Les représentations dystopiques de la société dans le nouveau roman d'anticipation francophone (Nelly Arcan, Michel Houellebecq, Antoine Volodine)
Thèse ou mémoire
2017-07 (octroi du grade: 2018-03-21)
Auteur·e·s
Cycle d'études
DoctoratProgramme
Littératures de langue françaiseMots-clés
Résumé·s
Le présent travail propose une immersion dans le nouveau roman d’anticipation francophone, plus précisément, il s’efforce d’analyser les représentations dystopiques de la société dans certaines œuvres choisies de Nelly Arcan, Michel Houellebecq et Antoine Volodine. Cette mise en lumière s’inscrit sur le terrain de la sociocritique des textes et repose sur quatre grands axes : la poétique du lieu et du personnage, la narration, l’intertextualité et l’interdiscursivité. Au cœur de ces articulations se trouve la notion clé de totalitarisme d’Hannah Arendt, que de nouveaux théoriciens ont pensé autrement et que nos trois auteurs se réapproprient de près comme de loin : la représentation de la masse chez Houellebecq, la disparition de la sphère privée chez Arcan, les violences totalitaires des interrogatoires qui convergent vers l’horreur concentrationnaire chez Volodine, la figure du Fürher réinventée trois fois plutôt qu’une chez les trois, pour ne donner que ces exemples, correspondent de façon surprenante et inquiétante à la définition d’Arendt, au prix toutefois d’une inversion parfois symétrique de ses éléments emblématiques (pour reprendre les idées de Todorov et de Wolin sur le sujet). Fortement influencés par les grands titres de la dystopie anglo-saxonne, leurs romans font plus que penser le cauchemar politique de demain, ils réinventent la mécanique anticipative, qui a longtemps consisté à simplement grossir dans l’avenir des éléments du présent. Les futurs qu’ils décrivent, souvent furtivement, diagnostiquent certes une crise de l’Histoire présente, mais révèlent tout autant les utopies brisées d’autrefois et le poids des révolutionnaires années 1960-1970 sur le monde d’aujourd’hui. Qu’il s’agisse de la Révolution tranquille chez Arcan, de Mai 68 chez Houellebecq ou des tentatives de changement de régime dans la Russie de 1917 comme dans l’Europe des années 1970 chez Volodine, chaque fiction explore directement ou symboliquement l’expérience de l’échec en montrant que, sur certains points, l’utopie a tourné à vide – qu’elle se nomme modernité ou laïcité, progressisme ou libéralisme, communisme ou socialisme – et que la fin des grands récits théorisée par Lyotard a laissé place à tous les petits récits qui font notre présentisme individualiste : misère sexuelle et religieuse, règne du spectacle et de l’argent, récupération et trahison des discours idéalistes d’autrefois, etc. Bien plus, ce nouveau roman d’anticipation dévoile les tendances néototalitaires de la planète capitaliste et néolibérale qui se lève à l’horizon du futur, et ce, par l’inventivité singulière de leur verbe, sans tomber dans le piège de la pâle imitation stylistique (d’où l’idée d’un nouveau roman, qui n’est évidemment pas un nouveau Nouveau roman). Alors que les Robbe-Grillet d’autrefois déconstruisaient les formes romanesques traditionnelles jusqu’à l’illisibilité, les Arcan, Houellebecq et Volodine d’aujourd’hui font de même avec la temporalité anticipative qu’ils réinventent pour mieux lire leur société. This work presents an immersion in the new francophone novel of anticipation, specifically analysing the dystopian representations of society in selected works of Nelly Arcan, Michel Houellebecq and Antoine Volodine. Based in the field of sociocriticism, our analysis rests on four main axes: the poetics of place and character, narration, intertextuality and interdiscursivity. At the center of these articulations is the key notion of totalitarianism from Hannah Arendt, which new theorists have considered differently and which our three authors rethink from different aspects: the representation of the mass in the novels of Houellebecq, the disappearance of private life in those of Arcan, the totalitarian violence of interrogations that converge towards the concentration horror in the post-exotic world of Volodine, the figure of the Fürher reinvented by all three authors. These are only a few examples which correspond in a surprising and disturbing way to Arendt’s notion of totalitarianism, at the price however of a sometimes complete inversion of its emblematic elements, according to Wolin (and in some ways Todorov) on the subject. Strongly influenced by the Anglo-Saxon dystopia, their novels do more than imagine the political nightmare of tomorrow – they reinvent the anticipatory mechanics, which for a long time consisted merely of magnifying in the future elements of the present. The future they describe, often furtively, offers a diagnosis of a crisis of present history, but also reveals the broken utopias of the past and the influence of the revolutionaries of the 1960s and 1970s on today’s world. Whether it is the Quiet Revolution for Arcan, May’68 for Houellebecq or the attempts at regime change in 1917 in Russia as in the 1970s in Europe for Volodine, each fiction explores the experience of failure directly or symbolically by showing that Utopia (whether it be modernity or secularism, progressivism or liberalism, communism or socialism) has, in some respects, failed, and that the end of the great narratives theorized by Lyotard has given way to all the narratives that make our individualistic presentism: sexual and religious misery, the reign of spectacle and money, recuperation and betrayal of idealistic discourses of the past, etc. Moreover, this new novel of anticipation reveals the neototalitarianistic tendencies of the capitalist and neo-liberal planet rising on the horizon of the future – and this, by the singular inventiveness of their prose, without falling into the trap of pale stylistic imitation (hence the idea of a new novel, which is obviously not a new Nouveau roman). While the Robbe-Grillets of the literary world deconstructed traditional forms of romance until illegibility, the Arcan, Houellebecq and Volodine of today do the same with the anticipatory temporality they reinvent in order to better interpret their society.
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