Théories de justice distributive et responsabilité
Thèse ou mémoire
2001 (octroi du grade: 2001)
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Résumé·s
Pourquoi des demandes de compensation pour des inégalités peuvent-elles être jugées
légitimes? Afin d'explorer cette question de justice distributive, je propose d'analyser la
distinction entre (a) ce qui dépend des choix des individus (ce dont la responsabilité peut
leur être attribuée) et (b) ce qui relève des circonstances (handicaps, classe sociale,
talents, etc.). Cela renvoie à deux intuitions importantes dans la philosophie libérale :
d'une part, l'idée de Rawls voulant qu'une distribution équitable des ressources ne soit
pas influencée par ce qui est arbitraire d'un point de vue moral; et, d'autre part, celle
stipulant que la promotion de la valeur d'autonomie s'accompagne de la reconnaissance
d'une certaine responsabilité individuelle. Pour étudier cette question, je discuterai
principalement des théories de Rawls, Dworkin et Nozick.
Chez Rawls et Dworkin, la distinction entre choix et circonstances est centrale, car leur
interprétation du traitement des gens comme des égaux incorpore cette distinction : une
distribution des biens ou des ressources ne devrait pas être influencée par les
circonstances qui échappent au contrôle des gens; cependant, les gens sont responsables
de leurs choix et devraient en payer le coût. Cette distinction fait de la responsabilité un
critère important pour déterminer si les demandes de compensation sont légitimes.
Par contre, déterminer la part de responsabilité n'est pas une tâche facile. Cohen met en
lumière que chez Rawls et Dworkin, la responsabilité n'est pas le critère ultime de
démarcation entre ce qui peut faire l'objet de compensation et ce qui ne le peut pas,
puisque Rawls et Dworkin refusent de compenser les individus pour des déficiences
involontaires en bien-être. Notamment, ils tiennent les individus responsables de leurs
préférences et de leurs goûts, même si ces derniers peuvent être influencés par les
circonstances.
À l'opposé, Nozick considère la distinction entre choix et circonstances non pertinente
pour une théorie de justice distributive. Il invoque les risques d'une pente glissante si,
pour déterminer la légitimité d'une compensation, on recourt au critère de la responsabilité. L'interprétation de Nozick du traitement des gens comme des égaux, qui remet en cause le rôle de cette distinction, est inadéquate car l'importance qu'accorde Nozick à la capacité d'autodétermination n'est que superficielle. Le concept d'égalité
qu'est le traitement des gens comme des égaux est intimement lié à la distinction entre les
choix et les circonstances.
Ces débats nous amèneront à discuter des problématiques de la formation des préférences
et des changements de conceptions de la vie bonne. Ce sont deux cas limites car, d'une
part, ces deux phénomènes sont influencés par les circonstances et, d'autre part, ils
manifestent la capacité d'autodétermination des individus. Nous verrons, entre autres, que
l'importance que revêt la possibilité de changement de conception de la vie bonne permet
de reconnaître le fait que toutes les préférences ne sont pas le résultat d'un choix. Mais la
part de responsabilité dans ce processus demeure difficile à déterminer et nous ne
sommes pas à l'abri d'un problème de choix coûteux.
Note·s
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