L'imaginaire de l'arbre dans le Zhuangzi
Thesis or Dissertation
Abstract(s)
Cette étude circonscrit les significations et les spécificités de l’imaginaire de l’arbre dans le Zhuangzi, une œuvre proto-taoïste rédigée par plusieurs mains à partir du IVème siècle avant notre ère. L’imaginaire de l’arbre révèle le caractère inédit du Zhuangzi en exposant une vision de la sagesse qui s’oppose radicalement aux valeurs prédominantes de son temps. Il a en effet pour fonction directrice de réhabiliter le naturel face au culturel. Il exprime plus précisément la lutte contre l’anthropocentrisme en prônant, à l’encontre des créations spécifiquement humaines, les retrouvailles avec ce que l’homme a de naturel, d’instinctif et d’authentique.
Cette étude, dans l’optique de participer au décloisonnement des moyens de philosopher, fonde son cadre théorique sur l’œuvre de Gilbert Durand, en particulier Les structures anthropologiques de l’imaginaire et L’imagination symbolique . Durand réhabilite l’imaginaire dans le champ de la philosophie en détruisant la dichotomie supposée entre la rationalité et l’imaginaire. Il définit celui-ci à la fois comme l’activité dialectique de l’esprit et comme le facteur général d’équilibre psychosocial.
L’imaginaire de l’arbre du Zhuangzi illustre la remise en cause d’une part des règles morales régissant la société et d’autre part de la logique discursive. Ses auteurs critiquent les premières parce qu’elles contredisent les élans naturels, la seconde parce qu’elle produit des oppositions ne rendant pas compte du réel. L’arbre évoque aussi le libre épanouissement des particularités naturelles de chacun, ce qui va de pair avec une acception et un encouragement de la différence. Ce libre épanouissement ne devient possible que si l’on transforme le regard que l’on pose sur son environnement et sur soi-même afin de saisir la valeur de chaque être au-delà de sa perspective particulière. Il suppose, en d’autres termes, l’embrassement et la compréhension d’une pluralité de perspectives. C’est ce que nous désignerons sous le terme de « vision plurielle ». Enfin, l’arbre indique le point ultime de la sagesse : la flânerie mystique, à entendre comme une expérience intérieure consistant à faire le vide en soi pour se mettre à l’unisson avec le vide constitutif du Dao 道, le principe immanent générateur, transformateur et unificateur de toute chose. Cette expérience doit se comprendre comme le ressenti d’un vide intérieur pleinement libre et joyeux.
Cette étude a comme originalité, l’arbre illustrant la nature par excellence, de faire ressortir une parenté d’idées entre les thèmes clefs de l’imaginaire de l’arbre du Zhuangzi et la visée d’une meilleure adaptation de l’homme à son environnement. Elle dévoile ainsi une teneur proto-écologique. Les thèmes principaux de l’arbre du Zhuangzi élaborent effectivement, dans le contrepied complet de l’anthropocentrisme et d’une vision instrumentale de la nature, une vision biocentrée favorisant un mode d’être et d’agir en harmonie avec la nature. The present study delineates the meanings and the specificity of the imaginary of the tree in the Zhuangzi, a proto-Daoist work co-written by multiple authors beginning in the 4th century BCE. The tree imaginary evinces the Zhuangzi’s novelty by presenting a vision of wisdom radically opposed to the prevailing values of the time. Indeed, its principal function is to restore the status of nature vis-à-vis culture. More precisely, the tree imaginary gives expression to the struggle against anthropocentrism by advocating a return to the human being’s natural, instinctive, and authentic qualities – over and against specifically human creations.
In the aim of de-compartmentalizing different ways of philosophizing, the present study bases its theoretical framework on the work of Gilbert Durand, particularly Les structures anthropologiques de l’imaginaire and L’imagination symbolique. Durand restores the imagination’s place in the field of philosophy by destroying the ostensible dichotomy between rationality and the imaginary. He defines the latter as a dialectical activity of the mind as well as the main factor in achieving psycho-social equilibrium.
The Zhuangzi’s tree imaginary calls into question the moral rules governing society as well as discursive logic. The authors criticize the former because they run counter to natural impulses ; the latter, because it produces oppositions that fail to account for reality. The tree also evokes the free blossoming of the natural particularities of each person, a process which goes hand in hand with the acceptance and encouragement of difference. This free flourishing becomes possible only if one transforms the way one regards one’s environment and oneself so as to recognize the value of each being above and beyond one’s own perspective. In other words, this process – designated here by the term “plural vision” – implies embracing and comprehending a plurality of perspectives. Lastly, the tree points to the ultimate stage of wisdom, i.e., mystical strolling, understood as an inner experience of emptying oneself in order to put oneself in unison with the constitutive emptiness of the Dao 道, the immanent generative, transformative, and unifying principle of all things. This experience must be understood in terms of feeling an inner emptiness that is fully free and joyful.
Insofar as the tree illustrates nature par excellence, the present study’s originality consists in revealing the proto-ecological import of the Zhuangzi by bringing out a conceptual kinship among the key themes of the tree imaginary and the aim of better adapting the human being to the environment. Indeed, by completely opposing anthropocentrism and the instrumental vision of nature, the principal themes of the Zhuangzi’s tree lay out a bio-centric vision that can foster a way of being and acting in harmony with nature.
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