Exploration de la reconnaissance des émotions en schizophrénie comorbide
Thèse ou mémoire
2017-11 (octroi du grade: 2018-05-10)
Auteur·e·s
Cycle d'études
DoctoratProgramme
Psychologie - recherche et interventionRésumé·s
La schizophrénie est un trouble mental complexe qui possède plusieurs étiologies possibles, enracinées à la fois dans la biologie et l'environnement. Ce trouble se manifeste par divers symptômes négatifs et positifs ainsi que de nombreux déficits neurocognitifs et sociocognitifs. Pour compliquer les choses, ce trouble est fortement comorbide avec plusieurs autres, dont l'un des plus répandus est le trouble d'abus de substances. La plupart des recherches se sont concentrées soit sur la neurobiologie de cette maladie, soit sur l'identification de structures cérébrales déficientes et la dérégulation de plusieurs systèmes neurotransmetteurs, ou encore sur la neurocognition en essayant de déceler les déficits dans des domaines tels que l'attention, l'apprentissage et la mémoire, via l'usage de technologies modernes telles que l'imagerie cérébrale fonctionnelle. Cependant, des études plus récentes ont démontré que ce qui caractérise le plus la schizophrénie serait plutôt lié au fonctionnement social. De plus, on peut prédire plus facilement le fonctionnement social lorsque l'on examine les domaines sociocognitifs plutôt que les domaines neurocognitifs. Plus précisément, il a été démontré que la capacité à reconnaître les émotions pouvait avoir une très forte association avec le fonctionnement social et les conséquences du trouble. Cependant, en ce qui concerne la reconnaissance des émotions, aucun consensus n’émerge de la littérature scientifique. Certains affirment que les déficits sociocognitifs sont globaux tandis que d'autres suggèrent qu'ils sont spécifiques à une ou certaines émotions. Pourtant, d'autres ont postulé que les résultats hétérogènes dans la reconnaissance des émotions pourraient être dus non pas aux décifits eux-mêmes, mais plutôt aux méthodes utilisées pour mesurer la reconnaissance des émotions. Il est également important de noter que la plupart des études ont porté uniquement sur les personnes atteintes de schizophrénie seule lorsque les statistiques montrent qu'environ 50% de ces personnes souffrent également d'un trouble d'abus de substances. Par conséquent, essayer de déterminer les déficits sociocognitifs dans la schizophrénie seule pourrait ne pas permettre de généraliser les résultats.
Notre objectif premier était d'évaluer la reconnaissance des émotions à la fois globale et spécifique, dans la schizophrénie seule et dans la schizophrénie comorbide avec l'abus de substances, en utilisant des avatars virtuels comme outil de mesure (considéré plus naturel) et en examinant l'impact sur le fonctionnement social. Nos résultats pour l'ensemble de l'échantillon composé de personnes atteintes de schizophrénie seule et de schizophrénie et d'abus de substances ont montré une bonne reconnaissance générale des émotions, la tristesse étant la plus facile à identifier et la peur étant la plus difficile. Il y avait aussi des patrons d'interprétation erronés où la peur tendait à être confondue avec la surprise alors que la colère était confondue avec la neutralité. Il y avait une corrélation positive entre l'identification de la tristesse et la fréquence des interactions positives avec la famille et une corrélation négative entre les erreurs d'identification dans la neutralité et la fréquence de l'interaction positive avec la famille. Il est important de noter que les personnes présentant des comorbidités étaient plus à même de reconnaître les émotions négatives comme la colère et la peur, les amenant à interagir davantage avec les autres. Compte tenu de ces résultats paradoxaux, nous avons voulu dans notre deuxième article, mieux comprendre l'impact du trouble d'abus de substances - plus spécifiquement pour la consommation de cannabis qui a été la plus étudiée - sur la schizophrénie afin de donner un sens aux profils sociocognitifs que nous avons trouvé, avec comme objectif principal de trouver des moyens appropriés pour remédier aux déficits. Nous avons exploré différents modèles explicatifs tels que l'hypothèse neuroprotectrice, l'hypothèse de vulnérabilité inférieure et enfin l'hypothèse sociale qui est la plus prometteuse. Enfin, nous avons examiné la littérature pour voir ce qui a été fait le plus souvent en matière de remédiation cognitive en sociocognition. Nous pouvons conclure qu'il serait préférable de créer un programme de remédiation hybride qui inclurait à la fois l'apprentissage via la pratique - en créant un programme d'entrainement à la reconnaissance des émotions adapté aux déficits individuels avec des avatars virtuels - et l'apprentissage stratégique par la thérapie de groupe pour intégrer les compétences sociales une fois la rééducation de la reconnaissance des émotions acquise.
