Responsabilités sur le Web : une histoire de la réglementation des réseaux numériques

Lionel THOUMYRE(*)


Lex Electronica, vol. 6, n°1, printemps 2000, <http://www.lex-electronica.org/articles/v6-1/thoumyre.htm>

 

Introduction

I. Les responsabilités issues de l’ancien paradigme

A. La responsabilité des acteurs traditionnels

1. La responsabilité de l’auteur du message

2. La responsabilité de l’éditeur d’un site Web

2.1. Le régime de responsabilité applicable aux éditeurs professionnels

2.2. La responsabilité de l’éditeur "amateur"

3. L’exonération des transporteurs d’information

B. L’implication des nouveaux acteurs

1. Systèmes de responsabilité réduite

2. Degrés de responsabilité  renforcée

2.1. Définition d’une responsabilité éditoriale aux États-Unis

2.2. La situation des prestataires en Europe

2.2.1. L’appréhension des fournisseurs d’accès

2.2.2. Le procès des hébergeurs

II. Vers un système de responsabilité adapté

A. Remise en cause de l’application des systèmes de responsabilité traditionnels

1. Quelques données pour un nouveau paradigme de responsabilité

2. Critique des analogies impliquant un fort degré de responsabilité

B. Les initiatives législatives

1. Les réminiscences de l’ancien paradigme

1.1. L’échec de l’amendement Fillon

1.2. Les déficiences du Communication Decency Act américain

2. L’exonération de responsabilité pour les prestataires Internet

2.1. Les clauses du "bon samaritain" aux États-Unis

2.1.1. Dans le nouveau Telecommunication Act

2.1.2. Dans le Digital Millenium Copyright Act

2.2. La Proposition de directive de la Commission européenne

Épilogue

Bibliographie

 


La version préliminaire de cet article a été présentée au professeur Pierre Trudel dans le cadre de la Maîtrise "Droit des technologies de l'information" (Université de Montréal) en mai 1999. Elle a été réactualisée pour les fins de la présente édition.


 

Introduction

1.  Ouvert à l’ensemble des nations connectées, l’on a cru un temps que le vent du large soufflerait sur le réseau des réseaux. "Surfer sur le Web" ou "naviguer dans le cyberespace", nombreuses sont les métaphores qui nous renvoient au concept d’un espace de liberté infini : l’étendue maritime. On avait déjà assisté, dans les années soixante, au mariage plus concret de la navigation et des systèmes de communication. Violant le monopole des radios officielles, une dizaine de stations émettrices offshore diffusaient des émissions clandestines à partir de leurs navires, provoquant ainsi de graves interférences sur les ondes régulières des États voisins[1]. Lorsque les autorités britanniques décidèrent d’aborder l’une de ces stations pirates située à bord du Caroline[2], le capitaine du navire opposait aux agents de l’État le statut protecteur de la haute mer. Les conventions adoptées par la Conférence de Genève en 1958 empêchaient en effet les autorités côtières d’appréhender les navires situés en dehors de leurs eaux territoriales. La haute mer étant ouverte à tous, "aucun Etat ne peut légitimement prétendre en soumettre une partie quelconque à sa souveraineté"[3]. C’est ainsi que les stations émettrices, situées dans cette zone qualifiée de "non droit", échappèrent pendant longtemps aux réglementations des nations réceptrices. Cette épopée ne s’achèvera qu’en 1982 avec la Convention de Montégo Bay, retirant expressément le bénéfice du statut protecteur de la haute mer aux stations clandestines.

2.  Or, les libertaires américains sont parvenus à nous imposer aujourd’hui une vision "maritime" des réseaux électroniques, suggérant l’aménagement d’un espace de liberté électronique en dehors des frontières étatiques[4]. Greffé au mot "espace", le préfixe "cyber" - subtilisé à la "cybernétique"[5] - viendra affermir leur analogie. "Cyber" découle en effet de la racine grec kubernan, qui signifie "gouvernail", faisant précisément référence au monde nautique. Platon définissait d’ailleurs la cybernétique comme "l’art de la navigation", dont la pratique repose sur la dextérité et la volonté du capitaine[6]. Le constat suivant devrait naturellement s’imposer : chacun des individus connecté au réseau peut librement naviguer sur l’étendue du cyberespace[7]. Le message est devenu son navire, c’est à dire le véhicule de ses pensées et de ses opinions.

3.  Pour filer cette métaphore idéologique, nous pouvons très bien convenir avec les libertaires que le vaisseau des internautes ne pourra pas être appréhendé par le droit des états "côtiers" tant qu’il demeure dans les eaux numériques. Mais les navires devront nécessairement s’amarrer quelque part afin de livrer leurs contenus. C’est à ce moment précis que le droit des états, sur les territoires desquels les marchandises auront été déposées, retrouvent à s’appliquer[8].

4.  Lorsque le contenu est illicite, la question se pose alors de savoir qui pourra en être tenu responsable. Serait-ce le capitaine (l’auteur du message) ? En principe oui, mais ce personnage est parfois anonyme et, par la magie du numérique il demeure toujours absent du navire. Devrions-nous alors appréhender le propriétaire de la voilure (le fournisseur d’hébergement) qui aura fourni les moyens nécessaires au capitaine pour véhiculer sa marchandise préjudiciable ? Ou encore le directeur de la zone portuaire (le fournisseur d’accès) pour avoir laissé le contenu du navire s’infiltrer dans la localité ? Mais en quoi ces deux derniers acteurs devraient-ils assumer les agissements du capitaine, et sous quel régime juridique pourrait-on leur imputer la faute de l’auteur de l’infraction. La problématique de la responsabilité des acteurs de l’Internet demeure toujours autant d’actualité.

 5.  Nous l’étudierons ici pour la diffusion de messages à caractère illicites au travers d’une page Web[9]. L’on remarquera alors que la question est souvent abordée au moyen de concepts juridiques issus de diverses analogies légales. Cette démarche nous offre un ensemble de systèmes de responsabilité plus ou moins appropriés pour résoudre notre problématique (I). Il s’agira néanmoins de dépasser le cadre restreint des champs de représentation habituels pour tenter de définir un principe de responsabilité mieux adapté au réseau (II).

 

I. Les responsabilités issues de l'ancien paradigme

6.  Les infractions potentiellement réalisables sur l’Internet se retrouveront définies dans l’ensemble des réglementations relatives à la liberté de la presse et de la communication audiovisuelle ou destinées à protéger le droit des tiers : atteinte à l’honneur et à la réputation (diffamation, calomnie), messages à caractère raciste ou révisionniste, incitation à la violence, messages contraires à la moralité (obscénité, pornographie juvénile), atteinte au droit à la vie privé ou au droit à l’image, fausse information[10]… La liste est importante et notre objectif n’est pas de la décrire[11]. Notons simplement que la diffusion de messages préjudiciables emporte l’application d’une sanction pénale ou d’une réparation civile.

7.  De manière générale, la mise en place de la responsabilité pénale exige la réunion de trois éléments : un élément d’origine légale (l'existence d'une norme légale qui fait d’un acte un crime) ; un élément intentionnel, souvent matérialisé par la volonté de commettre le préjudice ; et un élément matériel, qui consiste en la réalisation de l’infraction, du délit ou du crime[12]. Au niveau civil, les articles 1382 à 1384[13] du Code Napoléon envisagent la réparation des dommages causés directement par la faute ou le fait d’une personne, ou encore par le fait des personnes ou d’une chose qu’elle a sous sa garde. La mise en œuvre de la responsabilité extra-contractuelle suppose habituellement (pour l’article 1382) l’existence d’une faute, d’un dommage, et d'un lien de causalité entre la faute et le dommage. Mais il existe également des régimes spéciaux pouvant engager la responsabilité pénale et civile des acteurs en l’absence des critères que nous venons de définir.

8.  L’ensemble de ces principes et exceptions se rapporte à des systèmes de responsabilité définis avant l’apparition de l’Internet. Il nous faut donc déterminer dans quelle mesure et sous quelles conditions ces systèmes pourront s’appliquer aux acteurs du  réseau. Nous distinguerons ici les acteurs classiques (auteurs des messages, éditeur de presse et transporteurs) (A) des nouveaux intermédiaires (fournisseurs d’accès et d’hébergement) (B).

A. La responsabilité des acteurs traditionnels

9.  Nous considérons l’auteur du message, l’éditeur et l’opérateur téléphonique comme des acteurs classiques dans la mesure où leur existence n’est pas liée à l’apparition de l’Internet.

1. La responsabilité de l’auteur du message

10. L’auteur du message pourra procéder à la diffusion de ses écrits sur le Web de deux manières : ou bien il fournira du contenu à un éditeur professionnel ou amateur, ou bien il publiera ses écrits sur sa propre page Web. Il pourra toujours être poursuivi comme auteur principal d’une infraction ou d’un délit dès lors qu’il remplit les conditions nécessaires pour mettre en œuvre sa responsabilité civile ou pénale.

11. La jurisprudence nous a déjà donné plusieurs exemples de Webmasters peu scrupuleux des lois en vigueur. Ainsi, le Tribunal de grande instance de Paris a eu à traiter d’une affaire pénale concernant la mise en ligne d’écrits révisionnistes portant le nom du professeur Faurisson. Alors que les écrits étaient hébergés sur un serveur des États-Unis, les juges français se sont reconnus compétents pour traiter du litige sur la base de l'article 113-2 du Code pénal et faire application des règles spécifiques régissant la presse[14]. Le tribunal rappelle notamment qu'en matière de presse "le délit est réputé commis partout où l’écrit a été diffusé". Mais les juges n’ont pas pu déterminer que le Professeur Faurisson était bien l’auteur des textes incriminés. Selon eux, la seule indication de son nom ne permet pas d’affirmer sa responsabilité pour la publication de textes révisionnistes sur le site "AAARGH". Le fait que le Professeur Faurisson additionne déjà de nombreuses condamnations pour propos révisionnistes, depuis le début des années 80, ne suffisait pas à établir que le prévenu était bien l’auteur des faits incriminés[15]. Tout porte à croire cependant que, si la preuve avait été établie que le Professeur Faurisson était bien l’auteur du message incriminé, il aurait naturellement été condamné par le Tribunal, de la même manière que s’il avait proféré ses propos en public ou publié ses écrits dans un journal.

12. Quelques mois plus tard, la 17ème chambre correctionnelle du Tribunal de Paris devait traiter d’une affaire similaire, impliquant encore une fois un Webmaster auteur de propos contrevenant à la loi de 1881. L’auteur fut d'abord relaxé en première instance au motif que les textes litigieux avaient été mis en ligne plus de trois mois avant le déclenchement des poursuites, dépassant ainsi le délai de prescription en matière de délits de presse (article 65 de la loi du 29 juillet 1881). La Cour d’appel a néanmoins réformé ce jugement en établissant l’existence d’une infraction continue : la volonté délictueuse du prévenu se prolonge aussi longtemps qu’il maintient le contenu litigieux en ligne[16].

13. Les exemples de la mise en cause des auteurs d’écrits litigieux sur l’Internet sont aussi nombreux à l’étranger. Il faut néanmoins constater que les poursuites ne seront pas toujours facilitées pour deux raisons principales :

1.- en raison de son caractère international, l’Internet suscite la mise en œuvre de nombreuses lois différentes entraînant une confrontation entre différentes cultures juridiques. Quand bien même certains auteurs nous auraient éclairé sur la détermination du tribunal compétent et de la loi applicable[17], le problème de l’exequatur subsistera. Prenons le cas d’un message révisionniste diffusé à partir du territoire des États-Unis par un ressortissant américain. Ce dernier pourra être condamné par les tribunaux français, faisant simplement application de la loi nationale. Il paraît cependant très peu probable que les autorités américaines entérinent cette décision de justice pour des raisons liées à la "distorsion entre systèmes juridiques"[18]. Michel Vivant estime cependant que cette situation n’est pas exceptionnelle. Selon lui, la défaillance ne se situe pas au niveau juridique, mais au niveau politique[19]. Il évoque alors l’intérêt "politique" de la décision nationale en ce qu’elle interdit à l’individu condamné de pénétrer sur le territoire de la République[20]. Les conséquences d’une telle situation ne doivent pas être négligées pour autant. Tant que le droit s’avère incapable de stopper efficacement la continuation du délit ou du crime par la condamnation de l’auteur, le parquet ou les plaignants engageront plus volontiers des poursuites contre les fournisseurs d’accès nationaux. C'est sans doute dans cet esprit que l’Union des Étudiants Juifs de France (UEFJ) avait impliqué la responsabilité de neuf fournisseurs Internet établis en France[21] pour la diffusion de messages préjudiciables disponibles sur le réseau ;

2.- il est très courrant de découvrir des pages Web "anonymes", c’est à dire sur lesquelles aucun nom n’a été apposé ou portant la mention d’un pseudonyme. L’identité réelle de l’auteur du message est ainsi dissimulée aux yeux du public. Là encore, les plaignants en feront un argument nécessaire pour se tourner vers les intermédiaires techniques situés à portée du droit national. Ce fût le cas dans l’affaire AlternB opposant Estelle Hallyday à Valentin Lacambre[22], le gestionnaire d’un service d’hébergement à partir duquel le site Silversurfer diffusait "anonymement" des images du mannequin. Nous analyserons plus en détail cette affaire dans notre partie consacrée à la responsabilité des fournisseurs d’hébergement. Toutefois, nous devons mentionner dès à présent que la plupart des prestataires affirment posséder les moyens techniques de retrouver l’identité de l’auteur d’un site anonyme[23].  Dès lors, peu de chose empêcherait les victimes de poursuivre directement les auteurs réels des faits délictueux ou criminels.

