Abstract(s)
Dans sa conférence sur l’amitié et la connaissance de soi donnée à Munich, le 12 juillet 1983 lors du colloque « Wissenschaft und Existenz : Ein interdisziplinäres Symposium », Gadamer, manifestement interpellé par la mise en garde heideggérienne en ce qui concerne le fait que « nous ne pensons toujours pas les Grecs de façon assez grecque », va rapprocher la question de la relation à la conception aristotélicienne de l’amitié véritable, « c’est-à-dire pleine et entière », d’où le titre de notre essai, à la lumière de la conviction d’Aristote voulant que « la condition commune de toute amitié réside dans un « attachement » authentique, ce qui veut dire, à des degrés divers, une « coexistence » ». C’est là notre point de départ et notre fil conducteur.
En tant que réflexion philosophique structurée autour d’un effort de synthèse qui correspond, on pourrait le souligner, à une leçon qui se doit d’être préparée à la fois de manière concise sur la forme et complète vis-à-vis le contenu, notre essai portera de manière encadrée sur la question de l’amitié chez Aristote. Par conséquent, dans l’optique de concrètement centrer notre analyse sur Aristote, il est pertinent de réfléchir la place d’autrui, et par extension, de soi-même, à travers précisément le lien de réciprocité qu’articule l’amitié. Pourquoi est-ce pertinent ? Parce qu’une telle réflexion nous permet de percer au cœur même de « certains paradoxes sur l’amitié, reconnus comme tels par Aristote lui-même, et dont la solution ne peut être cherchée, nous semble-t-il, que dans une réflexion plus générale sur l’anthropologie aristotélicienne »1. En fin de compte, notre réflexion sur l’amitié chez Aristote va ouvrir la voie vers une compréhension plus approfondie du refus aristotélicien de penser l’autosuffisance sans les amis : par l’amitié on s’approche aussi de la présence permanente. On conclura avec l’idée que l’« échange avec nos amis, c’est-à-dire ceux qui partagent nos opinions et nos projets, mais qui peuvent aussi les corriger ou les confirmer, nous permet de nous approcher du divin ou, pour le dire autrement, de l’existence idéale » du moment que l’amitié rend possible « ce qui autrement nous est refusé en tant qu’hommes ». Gadamer et Aubenque vont nous épauler.