Les relations monétaires franco-allemandes et l’UEM (1969-1992) : des ambitions aux réalités
Thèse ou mémoire
2020-12 (octroi du grade: 2021-10-21)
Auteur·e·s
Directeur·trice·s de recherche
Cycle d'études
DoctoratProgramme
HistoireMots-clés
- Union économique et monétaire (UEM)
- Système monétaire européen (SME)
- Union européenne
- politique monétaire française
- politique monétaire allemande
- Traité de Maastricht
- European monetary union (EMU)
- European monetary system (EMS)
- French monetary policy
- German monetary policy
- Maastricht treaty
- History - European / Histoire - Européenne (UMI : 0335)
Résumé·s
En 1969, dans une Communauté économique européenne (CEE) aux fondements déjà bien établis, et sous l’égide d’un néogaullisme assumé par la présidence de Georges Pompidou, l’Allemagne devient le modèle d’une France en quête de politique industrielle qui lui permettrait d’affirmer son rang sur l’échiquier international. Depuis le milieu des années 1960, le système monétaire international est fragilisé par l’endettement considérable des États-Unis. La France veut être à l’initiative d’une relance de l’Union économique et monétaire (UEM). Cette décision politique doit lui permettre d’adapter son économie et son industrie à l’instabilité grandissante du Système monétaire international. Comme le rappelait Jacques Rueff, « L’Europe se fera par la monnaie ou ne se fera pas ». L’action de l’économie française durant cette période qui court de la relance de l’Union économique et monétaire (décembre 1969) à la rédaction du Traité de Maastricht (février 1992), jalonnée par la mise en place du Système monétaire européen (SME : janvier 1979) et de l’Acte unique (janvier 1986), repose sur une volonté politique primordiale au service des relations avec la RFA, puis de l’Allemagne réunifiée. Les relations monétaires franco-allemandes ont pour but de promouvoir une Europe forte, maîtresse de son destin, et, d’une certaine façon, de revenir à une stabilité des changes. Le mythe de la stabilité de « l’étalon-or » a des acceptations différentes des deux côtés du Rhin. Si des études historiques récentes ont été consacrées partiellement aux conséquences de l’évolution des politiques monétaires européennes (et surtout françaises) sur l’intégration économique et monétaire dans la CEE, elles demeurent souvent centrées sur le septennat de VGE ou le début du premier mandat de François Mitterrand. La genèse de l’UEM est un processus dynamique long qui court de décembre 1969 à février 1992. En fait, les relations monétaires franco-allemandes englobent deux niveaux de décisions et d’applications. En premier lieu, sont à mentionner, les plus hautes instances politiques (présidence, chancellerie et ministères, mais aussi Commission européenne). En second lieu, interviennent les banques centrales dont le rôle quant à la mise en place et l’application des politiques monétaires est primordial. Cette dichotomie illustre l’avènement progressif du primat de l’économie sur la politique, perçu et analysé différemment en France et en Allemagne. Les attentes et les objectifs politiques et économiques divergent.
Nous montrons dans cette étude que le processus d’UEM apparaît souvent comme un engrenage économique, où la politique cède le pas à l’économie. Les relations monétaires apparaissent asymétriques. Le pouvoir politique français a comme véritable interlocuteur le pouvoir économique allemand, représenté par la Bundesbank. Le « couple » franco-allemand est un mythe politique, français, que brise la libéralisation économique mondiale. L’UEM est, pour l’Allemagne, un moyen d’établir une Allemagne européenne au sein d’une Europe fédérale. En France, elle apparaît pour les gouvernements néo-gaullistes et libéraux comme un moyen de compenser une grandeur blessée, alors que les gouvernements socialistes donnent l’impression de l’utiliser pour compenser une idéologie en déroute. L’UEM parvient à la stabilité monétaire, mais en refusant l’Union politique européenne, proposée par l’Allemagne, la France laisse s’éloigner le rêve d’une Europe puissance et établit les bases une Europe allemande. In 1969, in a well-established European Economic Community (EEC) under the neo-Gaullist presidency of Georges Pompidou, Germany stood as a model for France, looking for an effective industrial policy and a recovery of its rank on the international scene. Since the mid 1960s the international monetary system had been weakened by the growing US debt. France wanted to be the leader of the economic and monetary union (EMU). This political decision was a means to improve its economy confronted with the instability of the international monetary system. As pointed out by Jacques Rueff, « L’Europe se fera par la monnaie ou ne se fera pas. »
During this period, from the relaunch of the EMU (December 1969) to the Maastricht Treaty (February 1992), French economic action was based on a strong political will defined to reinforce the relationships with the Federal German Republic, and then the reunified Germany. The Franco-German monetary relationships aimed to promote a strong and independent Europe and to restore an exchange rate stability. The “golden standard” stability myth was viewed and understood differently in France and Germany. If recent historical studies have been partially devoted to the consequences of European monetary policies (essentially in France) on economic and monetary integration in the EEC, they focused on the 1974-1981 or 1981-1986 periods. The creation of the EMU was a dynamic process running from December 1969 to February 1992. Franco-German monetary relationships included two levels of decision-making. First, on the political level, there was the presidency, the chancellery, the European Commission and the ministers. Second, its counterpart, economic power. The latter requires analysis of the role played by central banks in the definition and application of monetary policies. This dichotomy illustrates the progressive transition between the political level and the economic level during the 1980s. The decline of politics and the primacy of economics were analyzed differently in France and Germany. Political and economic objectives and expectations were contrasted and divergent.
This study demonstrates that the EMU dynamic was an economic process where politics gave way to economics. Monetary relations were asymmetric. The real interlocutor of French political authorities was German economic power, represented by the Bundesbank. The Franco-German tandem was a political myth broken by world economy liberalization. For Germany, the EMU was a device to define a European Germany in a federal Europe. In France, it represented an illusory means to restore French primacy for conservative and liberal governments and a way of compensating a failing ideology for socialist governments. The EMU provided monetary stability, but the dream of a powerful and independent Europe vanished with the Maastricht treaty. Even as it rejected the idea of European political union defended by the German diplomacy, France paradoxically laid the foundations of a German Europe.
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