2. La responsabilité de l’éditeur d’un site Web

14. Les principales productions de la presse écrite sont désormais disponibles sur le Web. De même que pour les versions "papiers" de leurs éditions, leurs sites accueillent de nombreux articles dont le contenu peut présenter un caractère répréhensible. Nous verrons qu’il ne sera pas si difficile de leur transposer le régime spécial prévu pour les éditeurs traditionnels. Une question se posera alors : le système de la responsabilité éditoriale classique doit-il également s’appliquer à l’éditeur "amateur", c’est à dire au titulaire d’un site personnel qui accueille les écrits d’auteurs extérieurs ?

2.1. Le régime de responsabilité applicable aux éditeurs professionnels

15. La loi du 13 décembre 1985, introduisant l’article 93-3 dans la loi du 29 juillet 1982, définit une chaîne de responsabilités adaptée aux services de communication audiovisuelle, à l’image de celle existant en matière de presse écrite[24]. Cette responsabilité est dite "renforcée" car elle permet au plaignant de s’adresser à une série de personnes hiérarchisées par la loi, chacune étant considérée comme auteur principal de l’infraction à défaut de la précédente. Sa mise en œuvre peut se discuter autour de deux exigences légales :

1° La fixation du contenu

16. Selon l’article 93-3 de la loi de 1985 relative à la communication audiovisuelle, la mise en œuvre de la responsabilité éditoriale suppose la fixation préalable des contenus litigieux permettant au directeur de la publication de pouvoir contrôler ce qu'il diffuse. En d’autres termes, la fixation justifie l’obligation de surveillance du contenu qui est mise à la charge de l’éditeur. Par l’existence de la fixation, on considère en effet que l’éditeur ou le directeur de la publication a pu avoir connaissance de l’ensemble du contenu qu’il diffuse ou, plus précisément, des faits constituant l’objet de l’infraction[25].

17. En la matière, la fixation ou la mémorisation de l’information se fera la plupart du temps sur le matériel informatique de l’éditeur ou du fournisseur d’hébergement avec lequel il sous-traite. Possesseur des codes d’accès du compte à partir duquel il met ses pages en ligne, il lui serait possible d’opérer un contrôle continu sur les écrits qu’il diffuse. Cette condition est donc bien remplie par l’éditeur en ligne[26].

2° La déclaration préalable

18. La doctrine s’entend sur le fait de considérer les sites Web comme services de communication audiovisuelle, au même titre que les serveurs Minitel[27]. Tout propriétaire de sites Web devrait donc se soumettre à l’exigence légale de l’article 43 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication audiovisuelle, qui consiste dans le dépôt d’une déclaration préalable à l’ouverture d’un service auprès du procureur de la République.

19. La déclaration étant faite, l’article 37 prévoit alors que l’entreprise ou la personne titulaire de l’autorisation devra tenir à la disposition du public le nom du directeur de la publication et celui du responsable de la rédaction. Le régime de déclaration préalable permet ainsi de désigner la personne se trouvant au sommet de la cascade de responsabilité. Il facilite du même coup la mise en œuvre de la responsabilité éditoriale[28].

20. Un doute subsiste néanmoins sur le fait de savoir si le système de la responsabilité éditoriale doit automatiquement s’appliquer sur la personne qui aurait procédé au dépôt d’une déclaration. Tant que le fondement de cette obligation demeure ambigu, elle pourrait constituer un véritable "piège" pour le titulaire d’un site amateur qui ne voudrait ni encourir une amende pour défaut de déclaration, ni revêtir la responsabilité d’un éditeur professionnel. Nous devons alors nous poser la question suivante : les éditeurs amateurs doivent-ils ou non se soumettre à cette déclaration et risquer l’application d’une responsabilité renforcée ?

2.2. La responsabilité de l’éditeur "amateur"

21. Partant du constat que l’exigence de la déclaration préalable est ignorée par la plupart des créateurs de pages Web, le rapport Lalande recommandait d'introduire dans l’article 43 une disposition visant à ne soumettre que les seuls professionnels de la mise en ligne de contenu à la formalité de la déclaration[29]. L’on pourrait alors envisager d’appliquer le régime instauré par la loi de 1986 qu’aux seules personnes morales et physiques tirant un revenu de leurs publications sur Internet (qu’il s’agisse de revenus publicitaires ou de revenus tiré d’un abonnement en ligne). Notons également que les professionnels de la presse traditionnelle tendent actuellement à se rassembler sous un label de qualité pour la diffusion de leurs publications sur Internet[30]. L’appartenance au label pourrait dès lors servire de critère pour désigner les personnes soumises à l’obligation de déclaration et, par conséquent, à la mise en œuvre de la responsabilité éditoriale.

22. Quoiqu’il en soit, il ne nous apparaît pas réellement nécessaire de faire peser ce système de responsabilité sur les titulaires de sites personnels pour deux raisons :

1.- les éditeurs amateurs sont moins solvables que les éditeurs professionnels, si bien qu’il sera tout autant difficile d’entrer en réparation civile auprès du titulaire du site qu’auprès de l’auteur des écrits litigieux. Aussi, les liens qui unissent les éditeurs amateurs à leurs rédacteurs reposent moins sur des considérations financières qu’affectives. Il semble donc plus injuste de sanctionner automatiquement le titulaire du site pour une faute commise par le rédacteur ;

2.- la mise en œuvre de la responsabilité de droit commun présente déjà de nombreuses garanties pour éviter les abus des sites amateurs. Dans ce cadre, l’on recherchera plus volontiers l’auteur du message litigieux. Bien entendu, il pourra s’agir du titulaire du site comme nous l’avons vu en première partie de ce paragraphe. Si ce dernier n’est pas lui-même l’auteur des propos litigieux, il sera susceptible d’être poursuivi, au niveau pénal, comme complice de l’infraction pour aide et assistance au terme des articles 121-6 et 121-7 du Nouveau Code pénal français[31].

 3. L’exonération des transporteurs d’information

23. Parmi les acteurs traditionnels nous retrouvons les compagnies de téléphone ou les câblo-opérateurs. Du contenu des conversations téléphoniques aux données télématiques ou numériques, leurs rôles reste le même : assurer le transport des informations et l’interconnexion entre les différents terminaux. Les compagnies de téléphone n’étant pas supposé surveiller la teneur des messages circulant dans leurs réseaux, il est de tradition de ne pas les rendre responsable des contenus litigieux[32].

24. Suite à l’apparition du Minitel, la Direction Générale des Télécommunication (DGT) a d’ailleurs tenu à rappeler que les réseaux "Télétel" sont mis à la disposition des fournisseurs de contenu "sous leur responsabilité entière concernant le contenu"[33]. La compagnie France Télécom serait donc affranchie de toute responsabilité. Cette supposition a été confirmée en justice dans une décision du Tribunal de grande instance de Draguignan qui a considéré que le représentant de France Télécom ne pouvait pas être tenu pour responsable des infractions pénales commises par des fournisseurs de service, au motif qu’il n’avait pas pu avoir connaissance du contenu litigieux diffusé au travers de ses réseaux[34]. Par conséquent, son intention criminelle n'a pas pu être établie. Mais, une interprétation a contrario de ce jugement nous laisse entendre que le représentant aurait pu être impliqué s'il avait eu connaissance de la commission des infractions au moyen de son infrastructure. Nous rencontrerons plus fréquemment ce genre de décision en Common Law. En effet, la jurisprudence américaine a déjà condamné une entreprise de télécommunications lorsqu’elle "connaît ou a une raison de connaître" la nature illicite du contenu qu’il transporte[35].

25. Malgré l’exonération de principe dont bénéficient les transporteurs, les représentants des compagnies de téléphone devront veiller à retirer de leurs réseaux les informations litigieuses dont ils ont eu connaissance.

B. L’implication des nouveaux acteurs

26. Le fonctionnement de l’Internet implique l’existence de nouveaux acteurs. Ceux-là même qui assurent la connexion de chacun des ordinateurs personnels au réseau global (les fournisseurs d’accès) et qui permettent la mise en ligne de contenu en offrant un espace disque à leurs abonnés (les fournisseurs d’hébergement). Ces rôles distincts seront souvent exercés par une seule et même personne que nous appellerons "intermédiaire technique" ou encore "prestataire Internet".

27. Les prestataires Internet ne possédant aucun statut juridique précis, la doctrine comme la jurisprudence ont eu recours au raisonnement par analogie[36]. Elles se sont inspirées des modèles de réglementation des médias traditionnels pour "mieux saisir l’essence des règles actuelles et illustrer la présence des facteurs pertinents"[37]. Nous analyserons quelques-unes de ces métaphores en fonctions des systèmes de responsabilité qu’elles induisent.

1. Systèmes de responsabilité réduite

28. Le fait de considérer le réseau comme une gigantesque bibliothèque ou librairie confère aux prestataires Internet un rôle avantageux. En effet, il est difficilement imaginable d’engager la responsabilité d’une personne qui vend ou donne simplement accès aux ouvrages édités par d’autres personnes que lui. Bien qu’un libraire ou un bibliothécaire puisse effectuer un choix dans les publications qu’il désire mettre en rayon, on ne s'attend pas à ce qu’il lise chacun des documents commandés. La nature illicite de certaines publications ne parvient qu’accessoirement à sa connaissance.

29. Fort de cette constatation, la jurisprudence américaine a déjà déclaré contraire à la constitution une loi destinée à rendre le libraire strictement responsable du contenu des livres qu’il désire vendre[38]. Les tribunaux définissent néanmoins un standard de responsabilité minimale. Le libraire ou le bibliothécaire aurait en effet l’obligation de retirer les documents dont le contenu litigieux aurait été porté à sa connaissance[39].

30. Cette analogie a été adoptée dans la célèbre affaire Cubby relative à la diffusion de messages à caractère diffamatoire sur les services du prestataire Compuserve[40]. La Cour relevait notamment que : "Compuserve has no more control over such publication than does a public library, bookstore, or news-stand, and it would be no more feasible for Compuserve to examine every publication it carries for potentially defamatory statements than it would be for any other distributor to do so". Compuserve fut ainsi considéré comme un simple distributeur d’ouvrages préalablement publiés. 

31. Sous un tel standard, la responsabilité du prestataire ne pourrait donc être engagée que dans la mesure où il est établi qu’il a pris connaissance ou avait une raison de prendre connaissance  de l’existence d’un document illicite sur ses services et qu’il n’a rien fait pour empêcher sa diffusion[41]. Le même standard de responsabilité serait d’ailleurs applicable aux prestataires que l’on assimilerait à de simples transporteurs (voir infra).

32. En France, l’application de ces métaphores pourrait aboutir au même système de responsabilité, à la nuance près qu’une loi spéciale du 4 janvier 1967, relative à la protection des mineurs, interdit expressément au libraire de vendre des publications qui présente aux mineurs le crime, le mensonge, le vole, la paraisse, la lâcheté, la haine et la violence sous un jour favorable. C’est sans doute la raison pour laquelle la métaphore du transporteur semble avoir été préférée par les politiciens qui ont voulu contester la décision rendue dans l’affaire AlternB.

