Passer outre la barrière culturelle : comment les Britanniques se renseignent sur les populations du Canada et de l’Inde, 1757-1774
Thèse ou mémoire
Résumé·s
Dans ce mémoire, nous comparons l’expérience des Britanniques dans deux territoires qui intègrent l’empire britannique après la guerre de Sept Ans. Nous proposons une comparaison de deux régions du globe aux traits contrastés, le Canada et le Bengale, en posant la question : comment les Britanniques se renseignent-ils sur les populations de ces territoires récemment acquis? Notre étude s’inscrit dans plusieurs courants historiographiques qui proposent une relecture de l’histoire de la Grande-Bretagne et de ses colonies, ce qui est le sujet de notre premier chapitre. Dans le second, nous explorons l’après-conquête au Canada. Après avoir mené à bien leur conquête (en 1759-60), les Britanniques en viennent à vouloir administrer les populations qui y habitent. Pour cela, le gouvernement britannique implante un nouveau régime politique jugé adapté aux conditions canadiennes, sans s’encombrer d’une assemblée. Dans la vallée laurentienne, les administrateurs coloniaux doivent toutefois composer avec une population majoritairement d’origine française de confession catholique, ce qui les a menés à modifier le régime dix ans plus tard. Dans le troisième chapitre, nous nous intéressons à la présence britannique au Bengale après la bataille de Plassey de 1757. Dans cette région, c’est par l’entremise de l’East India Company (EIC) que les Britanniques acquièrent une influence sur les pouvoirs locaux, ce qui leur permet d’administrer par l’intermédiaire des gouverneurs de l’Empire moghol (les nababs). Cependant, les différences culturelles étaient bien plus importantes qu’avec la population canadienne d’origine européenne. La population de l’Inde du nord de l’époque est majoritairement de confession hindoue ou musulmane, et emploie le perse comme langue administrative. Grâce à notre lecture de la correspondance officielle, entre les administrateurs coloniaux et le gouvernement métropolitain pour le Canada, et entre les agents de la compagnie et ses directeurs pour le Bengale, nous affirmons que dans les deux situations, les Britanniques tentent de se renseigner. Cependant, d’importantes différences de nature institutionnelle et culturelle singularisent les types d’information recherchés ainsi que les démarches de collecte de l’information. Les résultats de nos recherches convergent finalement en un point : la quête d’information passe par toute une gamme d’intermédiaires locaux.
Dans le dernier chapitre, après avoir exploré les « ordres informationnels » mis en œuvre ou adaptés par les Britanniques dans les deux contextes coloniaux, l’étude s’intéresse à l’information coloniale telle qu’elle est reçue et mise en forme en métropole. À cette fin, les efforts des officiels et parlementaires pour se renseigner sur les conditions coloniales lors de l’ébauche de deux lois, l’Acte de Québec (1774) et le Regulating Act (1773) sont mis en lumière grâce à une lecture des débats parlementaires. Finalement, pour s’informer sur le Canada, les membres du gouvernement britannique misent beaucoup sur l’aide des administrateurs coloniaux ayant séjourné dans la colonie, alors que sur l’Inde ils s’appuient davantage sur une source documentaire, soit les livres de l’EIC, révélant ainsi un autre contraste entre les deux situations à l’étude. This study compares methods of information gathering in two territories that became part of the British Empire after the Seven Years’ War. We bring these two extremely different regions into the same frame by asking: how did the British gather information about the populations of Canada and Bengal? Our study is part of several historiographical currents that offer a rereading of the history of Great Britain and its colonies, which is the subject of our first chapter. In the next chapter, we explore the post-conquest era in Canada. After the conquest of this territory (1759-1760), British authorities faced the task of administering the Canadian population. At first, they tried to implement a new governmental regime deemed suitable for the Canadian context. However, since the majority of the population they governed was of different religious denomination (Catholics) and of French origin, they had to modify the regime ten years later. In the third chapter, we look at the British presence in Bengal after the battle of Plassey in 1757. The British, through the East India Company, acquired a certain influence over local authorities, which allowed them to govern indirectly via the Mogul Empire’s governors, the nabobs. Nevertheless, cultural differences were much more significant than with the Canadian population of European origin: the Mogul Empire was a Muslim polity, with a Persian administration, and much of the population was Hindu. From our reading of the official correspondence, between the colonial administrators and the metropolitan government in the first case, and between the agents of the company and its directors in the second, we affirm that in both situations the British tried to gather more information. However, important institutional and cultural differences distinguish the types of information sought as well as the approaches to collecting information. The results of our research ultimately converge on one point: the search for information passed through a whole range of local intermediaries.
In the last chapter, after having explored the “information order” implemented or adapted by the British in each colonial context, the study considers how colonial information was received and shaped by the metropolitan authorities. To this end, the efforts of officials and parliamentarians to learn about colonial conditions during the drafting of two laws, the Quebec Act (1774) and the Regulating Act (1773) are highlighted through a reading of the Parliamentary debates. Here also, many differences are visible. To become informed about Canada, British authorities relied heavily on the help of the colonial administrators who stayed in Canada after the regime change. However, in the Indian case, they depended mostly on documentary sources, namely the books of the EIC.
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