De la théorie de l'art comme système fantasmatique : les cas de Michael Fried et de Georges Didi-Huberman
Thèse ou mémoire
2017-04 (octroi du grade: 2018-03-21)
Auteur·e·s
Directeur·trice·s de recherche
Cycle d'études
DoctoratProgramme
Histoire de l'artMots-clés
- Théorie de l’art
- Épistémologie
- Psychanalyse
- Théorie féministe
- Phénoménologie
- Fantasme
- Historiographie critique
- Michael Fried
- Georges Didi-Huberman
- Sarah Kofman
- Theory of art
- Epistemology
- Psychoanalysis
- Feminist theory
- Phenomenology
- Fantasy
- Critical historiography
- Communications and the Arts - Art History / Communications et les arts - Histoire de l’art (UMI : 0377)
Résumé·s
Menée dans une perspective d’analyse de discours, cette thèse propose une réflexion épistémologique sur les rapports spécifiques que l’histoire et la théorie de l’art entretiennent avec le fantasme, compris dans son acception psychanalytique, et plus précisément freudienne. L’objectif général de cette réflexion est d’éclairer les mécanismes par lesquels le fantasme et la théorie s’articulent au sein des discours sur l’art, et de considérer les implications, tant psychanalytiques que philosophiques, historiques, sociales et politiques, d’une telle articulation. En nous appuyant principalement sur les travaux de la philosophe française Sarah Kofman, nous abordons cette problématique par l’analyse psychanalytique, critique et féministe des œuvres exemplaires de deux historiens-théoriciens de l’art ayant en commun un certain rapport à la phénoménologie : l’Américain Michael Fried et le Français Georges Didi-Huberman. L’étude approfondie de ces deux « cas » nous permet de mettre en évidence la formation de véritables systèmes fantasmatiques et d’en analyser le contenu, la structure et le fonctionnement défensif. Par l’adoption d’une approche féministe (kofmanienne) inédite en histoire de l’art, nous démontrons que les questions du genre et de la différence sexuelle font l’objet de négociations complexes (conflits, compromis) à l’intérieur de ces systèmes.
Dans un premier temps, nous relisons un ensemble de textes fondateurs de la psychanalyse afin de mieux circonscrire notre usage de la notion de fantasme (et de concepts associés tels que névrose, psychose, perversion et délire), de poser les bases de notre questionnement sur les rapports entre fantasme, théorie et théorie de l’art, et d’établir les enjeux de notre méthodologie analytique. Dans la lignée des travaux féministes de Kofman sur l’« économie sexuelle » des systèmes philosophiques (notamment ceux de Comte, Kant, Rousseau et Nietzsche), nous développons une méthode de lecture alternative aux approches opposées de la psychobiographie et de l’analyse structurale : cette méthode implique de considérer les œuvres textuelles des théoriciens comme des « compromis » entre des fantasmes individuels et collectifs, ainsi qu’entre le biographique, le pathologique et le théorique. La mise en œuvre de cette méthode à travers deux grandes études de cas (Fried et Didi-Huberman) nous permet, dans un second temps, d’analyser les modalités systématiques et fantasmatiques, voire délirantes, de chaque corpus, en ciblant plus particulièrement les structures et les motifs liés à la féminité ou à l’ambivalence sexuelle. Cette analyse nous conduit enfin à penser les diverses positions adoptées dans leur œuvre par Fried (l’hystérie, la paranoïa) et Didi-Huberman (l’hystérie, le fétichisme, la mélancolie), et d’en tirer des conséquences plus générales au sujet de la théorie de l’art en tant que lieu privilégié de fantasme. Using critical discourse analysis, this dissertation proposes an epistemological reflection on the specific relationships that art history and theory hold with fantasy, as understood in its psychoanalytic, and, more precisely, Freudian definition. With this analysis I aim to shed light on the mechanisms by which fantasy and theory are articulated in art discourse, taking into account the psychoanalytic, philosophical, historical, social and political implications of these junctures. Based primarily on the work of the French philosopher Sarah Kofman, whose singular approach is informed by Freud and Nietzsche, I address this problematic by way of psychoanalytic, critical and feminist analysis of the exemplary works of two historians and theorists of art who share a particular relation to phenomenology: the American Michael Fried and the French Georges Didi-Huberman. In-depth study of these two “cases” allows me to expose the formation of real fantasy systems and to analyze their content, structure and defensive functions. By adopting a feminist (Kofmanian) approach yet to be applied within art historical analysis, I demonstrate that issues of gender and sexual difference are the subjects of complex negotiations (conflicts, compromises) within these systems.
I commence with a re-reading of a set of foundational psychoanalytic texts in order to better define my use of the concept of fantasy (and those related, such as neurosis, psychosis, perversion and delirium), to lay the foundations for an inquiry into the relationships between fantasy, theory and theory of art, and to establish the stakes of my analytical methodology. Following Kofman's feminist work on the “sexual economy” of philosophical systems (notably those of Comte, Kant, Rousseau and Nietzsche), I develop an alternative reading of the opposing approaches of psychobiography and structural analysis. This method proposes a consideration of theorists’ textual works as “compromises” between individual and collective fantasies, as well as the biographical, pathological and theoretical. In the second part, I implement this method through two major case studies (Fried and Didi-Huberman), analyzing the systematic and fantasmatic, even delusional, modalities of each corpus, with particular attention paid to the structures and motives related to femininity and/or sexual ambivalence. This analysis leads me to consider the various positions adopted by Fried (hysteria, paranoia) and Didi-Huberman (hysteria, fetishism, melancholia) in their respective work, and to draw more general conclusions about the theory of art as a privileged site of fantasy.
Note·s
Cette thèse a reçu l’appui financier du Conseil de recherche en sciences humaines du Canada (CRSH), du Fonds québécois de recherche sur la nature et les technologies (FQRNT – Programme Frontenac), de la Faculté des études supérieures et postdoctorales (FESP) et du Département d’histoire de l’art et d’études cinématographiques de l’Université de Montréal.Ce document diffusé sur Papyrus est la propriété exclusive des titulaires des droits d'auteur et est protégé par la Loi sur le droit d'auteur (L.R.C. (1985), ch. C-42). Il peut être utilisé dans le cadre d'une utilisation équitable et non commerciale, à des fins d'étude privée ou de recherche, de critique ou de compte-rendu comme le prévoit la Loi. Pour toute autre utilisation, une autorisation écrite des titulaires des droits d'auteur sera nécessaire.