33. À ce titre, il est intéressant de relever la déclaration du Président de Démocratie Libérale, Alain Madelin, pour qui "le fournisseur d’hébergement n’a pas à surveiller les contenus des sites qu’il héberge mais qu’il est tenu en revanche de déférer aux réclamations des tiers et de la puissance publique.  Il ne doit donc pas y avoir plus de responsabilité pour un hébergeur de sites Internet à l’égard du stock d’information qu’il héberge, qu’il n’y en a pour France Télécom par rapport au contenu d’information qu’elle achemine, ou pour la Poste à l’égard du contenu des publications qu’elle achemine."[42]. Dans ce cas, l’exonération de principe dont bénéficieraient les prestataires français empêchera simplement de les considérer comme auteurs principaux des délits commis sur le réseau. Leur responsabilité pénale pourra néanmoins être retenue au titre de l’action complice dès lors qu’ils ne prennent pas les moyens nécessaires pour bloquer l’accès à l’information illicite qui aura été portée à leur connaissance (dans leur rôle de fournisseurs d’accès) ou pour la supprimer de leur serveur (dans leur rôle d’hébergeurs). Ces moyens n’auront peut-être qu’une simple portée symbolique, étant donné la constitution rapide de sites miroirs, mais ils permettront d’établir la bonne foi des prestataires.

34. De son côté, Dominique Strauss-Khan, Ministre des finances du gouvernement français, estime qu’ "un hébergeur de sites ne saurait, à mon sens, être comparé à un éditeur de presse ou à une chaîne de télévision"[43]. Nous devons justement discuter de la pertinence de ces métaphores qui engagent un degré de responsabilité supérieur pour les prestataires Internet.

2. Degrés de responsabilité renforcée

35. Une seconde série de métaphores consiste à appliquer aux prestataires une responsabilité accrue. Avec l’affaire Prodigy la jurisprudence américaine avait ouvert la voie pour assimiler le rôle des prestataires à celui d’un éditeur de presse, en tenant compte des agissements de ce dernier. En Europe, les autorités judiciaires se sont montrées plus sévères encore, car il leur fallait avant tout résoudre des questions d’ordre public. Nous analyserons successivement ces différentes attitudes.

2.1. Définition d’une responsabilité éditoriale aux États-Unis

36. Au cours d’un litige en apparence similaire à celui que nous avons rencontré dans l’affaire Cubby, les juges ont estimé que le prestataire devait cette fois-ci être tenu pour responsable des messages à caractère diffamatoire affichés sur son bulletin board[44]. La cour a fondé sa décision sur le fait que le prestataire Prodigy exerçait un contrôle éditorial suffisant sur son babillard électronique pour connaître le contenu des informations auxquelles il donnait accès[45]. Elle conclut alors : "that for the purposes of Plaintiffs' claims in this action, Prodigy is a publisher rather than a distributor"[46].

37. La métaphore employée est donc bien visible. De même qu’en France, l’" éditeur primaire" américain doit assumer le contenu de l’information qu’il rend disponible, il est la première personne à être tenue pour responsable des messages publiés. Il s’agit ici d’une responsabilité de principe, c’est à dire qu’il n’est pas besoin de rapporter la preuve que le prestataire avait effectivement eu la connaissance de l’existence des faits dommageables. Cette dernière est automatiquement déduite de son statut d’éditeur.

38. Ainsi, la jurisprudence américaine détermine la métaphore adéquate au cas pas cas. Nous pourrions tout de même retenir le critère de distinction suivant : si le prestataire exerce un contrôle suffisant et/ou annonce qu’il assure la qualité du contenu délivré à ses abonnés, il pourra alors être identifié à un éditeur et revêtir la responsabilité attachée à la fonction revendiquée. En revanche, le prestataire qui n’engagerait aucun contrôle de son contenu échapperait à l’analogie de l’éditeur pour se fondre dans celle du libraire. Mais l’application littérale de ces critères aurait un effet pervers : pour ne pas risquer l’application de la responsabilité éditoriale, les prestataires n’oseraient plus intervenir sur la qualité des informations auxquelles ils donnent accès. C’est pourquoi, nous le verrons plus tard, les récentes initiatives législatives ont décidé de protéger ceux qui entreprennent des actions positives dans le but de libérer leurs services de certains contenus illicites[47].

2.2. La situation des prestataires en Europe

39. Les intermédiaires ont dû subir une réaction plus passionnée de la part des autorités judiciaires de certains pays européens. Les analogies ne pas toujours explicites, car les autorités chercheront souvent à obtenir un résultat concret, c’est à dire d’aboutir au blocage des informations causant un trouble manifestement illicite. Nous étudierons la manière dont les prestataires ont pu être appréhendés suivant qu’ils agissent en tant que fournisseurs d’accès à Internet (FAI) ou hébergeurs.

2.2.1. L’appréhension des fournisseurs d’accès

40. Acentrique, l’Internet ne possède pas de tête directrice. Polycentrique, la connexion au réseau est assurée par une multitude de fournisseurs d’accès[48]. Envisagé comme un organisme sans tête, le réseau global présenterait les caractéristiques d’un monstre juridique encore inconnu. Les corps collectifs institutionnalisés ayant été créés à l’image de l’homme, l’histoire du droit nous enseigne qu’il serait monstrueux d’en confier la responsabilité à plusieurs têtes[49]. Que dire d’un organisme collectif sans tête ? Bien que l’Internet ne puisse revêtir aucune personnalité juridique, comme par réflexe, les autorités ont préféré se tourner vers l’aspect polycentrique du réseau, c’est à dire vers les multiples centres d’accès présentant autant de directions responsables des données illicites circulant sur le Web.

41. C’est ainsi que Felix Somm, l'ancien directeur de Compuserve Allemagne, comparaissait le 16 avril 1997 devant un tribunal de Munich pour avoir permis la diffusion de messages à caractère pédophile, zoophile et violent[50]. L'affaire remonte déjà à 1995 lorsque les autorités allemandes ont forcé la société Compuserve établie aux États-Unis à bloquer la consultation de 200 sites litigieux qu’elle hébergeait. Mais la firme américaine avait rétabli l’accès en 1996. Or, selon l'accusation, la filiale allemande de Compuserve aurait très bien pu filtrer le contenu des services en cause. La défense lui a rétorqué qu'il lui était impossible de trier l'ensemble des sites auxquels elle donne accès. Bien que l'argument ait été confirmé par un expert de l'Office fédéral pour la sécurité des techniques d'informations, Felix Somm fût finalement condamné le 28 mai 1998 à deux ans de prison avec sursis et à 100.000 D.M. d'amende[51]. La décision du juge semble avoir été essentiellement motivée par des raisons d’ordre public et de protection de la jeunesse. Elle ne s’est pas explicitement fondée sur l’une ou l’autre des analogies étudiées ci-dessus. Mais elle suggère implicitement que les FAI doivent bel et bien remplir les obligations de contrôle et de filtrage traditionnellement mis à la charge des éditeurs[52].

42. En France, les fournisseurs d’accès à Internet furent rapidement assimilés aux fournisseurs de services Minitel, assumant la responsabilité directe de leurs services de communication audiovisuelle[53]. Utilisée par la doctrine, la métaphore paraît évidente car nous nous situons dans le même contexte juridique, à savoir celui de la communication audiovisuelle interactive définie par la loi du 29 juillet 1982 comme "tout service de communication audiovisuelle avec le public par lequel chaque utilisateur interroge lui-même à distance un ensemble d'écrits, de sons, d'images ou de documents, messages individuels de toute nature à l'exclusion des œuvres cinématographiques et ne reçoit en retour que les éléments demandés".

43. En poussant l’analogie, les FAI et les fournisseurs de service télématique présenteraient des caractéristiques communes, à savoir la diffusion de messages audiovisuels sur des services à la portée de l’ensemble du public. Certains auteurs ont pu en déduire un peu rapidement que "la responsabilité du fournisseurs d’accès [établi en France] semble, par conséquent, pouvoir être engagée en tant qu’auteur principal de l’infraction, que le message délictueux provienne de France ou de l’étranger"[54]. Mais pouvons-nous raisonnablement soutenir, à l’instar de la doctrine instaurée par le professeur Gassin pour le Minitel, que la "publicité" étant le fait du prestataire, ce dernier doit être considéré comme l’auteur principal des délits perpétrés au travers de ses services[55] ? Dans le cas d’une réponse positive, l’on soumettrait le FAI à une responsabilité de type éditoriale telle que nous l’avons déjà définie pour les éditeurs professionnels de site Web.

44. Fort de cette supposition, le 15 mars 1996 L’UEJF assignait en justice neuf FAI pour avoir permis la connexion à des serveurs révisionnistes (voir infra). Peu de temps après, le 6 mai 1996, les gérants de World-Net et de Francenet étaient mis en garde à vue sur ordre du Ministère public pour avoir "diffusé" des images à caractère pédophile (provenant de newsgroups auxquels ils donnaient accès), délit puni par l’article 227-23 du nouveau code pénal. Ces actions étaient là encore guidée un intérêt précis : faire cesser immédiatement les troubles manifestement illicites. Il est justement plus facile de se tourner vers les FAI présents sur le territoire de la République que d’engager de multiples actions en justice contre les auteurs des messages incriminés, souvent situés à l’étranger.

45. Mais on ne peut pas se prononcer sur l’existence d’une responsabilité de principe en France dès lors qu’aucune des affaires précitées n’a concrètement abouti à la condamnation des FAI en tant qu’auteurs principaux des délits dénoncés. La justice se montre encore prudente en attendant le résultat des travaux législatifs engagés en France et au niveau de la Communauté européenne depuis 1996.  Elle s’est toutefois prononcée dans plusieurs affaires impliquant les fournisseurs d’hébergement.

2.2.2. Le procès des hébergeurs

46. Les hébergeurs représentent également des "cibles" intéressantes tant pour les autorités judiciaires que pour les victimes de messages préjudiciables. D’une part, les hébergeurs seront généralement plus solvables que les titulaires de pages Web personnelles et, d’autre part, ils sont plus facilement identifiables. Pour illustrer ces propos, nous revenons à l’affaire AlternB qui impliquait la responsabilité civile d’un fournisseur d’hébergement, Valentin Lacambre, pour la diffusion des photos du mannequin Estelle Hallyday à partir d’un site anonyme qu’il hébergeait.

47. Dans une ordonnance du 9 juin 1998, le juge des référés saisit l'occasion du litige pour se prononcer de manière générale sur la responsabilité des hébergeurs. Il énonce ainsi que "Le fournisseur d'hébergement a l'obligation de veiller à la bonne moralité de ceux qu'il héberge, au respect par ceux-ci des lois et des règlements et des droits des tiers"[56]. Voici posés les fondements de l’application au civil d’une responsabilité de type éditorial à la charge de l’hébergeur. Tel était d’ailleurs l’objectif avoué de la demande. Les propos de l’avocat de la demande, Maître Galvez, ne peuvent être plus clairs :  "Je ne vois pas pourquoi ce qui est sanctionné sur un journal ne le serait pas sur le Web (…) le fournisseur d'hébergement est l'équivalent du directeur de la publication, sans nuances"[57].

48. Mais le magistrat concède que le fournisseur d’hébergement devra justifier du respect des obligations mises à sa charge "dès révélation d’une atteinte aux droits des tiers". Contrairement au système de responsabilité éditoriale prévu en droit pénal pour les infractions de presse, la responsabilité civile de l’hébergeur ne serait donc ni permanente, ni immédiate. Il devrait en effet échapper à toute responsabilité dès lors qu’il aurait entrepris les mesures nécessaires pour faire cesser le trouble illicite, après que l’on eût porté à sa connaissance l’atteinte aux droits des tiers. Le tribunal n’a d’ailleurs pas voulu condamner l’hébergeur au versement de dommages et intérêts.

