Résumé·s
À travers l’analyse de décisions récentes de la Cour suprême
du Canada en matière d’extradition et d’expulsion, les auteurs
traitent du conflit potentiel entre les droits à la liberté et l’impératif
de sécurité ou, pour le dire autrement, du conflit entre les
garanties constitutionnelles et la raison d’État. L’étude, qui
adopte la perspective théorique de la sociologie du droit, propose
un cadre d’analyse des jugements en matière de droit constitutionnel,
en s’inspirant de courants décisifs de la pensée juridique
moderne et contemporaine. Les auteurs distinguent ainsi entre
une «jurisprudence formelle», une «jurisprudence instrumentale»
et une «jurisprudence des valeurs». Pour appliquer ce cadre d’analyse
au contexte spécifique né dans la foulée des attentats du 11
septembre 2001, l’étude oppose en outre la situation normale à la
situation d’exception et la légitimité de la norme à la légitimité de
la décision. Les auteurs formulent ainsi l’hypothèse suivante: plus
on se déplace sur l’axe forme-intérêts-valeurs, plus le conflit entre
la légitimité normative et la légitimité décisionniste risque de se
développer. On peut lire dans le changement d’attitude de la Cour
suprême du Canada survenu dans l’Après-11 septembre, une
volonté d’éviter l’apparition d’un tel conflit entre la Cour et l’État
gouvernemental et administratif. Ce changement d’attitude, soutiennent
les auteurs, apparaît nettement perceptible si l’orientation
de la Cour suprême dans les arrêts Burns et Suresh, rendus
à quelques mois d’intervalle – celui-là même, toutefois, où s’insèrent
les attentats du 11 septembre – est comparée de manière
attentive.Ondoit alors accorder toute son importance à la formule
utilisée au passage par la Cour: «Les choses ont changé depuis
2001».