1,2 times more than rural children. Montreal, showing extraordinarily high levels of infant mortality, still unexplained, lost 50 per cent of its children before age one, which represented 1,9 times more infant deaths than those of rural children who enjoyed a better environment. The deleterious effects of wet-nursing practices, concerning more than half of children born in wealthy urban families, devastated more and more their descendants. Furthermore, the study of the endogenous and exogenous components of infant mortality revealed that the mortality of exogenous causes explains more than 70 per cent of all infant deaths. The recurrence of infectious diseases, the lack of personal hygiene, and the insalubrities of urban environments posed serious dangers for children.
From a familial and intergenerational perspective, which views each child as an integral part of a sibship, significative risks have been observed for several determining characteristics. Teenage mothers (<20) or mothers over 35, a high birth rank (8+), a short birth interval (less than 21 months) and the death of the previous child increase infant mortality of the index child from 10 to 70%, because a child’s fate is not independent of his mother and sibling characteristics. We also found that infant mortality clustered within certain families. A positive relationship between infant mortality experienced by mothers and daughters has been found. The observed distribution of daughters having lost at least 40 per cent of their children when their mothers also lost the same proportion of their children is 1,3 to 1,9 times higher than the one expected. An intergenerational transmission of infant mortality probably existed, when controlling for period and sibship size.
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