49. La Cour d’appel se montrera plus sévère en considérant, dans un arrêt du 10 février 1999, qu’ "en offrant, comme en l’espèce, d’héberger et en hébergeant de façon anonyme, sur le site altern.org qu’il a créé et qu’il gère, toute personne qui, sous quelque dénomination que ce soit, en fait la demande aux fins de mise à disposition du public ou de catégories de public de signes ou de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature qui n’ont pas le caractère de correspondances privées, Valentin Lacambre excède manifestement le rôle technique d’un simple transmetteur d’informations"[58]. En conséquence de quoi le magistrat condamne cette fois-ci l’hébergeur à 300.000 F de dommages et intérêts. Le fait que Valentin Lacambre offre un hébergement anonyme semble avoir motivé la décision du juge d’appel. Car, en permettant à quiconque de diffuser publiquement des propos ou des images illicites en toute impunité, l’hébergeur empêchait les victimes de se retourner contre le véritable coupable. En somme, agissant de la sorte Valentin Lacambre se serait automatiquement mis dans la peau d’un "éditeur de presse" publiant des articles anonymes, lequel doit naturellement assumer la responsabilité du contenu mis à la disposition du public, tant au niveau pénal (par la loi de 1881) que civil (par le jeu des articles 1382 et 1383 du Code civil).

50. Ne nous méprenons pas car il ne s’agissait en fait que d’un anonymat apparent portant uniquement sur la page Web du propriétaire du site Silversurfer. Ce dernier aurait pu être reconnu, dans la mesure où l’hébergeur dispose des moyens techniques nécessaires pour dévoiler son identité. Or, la défense soulignait qu’aucune information sur l’hébergé ne lui a été demandée[59]. La portée de l’arrêt de la Cour d’appel pourrait donc être plus importante que prévu. Le fait d’engager la responsabilité de l’hébergeur pour le contenu des pages apparemment anonymes l’obligerait en effet à engager des procédures de vérifications systématiques et certainement très coûteuses, car il paraît difficile de contraindre a priori l’ensemble des Webmasters à inscrire leurs noms, prénoms, adresses, ou autres moyens d’identification sur chacune de leurs pages[60]. Dès lors, de nombreux hébergeurs tomberaient sous le régime suggéré par l’arrêt du 10 février 1999.

51. Néanmoins, nous ne connaissons pas précisément les bases légales de cette décision qui aurait sans doute gagné à être mieux motivée. Fort heureusement, deux autres décisions nous délivrent bien plus de précisions sur la démarche juridique des juges.

52. La première affaire implique la responsabilité du fournisseur d’hébergement Infonie pour avoir hébergé des pages portant atteinte à la réputation des sociétés AXA-UAP et FINAXA. Les sociétés avaient assigné à la fois le Président du Conseil d’administration d’Infonie, en tant qu’auteur principal, et Christophe M. – l’auteur du site litigieux sur lequel se trouvaient les messages diffamatoires – pour complicité. L’intérêt de l’affaire réside bien entendu dans l’action en responsabilité contre le Président d’Infonie sur fondement de la responsabilité éditoriale. Le tribunal lui refusera cependant la qualité de directeur de la publication en révélant, sur rapport d’un expert, qu’il ne possède aucune maîtrise sur le contenu des informations avant leur mise en ligne. Dans un attendu fort bien motivé, les juges démontrent que le critère de la fixation préalable ne pouvait s’appliquer à l’activité d’Infonie dès lors qu’il n’existe aucun délai entre le transfert de fichiers effectué par l’abonné sur son site Web et la mise à disposition du public du contenu de ces fichiers[61]. Il s’agit là de la première décision française allant clairement à l’encontre de la mise en œuvre du système de responsabilité éditoriale. Malheureusement, une décision plus récente impose des obligations à la charge des hébergeurs au moins équivalentes à celles découlant du régime de la responsabilité éditoriale, mais en invoquant, cette fois-ci, la responsabilité de droit commun.

53. Le 8 décembre 1999, le Tribunal de grande instance de Nanterre condamnait ainsi trois hébergeurs pour atteinte au droit à l'image du mannequin Lynda Lacoste[62]. Celle-ci avait eu la désagréable surprise de découvrir des photos d’elle sur des sites aux noms évocateurs : Goutemoi et autres Parisvoyeur. Réalisés pour une publication dans la presse traditionnelle, les clichés litigieux représentaient la jeune femme dans le plus simple appareil. Or, à aucun moment la plaignante n'en avait autorisé la publication électronique. C'est pourquoi elle a assigné en réparation de son préjudice la société SPPI, un éditeur de sites à caractère érotique, ainsi que les sociétés Multimania, Esterel et Cybermédia. En invoquant les articles 1382 et 1383 du Code civil, le tribunal rappelle tout d'abord que les hébergeurs doivent respecter "une obligation générale de prudence et de diligence" et qu'ils doivent veiller au  respect du droit des tiers en mettant en œuvre "des moyens raisonnables d'information, de vigilance et d'action". Les juges remarquent cependant que la société Multimania s'était bien acquittée de son obligation d'information pour avoir incité ses membres, suite à l'affaire AlternB, à respecter le droit à l'image des mannequins. Jusqu'ici, tout allait bien pour les hébergeurs. Mais le tribunal reproche ensuite aux prestataires de n'avoir pas su prendre de mesures raisonnables pour détecter les contenus illicites et les supprimer de leurs serveurs. La décision du 8 décembre va donc très loin puisqu'elle impose aux hébergeurs une véritable obligation de surveillance et de censure préventive. Le régime de la responsabilité de droit commun serait donc tout aussi draconien que celui de la responsabilité éditoriale. Or, nous voyons mal de quelle manière les hébergeurs pourraient s’en libérer, étant donné que la solution préconisée par les juges – à savoir l’utilisation de dictionnaires avec recherche des contenus préjudiciables par mots clé – n’est guère efficace et n’en impliquerait pas moins un énorme travail de gestion pour les hébergeurs[63].

54. Ces deux dernières décisions témoignent bien du fait que les prestataires souffrent d’une incertitude juridique relative à l’ambiguïté de leur rôle d’intermédiaires. Nous avons vu jusqu’à présent que la jurisprudence ne parvient pas à fixer précisément leur niveau de responsabilité ainsi que les textes qui leurs sont applicables. Dès lors, il convient de s’intéresser à l’élaboration d’un système de responsabilité mieux adapté à notre problématique.

 

II. Vers un système de responsabilité adapté

55. L’Internet est difficilement assimilable à un média ordinaire. Au regard de ses caractéristiques particulières, il apparaît maladroit de vouloir réglementer les nouveaux acteurs sur le fondement des concepts figés du droit positif (A). Conscient de cette situation, le législateur a décidé d’intervenir afin d’éclaircire le sort des intermédiaires techniques (B).

A. Remise en cause de l’application des systèmes de responsabilité traditionnels

56. Nous devrons étudier dans un premier temps les données du nouveau paradigme de réglementation suscité par l’apparition de l’Internet avant de procéder à la critique de certaines analogies.

1. Quelques données pour un nouveau paradigme de responsabilité

57. La structure de l’Internet ressemble de près aux systèmes complexes de nature biologique et sociale définis par le sociologue Edgar Morin : "[Les organisations sociales et biologiques] sont complexes, parce qu’elles sont à la fois acentriques (c’est à dire fonctionnent de façon anarchique par interactions spontanées), polycentriques (qui ont plusieurs centres de contrôle ou d’organisation) et centriques (qui disposent en même temps d’un centre de décision)"[64]. Mais seulement les deux premières composantes de ces systèmes peuvent effectivement s’appliquer au réseau. Ainsi, l’Internet est polycentrique, car il possède plusieurs centres indépendants d’un "centre nerveux" unique[65]. L’Internet est également acentrique en ce que son organisation s’établit d’une manière anarchique et indépendamment de chacun des centres d’accès. Or, aucun média ne présente à ce jour de telles caractéristiques. Par exemple, les journaux traditionnels fonctionnent, chacun à leur manière, d’une manière essentiellement centrique, dans la mesure où ils sont soumis au contrôle d’une personne physique ou morale unique, quand bien même elle posséderait de nombreuses ramifications. Le même constat s’impose pour les chaînes de télévision ou de radio qui sont également observées par un organe de surveillance tel que la Federal Communication Commission (FCC) aux États-Unis, le Conseil de la Radiodiffusion et des Télécommunications Canadiennes (CRTC) au Canada, ou le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) en France.

58. Aussi, les supports de diffusion, représentés par le disque dur des hébergeurs, sont étroitement dépendants du système global auxquels ils sont reliés. Ils peuvent recevoir de nombreuses données communiquées de n’importe quel point de la planète sans nécessiter l’intervention physique ou mécanique du fournisseur d’hébergement. Ce dernier ne participe à aucun moment au processus d’édition des contenus transmis par la voie du réseau. Les contenus sont automatiquement dévoilés au public dès que le transfert aura été opéré entre le disque dur de l’usager et celui de l’hébergeur. Là encore, ce système n’est en rien assimilable aux principes médiatiques usuels.

59. Les capacités d’interaction entre le public et ce nouveau médium sont donc très importantes. L’utilisateur peut importer n’importe quel type d’information sur son disque dur, la transformer puis la rediffuser en quelques minutes. Il est réellement maître de l’information qu’il met en ligne. Les intermédiaires techniques sont là pour lui ouvrir les portes d’un vaste champ d’expression dont ils ne peuvent maîtriser ni la teneur, ni la portée.

2. Critique des analogies impliquant un fort degré de responsabilité

60. Il peut paraître assez ironique d’avoir recours à un procédé analogique pour déterminer le rôle joué par les acteurs du numérique. Au delà de ces considérations d’ordre sémantique, certains auteurs dénoncent les limites de l’approche métaphorique: "Imposing legal metaphor […] would be unwise without differentiating the ways in which these providers represent different modes of information transport, not all of which have real-world counterparts" [66] . Ainsi, nous avons déjà vu que les acteurs de l’Internet pouvaient jouer des rôles différents selon qu’ils agissent comme fournisseurs d’accès ou fournisseurs d’hébergement, impliquant des modes de transports différents.

61. Nous craindrons bien plus le fait que certaines métaphores ne tiennent pas compte des spécificités inédites de l’Internet. Nous nous ferons donc l’écho de la critique de Cutera – "the legal system is trying to fit square pegs into round holes"[67] - en critiquant les analogies impliquant un système de responsabilité accrue.

62. D’une part, l’aspect acentrique et polycentrique du réseau rend illusoire toute tentative de contrôle du contenu en agissant ponctuellement sur l’un ou l’autre des nombreux centres d’accès. Les rendre fautifs du contenu illicite diffusé spontanément par des milliers d’autres personnes ne résoudrait rien au problème et risquerait d’impliquer indéfiniment leur responsabilité par l’effet de la constitution rapide de sites miroirs[68]. D’autre part, le pouvoir d’édition conféré aux utilisateurs démontre que la personne agissant véritablement en tant qu’éditeur sera celle qui aura pris l’initiative de créer le site Web et de mettre en ligne du contenu. En quelque sorte, l’hébergeur se contente de fournir la "matière première" nécessaire à l’élaboration numérique du site de son abonné.

63. Enfin, nous possédons maintenant suffisamment d’éléments pour répondre à l’assimilation effectuée par Denis Perier-Daville entre les FAI et les fournisseurs de service télématique sur fondement de la doctrine Gassin[69]. Alors que les responsables d’exploitation Minitel proposent un accès à un service dont ils ont nécessairement connaissance et qu’ils peuvent contrôler, les FAI offrent simplement une connexion à un réseau au sein duquel une multitude de serveurs prolifèrent indépendamment de leur volonté[70]. L’on voit tout de suite la difficulté se profiler : si la "publicité" est le fait des FAI, et que cela suffit à les considérer comme auteurs principaux, il faudrait alors assigner en justice la totalité des FAI pour chacun des délits commis sur l’Internet. Tenir les fournisseurs d’accès pour responsables de l’ensemble du contenu informationnel du réseau conduirait à une absurdité juridique. C’est à dire à considérer l’Internet comme un gigantesque corps collectif à la direction duquel seraient placés la multitude des FAI.

64. La solution de facilité consistant à faire peser l’ensemble des maux du réseau sur les FAI n’est vraisemblablement pas adaptée à la problématique actuelle[71]. L’Internet n’est pas un super Minitel placé sous la tutelle d’une ou plusieurs personnes morales. Du moins, celles-ci n’ont pas pour rôle de moraliser notre société. Malgré son aspect polycentrique, le réseau n’est pas non plus un corps collectif institutionnalisé dont il s’agit de sanctionner les têtes directrices (FAI). L’Internet est un vecteur de communication, un maillage de réseaux faisant participer une myriade d’acteurs : utilisateurs, éditeurs de sites Web professionnels et amateurs, fournisseurs d’hébergement… Ils constituent autant d’agents responsables suivant leurs degrés d’implication dans le processus de publicité, bien avant le simple fournisseur d’accès[72].

