« Pris en hiver » : éléments philosophiques pour une théorie de l'éducation chez Theodor W. Adorno
Thèse ou mémoire
2023-08 (octroi du grade: 2024-05-22)
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PhilosophieRésumé·s
Cette recherche reconstruit le déploiement philosophique qui supporte les réflexions de Theodor W. Adorno autour de l’éducation et de ce qu’il nomme l’« échec de la culture [Scheitern der Kultur] ». Plutôt que de traiter de l’éducation chez Adorno en soi, nous proposons de prendre ses réflexions sur l’éducation comme prisme de lecture de sa critique de la philosophie et de son histoire. La critique de l’éducation se révèle donc toujours déjà critique de la philosophie et de la culture. Le premier chapitre clarifie le processus historique qui mena à l’échec de la culture et à la demi-formation [Halbbildung], à partir de la lecture adornienne de Hegel. Cet échec de la culture s’exprime essentiellement autour d’une autonomisation de la culture qui se mute en fétichisme, où les produits culturels sont perçus comme valables en eux-mêmes, au détriment de l’histoire effective. Cette réification de la culture (laquelle inclut la métaphysique) contribue alors à la déconnexion de la culture de l’expérience vécue. Le second chapitre développe sur les conséquences psychiques de cette absolutisation, qui dans les faits bloque la capacité de faire l’expérience des limites de l’organisation sociale. Incapables d’envisager que les choses pourraient être autrement, les individus se retrouvent aux prises avec un sentiment d’angoisse et d’impuissance qui les prédisposent à des mécanismes de défense psychique violents et agressifs qui ouvrent la porte à la barbarie. Ce chapitre est construit autour de la lecture de la psychanalyse freudienne (Sigmund et Anna Freud) d’Adorno. Au troisième chapitre, nous explorons comment l’autonomie kantienne de laquelle se revendique Adorno trouve son terme complémentaire dans le concept kantien de discipline, négligé par Adorno. Par le concept adornien de « bloc kantien [kantische Block] », nous envisageons comment le refus kantien des fausses réconciliations philosophiques permet de penser une éducation à la hauteur de l’aliénation collective et de la perte de l’expérience qui permettrait de prévenir un nouvel Auschwitz. Le dernier chapitre envisage alors ce que serait une éducation réussie à l’époque de l’expérience perdue. Pour ce faire, ce sont les écrits de Walter Benjamin et de Marcel Proust qui sont mobilisés, eux qui ont tous deux abondamment thématisé ce que serait une expérience de la perte de l’expérience pour Adorno. Le concept d’expérience spirituelle [geistige Erfahrung] s’avère alors central à une conception adornienne d’une éducation possiblement réussie. Chacun de ces chapitres proposent une lecture originale des écrits pédagogiques des auteurs et de l’autrice mobilisés par Adorno, bien que celui-ci ait généralement bien peu abordé ces écrits. En exposant la cohérence entre les métaphysiques et les pédagogies des auteurs et de l’autrice, c’est-à-dire comment leurs conceptions de l’éducation découlent de leurs métaphysiques, c’est la cohérence entre la critique philosophique d’Adorno et ses écrits sur l’éducation qui est aussi démontrée. This research reconstructs the philosophical deployment that supports Theodor W. Adorno’s reflections on education and what he calls the “failure of culture [Scheitern der Kultur]”. Rather than dealing with education in Adorno per se, we propose to take his theses on education as a prism for reading his critique of philosophy and its history. The critique of education is thus always already a critique of philosophy and culture. The first chapter clarifies the historical process that led to the failure of culture and half-formation [Halbbildung], starting with the Adornian reading of Hegel. This failure of culture is essentially expressed by an autonomization of culture that mutates into fetishism, where cultural products are perceived as valid in themselves, to the detriment of actual history. This reification of culture (which includes metaphysics) contributes to the disconnection of culture from lived experience. The second chapter explores the psychological consequences of this absolutization, which effectively blocks the ability to experience the limits of social organization. Unable to imagine that things could be otherwise, individuals find themselves grappling with a sense of anguish and powerlessness that predisposes them to violent and aggressive psychological defense mechanisms that open the door to barbarism. This chapter is built around Adorno’s reading of Freudian psychoanalysis (by Sigmund and Anna Freud). In the third chapter, we explore how Kantian autonomy according to Adorno finds its complementary term in the Kantian concept of discipline, neglected by Adorno. Using Adorno’s concept of the “Kantian block [kantische Block]”, we consider how the Kantian refusal of false philosophical reconciliations makes it possible to think of an education that is equal to the collective alienation and loss of experience that would prevent a new Auschwitz. The final chapter considers what a successful education would look like in an age of lost experience. To this end, the writings of Walter Benjamin and Marcel Proust are mobilized, both of whom have extensively thematized what an experience of the loss of experience would be for Adorno. The concept of spiritual experience [geistige Erfahrung] will then prove central to an Adornian conception of a possibly successful education. Each of these chapters offers an original reading of the pedagogical writings of the authors Adorno mobilized, although these writings are generally little discussed by him. By exposing the coherence between the authors’ metaphysics and pedagogies – that is, how their conceptions of education derive from their metaphysics –, it is the coherence between Adorno’s philosophical critique and his writings on education that is demonstrated.
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