Résumé·s
Dans ce mémoire, nous proposons d’observer la réception de l’ouvrage Force de loi – le « fondement mystique de l’autorité », du philosophe Jacques Derrida, dans la pensée juridique nord-américaine. Dans un premier temps, nous nous attardons au contexte de production de cet ouvrage et en proposons une analyse détaillée. Nous tentons également de définir sommairement les concepts clés de la pensée derridienne mobilisés dans Force de loi, principalement la déconstruction, laquelle a suscité l’intérêt des juristes. Dans un second temps, nous proposons de retracer la trajectoire de Jacques Derrida en Amérique du Nord, sachant que sa pensée y a été reçue selon des termes bien précis, qui ont influencé l’inscription de ses travaux dans la pensée juridique. Dans un troisième temps, nous proposons de poser un regard critique sur la réception de la déconstruction derridienne dans les Critical Legal Studies. Nous soutenons que la pensée derridienne a été mobilisée par les critical legal scholars avant tout comme une technique servant à alimenter leur critique politique du droit. Or cet usage technicien de la déconstruction se serait fait au détriment de sa véritable substance éthico-politique. Nous proposons donc finalement de réfléchir à ce qui pourrait constituer un usage de la déconstruction en droit qui permettrait d’actualiser son plein potentiel critique, en conviant les juristes à élargir le champ épistémologique de leur discipline.
This essay considers the reception and interpretation of Jacques Derrida’s Force de loi – le « fondement mystique de l’autorité » in North American legal theory. In the first chapter, we examine the context in which Force de loi was written and pronounced, provide definitions of the key Derridean concepts mobilized in Force de loi and offer a detailed analysis of the text. In the second chapter, we argue that Jacque Derrida’s work was read and interpreted by American and English-speaking scholars in a very specific way, which shaped its reception in legal thinking. In the third chapter, we look at how Force de loi and “la deconstruction” were mobilized in the Critical Legal Studies. We argue that the critical legal scholars coined a “technical” use of deconstruction that did not fully integrate its ethical and political potential. Finally, we reflect on how deconstruction could be mobilized by legal scholars and jurists to open epistemological and political horizons that Derrida himself had not envisioned.