65. Tant que la jurisprudence demeure hésitante, il faudra sans doute attendre l’intervention du législateur pour que le statut des prestataires de services soit plus clairement défini.

B. Les initiatives législatives

66. Pour éviter que les incohérences ou l’incertitude de la jurisprudence ne se perpétue plus longtemps, l’intervention du législateur était sans doute souhaitable. Mais avant de définir un régime de responsabilité mieux adapté à la problématique du réseau, les réminiscences de l’ancien paradigme de réglementation des médias se sont parfois imposées sous sa plume.

1. Les réminiscences de l’ancien paradigme

67.  Nous analyserons succinctement deux projets de loi, l’amendement Fillon et le Communication Decency Act, qui démontrent d’une certaine manière la résistance de l’ancien paradigme. 

1.1. L’échec de l’amendement Fillon

68. Le 4 juin 1996, le Ministre français des postes et télécommunication avait déposé un amendement, destiné à insérer les articles 43-1, 43-2 et 43-3 dans la loi du 30 septembre 1986, sensé établir une exemption de responsabilité pénale pour les fournisseurs d’accès dès lors qu’ils remplissent deux conditions (art. 43-3). En premier lieu, ils devaient fournir un logiciel de filtrage à leurs abonnés, impliquant une sorte d’obligation de moyens (art. 43-1). En second lieu, ils devaient bloquer l’accès à tout service qui n’aurait été jugé contraire à la loi de 1986 par le nouveau Comité Supérieur de la Télématique (CST) (art. 43-2).

69. Alors que l’article 43-3 semblait instaurer une responsabilité d’exception pour les FAI[73], il s’agissait en fait d’une véritable présomption de responsabilité, les prestataires étant tenus de respecter à la lettre les avis du Comité supérieur de la télématique pour bénéficier d’une éventuelle exonération. Selon l’avocat de l’UEJF, Maître Lilti, dès lors que les exceptions de responsabilité sont trop larges, la loi ne change rien à la situation actuelle des FAI qui devront toujours s’assurer de la licéïté des contenus diffusés au travers de leur connexion[74]. C’était également l’opinion de l’Association des Utilisateurs d’Internet (AUI) selon laquelle l’article 43-3 établissait l’équivalent d’une véritable "obligation de résultat" pour le respecter les recommandations du CST[75], impossible a réaliser dans l’état actuel des techniques de filtrage[76].

70. Le CST allait ainsi devenir l’organe directeur de l’Internet français, une sorte de Léviathan, gouverneur de l’espace virtuel, conférant aux FAI la responsabilité d’exécuter ses décisions. C’était là une réminiscence flagrante de l’ancien paradigme de responsabilité car le CST s’investissait du rôle joué par le CSA pour la télévision française.

71. Mais l’autorité de cet organe menaçait de trop près le pouvoir du législateur, gardien des libertés publiques. Par conséquent, les articles 43-2 et 43-3 n’ont pu recevoir l’aval du juge constitutionnel[77]. Seul subsiste l’article 43-1, intégré dans la loi du 30 septembre 1986, mettant à la charge des FAI l’obligation de proposer à leurs abonnés "un moyen technique leur permettant de restreindre l’accès à certains services ou de les sélectionner". Le texte manque cependant de précision et de nombreux prestataires estiment qu’un simple logiciel de navigation suffit à satisfaire les exigences de la nouvelle disposition. Quant aux sanctions applicables, elles suscitent toujours l’interrogation. Certains auteurs proposent de se reporter à l’article 76 de la loi du 30 septembre 1986 sanctionnant d’une peine d’amende de 10 000 à 40 000 F les fournisseurs de service de communication audiovisuelle n’ayant pas respecté les dispositions du 7ème alinéa de l’article 43[78]. De son côté, le rapport Martin-Lalande considère que le défaut de fourniture d’un tel moyen n’est constitutif que d’une faute civile[79].

1.2. Les déficiences du Communication Decency Act américain

72. Portant modification de la loi sur les télécommunications de 1934, le CDA a été adopté en février 1996 pour réglementer les contenus obscènes, indécents et violents qui transitent notamment par des systèmes informatiques interactifs. Il définissait un régime de responsabilité impliquant aussi bien les utilisateurs que les intermédiaires. Les articles 223 (a) et (d) précisaient de manière générale que toute personne, qui utilise sciemment un service informatique interactif pour transmettre ou diffuser un contenu indécent, obscène ou manifestement choquant à une personne de moins de 18 ans, se rend coupable d’un crime. Le CDA contenait également de nombreuses clauses spécifiquement relatives au régime applicable aux "Access Providers", lequel impliquait la responsabilité des prestataires qui auraient sciemment permis l’utilisation de toute installation de télécommunication placée sous leur contrôle pour l’exercice d’une activité prohibée dans la loi[80].

73. A priori, le CDA était susceptible de prévenir les prestataires contre la mise en œuvre systématique de leur responsabilité, dès lors qu’ils n’ont pas connaissance des activités illicites perpétrées au travers de leurs installations. Mais que signifie exactement le terme "sciemment" ("knowingly") ? Ce dernier n’étant pas précisément défini dans le texte de la loi,  l’on pouvait se poser la question suivante : la responsabilité aurait-elle dû s’appliquer à chaque fois qu’un prestataire "sait" qu’un contenu illicite est disponible sur le Net[81] ? Si tel était le cas, le prestataire aurait dû filtrer systématiquement l’accès à tout contenu indécent, obscène ou manifestement offensant. Or, nous avons déjà vu que cette obligation est difficilement réalisable pour des raisons essentiellement techniques.  Aussi, les termes employés par la loi étaient beaucoup trop larges et trop vagues pour satisfaire aux principes de la liberté d’expression posés par le Premier amendement[82] et tendaient à transposer le paradigme de réglementation des médias ordinaires à l’Internet[83].

74. C’est pourquoi deux des principales dispositions du CDA[84] contestée par l’American Civil Liberties Unions (ACLU) ont été déclarées contraires à la constitution des États-Unis par l’arrêt de la Cour suprême Reno v. American Civil Liberties Union[85]. Mais d’importantes dispositions relatives à l’exonération de la responsabilité des prestataires ou des utilisateurs ont survécu à la censure de la Cour suprême. Celles-ci semblent justement mieux adaptée à la problématique du réseau.

2. L’exonération de responsabilité pour les prestataires Internet

75. En comprenant que les prestataires ne pouvaient être tenus systématiquement responsables, les législateurs américain et européen ont prévu de nombreuses clauses d’exonération en faveur des intermédiaires techniques.

2.1. Les clauses du "bon samaritain" aux États-Unis

2.1.1. Dans le nouveau Telecommunication Act

76. L’article 230 (c) du Telecommunication Act, modifié en 1996 et remanié depuis l’arrêt de la Cour suprême sur le CDA, rejette explicitement l’utilisation des métaphores engageant un degré de responsabilité élevé pour les prestataires Internet. L’alinéa premier stipule en effet qu’aucun fournisseur, utilisateur ou service informatique interactif ne devra être considéré comme l’éditeur ou le diffuseur des informations provenant d’un autre fournisseur de contenu[86]. L’on quitte ainsi le paradigme éditorial pour rencontrer le système de responsabilité réduit du transporteur.

77. Mais la responsabilité des prestataires auraient encore pu être engagée dès lors qu’ils ont eu connaissance de l’existence d’un contenu illicite ayant causé un préjudice et/ou impossible à supprimer. Pour éviter d’exposer les prestataires à de nombreuses actions civiles, l’alinéa 2 de l’article 230 (c) prévoit d’exonérer les intermédiaires qui ont entrepris "any action voluntarily taken in good faith to restrict access to or availability of material that the provider or user considers to be obscene, lewd, lascivious, filthy, excessively violent, harassing, or otherwise objectionable, whether or not such material is constitutionally protected", ainsi que "any action taken to enable or make available to information content providers or others the technical means to restrict access to material described in paragraph"[87].

78. Ces dispositions ont le mérite d’inciter les prestataires à filtrer ou à fournir les moyens nécessaires de filtrer les contenus illicites auxquelles ils donnent accès, sans soumettre la mise en œuvre de leur responsabilité à une "obligation de résultat". Nous pouvons ainsi considérer que, par l’application cumulative ou des deux alinéas de l’article 230 (c), l’affaire mettant en cause la société Prodigy aurait certainement abouti au prononcé d’une décision bien différente.

79. Néanmoins, les intermédiaires ne pourront pas bénéficier de la clause du "bon samaritain" pour toute enfreinte aux lois criminelles ou à la propriété intellectuelle (article 230 (d)), ce à quoi remédiera en partie le Digital Millenium Copyright Act.

2.1.2. Dans le Digital Millenium Copyright Act

80. La procédure d’exonération instaurée par le DMCA[88], adopté en 1998, est sensiblement  plus complexe que celle du Telecommunication Act. En substance, le prestataire n’engagera pas sa responsabilité lorsqu’il aura, de bonne foi,  supprimé ou bloqué l’accès aux données qui ont été emmagasinées en mémoire cache ou stockées sur son serveur, suite à la demande du titulaire du copyright ou lorsqu’il aura été mis au courant de l’existence d’une information visiblement protégée par les principes du copyright[89].

81. La loi précise que l’exonération ne pourrait avoir lieu si le prestataire est à l’origine du contenu, s’il l’a modifié, ou encore si la copie des données protégées durant le stockage intermédiaire ("intermediate storage") excède une durée "raisonnablement nécessaire". Elle ajoute également un certain nombre d’obligations spécifiques telle que l’obligation de développer une procédure spéciale permettant de bloquer l’accès ou le référencement des sites reconnus comme contrevenant aux principes du Copyright.

82. Avant tout, il est intéressant de relever que le DMCA libère expressément les prestataires d’une obligation de surveillance. Là encore, le système éditorial a été écarté. Pour autant, le législateur ne s’est pas contenté de recourir à la métaphore du simple transporteur, car les principes d’exonération sont bien plus complexes que ceux applicables aux "common carriers". Nous quittons ainsi le paradigme de responsabilité attaché aux médias traditionnels.

2.2. La Proposition de directive de la Commission européenne

83. Parue le 18 novembre 1998, modifiée le 1er septembre 1999, la Proposition de directive relative à certains aspects juridiques du commerce électronique instaure un principe d’exonération de responsabilité au bénéfice des intermédiaires, non seulement civile mais aussi pénal (article 12 à 15). Elle concerne "tous les types d’activités illicites auxquels se livrent des tiers en ligne". La proposition distingue alors le régime applicable aux prestataires selon qu’ils agissent comme "simple conduit" (article 12) ou comme hébergeur (article 14)[90].

84. Bien entendu, pour bénéficier de l’exonération, le FAI ne doit pas être à l’origine de la transmission. C’est à dire "qu’il ne doit pas être la personne qui prend la décision d’effectuer cette transmission". L’on retiendra ici que les fournisseurs d’accès n’engageront pas leur responsabilité pour le stockage intermédiaire et transitoire "qui a lieu au cours de la transmission de l’information pour permettre cette transmission".

85. Du côté des hébergeurs, leur responsabilité pourra être engagée s’ils ont une connaissance "effective" d’un contenu préjudiciable présent sur leurs services, notamment sur réception d’une notification. La Commission prévoit d’ailleurs la mise en place de procédures dites "notice and take down procedures" et encourage "des systèmes d’autoréglementation, y compris l’établissement de codes de conduite et de lignes directes". Mais il est précisé que les prestataires ne seront pas privés du bénéfice de l’exonération, lorsque l’existence d’une infraction a été portée à leur connaissance, s’ils prennent des mesures rapides pour retirer les informations illicites ou rendre leur accès impossible. Sous un tel régime, Valentin Lacambre aurait sans doute échappé à sa condamnation dans l’affaire Estelle Hallyday puisqu’il avait déjà pris les mesures nécessaires pour interrompre la diffusion du contenu illicite, avant même que le premier juge des référé n’ait eu à statuer en urgence

86. Enfin, de même que dans le DMCA, la proposition européenne ne met aucune obligation de surveillance du contenu à la charge des prestataires, qu’ils agissent comme fournisseur d’accès ou comme hébergeurs. Selon l’article 15, les prestataires ne peuvent en effet se voir imposer aucune "obligation générale de surveiller les informations qu'ils transmettent ou stockent, ou une obligation générale de rechercher activement des faits ou circonstances indiquant des activités illicites." Or, la décision du Tribunal de grande instance de Nanterre du 8 décembre 1999 avait reproché aux prestataires de ne pas avoir surveillé les contenus qu’ils hébergeaient. Là encore, une condamnation sur cette base ne serait plus possible après l’adoption définitive du texte communautaire[91].

