Étude prospective de l’association entre l’agression sexuelle durant l’enfance et les grossesses à l’adolescence et des mécanismes sous-jacents aux complications de grossesse

Abstract

Les grossesses à l’adolescence sont un important problème de société parce qu’elles présentent des risques considérables pour la santé physique, psychologique et sociale des adolescentes. Une des explications des taux persistants des grossesses précoces est son association avec l’agression sexuelle durant l’enfance, un important facteur de risque. De plus, il est établi dans la littérature scientifique que les femmes qui ont subi une agression sexuelle durant l’enfance ont significativement plus de plaintes somatiques, sont plus souvent hospitalisées et vivent plus de complications pendant la grossesse et à l’accouchement. La grande majorité des études antérieures ont été effectuées auprès d’une population de femmes adultes et utilise des devis rétrospectifs et des données autorapportées afin de documenter l’agression sexuelle durant l’enfance, les grossesses ou leurs complications. Elles comportent donc des biais de rappel et de sources communes de mesures limitant la compréhension des associations entre l’agression sexuelle durant l’enfance, les grossesses et leurs complications. Certaines pistes d’explications de l’association agression sexuelle durant l’enfance - grossesses à l’adolescence ont été proposées via notamment des comportements sexuels à risque à l’adolescence, tels que la non-utilisation de contraception. Or, ces explications sont lacunaires en ce que les mécanismes sous-jacents aux comportements ne sont souvent pas identifiés. De plus, la trajectoire des conséquences de l’agression sexuelle durant l’enfance menant à des complications de grossesse chez les adolescentes demeure mal comprise. Pourtant, cela permettrait de mieux anticiper les besoins spécifiques associés à un passé d’agression sexuelle durant l’enfance et de permettre une meilleure planification des soins médicaux et psychologiques pertinents au soutien des adolescentes agressées sexuellement qui vivent une grossesse. En utilisant un devis longitudinal de cohortes appariées et des données médicales provenant de registres administratifs, la présente étude vise d’abord à combler certains biais et lacunes des études antérieures portant sur le lien entre l’agression sexuelle durant l’enfance, les grossesses à l’adolescence et leurs complications. L’échantillon de l’étude est composé de 1322 adolescentes dont 50 % ont fait l’objet d’un signalement corroboré d’agression sexuelle à un centre de protection de la jeunesse, entre le 1er janvier 2001 et le 31 décembre 2010. Chacune de ces adolescentes a été appariée à une adolescente provenant de la population générale, c’est-à-dire qui n’a pas été l’objet d’un signalement pour agression sexuelle corroboré par le même centre jeunesse, durant ladite période. L’objectif premier de l’étude était de déterminer, grâce à un devis plus rigoureux, si la prévalence des grossesses à l’adolescence et de leurs complications varie selon le groupe d’adolescentes : a) agressées sexuellement durant l’enfance, ou b) provenant de la population générale. Confirmant l’hypothèse, les résultats démontrent un plus grand risque de grossesses à l’adolescence ainsi qu’un plus grand risque de complications de ces grossesses chez les adolescentes agressées sexuellement dans l’enfance en comparaison à celles provenant de la population générale. Le second objectif de l’étude était d’explorer le rôle des comorbidités psychiatriques comme médiateur de l’association entre l’agression sexuelle durant l’enfance et les complications de grossesse. Les résultats confirment l’hypothèse selon laquelle l’association est en partie expliquée par les comorbidités psychiatriques. De manière générale, cette étude contribue à la compréhension des facteurs de risque aux grossesses à l’adolescence et leurs complications. Plus spécifiquement, son devis permet la confirmation de la temporalité des événements suivants : 1) les agressions sexuelles durant l’enfance, 2) les comorbidités psychiatriques et 3) les complications de grossesse. Enfin, elle réaffirme la portée des conséquences des agressions sexuelles durant l’enfance et souligne l’interinfluence de ses effets délétères sur la santé mentale et la détérioration subséquente de la santé physique.

Teenage pregnancies are an important society problem because they present considerable risk for the physical, psychological and social health of teenagers. One explanation for the persisting high rates of early pregnancies is its association with sexual abuse in childhood, an important risk factor. Moreover, it has been established is the scientific literature that women who have been sexually abused in childhood have significantly more somatic complaints are more often hospitalised and have more pregnancy-related complications. The majority of previous studies were carried out with a population of adults, used crossed- sectional design and used self-reported measures to document the abuse, pregnancies or their complications. They hence introduce memory biases and limit conclusions regarding the associations between childhood sexual abuse, pregnancies and complications. Some possible explanations of the association childhood sexual abuse – teenage pregnancies have been suggested via at-risk sexual behaviours in adolescence, such as the non-use of contraception. However, these explanations are deficient in that the mechanisms underlying the behaviours are often not identified. Furthermore, the trajectory of the consequences of childhood sexual abuse leading to pregnancy complications in teenagers remains poorly understood. However, this would help to better anticipate the specific needs associated with a history of abuse and allow for better planning of medical and psychological relevant care in support of sexually abused girls who experience a pregnancy. Using a longitudinal design of matched-cohorts and medical data from administrative registries, this study is primarily intended to address some biases and gaps in previous studies on the association between childhood sexual abuse, teenage pregnancies and their complications. The study sample consists of 1322 teenagers, 50% of whom were the subject of a corroborated report of sexual abuse at a youth protection center between January 1, 2001 and December 31, 2010. Each of these teenagers was matched to a teenager from the general population, that is to say who was not the subject of a corroborated report of sexual abuse by the same youth protection center, during the same period. The primary objective of the study was to determine, through a more rigorous design, whether the prevalence of teenage pregnancies and their complications varies by group: a) sexually abused in childhood, or b) from the general population. Confirming this hypothesis, the results show a greater risk of teenage pregnancies and a greater risk of complications from these pregnancies in girls who were sexually abused in childhood compared to those of the general population. The second objective of the study was to explore the role of psychiatric comorbidities in mediating the association between childhood sexual assault and pregnancy complications. The results confirm the hypothesis that the association is partly explained by the comorbidities. In general, this study contributes to the understanding of risk factors for teenage pregnancies and their complications. More specifically, its design allows for the confirmation of the temporality of the following events: 1) sexual abuse in childhood, 2) psychiatric comorbidities and 3) pregnancy complications. Finally, it reaffirms the scope of the consequences of childhood sexual abuse and underlines the interinfluence of its deleterious effects on mental health and subsequent deterioration of physical health.