En conclusion, alors que notre échantillon était petit, sans pouvoir prédictif ou de comparaison avec un groupe témoin, nos résultats soulignent toutefois l'importance de la remédiation ciblée et l'impact de l'abus de substances comorbides sur les profils sociocognitifs en schizophrénie. Nous suggérons que la schizophrénie est plutôt un «trouble social» qu'un trouble «du cerveau» ou «de la pensée». Nous explorons les diverses étiologies sociales telles que les expériences traumatiques de l'enfance, la déviance de la communication parentale et le concept 'd'émotion exprimée' tout en suggérant que la stigmatisation, l'isolement social et les mauvaises interactions sociales pourraient être à l'origine des nombreux dysfonctionnements. Par conséquent, nous suggérons que l'accent de la recherche future soit mis sur les comorbidités en schizophrénie, sur la cognition sociale et sur les impacts sur le fonctionnement social. Schizophrenia is a complex mental disorder that has multiple possible aetiologies that are rooted in both biology and environment. It is manifested through various negative and positive symptoms as well as many neurocognitive and sociocognitive deficits. To complicate matters, this disorder is highly comorbid with several others, with one of the most prevalent one being substance use disorder. Most research in the past has focused on either the neurobiology of this illness, identifying deficient brain structures and dysregulation in several neurotransmitter systems or on neurocognition trying to decipher the deficits in domains like attention, learning and memory through the use of modern technology such as functioning imaging. However, more recent studies have shown that what could very well be the hallmark of schizophrenia, is rather more linked to social functioning. Furthermore, social functioning can be more readily predicted when we examine sociocognitive domains rather than neurocognitive ones. More specifically, it has been shown that emotion recognition ability could have a very strong association with social functioning and outcomes. However, where emotion recognition is concerned, there is no clear consensus in the literature. Some argue the deficits are global while others suggest that it is emotion specific. Yet others have posited that perhaps, the heterogeneous findings in emotion recognition could be due not to the deficits themselves to rather to the methods used to measure emotion recognition. Also of importance, is the fact that most studies will solely focus on individuals that have schizophrenia alone when statistics show that around 50% of these individuals also suffer from substance use disorder. Therefore, trying to ascertain sociocognitive deficits in schizophrenia alone might not be optimal to generalize the findings.
As such, it was our first objective to assess emotion recognition both global and specific, in schizophrenia alone and in comorbid schizophrenia and substance use disorder, using virtual avatars as a more naturalistic measurement tool and also examining the impact of social functioning. Our results for the whole sample comprised of individuals with schizophrenia alone and schizophrenia and substance use disorder, showed good overall emotion recognition with sadness being the easiest to identify and fear the hardest. There were also specific misinterpretation patterns where fear tended to be misidentified as surprise while anger was perceived as neutrality. There was a positive correlation between identification sadness and frequency of positive interaction with family and a negative one between identification errors in neutrality and frequency of positive interaction with family. Importantly, individual with comorbid presentations were better at recognizing negative emotions like anger and fear leading to more interactions with others. Given those paradoxical results, we wanted in our second article, to better understand the impact of substance use disorder – more specifically for cannabis use which has been studied the most – on schizophrenia in order to make sense of the sociocognitive profiles we found, with the main objective of finding appropriate ways to remediate the deficits. We explored various explanatory models such as the neuroprotective hypothesis, the lower vulnerability hypothesis and finally the social hypothesis which is the one that holds the most promise. Finally, we examined the literature to see what was done the most often with regard to cognitive remediation in sociocognition. We can conclude that it would be preferable to create a hybrid remediation program that would include both practice learning – by creating a training program for emotion recognition tailor-fitted to individual deficits with virtual avatars – and strategy learning through group therapy to integrate social skills following retraining of emotion recognition.
To conclude, while our sample was small and did not allow us any predictive power or comparison with a control group, our results highlight the importance of targeted remediation and the impact of comorbid substance use disorder on sociocognitive profiles. We suggest that schizophrenia is rather a "social disorder" than it is a "brain" or "thought disorder". We explore the various social aetiologies such as traumatic childhood experiences, communication deviance and expressed emotion for the disorder while proposing that stigmatisation, social isolation and overall poor social interactions could be at the source of the many dysfunctions found in the disorder. Therefore, we suggest that the focus of future research should be on both comorbidities in schizophrenia, social cognition and social functioning outcomes.
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