87. Nous constaterons en définitive que la Proposition de directive s’est donc grandement inspirée des initiatives américaines. On y retrouve effectivement des principes d’exonération de responsabilité similaires, nourris des mêmes exceptions. Mais sa portée est bien plus large que l’une ou l’autre des lois américaines, puisqu’elle inclut tous les types d’infractions pénales et civiles.

 

Épilogue

88. Les lois spéciales que nous venons d’évoquer ont non seulement la vocation d’affranchir les prestataires techniques de la métaphore éditoriale, mais devraient aussi, en théorie, supplanter le droit commun dont l’application menace toujours les prestataires. Néanmoins, la Proposition de directive européenne n’est pas encore sortie de sa chrysalide. Entre la censure de l’amendement Fillon et l’adoption définitive de la directive, les prestataires français demeurent dans l’expectative.

89. L’on a pu croire un temps que leur problème serait résolu par l’élaboration d’une Charte de l’Internet, commanditée par l’ancien Ministre délégué aux postes et télécommunications, François Fillon. Fixée dans sa version définitive en mars 1997, la Charte rappelle les principales règles de droit applicables à tout procédé de communication audiovisuelle et de télécommunication. Elle devait surtout aboutir à l’institution du "Conseil de l’Internet", un organisme chargé de résoudre les conflits avant que l’on ne vienne frapper à la porte du juge[92]. Le point V, intitulé Avis relatifs aux Contenus et aux actions manifestement illicites, permettait au Conseil de s’adresser directement à l’auteur ou au responsable du site dont le contenu est manifestement illicite.

90. Les acteurs français ont donc pris conscience que les prestataires ne doivent plus être visés en première ligne. Cependant, la Charte et son Conseil ne pouvaient manifestement pas résoudre, à eux seuls, les points de droit qui importent tant aux principaux agents économiques de l’Internet. Le texte de la Charte n’a d’ailleurs jamais fait l’unanimité parmi eux, si bien qu’il s’est transformé en simple "manifeste"

91. Enfin, la condamnation de Valentin Lacambre par la Cour d’appel de Paris a eu le mérite de raviver le débat sur le statut des prestataires. Quelques semaines après le prononcé du jugement, Alain Madelin, président de Démocratie Libérale, s’est empressé de déposer une proposition de loi visant à déresponsabiliser les prestataires, suivi peu de temps après par le projet d’amendement Bloche voté en 1ère lecture par l'Assemblée nationale le 27 mai 1999[93].

92. Cependant, le premier projet n’établissait des principes d’exonération qu’au seul niveau pénal. Il n’aurait été d’aucun secours aux hébergeurs poursuivis au civil, comme ce fut le cas pour le gérant d’AlternB. Aussi, le nouvel article 42-2, qui était destiné à être inséré dans la loi relative à la liberté de communication, se proposait d’exonérer "les personnes intermédiaires techniques (…) sauf s'il est établi que ces personnes ont, en connaissance de cause, personnellement commis l'infraction, participé à sa commission, ou qu'ils n'ont pas accompli les diligences nécessaires à la faire cesser." Or, la nature ce ces "diligences nécessaires" aurait gagné à être définie, puisqu’il s’agit d’une notion très large que les juges du Tribunal de grande instance de Nanterre ont d’ailleurs utilisé, dans l’affaire Lacoste, pour aboutir à la condamnation des prestataires sur fondement des article 1382 et suivants.

93. De son côté, le second projet est plus rigoureux et répond sans doute mieux à l’esprit de la Proposition de directive du 18 novembre 1998. Sa dernière version, votée par l’Assemblée nationale le 23 mars 2000, instaure un système selon lequel la responsabilité du prestataire ne pourra être mise en jeu qu’à trois conditions (non cumulatives) : (1) si le fournisseur a lui-même contribué à la création ou à la reproduction du contenu, (2) si, dans les cas litigieux, le fournisseur n’a pas agi promptement pour empêcher l’accès à ce contenu et, enfin, (3) si le fournisseur n’a pas respecté les conditions d’accès au contenu d’un service un ligne ou à ses mises à jour telles que déterminées par les titulaires des droits (art. 43-6-2).

94. L’amendement Bloche prévoit également une parade aux problèmes liés à l’anonymat afin d’éviter que ne se reproduisent les fâcheuses conséquences de l’affaire AlternB. Remanié par le Sénat et l’Assemblée nationale, le nouvel article 43-6-3 oblige les prestataires à "détenir" et "conserver" les éléments d’identification des éditeurs de service en ligne. Ils sont également tenus, lorsqu’ils sont saisis par une autorité judiciaires, de lui "transmettre" les données en leur possession. Pour clore le tout, le gouvernement a également inséré un nouvel article 43-6-4 qui instaure une "obligation d’identification », cette fois-ci à la charge des éditeurs de services en ligne[94].

95. Ces principes demeurent soumis aux critiques. Sommairement, l’article 43-6-3 risque de s’opposer à certains principes relatifs à la protection de la vie privée des individus, dès lors qu’il oblige le prestataire à divulguer des données personnelles d’un individu qu’il aura préalablement collectées[95]. D’autre part, le projet devrait prévoir explicitement de libérer les prestataires d’une obligation générale de surveillance qui, comme nous l’avons vu, pourrait bien ressurgir par l’application du droit commun de la responsabilité.

96. Depuis 1996, le destin des prestataires se dessine lentement sous la plume d’un législateur hésitant. S’il semble convaincu par la nécessité de garantir la tranquillité des prestataires, il ne peut pas se résigner, du même coup, à le déresponsabiliser totalement. Il s’agit d’assurer le respect des lois en vigueur sans nuire à l’activité des "portiers" du commerce électronique. La nécessité d’adopter une loi protectrice pour les hébergeurs ne s’en fait pas moins ressentir. En dépit de leur verdict, les juges de l’affaire Lacoste semblent eux-mêmes regretter la lenteur législative en remarquant justement "une absence de régulation étatique et une autorégulation balbutiante".

 

Bibliographie

1. Ouvrages

2. Rapports

3. Articles

 


Lex Electronica     volume 6, numéro 1 (printemps 2000)


Notes

* DEA, M.A, Agent de recherche au CRDP, directeur de Juriscom.net (<http://www.juriscom.net>), étudiant à la Maîtrise "Droit des technologies de l’information" de l'Université de Montréal, email : lionel@juriscom.net.

[1] La plupart des numéros de la Revue internationale de droit public mentionnaient régulièrement, entre les années 60 et 80, les nombreuses affaires relatives aux radios offshore. Elles sont brièvement relatées dans Olivier ITEANU, Internet et le droit, aspect juridique du commerce électronique, Paris, Eyrolles, 1996. Voir également, Lionel THOUMYRE, "Zone de non-droit, au-delà du mythe", Planète Internet, n°24, novembre 1997, disponible sur Juriscom.net à l’adresse suivante : <http://www.juriscom.net/int/dpt/dpt03.htm>.

[2] Pour une histoire du navire Radio Caroline, voir le site World Wide Willis : <http://www-chel.anglia.ac.uk/~mwillis/caroline.htm>.

[3] Cette disposition est réaffirmée dans les articles 87, 88 et 89 de la convention sur le droit de la mer de 1982.

[4] Rappelons simplement que le mot "cyberespace" a été inventé par un auteur américain, William Gibson (dans le roman  Le Neuromancier), l’un des initiateurs du mouvement anarchiste "Cyberpunk". Le terme a été repris et appliqué à Internet par John Perry Barlow, libertaire convaincu co-fondateur de l’Electronic Frontier Fondation (EFF).

[5] Définie comme l’"ensemble des théories et des études sur les systèmes considérés sous l'angle de la commande et de la communication", selon le dictionnaire de la francophonie Hachette : <http://www.francophonie.hachette-livre.fr/cgi-bin/sgmlex2?C.SCIP.CL0810700>.

[6] Gorgias 511 d.

[7] Définit par William Gibson, le cyberespace est l’univers dissimulé derrière les systèmes informatiques, les téléphones et les terminaux. William GIBSON, Le Neuromancier, Paris, J’ai Lu, 1984.

[8] Par exemple, au regard de l’article 113-2 du Code pénal français, le juge est fondé à faire jouer la loi pénale nationale dès lors qu’un message illicite est reçu sur le territoire de la République.

[9] L’on distingue généralement trois principaux modes de communication sur l’Internet : le courrier électronique, les forums de discussion et les pages Web. Voir par exemple Etienne MONTERO, "Les contenus illicites sur Internet", Cahiers du CRID, n°12, 1997, p. 112. Nous restreignons précisément notre étude au troisième mode de communication, c’est à dire celui destiné à un large public : le Web.

[10] Citons à titre d’exemple les articles 24 et 29 de la loi française du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse pour la diffamation et les messages à caractère raciste et révisionniste, ainsi que les articles 227-23 et 227-4 du Code pénal français pour la répression de la pornographie juvénile.

[11] Pour une liste complète voir Thierry Piette-Coudol et André Bertrand, Internet et la loi, Paris, Dalloz, 1996, p. 88.

[12] Pour une analyse de la mise en œuvre du droit pénal sur Internet voir Jean-François CHASSAING, "L’Internet et le droit pénal", Dalloz, chro. 38e cahier, p. 329-334, 1996.

[13] Nous retrouvons des dispositions très proches dans l’article 1457 du Code civil du Québec.

[14] En particulier les articles 29 et 29 bis de la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse.

[15] Le Tribunal relève en effet que : "la seule indication du nom de Robert Faurisson comme auteur du texte incriminé, sur le tirage du document diffusé sur le réseau internet le 31 août 1997, n'est pas suffisante pour affirmer qu'il est responsable de cette publication accessible en France, cette indication ne revêtant aucun caractère d'authenticité ; qu'on ne saurait déduire du fond ou de la forme du discours incriminé un rapprochement avec des écrits antérieurs du prévenu , procédé qui relèverait du procès d'intention", TGI Paris, corr., 13 novembre 1998 : Legalis.net, <http://www.legalis.net/jnet/decisions/illicite_divers/correc_paris_1198.htm>.

[16] TGI Paris, corr., 28 janvier 1999 : Juriscom.net, <http://www.juriscom.net/txt/jurisfr/cti/tgiparis19990128.htm>. Dans son commentaire du jugement, l’ex-président de l’Union des Étudiants Juifs de France (UEFJ) démontrait que l’action n’était pas réellement prescrite en raison du fait que les écrits avaient fait l’objet d’une nouvelle publication sur le site du prévenu, faisant courir à nouveau le délai de prescription. Voir Alexandre BRAUN, "Prescription des délits commis sur l’Internet : une impunité qui ne dit pas son nom ?", Juriscom.net, mars 1999, <http://www.juriscom.net/pro/1/delit19990301.htm>. La Cour d’appel ira encore plus loin en déterminant l’existence d’une infraction continue, voir CA Paris, 14ème ch., 15 décembre 1999 : Canevet.com : <http://www.canevet.com/actua/archives/di-125.htm> ; commentaire Alexandre BRAUN, "Les infractions de presse commises sur Internet prennent un caractère continu", Juriscom.net, janvier 2000, <http://www.juriscom.net/pro/2/press20000110.htm>. Le pourvoi en cassation de Jean Louis Costes a été frappé de nullité, voir Cass crim., 21 mars 2000 : E-Law nº15-16, Juriscom.net, <http://www.juriscom.net/actu/achv/elaw/e-law15-16.htm#26>.

[17] Voir Michel VIVANT, "Cybermonde : Droit et droits des réseaux", JCP, Ed. G., n°43, p. 401-407, 1996.

