Hermann Lotze et la genèse de la philosophie des valeurs

Abstract

L’influence de la philosophie de Lotze sur la théorie des valeurs de l’École néo-kantienne de Bade (Windelband, Rickert, Lask) peut être reconstruite en deux moments : 1- Lotze retient du théisme spéculatif de C. H. Weisse une conception élargie des notions d’« esprit » et d’« idée » en vue de combattre l’intellectualisme de Hegel ; 2- instituant le jugement esthétique comme paradigme pour la détermination de toute valeur, il s’approprie le rôle central du « sentiment » de plaisir dans l’esthétique de Kant, en le coupant cependant de son arrière-plan transcendantal au profit d’un jugement proprement « immédiat ». Le prédicat de beauté a ceci d’exemplaire qu’il surmonte les limitations traditionnelles du concept générique et autorise une saisie directe de l’individualité. Aussi le néo-kantisme badois sera-t-il d’abord une épistémologie des sciences historiques.

Lotze’s influence on the theory of values of the Baden School of Neo-Kantianism (Windelband, Rickert, Lask) can be reconstructed in two steps : 1- Lotze retains from C. H. Weisse’s speculative theism an enlarged conception of the notions of “spirit” and “idea” in order to distance himself from Hegel’s intellectualism; 2- considering aesthetic judgement as a paradigm for the determination of every value, he insists on the role of the “feeling” of pleasure in Kant’s aesthetics, while rejecting its transcendental background. As part of an “immediate” judgment, the predicate of beauty (based on feeling) is paradigmatic in that it overcomes the traditional limitations of the generic concept, and enables a direct grasp of individuality. It is no wonder that the neo-Kantian School of Baden will later focus on an epistemology of the historical sciences.