Ce qui échappe à la Raison d'État : stratégies discursives des intendants de la Nouvelle France confrontés à la contrebande des fourrures, 1715-1750
Thèse ou mémoire
2018-08 (octroi du grade: 2019-03-13)
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HistoireMots-clés
Résumé·s
En Nouvelle France au XVIIIe siècle, le commerce illicite Montréal-Albany est entré dans les mœurs. Les structures économiques de la colonie et le dispositif de répression visant ce commerce lui ont donné son organisation particulière. Mais un autre facteur largement ignoré par les historiens contribue aussi à sa normalisation : le discours que produisent les autorités coloniales à son sujet. À titre de premier magistrat et administrateur de la colonie, l'intendant de la Nouvelle France occupe une place singulière dans le dispositif répressif et discursif mis en place pour combattre cette contrebande. L'intendant et son subdélégué montréalais instruisent des procès en contrebande, et l'intendant effectue des suivis sur cette question au secrétaire d'État à la Marine, son supérieur en métropole.
Dans cette thèse, trois intendants apporteront un regard unique sur le commerce Montréal-Albany. À partir d'informations glanées « sur le terrain », ces intendants vont procéder à une classification des faits et des comportements liés à la contrebande, en vue de jugements et de prises de décision ministériels. Mais les moyens qu'ils mettent en œuvre pour défendre le privilège d'exportation des pelleteries de la Compagnie des Indes sont souvent déficients, et contre-productifs. En énumérant les obstacles à la répression, le discours produit par les intendants donne à cette contrebande ses colorations particulières. Dans la correspondance officielle, l'intendant décrit le réseau consolidé de marchands qui tiennent en main le commerce intercolonial, et les effets du trop grand éloignement de la métropole civilisatrice sur les sujets coloniaux. Il s'attarde encore sur le rôle joué par la Compagnie dans l'incitation du phénomène qu'elle déplore, et l'enjeu sécuritaire lié à la participation des autochtones dans ce commerce prohibé. Cette étude porte ainsi sur les stratégies discursives de trois intendants, Michel Bégon de La Picardière (1712-1726), Claude-Thomas Dupuy (1726-1728), et Gilles Hocquart (1728-1748), qui formuleront dans leur discours destiné au ministre en métropole la part du « dicible » à l'égard d'un commerce qu'il faut officiellement combattre, mais que l'on se trouve obligé à tolérer. In New France in the eighteenth century, illicit trade between Montreal and Albany had become commonplace. The economic structures of the colony and the repressive measures aimed at contraband gave this trade its particular organization. Another important factor in the normalization of illicit trade was the discourse produced by colonial authorities on contraband. As top magistrate and administrator of the colony, the intendant of New France occupied a singular place in the repressive and discursive apparatus set up to fight unauthorized trade. The intendant and his Montreal subdélégué brought smugglers to trial, and the intendant often took up the matter in his correspondence with his superior in metropolitan France, the secretary of state of the Marine.
In this thesis, three intendants will bring their own unique brand of discourse to bear on the Montreal-Albany trade. Based on information obtained from first-hand reports, these intendants classify facts and behaviours related to contraband, for judicial proceedings and ministerial decision-making. But the means and methods they employ to defend the fur exporting privilege of the Compagnie des Indes prove to be rather deficient and counterproductive. As their discourse delineates the many obstacles to the full application of French colonial law, the intendants give the Montreal-Albany trade its colouring. In official correspondence, the intendant describes the consolidated network of merchants who hold intercolonial commerce in their grasp, and the deleterious effects of distance on colonial subjects from the civilizing ways of the metropole. The intendant scrutinizes how the Compagnie's policies stimulate the phenomenon it deplores and anticipates breaches to colonial security related to the participation of the Domiciliés, or "settled" Natives, in the prohibited trade. This study focuses on the discursive strategies of three intendants, Michel Bégon de La Picardière (1712-1726), Claude-Thomas Dupuy (1726-1728), and Gilles Hocquart (1728-1748), who formulate in their correspondence with the secretary of state of the Marine in France matters of official policy toward a contraband which they officially must fight, but also tolerate.
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