[18] Michel VIVANT, op. cit., note 17, p. 405. L’auteur reconnaît qu’ "Une solution donnée à l’étranger en contradiction forte avec celle qui aurait pu être donnée dans le pays, surtout si cela emporte des conséquences pratiques importantes, aura pu de chances d’être avalisée par le juge requis de lui donner l’exequatur".

[19] "A-t-on jamais vu l’auteur du plus traditionnel "papier" antisémite, national d’un pays qui propage presque officiellement cette littérature, pouvoir être poursuivi dans son pays ?", Michel VIVANT, op. cit., note 17, p. 406.

[20] Michel VIVANT, op. cit., note 17, p. 407.

[21] Il s’agissait notamment de Calvacom, Eunet, Axone, Compuserve, Francenet et Imaginet. En cours d’instance, la demande a néanmoins modifié sa plainte pour demander simplement aux fournisseurs d’accès la création d’une charte de déontologie ; TGI Paris, réf., 12 juin 1996, Réf.53061/96 : AUI.fr, <http://www.aui.fr/Affaires/UEJF/ordonnance.html> ; DIT, vol. 2, 1997, p. 36. Pour un commentaire voir Alain Weber, "Droit de l’Internet – A la recherche de pierres angulaires", Expertise, n°196, juillet-août 1996, aussi disponible sur Legalis.net, <http://www.legalis.net/jnet/commentaires/Weber.htm>.

[22] TGI Paris, réf., 9 juin 1998 : Legalis.net, <http://www.legalis.net/jnet/decisions/responsabilite/ord_0698.htm> ; CA Paris, réf., 10 février 1999 : Legalis.net, <http://www.legalis.net/jnet/decisions/illicite_divers/ca_100299.htm>.

[23] Valentin Lacambre affirmait sur le site du quotidien Libération : "je n'ai jamais refusé de fournir les informations permettant de lever l'anonymat d'un auteur ayant publié un contenu délictueux sur mes serveurs d'hébergement Internet. Pas plus dans ce cas que dans aucun autre. En fait personne, ni les avocats de Estelle Hallyday, ni la police, ni la justice n'ont cherché à connaître l'auteur du site Web incriminé.", ce texte n’est plus en ligne actuellement mais l’on retrouvera les opinions de Valentin Lacambre à l’adresse suivante : <http://altern.org/defense>.

[24] Selon l’article 93.3, le directeur ou le codirecteur de la publication sera poursuivi comme auteur principal des infractions définies par la loi du 29 juillet 1881, à défaut, l’auteur, et à défaut de l’auteur, le producteur sera poursuivi comme auteur principal. Pour une analyse de ces dispositions voir Michel VIVANT (dr.), Lamy droit de l’Informatique, Paris, Lamy, 1999, n°2344.

[25] Voir Claude Debbasch, Droit de l’audiovisuel, Paris, Dalloz, 1995, p. 380 ; Jean-François Chassaing, op. cit., note 12, p. 334. Mais le critère de la fixation dépasse celui de la connaissance exigé par le droit commun car il suffit à mettre en œuvre la responsabilité de l’éditeur, quand bien même ce dernier n’aurait pas réellement eu connaissance du contenu litigieux.

[26] Voir Jean-François CHASSAING, op. cit., note 12, p. 330.

[27] Voir notamment Frédérique OLIVIER et Éric BARBRY, "Des réseaux aux autoroutes de l'information : révolution technique ? révolution juridique ? 2.- Du contenu informationnel sur les réseaux", JCP, Ed. G, n°19, Doctrine 3928, p. 179-186, 1996 ; Xavier-Linant DE BELLEFONDS, "Internet et le statut de l’information : quelles règles du jeu ?", Gazette du Palais, II, 1996, p. 1071 et Yann BRÉBAN, "La responsabilité des acteurs de l’Internet", Gazette du Palais, II, 1996, p. 1302. Notons encore que le Service Juridique et Technique de l'Information et de la Communication (SJTIC) assimile également les services d'information en ligne à des services de communication audiovisuelle définie à l'article 2 de la loi du 30 septembre 1986 comme "la mise à disposition du public par tout procédé de télécommunication de signes, signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature qui n'ont pas le caractère d'une correspondance privée."

[28] C’est pourquoi la déclaration est rendue obligatoire sous peine de 3000 à 6000 F d’amende.

[29] Pierre MARTIN-LALANDE, Rapport "Internet, un vrai défi pour la France", mai 1997, <http://www.telecom.gouv.fr>. D’ailleurs, presque trois ans après la publication de ce rapport, seulement un millier de sites Web avaient fait l’objet d’une telle déclaration. C’est pourquoi le CSA a accepté, en février 2000, que l’on procède à la suppression de la formalité de la déclaration préalable au sein du projet de réforme de la loi relative à la liberté de la communication audiovisuelle (pour plus de détails, voir l’épilogue).

[30] Le rapport Bourdier recommandait en 1997 la création de consacrer la labialisation des titres  de presse : "Véritable label ayant une valeur marchande, il est essentiel de le protéger afin de lui conserver sa notoriété et sa crédibilité (…). Afin, d’une part,  d’opérer une distinction claire - aux yeux des annonceurs comme du public - entre services d’information en ligne et services de communication, et de garantir d’autre part la fiabilité des informations énoncées, les entreprises de presse auraient intérêt à mettre en œuvre un label commun. Ce label, qui devra être recherché en concertation avec l’ensemble des parties concernées : éditeurs, journalistes, associations de consommateurs, serait apposé par quelque procédé technique que ce soit et permettrait d’identifier du premier coup d’œil un service d’information soucieux d’apparaître comme tel.", voir Jean-Charles BOURDIER, Rapport "La presse et le multimédia", mars 1997, <http://www.telecom.gouv.fr/francais/lois-rapp/rapportbo.htm>.

[31] Selon l’article 121-7 du Code pénal "Est complice d'un crime ou d'un délit la personne qui sciemment, par aide ou assistance, en a facilité la préparation ou la consommation."

[32] Voir notamment Pierre TRUDEL (Dr.), Droit du Cyberespace, Montréal, Éditions Thémis, 1997, p. 5-10.

[33] Voir notamment Michel VIVANT (Dr.), Lamy droit de l’Informatique, op. cit., note 24, n°2376 à 2377.

[34] TGI Draguignan, corr., 15 mai 1992 : Petites Affiches, n°141, p.12, 1992, obs. Jérôme Huet.

[35] Voir par exemple Anderson v. New York Tel. Co., 320 N.Y. 2d 647 (N.Y. 1974). Notons également que la Cour suprême du Canada a pu faire peser une responsabilité de type éditoriale sur les compagnies de télégramme lorsqu’elles transmettent des messages destinés à être publiés. Voir Dominion Telegraph Co. v. Silver, (1882) 10 S.C.R. 238 cité dans Pierre TRUDEL (Dr.), op. cit., note 32, p. 5-11. Mais cette doctrine se comprend mieux pour les compagnies de télégramme dans la mesure où la diffusion d’un message exige la coopération" consciente" d’un employé de la compagnie.

[36] Ce raisonnement a été grandement insufflé par la doctrine américaine, voir notamment Henry H. PERRITT Jr., "The Congress, the Courts and Computer based Communication Networks : Answering Questions About Access and Content Control", Villanova Law Review, Vol 38, n°2, 1993, p. 337 à 339 ; David J. LOUNDY, "E-Law4", Seattle University Law Review, vol. XXI n° 4, été 1998, <http://www.loundy.com/E-LAW/E-Law4-full.html>.

[37] Pierre TRUDEL (Dr.), op. cit., note 32, p. 5-2.

[38] Smith v. California 361 U.S. 147 (1959).  

[39] Il s’agit ici du  ""know or have reason to knowminimum standards of liability" défini par la jurisprudence américaine. Voir par exemple Seton v. American News. Co., 133 F. Supp. 591 (N.D. Fla. 1955).

[40] Cubby, Inc v. Compuserve, 776 F. Supp. 135 At 137 (1991).

[41] "[La] responsabilité [du prestataire] serait conditionnée par la nécessité de porter à son attention le caractère problématique de l’information se trouvant sur un site relevant en tout ou partie de son contrôle", Pierre TRUDEL (Dr.), op. cit., note 32, p. 5-9.

[42] Le texte est disponible sur le site de Démocratie libérale : <http://www.democratie-liberale.asso.fr/>.

[43] Son message de soutient adressé le 25 février 1999 à Valentin Lacambre, gestionnaire du service AlternB, est disponible à l’adresse suivant : <http://www.altern.org/defense/Strauss-Kahn.html>.

[44] Statton Oakmont v. Prodigy Services Co.N.Y. Misc. LEXIS 229, N° 31063/94 (1995).

[45] La cour relève deux différences fondamentales avec l’affaire Cubby : "The key distinction between Compuserve and Prodigy is two fold. First, Prodigy held itself out to the public and its members as controlling the content of its computer bulletin boards. Second, Prodigy implemented this control through its automatic software screening program, and the guidelines which Board Leaders are required to enforce." 

[46] Etienne Montero relève un certain nombre de facteurs qui ont guidé la décision de la cour : "l’image donnée par Prodigy dans sa publicité était celle d’un fournisseur de service pour les familles ; la société laissait entendre qu’elle opérait un certain contrôle sur le contenu ; Prodigy avait publié à l’attention des usagers des règles de conduites relatives aux contenus mis sur le réseau (afin d’éviter l’atteinte aux bonnes mœurs) ; la société utilisait un programme de tri permettant l’élimination des messages contenant des termes "incorrects" (…).", Etienne MONTERO, "Les responsabilités liées à la diffusion des contenus illicites sur Internet", Cahiers du CRID, n°12, 1997, p. 131.

[47] De même,  une récente jurisprudence a refusé de suivre la solution du jugement  Statton Oakmont v. Prodigy Services. Dans une nouvelle affaire impliquant le prestataire Prodigy, la Cour d’appel de New York a considéré, cette fois-ci, que le rôle du prestataire ne pouvait être assimilé à celui d’un éditeur (publisher) et devait donc échapper à l’important degré de responsabilité traditionnellement supportée par la profession éditoriale : Lunney v. Prodigy Services [2000]. Pour plus d’information, voir E-Law nº15-16, Juriscom.net, <http://www.juriscom.net/actu/achv/elaw/e-law15-16.htm#8>.

[48] Ces caractéristiques sont étayées dans notre seconde partie.

[49] Sur la question des "monstres juridiques" voir Jean-Pierre BAUD, L’affaire de la main volée - Une histoire juridique du corps, Paris, Seuil, 1993, p. 71 à 76.

[50] Voir Elisabeth AUVILLAIN, "Barrage sur les autoroutes sexuelles de l’Information", Le Soir, 1er janvier 1996.

[51] Local Court [Amtsgericht] Munich File No.: 8340 Ds 465 Js 173158/95, la décision est disponible en anglais sur le site Cyber-Rights.org, <http://www.cyber-rights.org/isps/somm-dec.htm>. Il est étonnant de constater que le parquet de Munich avait pris la défense du prévenu. Selon une procédure très rare, le parquet a décidé de faire appel de la décision évoquée ci-dessus : annonce AFP du 5 juin 1998.

[52] Felix Somm a finalement été acquitté par un arrêt de la Cour d’appel de Munich du 17 novembre 1999, voir l’annonce de Francis SECOND, Canevet.com, <http://www.canevet.com/jurisp/compu2.htm>.

[53] L’arrêt confirmé de la Cour d’appel d’Amiens a considéré que l’auteur principal du délit commis par la publicité de messages à caractère pornographique ne pouvait être que le fournisseur de service. CA Amiens, 30 juillet 1991, confirmé par Cass. Crim., 17 nov. 1992 : JCP 1993, éd. G, IV, 598.

[54] Denis PERIER-DAVILLE, "Internet : Du rêve au Cauchemar", Gazette du Palais, I, 1996, p. 178.

[55] Raymond GASSIN, "Le "minitel rose" devant la chambre criminelle de la Cour de cassation", Cahier Lamy Droit de l’informatique, février 1991 (C), p. 2.

[56] TGI Paris, réf., 9 juin 1998 : Legalis.net, <http://www.legalis.net/jnet/decisions/responsabilite/ord_0698.htm>.

[57] Voir Lionel THOUMYRE, "Les hébergeurs dans les filets de la justice", Netsurf, n°30, janvier 1999, p. 16, disponible sur Juriscom.net : <http://www.juriscom.net/int/dpt/dpt08.htm>.

