Exploration, sous l’angle de l’approche de la déviance positive, des pratiques cliniques d’infirmières au regard de l’hygiène des mains et des facteurs qui les influencent en contexte hospitalier québécois
Thèse ou mémoire
2019-08 (octroi du grade: 2020-04-03)
Auteur·e·s
Cycle d'études
DoctoratProgramme
Sciences infirmièresRésumé·s
Plusieurs approches ont été proposées au fil du temps pour améliorer les taux d’adhésion à l’hygiène des mains des infirmières dans un contexte de prévention des infections associées aux soins de santé. Néanmoins, ces taux sont et demeurent faibles au Québec (Lacoursière, 2018) comme partout ailleurs (Stella et al., 2019). Depuis le milieu des années 1980, une approche de changement de comportement – la déviance positive - a fait son apparition dans les écrits en santé publique. Ladite approche propose de déterminer la présence de déviants positifs - personnes ou groupes plus performants que d’autres - puis d’explorer les facteurs qui expliquent cette meilleure performance afin de développer des moyens d’amener un changement à d’autres personnes ou d’autres groupes (Bradley et al., 2009). Même si des recherches utilisant l’approche de la déviance positive ont été publiées en sciences infirmières, il n’est pas clair si cette approche peut être utile et appliquée à la pratique infirmière au regard de l’hygiène des mains. Le but de cette étude était d’explorer, sous l’angle de l’approche de la déviance positive, les pratiques cliniques d’infirmières au regard de l’hygiène des mains et les facteurs qui les influencent en contexte hospitalier québécois ainsi que de discuter l’applicabilité de ladite approche à la pratique infirmière en lien avec l’hygiène des mains. Pour répondre à ce but, nous avons effectué deux ethnographies focalisées auprès de 21 infirmières sur deux unités de soins (unité de médecine-chirurgie et unité de soins palliatifs) d’un centre hospitalier universitaire de la région de Montréal. Ces deux unités ont été choisies sur la base des taux d’adhésion à l’hygiène des mains des infirmières plus élevés comparativement à ceux de leurs collègues des autres unités de soins du même centre hospitalier. La collecte des données s’est déroulée de janvier à octobre 2015, principalement lors de 18 entrevues individuelles et 14 périodes d’observation de type shadowing. Une grille d’observation a été utilisée afin d’y consigner les détails relatifs au contexte. Selon la méthode d’analyse décrite par Patton (2002, 2015), toutes les données colligées ont été codées et regroupées sous des catégories puis une analyse de fréquence des codes a été effectuée afin d’en permettre l’interprétation.
Les résultats de cette étude montrent que les pratiques cliniques sont similaires sur les deux unités de soins; les participantes utilisent principalement les solutions hydro-alcooliques avant d’entrer et en sortant de la chambre des patients. Quant aux facteurs qui explicitent les taux plus élevés d’adhésion à l’hygiène des mains des infirmières, certains d’entre eux sont communs aux deux équipes de soins. Au niveau individuel, les participantes reconnaissent l’importance d’avoir les connaissances sur le rôle de l’hygiène des mains pour prévenir la transmission des infections, de se protéger soi-même et de protéger les patients; au niveau organisationnel, on constate une pratique collaborative à l’intérieur de chacune des équipes; au niveau environnemental, l’accessibilité et la disponibilité des distributeurs de solution hydro-alcoolique facilitent grandement la pratique de l’hygiène des mains; au niveau sociopolitique, les deux équipes sont confrontées aux compressions survenues suite à la réforme du réseau de la santé et à l’incertitude face à un déménagement vers un nouveau centre hospitalier; au niveau culturel, les membres des deux équipes travaillent ensemble vers un but commun, ce que nous avons nommé cohésion sociale telle que décrite par Kwok, Harris et McLaws (2017). Cependant, ce qui favorise cette cohésion diffère selon l’équipe de soins. Sur l’unité de médecine-chirurgie, l’équipe s’est mobilisée sous le leadership de son infirmier-chef afin d’améliorer les taux d’adhésion à l’hygiène des mains. Sur l’unité des soins palliatifs, l’équipe partage une pratique de soins empreinte d’humanisme afin de protéger des patients qui sont en fin de vie. Ce qui nous amène à postuler que la déviance positive s’applique à une équipe de soins - et non seulement à des individus - qui travaille ensemble afin de protéger les patients des infections associées aux soins de santé. Les connaissances découlant de cette étude permettent de comprendre qu’afin d’améliorer l’adhésion à l’hygiène des mains des infirmières, il serait préférable de cibler les équipes de soins qui performent le mieux, d’élaborer des interventions qui intègrent des facteurs à plusieurs niveaux, non seulement au niveau individuel, et d’ajouter des ressources humaines et financières. Many approaches have been advocated over time to improve nurses’ hand hygiene adherence rates in order to prevent healthcare-associated infections – nosocomial infections. Nevertheless, these rates have been and continue to be low in Québec (Lacoursière, 2018), as they are everywhere else (Stella et al., 2019). In the mid-1980s, a behavioural change approach – positive deviance – appeared in public health literature. This approach proposes to identify the presence of positive deviants – individuals or groups who outperform others – and to explore the factors that explain the better performance, in order to develop ways to encourage change among other individuals or groups (Bradley et al., 2009). Although studies using the positive deviance approach have been published in the nursing literature, it is unclear whether this approach can be applied to nursing practice with regard to hand hygiene. The purpose of this study was to explore, from the perspective of the positive deviance approach, the clinical nursing practices related to hand hygiene and the factors that influence them in a Québec hospital setting, as well as to examine the applicability of this approach to hand hygiene in nursing practice. To this end, we conducted two focused ethnographies with 21 nurses on two care units (a medical surgery unit and a palliative care unit) at a university hospital centre in the Montréal region. These two units were chosen because the nurses’ hand hygiene adherence rates were higher than their colleagues’ rates on other care units at the same hospital centre. The data were collected from January to October 2015, mainly through 18 individual interviews and 14 shadowing periods. An observation grid was used to record the contextual details. According to the method described by Patton (2002, 2015), all the collected data were coded and grouped under categories and then a frequency analysis of the codes was carried out in order to allow interpretation.
The results of this study show that the clinical practices are similar on both healthcare units; the participants use mainly hydro-alcoholic solutions before entering and leaving the patients’ rooms. Some of the factors that explain the higher hand hygiene adherence rates are shared by both care teams. On the individual level, the participants recognize the importance of having knowledge about the role of hand hygiene to prevent the transmission of infections, protect themselves and protect the patients; on the organizational level, there is a collaborative practice within each team; on the environmental level, the accessibility and availability of the hydro-alcoholic solution distributors greatly facilitate hand hygiene practices; on the sociopolitical level, both teams are facing cuts under the health reform and uncertainty related to a move to a new hospital; on the cultural level, the members of both teams work together toward a common goal, which we called “social cohesion” as described by Kwok et al. (2017). However, the factors that lead to this cohesion differ in each team. On the medical surgery unit, the leadership of the head nurse mobilizes the team to improve their hand hygiene adherence rates. On the palliative care unit, the team shares a humanist care practice to protect patients who are at the end of their lives. This led us to postulate that positive deviance applies to a care team – not just to individuals – who are working together to protect patients from healthcare-associated infections.
The knowledge from this study suggests that to improve nurses’ hand hygiene adherence, it would be preferable to target the care teams that perform best, to develop interventions that include factors on several levels, not just the individual level, and to increase human and financial resources.
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