[58] CA Paris, réf., 10 février 1999 : Legalis.net, <http://www.legalis.net/jnet/decisions/illicite_divers/ca_100299.htm>.

[59] Voir <http://altern.org/defense>.

[60] Sur ce sujet voir Lionel THOUMYRE et Thibault VERBIEST, "Le mannequin et l’hébergeur", Juriscom.net, 25 février 1999, <http://www.juriscom.net/pro/1/resp19990225.htm>.

[61] Les juges précisent en effet qu’ "une fois le traitement informatique d’ouverture du site personnel de l’abonné effectué, il n’existe aucun délai entre l’opération consistant pour l’abonné à transférer un fichier créé par lui et son accessibilité sur Internet. Ce transfert se produit de manière automatique. (…) Le fichier modifié ou ajouté sur le site de l’abonné n’est pas stocké ou fixé par la société Infonie avant sa mise en ligne par l’abonné sur les pages personnelles", TGI Putaux, 28 septembre 1999 : Afa-France.com, <http://www.afa-france.com/html/action/jugement.htm>.

[62] TGI Nanterre, 8 décembre 1999 : Juriscom.net, <http://www.juriscom.net/txt/jurisfr/img/tginanterre19991208.htm>.

[63] A mentionner encore, l’affaire "Calimero" où le Tribunal de Grande instance de Paris du 24 mars 2000 condamne à nouveau Valentin Lacambre pour avoir accepté d’héberger un site reproduisant, dans son adresse et son contenu, une marque renommée (Calimero). Ils admettent qu’il ne peut reposer sur le prestataire "une présomption de connaissance du contenu des sites qu’il héberge", mais ils ajoutent que Valentin Lacambre "ne pouvait pas ignorer le nom de domaine et l’adresse du site de Monsieur G. et donc que ce nom était exclusivement constitué de la reproduction servile d’une marque renommée…", pour engager finalement sa responsabilité sur le fondement de l’article 1382 du Code civil. La mise en œuvre de cette responsabilité semble avoir été renforcée par le maintien d’un lien hypertexte, sur le serveur Altern.org, entre l’ancienne adresse contrefaisante et la nouvelle adresse du site de Monsieur G. Voir E-Law nº15-16, Juriscom.net, <http://www.juriscom.net/actu/achv/elaw/e-law15-16.htm#25>.

[64] Edgar MORIN, Science avec conscience, Paris, Fayard, Point Seuil, 1990, p. 168.

[65] Joel Reidenberg recourt également à l’aspect polycentrique du réseau pour démontrer la réalité d’un nouveau paradigme de gouvernance  : "Governance in the network environment suggests a need to recognize network systems as semi-sovereign entities.", Joel R. Reidenberg, "Governing networks and Rule-Making in Cyberspace", Emory Law Journal, n°45, 1996, <http://www.law.emory.edu/ELJ/volumes/sum96/reiden.html>.

[66] Anne W. Branscomb, "Anonymity, Autonomy and Accountability: Challenges to the First Amendment in Cyberspace", Yale L.J., 104, 1995, p. 1639, cité dans Michel Racicot, Mark S. Hayes, Alec R. Szibbo, Pierre TRUDEL, "Étude de la responsabilité relative au contenu circulant sur Internet", Strategis, 11 mars 1997, <http://strategis.ic.gc.ca/SSGF/it03239f.html#E9E13>.

[67] Terri A. CUTERA, "Computer Networks, Libel and the First Amendment", Computer L.J., 11, 1992, cité dans Pierre TRUDEL, op. cit., note 32, p. 5-2.

[68] L’affaire Compuserve Allemagne est très significative. L’accès à plus de 200 sites avaient été bloqué par la compagnie américaine suite à l’intervention des autorités judiciaires. Or, certains d’entre eux ont rapidement constitué des sites miroirs et restaient toujours disponibles à travers les services de Compuserve Allemagne.

[69] Voir §43.

[70] "Dès l’instant où [les FAI] ne disposent pas de réels moyens de contrôle des contenus, il y a quelque artifice à leur imposer une telle responsabilité", Etienne MONTERO, "La responsabilité civile des médias", in Prévention et réparation des préjudices causés par les médias, Larcier, 1998, p. 104.

[71] Le rapport français Falque-Pierrotin préconise d’ailleurs une exonération de principe au profit des FAI. Voir Isabelle Falque-Pierrotin, Rapport "Les technologies de l’information", 16 mars 1996 - 16 juin 1996, <http://www.telecom.gouv.fr/francais/activ/techno/rapfalq00.htm>.

[72] Etienne Montero dénonce les risques attachés à l’instauration d’une responsabilité de principe pour les FAI : "On ne serait pas loin, ce faisant, de mettre[à la charge des FAI] une véritable responsabilité objective, avec, pour effet pervers, de créer une quasi-immunité au bénéfice des fournisseurs de contenus et, partant, de les "déresponsabiliser" largement. En outre, pareille solution pourrait, à terme, menacer le caractère international du phénomène Internet", Etienne MONTERO, "La responsabilité civile des médias", op. cit., note 70, p. 104.

[73] Voir l’article 43-3 : "Les personnes mentionnées à l’article 43-1 ne sont pas pénalement responsables (...) si elles ont respecté les dispositions...".

[74] Voir Yves EUDES, "Vers une tutelle pour l’Internet français", Le Monde, supplément multimédia, 10 juin 1996, p. 32.

[75] "L'article 43-3 impliquait une obligation de résultat de la part des fournisseurs d'accès à Internet, sous peine d'encourir des poursuites pénales pour non respect d'un avis qui aurait été émis par le CST.", voir : <http://www.aui.fr/Communiques/constit-25juillet.html>.

[76] Les techniques de filtrage ne sont pas sûres à 100% et peuvent être contournées de diverses manières : connexion sur un re-routeur du côté de l’utilisateur, création de sites miroir du côté du diffuseur etc... Nous pensons ainsi que la loi aurait dû créer une exonération de responsabilité plus explicite pour les prestataires qui ont simplement mis en œuvre les moyens nécessaires au filtrage.

[77] Le Conseil constitutionnel s’est fondé sur l’article 34 de la Constitution, estimant que le rôle dévolu au CST empiétait sur celui du Parlement, seul organe compétent pour définir les modalités d’exercice des libertés publiques, et notamment de la liberté d’expression consacrée par l’article 11 de la Déclaration des Droits de l'Homme de 1789.  Décision n °96-378 DC du 23 juillet 1996, JO du 27 juillet 1996.

[78] Yann Bréban, "La responsabilité des acteurs de l’Internet", Gazette du Palais, II, 1996, p. 1302.

[79] Pierre Martin-Lalande, Rapport "L'Internet : un vrai défi pour la France", avril 1997, <http://www.telecom.gouv.fr/francais/activ/techno/rapportpml00.htm>.

[80] Mentionnons ici l’existence d’un projet de loi similaire au Canada visant plus précisément à lutter contre le fléau de la pornographie juvénile sur Internet : le C-424. Ce texte soumet les fournisseurs d'accès à la délivrance de licences par le CRTC. Les conditions de cette délivrance seraient définies par règlement pris par le ministre de l'Industrie. Aussi, le projet rend obligatoire l'intervention des fournisseurs d'accès afin de restreindre le recours au réseau pour la publication ou diffusion de pornographie juvénile ou en vue de l'accomplissement d'une infraction sexuelle impliquant un enfant. Selon l’article 5 "Il est interdit à tout fournisseur d'accès au réseau Internet de permettre sciemment que ses services :a) servent à la diffusion, la visualisation, la lecture, la reproduction ou la récupération de pornographie juvénile sur le réseau ; b) soient utilisés par une personne qu'il sait avoir été reconnue coupable d'une infraction à la présente loi au cours des sept dernières années ; c)soient utilisés par une personne qu'il sait avoir utilisé le réseau Internet au cours des sept dernières années à des fins qui seraient considérées comme une infraction à la présente loi." Mais le FAI qui a eu connaissance qu'une personne utilise ses services ou ses équipements pour commettre une infraction sera tout de même exonéré de sa responsabilité s’il remplit trois conditions cumulatives (art. 6 (3)), c’est à dire qu’il devra interrompre les services à cette personne ; prendre toutes les "mesures raisonnables" pour supprimer du réseau tout document interdit et en interdire l'accès et, enfin, informer le ministre de l'identité de la personne, de la nature du document et des moyens d'accès dont d'autres peuvent disposer.

[81] "(…) it is unclear whether the CDA puts access providers and on-line services at risk of criminal prosecution simply for allowing users access to their on-line systems, whether or not they produced the prohibited content, because the terms ''knowingly'' and ''intent'' are not defined.", Richard Raysman et Peter BROWN, "Liability of Internet Access Provider Under Decency Act", The New York Law Journal, mars 1996, <http://www.brownraysman.com/publications/techlaw/complaw31296.html>.

[82] Voir notamment Richard Raysman et Peter BROWN, "Reno v. ACLU: The First Amendment Meets the Internet", The New York Law Journal, juillet 1997,
<http://www.brownraysman.com/publications/techlaw/cllj797.html>.

[83] Voir Karim BENYEHLEF, "ACLU v. Reno : pour la reconnaissance d’un régime propre à l’Internet au regard de la liberté d’expression", Lex Electronica, Vol. 3, N°2, 1997,
<http://www.lex-electronica.org/articles/v3-2/benyekhl.html>.

[84] Il s’agit des articles 223 a) et d) que nous avons mentionné, qui interdisaient "the knowing transmission of obscene or indecent mesages to any recipient under 18 years of age" et "the knowing sending or displaying of patently offensive messages in a manner that is available to a person under 18 years of ages" ; Voir Karim BENYEHLEF, op. cit., note 83. 

[85] Reno v. American Civil Liberties Union, No. 96-511, 1997 U.S. LEXIS 4037 (June 26, 1997).

[86] 230(c) PROTECTION FOR ‘GOOD SAMARITAN’ BLOCKING AND SCREENING OF OFFENSIVE MATERIAL - (1) TREATMENT OF PUBLISHER OR SPEAKER : "No provider or user of an interactive computer service shall be treated as the publisher or speaker of any information provided by another information content provider."

[87] Pour un commentaire de ces dispositions, voir David J. LOUNDY, "E-Law4", Seattle University Law Review, vol. XXI n° 4, été 1998, p. 1090, <http://www.loundy.com/E-LAW/E-Law4-full.html>.

[88] Un résumé du Digital Millenium Copyright Act est disponible à l’adresse suivante : <http://www.ala.org/washoff/osp.html>.

[89] Voir Richard Raysman et Peter BROWN, "Digital Millenium Copyright Act:
Copyright Law for the Digital Age", The New York Law Journal, décembre 1998, <http://www.brownraysman.com/publications/techlaw/nylj1298.htm>.

[90] Le 28 février 2000, le conseil a arrêté une position commune sur cette Proposition de directive. Le texte est disponible dans sa dernière version à l’adresse suivante : <http://www.ispo.cec.be/Ecommerce/legal/documents/2000_386/sec_2000_0386_f_fr_acte.pdf>.

[91] La position commune de février 2000 ajoute toutefois un nouveau paragraphe 2 à l’article 15 qui précise que "la directive n’empêche pas les États membres d’instaurer, pour les prestataires de services de la société de l’information, l’obligation de coopérer avec les autorités compétentes."

[92] Le texte précise alors que "la Charte, les Avis et Recommandations élaborés par le Conseil de l'Internet ont vocation à acquérir une valeur de référence pour l'autorité judiciaire".

[93] Les deux projets de loi sont disponibles sur Juriscom.net : <http://www.juriscom.net/txt/loisfr/pl19990300.htm> (projet Madelin) et <http://www.juriscom.net/actu/achv/elaw/e-law10.htm> (projet Bloche).

[94] La dernière version du projet est disponible sur le site de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante : <http://www.assemblee-nationale.fr/2/pdf/ta0473-01.pdf>. Pour une revue des modifications de l’amendement Bloche, voir E-Law nº15-16, Juriscom.net, <http://www.juriscom.net/actu/achv/elaw/e-law15-16.htm#21>.

[95] Sur cette question voir notamment Sébastien CANEVET, Rapport "La responsabilité des acteurs et des intermédiaires techniques", décembre 1999, <http://www.canevet.com/divers/MATIGNON.RTF>.

 


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